Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 nonies du présent PLFSS introduit, à la hussarde, par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité à l’Assemblée nationale.
Ledit article prévoit une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, soit à horizon du milieu de l’année 2025, pour réformer l’assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins.
Selon le Gouvernement, « cette méthode permettrait de laisser un délai suffisant pour mener les travaux techniques et la concertation avec les organisations professionnelles agricoles, en y associant naturellement les parlementaires ultramarins ».
Toutefois, l’auteur du présent amendement considère que l’alignement de l’assiette sociale des non-salariés agricoles (NSA) ultramarins sur celle applicable en France hexagonale ne nécessite aucunement de passer par voie d’ordonnances.
Si le Gouvernement souhaite renforcer l’acceptabilité d’une telle réforme, libre à lui d’organiser une large consultation des organisations professionnelles concernées sans les enfermer dans des délais.
En outre, les modalités de calcul des cotisations des NSA outre-mer présentent de nombreuses spécificités, en raison du faible montant des pensions agricoles et des différents dispositifs d’exonération de cotisations existants outre-mer : il existe en effet une exonération totale des cotisations de prestations familiales et d’assurance vieillesse de base, maladie-maternité et invalidité pour les chefs d’exploitations et d’entreprises agricoles ultramarines d’une superficie inférieure à 40 hectares pondérés.
Aussi, l’auteur du présent amendement considère que la mise en œuvre de cette réforme majeure pour les NSA outre-mer nécessite a minima la transmission d’une expertise complète et précise permettant de mesurer les conséquences concrètes sur les prélèvements sociaux et les évolutions attendues en matière de droits pour les assurés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 nonies, qui constitue le pendant indispensable de l’article 10 ter et de la réforme de l’assiette sociale des travailleurs indépendants.
Cet article habilite en effet le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures découlant de ladite réforme. Vous connaissez notre goût pour les ordonnances, en particulier le mien. (Sourires.)
Toutefois, il s’agit de simplifier et de contemporanéiser les modalités de calcul et de versement des cotisations des indépendants, qui sont actuellement calculées à titre provisionnel puis régularisées lorsque les revenus définitifs sont connus.
En outre, l’habilitation permettrait également au Gouvernement d’aligner l’assiette sociale des non-salariés agricoles ultramarins sur celle qui s’appliquera aux indépendants de l’Hexagone, en passant d’un mode de calcul des cotisations lié à la superficie de l’exploitation à une assiette constituée des revenus professionnels.
Afin de lisser les effets d’une telle transition, le Gouvernement propose d’étendre le champ des exonérations de cotisations dont bénéficient ces professionnels. Compte tenu de la technicité de la matière, le recours aux ordonnances se justifie tout à fait.
En l’espèce, je pense sincèrement qu’il s’agit de la bonne solution, raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. En supprimant cet article, vous empêchez d’étendre le bénéfice de la réforme aux travailleurs non-salariés agricoles, alors qu’elle vise à améliorer leurs droits à la retraite.
Cette disposition est très technique : aussi, il me paraît tout à fait légitime de prendre par ordonnance les modalités déclaratives – que nous n’avons pas évoquées – et les conditions d’application de la réforme pour les non-salariés agricoles en outre-mer : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 241, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
par voie d’ordonnance,
insérer les mots :
dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi,
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 nonies, modifié.
(L’article 10 nonies est adopté.)
Article 10 decies (nouveau)
Avant le 1er avril 2024, le Gouvernement remet un rapport d’évaluation de l’article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce rapport évalue notamment les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants pour rembourser leurs dettes envers l’ancien régime social des indépendants en outre-mer, en particulier à La Réunion, ainsi que les pistes de solutions permettant un règlement amiable de cette situation.
M. le président. L’amendement n° 242, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous proposons de supprimer cet article, qui prévoit la remise d’un rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Nous nous apprêtons à examiner une longue liste d’amendements dont une grande partie ont vocation à créer des redevances et des taxes supplémentaires, afin d’augmenter le coût de certains produits dont la consommation représente un enjeu de santé publique. Il s’agit de taxes comportementales.
Je peux entendre les motivations en matière de santé ; mais le contexte économique dans lequel nous votons ce PLFSS est extrêmement tendu. En raison de l’inflation, le pouvoir d’achat est en berne. Malheureusement, les taxes proposées auront surtout un impact sur les foyers les plus modestes, qui sont souvent – je le regrette – les premiers consommateurs des produits visés par ces amendements.
Vous me direz que cela ne règle pas le problème de la santé publique : je suis d’accord avec vous. C’est en effet une mission fondamentale. Mais en votant ces taxes, vous affecterez directement le pouvoir d’achat des Français.
Par ailleurs, la commission est ouverte à un travail sur la prévention en matière de santé publique. Gardez en tête que l’on ne réglera pas ces problèmes en créant des taxes supplémentaires.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Dans le prolongement des propos de M. le président de la commission des affaires sociales, je tiens à rappeler qu’en juillet dernier les responsables de la filière viticole nous alertaient sur des propositions de modification de la fiscalité sur les boissons alcoolisées dans le cadre de la discussion budgétaire à venir.
La question a été tranchée par Mme la Première ministre : « Il n’y aura pas du tout de projet d’augmenter les taxes sur l’alcool. » Dont acte.
Or plusieurs amendements à visée de santé publique ont été déposés, alors que la filière viticole est confrontée à des difficultés majeures à la suite de crises successives – crise climatique, tensions sur les marchés internationaux… En outre, cette filière est déjà soumise à une pression fiscale importante, de l’ordre de 1 milliard d’euros chaque année, sans tenir compte du foncier viticole.
Par ailleurs, s’agissant de l’efficacité de la fiscalité comportementale, il serait intéressant d’évaluer l’incidence sur la consommation de la hausse de 160 %, décidée en 2013, des taxes sur la bière.
La filière est engagée depuis plusieurs années en faveur d’un modèle de consommation responsable. Elle est disposée à coconstruire un projet cohérent, à partir de mesures équilibrées, pour cibler les consommations excessives sans pour autant stigmatiser une filière d’excellence.
Enfin, plutôt que d’opter pour les mesures proposées, il serait plus judicieux d’investir dans des campagnes de sensibilisation et d’éducation pour encourager une consommation responsable. Cela permettrait de promouvoir une approche équilibrée, tout en préservant la diversité des acteurs économiques du secteur.
En conclusion, je vous encourage à reconsidérer ces amendements et à ne pas les adopter. Des solutions alternatives axées sur la prévention et la sensibilisation seraient plus bénéfiques tant pour l’économie que pour la santé publique. (M. Ludovic Haye s’exclame.) N’oublions pas que l’excédent commercial de la filière vins et spiritueux représente plus de 15 milliards d’euros.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 462 rectifié bis est présenté par Mmes Guillotin et M. Carrère, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 1355 est présenté par Mme Canalès, M. Jomier, Mme Le Houerou et MM. Féraud, Ouizille et Tissot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre 5 du titre IV du livre II de la partie législative du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article L. 245-8, les mots : « d’une teneur en alcool supérieure à 18 % vol » sont remplacés par le mot : « alcooliques » ;
2° L’article L. 245-9 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « la catégorie fiscale des alcools » sont remplacés par le mot : « alcooliques » ;
b) Le quatrième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 432 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Cette série d’amendements visant à modifier les taxes comportementales s’explique précisément parce que ce projet de loi concerne le financement de la sécurité sociale et de la santé. Il s’agit ici non pas de grever le budget en augmentant les dépenses, mais de l’alimenter un peu plus.
J’entends vos propos sur la filière viticole. Je ne veux stigmatiser personne. Pour autant, en matière de santé publique, l’alcool représente la deuxième cause de cancer évitable et la première cause d’hospitalisation en France.
On peut dire ce que l’on veut des taxes comportementales, mais il est certain que l’augmentation du coût du tabac a bien entraîné une baisse de la consommation. Très tôt, des jeunes sont attirés par la consommation des produits en question : nous sommes en dehors des clous de la santé publique.
Nous allons présenter plusieurs amendements tendant à réformer la fiscalité sur les produits alcooliques, dont les recettes ne couvrent que 42 % des coûts des soins engendrés par la consommation d’alcool. Conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cet amendement vise donc à agir sur le prix de tous les alcools, y compris les moins chers, qui sont aussi les plus consommés par les jeunes et les consommateurs excessifs.
Cette mesure permettra d’abonder la branche maladie de la sécurité sociale, qui pâtit directement des conséquences néfastes pour la santé de la consommation d’alcool. Elle incitera également les Français, touchés au porte-monnaie, à réduire leur consommation.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour présenter l’amendement n° 1355.
Mme Marion Canalès. Par les taxes que nous proposons d’instaurer, nous ne cherchons bien évidemment pas à compenser les exonérations que nous venons de voter en faveur de la filière viticole.
Cet amendement prévoit d’élargir la cotisation sécurité sociale aux boissons alcoolisées dont la teneur en alcool est inférieure à 18 %.
Cette position n’est en rien moralisatrice ni hygiéniste. Chacun d’entre nous a conscience, dans son territoire, du bien-fondé de la filière viticole, qui mérite d’être soutenue. Néanmoins, les difficultés qu’elle rencontre ne peuvent être uniquement imputées aux propositions que ma collègue vient d’énoncer et que mon amendement reprend.
Ces problématiques sont liées à la question des marges, à l’absence des acomptes versés possiblement en avance, aux délais de versement des aides européennes ou encore à l’utilisation de la moyenne olympique dans le nouveau dispositif assurantiel. Nous connaissons ces difficultés, mais elles ne doivent pas nous empêcher d’agir sur la prévention et la santé dans le cadre du PLFSS.
Comme l’a souligné le rapport d’information établi au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur la fiscalité comportementale par M. Yves Daudigny et de Mme Catherine Deroche, les leviers fiscaux comportementaux ont un effet réel.
Il n’a pas été question de prévention dans nos débats – du moins pas suffisamment. L’alcool a un coût humain et social important : il est responsable de 40 000 morts par an et est directement en cause dans sept types de cancers. Son coût social est estimé à plus de 100 milliards d’euros.
Pourtant, le manque d’information est réel : 42 % des Français déclarent ne pas avoir connaissance des troubles du spectre causé par l’alcoolisation fœtale – la moitié des Français l’ignorent, c’est dire !
Mentionnons aussi la multiplication des interventions de nos polices municipales en raison du nombre croissant d’individus en état d’ivresse sur la voie publique ! C’est une charge supplémentaire pour les ressources humaines dans nos collectivités locales.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’élargir les moyens pour la santé publique en faveur de la prévention, sans chercher à contrarier la filière viticole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à cet amendement.
Mme Émilienne Poumirol. Pourtant, c’est une recette, cette fois !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Oui, c’est une recette, mais un peu de cohérence ! Vous avez voulu, voilà quelques instants, soutenir la filière en réduisant certaines exonérations…
M. Bernard Jomier. Pas nous !
Mme Laurence Rossignol. Adressez-vous à la majorité sénatoriale !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne vous vise pas en particulier, mais il m’a semblé que cet amendement était très largement soutenu…
Il est tout de même contradictoire de vouloir soutenir les entreprises et les exploitations agricoles en baissant les cotisations tout en cherchant à augmenter les taxes sur le vin.
On observe une baisse tendancielle de la consommation d’alcool. La lutte contre l’addiction et les consommations excessives est importante, c’est certain.
Toutefois, nous souffrons collectivement d’une autre addiction : dès que nous avons un problème, nous pensons que la bonne solution, c’est une taxe. (M. Thomas Dossus proteste.)
Pour ma part, je crois sincèrement à l’efficacité des politiques de prévention, d’information et de formation. Cessons de penser que le levier fiscal est le remède miracle, alors qu’il nous évite le vrai débat sur la politique préventive.
Je ne suis pas favorable à l’augmentation de la taxe sur les alcools. D’une part, je l’ai dit, je ne pense pas qu’une telle mesure puisse se substituer à une politique de prévention ; d’autre part, cela reviendrait à porter un mauvais coup à une filière qui est en difficulté et que la plupart d’entre vous ont souhaité soutenir dans les débats précédents.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme Émilienne Poumirol. Mais il s’agit justement de financer la prévention !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je voudrais réagir d’abord aux propos de M. le président de la commission.
La fiscalité comportementale n’est bien évidemment que l’un des outils à notre disposition, mais nous ne pouvons aborder ces amendements en disant qu’il ne faut rien faire, parce que la situation économique n’est pas bonne ! Un tel discours est intemporel : si nous suivions cette logique, nous ne ferions jamais rien en matière de fiscalité comportementale.
Or, si elle n’est qu’un outil parmi d’autres, cette forme de fiscalité demeure très efficace. Le cas de la taxe sur le tabac a été souligné : dans tous les pays du monde, cet exemple est cité pour son efficacité. Nous devons désormais adapter cet outil aux contraintes économiques des différentes filières.
Par ailleurs, je trouve que la filière viticole en demande beaucoup. Vous ne pouvez nier le coût très élevé que représente la consommation d’alcool pour les finances publiques, qui est largement supérieur à 100 milliards d’euros. Et pourtant, vous réclamez des exonérations de cotisations sociales pour cette filière. Mais qui paie ? C’est la sécurité sociale qui supporte cette charge !
Faisons preuve d’un peu de cohérence et reconnaissons que la filière viticole doit contribuer aux coûts induits par la consommation de boissons ayant des conséquences sur la santé.
Certes – je suis d’accord –, il y a d’autres outils, notamment les campagnes de prévention. Mais nous en sommes au stade où Santé publique France ne peut plus mener de campagne de prévention digne de ce nom, parce que le chef de l’État s’y oppose.
Il faut en effet savoir que les arbitrages remontent à l’Élysée.
Mme Émilienne Poumirol. Absolument !
M. Bernard Jomier. On peut seulement dire : « Si vous buvez de l’alcool, buvez de l’eau en même temps. »
Je suis pour la réduction des risques, mais, en la matière, nous sommes face à un abandon total des politiques de prévention.
Depuis quelques années, tous les outils permettant de lutter utilement contre l’abus d’alcool sont invalidés les uns après les autres. Il y a donc une volonté de ne rien faire. Et c’est à cela que nous nous opposons.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Je suis tout à fait d’accord avec M. Jomier. Tout nous pousse à agir pour lutter contre cette addiction et contre les méfaits de l’alcoolisme ; car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Quelque 1,5 million de personnes sont alcoolodépendantes. Ne pas en tenir compte dans un budget de la sécurité sociale, c’est un vrai problème. Cela ne signifie pas condamner la consommation d’alcool ; pour ma part, je prône la réduction des risques, pas l’abstinence.
Il faut pouvoir financer le coût de cette lutte. C’est certainement plus que les 100 milliards d’euros évoqués par Bernard Jomier si l’on prend en compte tous les facteurs et le montant des soins. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Par ailleurs, vous n’avez pas abordé la publicité pour les alcools, qui est de plus en plus importante partout. Cette question a tout de même un rapport avec nos débats, d’autant que l’on ne peut pas faire de politique de prévention. Je rappelle à ce propos que la campagne prévue par Santé publique France n’a pas pu être menée. De même, le Dry January a été interdit au dernier moment.
M. Bernard Jomier. Par l’Élysée !
Mme Anne Souyris. Absolument ! Et par le lobby qui s’est imposé auprès de M. Macron.
Il faut parvenir à un équilibre. L’examen de ce texte, c’est le moment ou jamais d’agir.
Les Écossais ont mis en place un prix minimum sur l’alcool. Nous avions proposé d’en faire autant, mais cette idée a été retoquée par la commission. C’est bien dommage.
Il va falloir trouver des recettes permettant de financer à la fois les soins liés à l’alcoolisme et les actions de prévention.
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour explication de vote.
M. Alain Duffourg. Je constate que l’on parle maintenant de taxation supplémentaire sur le vin et l’alcool en général.
Il faut savoir que des taxes existent déjà ; les droits d’accise, les cotisations sociales et la TVA représentent une taxation de 20 % pour le vin et de 60 % pour les alcools forts.
Alors que la filière viticole représente plus de 11 milliards d’euros et permet de faire travailler 550 000 personnes, on voudrait accroître la taxation !
On a parlé tout à l’heure de la taxation sur le tabac. Moralisons un peu les débats : si l’on veut aujourd’hui trouver des ressources, il faut s’attaquer à une autre addiction, celle des stupéfiants. Je rappelle que le montant de l’amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants s’élève à 200 euros et a concerné près de 150 000 personnes, alors que 18 millions de personnes consomment des stupéfiants. (M. Xavier Iacovelli s’exclame.)
Par conséquent, il serait préférable de mettre en place des politiques de répression qui permettraient de dégager des financements, au lieu de taxer la filière viticole, comme on veut le faire aujourd’hui.
Depuis trois ans, les viticulteurs de ce pays souffrent : grêle, mildiou, sécheresse… Les filières viticoles de France ne peuvent pas supporter cette nouvelle taxation.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je voterai évidemment contre ces amendements.
Je reconnais bien volontiers qu’il faut être vigilant sur l’abus d’alcool fort. Pour autant, mes chers collègues, avec ces amendements identiques visant à étendre la « cotisation sécurité sociale » applicable aux alcools titrant à plus de 18 degrés à ceux de moins de 18 degrés, vous ciblez avant tout, certes involontairement – ce n’est pas intentionnel –, les vins. C’est tout le problème !
Quel que soit notre département, nous sommes tous confrontés à la même question, monsieur Jomier : quelle politique veut-on en matière viticole ? Veut-on, ou non, que notre pays compte encore des viticulteurs ?
Pour ma part, je préfère les viticulteurs aux jachères. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. En effet, chers collègues, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, nous avons exonéré une profession et pas une autre, mais nous ne sommes pas là pour passer alternativement des recettes aux taxes.
Monsieur le ministre, la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 indique que, « si augmenter le prix du tabac est bien identifié comme l’une des composantes essentielles des différents plans nationaux de lutte contre le tabac, ce levier n’est que partiellement utilisé pour l’alcool ». Ce n’est pas moi qui le dis !
Par ailleurs, vous avez soutenu que votre gouvernement avait réussi à ne pas augmenter les droits d’accise sur l’alcool. Je précise qu’Élisabeth Borne a simplement indiqué dans Le Figaro qu’il n’en avait « jamais été question ». Encore une nouvelle cacophonie gouvernementale, comme celle à laquelle on a assisté à propos de la mise en place des plans de prévention contre l’alcool !
Aujourd’hui, on le dit et on le redit, il ne s’agit pas de dire que tel alcool – le rhum ou un autre – ne serait pas bon et que tel autre le serait ; tous les alcools sont concernés dès lors qu’il y a surconsommation.
Par conséquent, il s’agit bien d’une taxe comportementale. La surconsommation peut causer une maladie ; car, oui, l’alcoolisme est une maladie !
De la même façon que nous ne sommes pas tous égaux devant le tabac – certains deviennent accros dès la première cigarette –, nous ne sommes pas tous égaux devant l’alcool : si beaucoup sont des consommateurs normaux, nombreux sont ceux qui deviennent malades, ce qui a un coût pour la sécurité sociale. Or nous sommes bien là en train d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. On ne peut que partager les propos de Véronique Guillotin : l’alcool peut effectivement entraîner des maladies et des complications.
Pour autant, je ne voterai pas ces amendements identiques, car l’enjeu réside, me semble-t-il, non pas dans la taxation, mais dans la prévention.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Il a raison !
M. Daniel Chasseing. Une consommation normale de vin n’entraîne a priori pas de problèmes de santé.
Chers collègues, nous aurons bientôt à nous prononcer sur l’article 20, qui prévoit des rendez-vous de prévention à certains âges de la vie, par exemple sur la lutte contre les addictions pour la tranche des 20-25 ans ou sur les maladies chroniques pour la tranche des 40-45 ans, car l’alcool peut favoriser le diabète et les problèmes cardiovasculaires.
Je le répète, pour moi, l’enjeu réside avant tout dans la prévention.
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. C’est comme pour tout : il faut de tout, mais en petite quantité, c’est-à-dire avec modération ! (Sourires.) Comme pour les régimes !
Par conséquent, prévention, comme dit mon confrère, éducation, et tout ira très bien ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Sur ces amendements, comme sur les prochains, je m’exprimerai en tant que rapporteure générale de la commission des affaires sociales, et je donnerai bien évidemment la position de la commission. J’émettrai donc un avis défavorable sur toutes les dispositions visant à augmenter la fiscalité sur certains produits.
Pour autant, mes chers collègues, je voudrais vous dire ce que j’en pense à titre personnel.
Déjà, l’année dernière, au moment où nous avons réexaminé la fiscalité sur le tabac, je me suis étonnée que l’on n’applique pas le même raisonnement sur l’alcool. Certes, je n’ai pas remporté un franc succès sur ces travées, où l’on défend les filières viticoles. (Sourires.)
Comme vient de le souligner ma collègue, ce n’est pas la consommation qu’il faut condamner ; c’est l’excès. Et, à l’instar de certains d’entre vous, je pense que la fiscalité peut être un outil. D’ailleurs, toutes les évaluations le prouvent.
Oui, il faut faire de l’éducation et de la communication, mais il faut aussi un peu de répression : il est démontré qu’augmenter les prix fait diminuer la consommation dans tous les domaines.
On a parlé de 100 milliards d’euros. C’est en effet la réalité ! Ce montant est issu d’une étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), et recouvre non pas l’ensemble des dépenses de santé, mais l’ensemble des conséquences sociales et économiques de ces pratiques, par exemple les coûts liés à l’invalidité.
Je rappelle à mon tour que la consommation excessive d’alcool représente 40 000 morts par an. Ce n’est pas rien ! Au-delà de ces pertes humaines, il y a aussi des pertes de la qualité de vie pour les malades, qui peuvent développer des maladies chroniques, des pathologies importantes, des maladies cardiovasculaires, etc.
Je veux insister sur le fait que l’excès de consommation d’alcool appauvrit notre société socialement et culturellement. Il n’est qu’à voir les effets de l’alcool sur les familles, notamment en termes de violences.