Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement tend à modifier le code de la construction et de l’habitation, le code de la sécurité sociale et le code de l’action sociale et des familles, en vue de conditionner l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière.
Seraient concernés les allocations familiales, la prestation de compensation du handicap, l’aide personnalisée au logement (APL) et le droit au logement opposable.
Mme Valérie Boyer. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 625.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il vient d’être défendu : l’amendement qui nous a été présenté par Mme Eustache-Brinio a le bon goût d’être identique à celui des rapporteurs !
Je le dis avec prudence, je l’avoue : je sais à quoi je m’expose. C’est en effet le grand retour de l’appel d’air : la disposition qui vous est proposée est conçue comme une disposition « anti-appel d’air », puisqu’il s’agit de décaler de cinq ans le moment à partir duquel la personne entrée sur le territoire pourra bénéficier de nos aides.
J’imagine assez le type de grief ou de reproche auquel nous nous exposons. Reste que les motifs de l’amendement sont très clairs.
Il nous semble, du point de vue de la solidarité nationale, qu’il n’est pas scandaleux d’aménager une sorte de délai de franchise ou de viduité – je ne sais comment l’appeler –, avant que le plein bénéfice des dispositions sociales dites non contributives ne soit acquis à l’étranger.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, je veux dire à la représentation nationale que des dispositions analogues existent déjà, notamment dans notre droit ultramarin.
À Mayotte, par exemple, le législateur et tous les gouvernements, quels qu’ils soient, qui ont successivement eu à traiter de la question mahoraise ont considéré qu’il était opportun d’instaurer un décalage, pour ce qui est du versement des prestations non contributives – je pense par exemple au revenu de solidarité active (RSA) –, lié à une condition de durée du séjour régulier sur le territoire. Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que de telles dispositions, indépendamment de leur particularité ultramarine, n’avaient pas à être censurées.
Le principe d’un décalage dans le temps du bénéfice des prestations s’applique donc déjà, dans certains cas, aux étrangers dont le séjour est régulier, mais qui viennent d’arriver sur le territoire, et il s’appliquait y compris lorsque les socialistes étaient aux responsabilités.
S’il ne s’agit de viser que des prestations non contributives, comme y ont très bien pourvu, par leur rédaction, les rapporteurs et Mme la sénatrice Eustache-Brinio, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur ces amendements, signe de l’attitude constructive du Gouvernement.
Il restera à l’Assemblée nationale à examiner un certain nombre d’éventuels effets de bord, qui se rapportent notamment à l’allocation aux adultes handicapés.
Cette prestation me paraît en effet celle pour laquelle le décalage prévu est le plus contestable, puisqu’il ferait naître des situations dans lesquelles des personnes que le handicap empêche de vivre d’un travail ne toucheraient plus cette allocation pourtant versée, en principe, en compensation de ce non-travail, alors même qu’elles séjournent régulièrement sur le territoire. Pour les autres prestations, le principe du décalage me paraît beaucoup moins contestable.
Je veux dire ici, en revanche, en prévision d’éventuelles autres discussions, qu’il n’est en aucun cas possible, évidemment, de décaler le bénéfice des prestations contributives.
Ce n’est pas ce que vous proposez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j’entends parfois parler, dans le débat public, des allocations chômage ou des pensions de retraite. Il est évident que les personnes qui paient des cotisations doivent bénéficier des prestations afférentes dès le premier jour de leur présence sur le territoire national. Il n’est nullement question dans ces amendements de remettre en cause ce principe, mais je souhaitais que cela soit bien précisé, à l’attention du Conseil constitutionnel.
Je réitère donc mon avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je veux être certaine de bien comprendre, mes chers collègues : vous proposez de décaler le versement des allocations familiales, c’est-à-dire des allocations qui sont versées, pour certaines, comme la prime de naissance, sous conditions de ressources, à l’arrivée du premier enfant,…
Mme Sophie Primas. Non, pas du premier !
Mme Laurence Rossignol. … puis du deuxième, etc. et des allocations familiales proprement dites, qui dépendent du nombre d’enfants du foyer.
Si c’est bien de cela qu’il s’agit, cela signifie que vous envisagez de priver d’allocations familiales, soit de prestations non contributives, les enfants de travailleurs en situation non pas irrégulière, mais régulière, qui paient des cotisations à l’Urssaf et à la branche famille.
Autrement dit, vous organisez la pauvreté d’enfants issus de familles qui sont régulièrement installées en France et qui travaillent en France. Vous ne pouvez pas être sérieux, mes chers collègues, ou alors c’est que nous touchons réellement le fond ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, madame Rossignol, on ne perçoit pas de prestations dès le premier jour au motif que l’on a un enfant. En effet, les étrangers qui arrivent sur le sol national ne perçoivent pas d’allocations familiales pendant au moins six mois, et ce décalage a été admis lorsque vous étiez en responsabilité, madame Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Entre six mois et cinq ans, il y a de la marge !
M. Gérald Darmanin, ministre. Sur ces amendements identiques, je m’en suis remis à la sagesse du Sénat, mais vous auriez pu les sous-amender, afin de réduire ce délai de carence à un, deux ou trois ans. Or vous ne l’avez pas fait !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons contre !
M. Gérald Darmanin, ministre. Il reste qu’un délai de carence n’est pas l’horreur absolue que vous venez de décrire, madame Rossignol,…
M. Thomas Dossus. Cinq ans, si !
M. Gérald Darmanin, ministre. … puisque vous étiez en responsabilité lorsque l’actuel délai de six mois a été instauré.
Le droit français prévoit déjà des décalages dans le versement de certaines prestations : les allocations familiales, mais aussi la prestation de compensation du handicap, dont le versement est conditionné à trois mois de résidence stable.
Du reste, si je comprends que les auteurs de ces amendements identiques entendent faire de la politique, je rappelle qu’il s’agit de dispositions réglementaires, dont le Gouvernement corrigera volontiers les éventuels effets de bord, notamment pour les personnes handicapées.
Quoi qu’il en soit, le droit français prévoit déjà des décalages dans le versement des compensations sociales non contributives.
Toute la question est de déterminer la bonne durée de ces décalages : doit-elle être de six mois, comme cela avait été arrêté lorsque vous étiez en responsabilité, madame Rossignol, ou de cinq ans comme cela est proposé aujourd’hui ? Nous pouvons tout à fait en discuter. De même, il faudra étudier les effets de bord que tendent à emporter ces amendements identiques.
Néanmoins, puisque des décalages existent déjà, il est inutile de monter sur vos grands chevaux comme vous l’avez fait, madame Rossignol, en dénonçant une telle disposition comme affreuse et indiscutablement antirépublicaine. La seule question pertinente porte sur le juste milieu qu’il convient peut-être de trouver entre six mois et cinq ans.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Six mois ou cinq ans, cela n’a rien à voir !
M. Gérald Darmanin, ministre. Au contraire, madame de La Gontrie ! Puisque vous avez vous-même déjà décalé le versement des prestations, vous ne pouvez pas prétendre qu’un camp du bien s’opposerait au camp du mal.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous avons rappelé qu’il existe déjà, dans notre droit, un délai de trois mois pour le versement de la prestation de compensation du handicap et un délai de six mois pour le versement des allocations familiales.
Je souhaiterais à présent que la commission et nos collègues qui ont déposé ces amendements identiques nous expliquent les raisons qui les ont amenés à fixer un nouveau délai de cinq ans.
J’estime que c’est la moindre des choses, car cela permettra, à nous, de délibérer en toute responsabilité, et à vous, mes chers collègues, de voter en toute conscience.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le délai de cinq ans correspond à la somme de la durée de validité d’une carte de séjour temporaire, qui est d’un an, et de celle d’une carte de séjour pluriannuelle, qui est de quatre ans. C’est aussi simple que cela, mon cher collègue.
Mme Audrey Linkenheld. Quel est le rapport ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce sont des gosses que l’on prive d’allocations !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Un délai de cinq ans est déjà prévu pour le versement du RSA aux personnes immigrées en situation régulière. J’imagine que les auteurs de ces amendements ont souhaité soumettre le versement des allocations familiales au même délai de résidence.
M. Pascal Savoldelli. Elle n’est pas mal, celle-là !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Savoldelli, je me borne à indiquer qu’un décalage de cinq ans existe déjà dans le droit pour le versement aux personnes immigrées qui se trouvent en situation régulière sur le territoire national d’une prestation telle que le RSA. J’imagine que, de manière homothétique, les auteurs des amendements ont proposé un délai identique.
En revanche, ce ne sont ni le Gouvernement ni l’actuel Parlement qui ont instauré ce décalage, et je ne connais pas les raisons qui avaient conduit à son adoption.
Mme Laurence Rossignol. Et qu’en pense la ministre des solidarités et des familles ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié quater et 625.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er J.
L’amendement n° 387 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 1er J
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard au 1er juin de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif au respect du droit à un recours effectif devant la Cour européenne des droits de l’homme en matière des contentieux relatifs à l’asile, à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Je constate que, contrairement aux Républicains, monsieur le ministre, vous êtes capable de justifier le choix d’un décalage de cinq ans. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est un fait, chers collègues !
Le 22 octobre dernier, monsieur le ministre, vous avez affirmé, dans un entretien accordé au Journal du dimanche – c’est un choix intéressant… – que vous vouliez passer outre le caractère suspensif des recours déposés devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Je rappelle que le droit à un recours effectif est un droit fondamental inscrit à l’article 13 de cette convention, à laquelle la France a souscrit en décidant démocratiquement d’être membre du Conseil de l’Europe et partie à la convention européenne des droits de l’homme.
Le présent amendement vise à doter le Gouvernement des données permettant de mesurer les impacts potentiels d’une telle décision sur le respect du droit à un recours effectif, qui est l’une des garanties fondamentales du respect des droits humains.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je vous remercie, ma chère collègue, d’avoir noté la différence entre un parlementaire de base et un ministre : je ne conteste pas que le ministre sait bien mieux répondre aux questions. (Sourires.)
M. Thomas Dossus. À celles des sénateurs Les Républicains, surtout !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. En ce qui concerne votre demande, la Cour européenne des droits de l’homme établit un rapport annuel, et il existe un comité de suivi de l’exécution des décisions de la CEDH, dont je n’exclus pas que vous puissiez consulter le compte rendu, ma chère collègue.
Cela dit, même un parlementaire peu avisé comprendra que votre demande de rapport est une invite malicieuse à l’attention du ministre, auquel il appartiendra de répondre. (Nouveaux sourires.)
En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour revenir au débat précédent, je précise que le décalage de cinq ans pour le versement du RSA a été inscrit dans le code de la sécurité sociale le 1er janvier 2016, sous le mandat de M. Hollande.
Il n’est donc pas si terrible de décaler le versement de prestations non contributives, puisque vous l’avez fait alors que vous étiez en responsabilité, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste. Il n’y a pas lieu de donner de leçon de morale. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Arrêtez, vous ne faites pas du stand-up, monsieur le ministre !
Mme Laurence Rossignol. On parle tout de même d’un décalage de cinq ans !
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Vogel, la CEDH, que je respecte bien entendu, ne prévoit pas que les recours sont suspensifs.
S’agissant de personnes sortant de prison, qui ont été condamnées pour terrorisme, qui ont commis des crimes et causé des morts, dont les services alertent sur la dangerosité, et après que le tribunal administratif, la cour d’appel et le Conseil d’État – excusez du peu – ont donné raison à l’État contre ces personnes qui déposent un recours non suspensif devant la CEDH, deux solutions s’offrent au ministre de l’intérieur.
Soit il maintient ces personnes dangereuses sur le territoire national en attendant le jugement de la CEDH, qui peut prendre deux ou trois ans, dans une forme de surtransposition des règles européennes ; soit il leur fait quitter le territoire pendant ces mois d’attente, quitte à les faire revenir si la CEDH leur donne raison.
Je le rappelle, il est question non de personnes qui ne présentent aucune dangerosité pour l’espace public, mais d’individus en situation irrégulière fichés pour terrorisme, condamnés pour des faits de terrorisme ou pour des crimes de sang et que les services du ministère identifient comme dangereux !
En tant que ministre de l’intérieur, madame la sénatrice, c’est mon honneur que d’appliquer toutes les dispositions prévues par l’État de droit. Le recours devant la CEDH n’étant pas suspensif, je renvoie ces personnes dans leur pays d’origine.
Vous l’aurez compris, je refuse clairement votre demande de rapport et émets un avis défavorable sur cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 387 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
ASSURER UNE MEILLEURE INTÉGRATION DES ÉTRANGERS PAR LE TRAVAIL ET LA LANGUE
Chapitre Ier
Mieux intégrer par la langue
Avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 572 rectifié, présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre IV du titre I du livre IV du code d’entrée et de séjour des étrangers et des demandeurs d’asile est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Droit à la formation linguistique
« Art. L. 414-9-…. – Dès la délivrance du récépissé de demande de titre, tout étranger résidant en France, quelle que soit la nature de sa demande, a le droit de recevoir une formation au français.
« Dans chaque département, le représentant de l’État recense et publie l’offre de formation linguistique dispensée dans chaque département par les associations, les services de l’État, de Pôle emploi et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Elle est régulièrement actualisée.
« Cette offre de formation au français est communiquée au moment de la délivrance du récépissé de demande de titre et de la délivrance du titre, adaptée à la nature du titre demandé. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a pérennisé le contrat d’accueil et d’intégration, devenu ensuite contrat d’intégration républicaine, qui rend l’apprentissage du français obligatoire aux personnes étrangères s’établissant en France.
Alors que d’autres pays de l’Union européenne, l’Allemagne et le Danemark notamment, ont fait le choix de reconnaître un droit des étrangers majeurs à la formation à la langue nationale, les limites de notre dispositif obligatoire sont évidentes.
Au Danemark comme en Allemagne, la distinction est faite entre l’obligation de cours de langue liée à l’arrivée sur le territoire et l’apprentissage linguistique sommaire, d’une part, et un droit à la formation linguistique pour tous les étrangers majeurs en situation régulière, droit activé trois ans au plus tard après l’arrivée sur le sol, d’autre part.
En Allemagne, le droit à cette formation linguistique est destiné notamment aux ressortissants européens et aux étrangers établis depuis plusieurs années sur le sol allemand. J’estime que cette reconnaissance d’un droit valorise l’importance de l’apprentissage de la langue.
Au-delà de la richesse culturelle que l’individu peut en tirer, une telle reconnaissance devrait être le ciment de notre politique d’accueil ; elle contribuerait à faciliter les échanges, ainsi que l’insertion dans la vie sociale et professionnelle et dans la société. Elle valoriserait de plus l’engagement des associations bénévoles, qui accompagnent les personnes étrangères dans leur apprentissage linguistique.
Le contrat d’intégration républicaine ne s’appliquant pas à l’ensemble des étrangers en France, toute une partie de la population étrangère ne bénéficie d’aucun accompagnement étatique dans son apprentissage linguistique.
Cet amendement vise donc à instaurer, hors du contrat d’intégration républicain, un droit à la formation linguistique pour toutes les personnes étrangères majeures en France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je suis navrée, ma chère collègue, mais j’avoue peiner à comprendre l’objet de votre demande.
Rien n’interdit à un étranger de se former au français ; il n’est nullement besoin de reconnaître un droit là où une faculté existe, me semble-t-il. L’information sur les offres de formation est de plus d’ores et déjà surabondante.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 235, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la politique de formation linguistique à destination des étrangers. Ce rapport dressera un état des lieux des moyens budgétaires et humains mis en œuvre pour cette politique, évaluera les délais dans lesquels les formations prescrites sont mises en œuvre par les organismes de formation, ainsi que les contraintes auxquelles font face les étrangers pour accéder à ces formations, notamment en termes d’éloignement géographique et de conciliation avec leur vie professionnelle et familiale.
La parole est à M. Mickaël Vallet.
M. Mickaël Vallet. Ne pouvant rehausser les moyens alloués à l’apprentissage de la langue, car nous nous serions alors heurtés à l’article 40 de la Constitution, le présent amendement vise à demander un rapport.
Non seulement nous ne contestons pas la nécessité, pour l’État, de fixer des exigences en matière d’apprentissage de la langue française par les étrangers qui entrent sur son sol, mais nous estimons que c’est là un enjeu majeur.
S’il est légitime que les étrangers aient des devoirs, nous avons pour notre part une obligation de moyens, pour ne pas dire des devoirs envers eux.
Or, nous sommes nombreux à le savoir, les organismes de formation sont pour la plupart saturés, les créneaux proposés sont parfois rares selon les régions, les délais d’attente sont longs et ces formations peuvent être difficiles d’accès, car elles sont géographiquement éloignées.
Cet amendement, que j’ai à cœur de défendre, vise donc à demander au Gouvernement un rapport évaluant la politique de formation linguistique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’agissant d’une demande de rapport, l’avis sera défavorable, d’autant qu’un certain nombre de documents budgétaires sont déjà disponibles, mon cher collègue.
Si vous souhaitez toutefois hausser les crédits alloués dans ce cadre, je vous invite à le proposer dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. Permettez-moi d’apporter quelques éléments complémentaires, mes chers collègues.
La semaine dernière, dans cet hémicycle, nous avons débattu des questions linguistiques, par le biais de la proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive présentée par la majorité sénatoriale. À cette occasion, il a été noté par un certain nombre d’entre nous que la France, en dépit du discours tenu par le Président de la République la semaine dernière à Villers-Cotterêts, auquel on ne peut que souscrire, n’a pas de politique linguistique nationale.
Sans vous faire injure, monsieur le ministre, si nous sommes ravis de passer du temps avec vous pour échanger sur ce projet de loi, il me semble que la ministre de la culture aurait dû être sur ce banc avec vous pour répondre à des questions de politique linguistique.
Depuis la loi 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, amendée à la marge par des propositions de loi qui sont toutes respectables, bien que l’on puisse ne pas y souscrire et les considérer non pas comme des améliorations, mais comme des aggravations, s’agissant par exemple de l’écriture inclusive, la politique linguistique est un impensé de nos politiques publiques.
Nous manquons d’une vision globale sur les questions de langue, y compris les langues régionales, cher collègue Max Brisson. Or c’est un sujet désormais fondamental dans notre société, du fait notamment de l’anglicisation et de la pression qu’elle suscite pour l’ensemble des citoyens de notre pays, mais aussi pour les personnes qui souhaitent s’intégrer.
J’ai la faiblesse de croire que si nous en venions à concevoir une bonne politique linguistique par le biais d’un rapport ou à augmenter les crédits d’apprentissage du Français, qui sont un facteur d’intégration, dans le cadre du projet de loi de finances, personne ne nous répondrait que cela risque d’encourager des personnes à s’embarquer sur des radeaux de fortune pour traverser la Méditerranée dans le seul espoir de bénéficier de cours de français à leur arrivée dans notre pays.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 235.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
I. – Le livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° A (nouveau) L’article L. 413-3 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « organisation », sont insérés les mots : « , l’histoire et la culture » ;
b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation civique mentionnée au 1° donne lieu à un examen. L’étranger peut se représenter à cet examen, à sa demande et à tout moment, lorsqu’il a obtenu un résultat inférieur aux seuils mentionnés au premier alinéa de l’article L. 413-7 et au 2° de l’article L. 433-4. » ;
1° B (nouveau) L’article L. 413-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « regard », sont insérés les mots : « du résultat obtenu à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3 qui doit être supérieur à un seuil fixé par décret, » ;
– à la fin, les mots : « qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « de nature à lui permettre au moins de comprendre des conversations suffisamment claires, de produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et d’exposer succinctement une idée » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « tient compte, lorsqu’il a été souscrit, du respect, par l’étranger, de l’engagement défini à l’article L. 413-2 et » ;
1° Au dernier alinéa des articles L. 421-2 et L. 421-6 ainsi qu’à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 433-6, après la référence : « 1° », sont insérés les mots : « et au 2° » ;
2° L’article L. 433-4 est ainsi modifié :
a) Après le 1°, sont insérés des 2° et 3° ainsi rédigés :
« 2° Il a obtenu un résultat à l’examen mentionné au sixième alinéa de l’article L. 413-3 supérieur ou égal à un seuil fixé par décret ;
« 3° Il justifie d’une connaissance de la langue française lui permettant au moins de comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, de communiquer lors de tâches habituelles et d’évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats. Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers dispensés de la signature d’un contrat d’intégration républicaine mentionnés à l’article L. 413-5 ; »
b) Le 2° devient un 4°.
II (nouveau). – Le premier alinéa de l’article 21-24 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’intéressé justifie d’un niveau de langue lui permettant au moins de comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, de communiquer avec spontanéité de s’exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets. »