M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.
M. Victorin Lurel. Je voterai sans hésiter le texte de notre collègue Hussein Bourgi.
Permettez-moi simplement de réagir à une affirmation de M. le garde des sceaux : à l’en croire, pour réprimer le négationnisme, il faudrait au préalable qu’il y ait eu condamnation par un tribunal ou une instance internationale – en général, on évoque Nuremberg.
On nous a opposé le même argument lorsque nous voulions sanctionner la négation du génocide arménien et, une nouvelle fois, lorsque nous avons voulu donner une dimension prescriptive, normative, à la loi mémorielle Taubira.
Contrairement à ce qu’a expliqué notre rapporteur, selon lequel il existerait une quasi-impossibilité juridique à la reconnaissance d’un délit spécifique de négationnisme des crimes commis en raison de l’orientation sexuelle d’un individu, problème qui découlerait d’une jurisprudence, d’ailleurs absolument réactionnaire, de la Cour de cassation, il est tout à fait possible de créer un tel délit lorsque sont reconnues des injustices commises en raison de cette orientation sexuelle.
Cette proposition de loi est un bon texte !
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.
Mme Anne Souyris. L’homophobie tue, le silence aussi. La pénalisation de l’homosexualité en France a tué, y compris après qu’elle a disparu. Oui, la République doit le reconnaître et réparer les préjudices causés par ces lois, qu’il soit question du régime de Vichy ou de la Ve République. Sinon, cela ne s’arrêtera pas ; les morts ne cesseront pas.
En juin 1992, plus de dix ans après les premiers dépistages de ce qui était alors parfois nommé le « cancer gay », j’écrivais pour la première fois dans le Journal du sida – c’était le numéro 40. À sa page 51, on pouvait lire une intervention du magistrat Yves Jouhaud, président du fonds d’indemnisation des hémophiles et des transfusés contaminés par le VIH. Déjà, la question de l’indemnisation se posait. À sa page 5, j’écrivais : « Inutile de cacher les toxicos et les homos. »
En 1982, un an après la parution, dans le New York Times, du premier article de presse relatif au sida, la France dépénalisait l’homosexualité. Trop tard ! La stigmatisation perdure et l’épidémie s’installe. Double condamnation : condamnés pour homosexualité, condamnés à mort par une épidémie que l’homophobie d’État n’a pas voulu reconnaître et combattre à temps.
Les communautés LGBTQI+ savent ce que le VIH leur a pris. Et nous savons ce que nous devons à la santé communautaire.
Pour rétablir la justice face aux préjudices créés par ces lois de criminalisation et de discrimination, celles qui de facto ont conduit à des peines de mort massives, je voterai évidemment en faveur de cette proposition de loi et du présent article 1er.
Après avoir posé cette première pierre contre les discriminations, il nous faudra poursuivre cette politique, à la fois de mémoire et de réparation, sans purge de l’histoire. Souvenons-nous de ce que nous devons aux combattantes et aux combattants du sida !
M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, sur l’article.
M. Jean-Gérard Paumier. Je tiens à souligner que les résistants homosexuels n’ont guère été honorés par la Nation et qu’il y a matière à leur rendre justice aujourd’hui.
M. Bourgi a rappelé dans son propos liminaire le nom de Jean Desbordes, qui illustre ce manquement.
L’écrivain Jean Desbordes, qui fut un temps compagnon de Jean Cocteau, est entré dans la résistance sous le nom de Duroc. Il est mort sous la torture des nazis dans la nuit du 5 au 6 juillet 1944, à 38 ans. Son nom figure certes au Panthéon parmi ceux des écrivains morts pour la France, mais rien sur Jean Desbordes le résistant, qui, en gardant le silence sous la torture, a protégé ses compagnons et sauvé une partie de son réseau franco-polonais F2.
Daniel Cordier, résistant et secrétaire de Jean Moulin, a d’ailleurs mis très longtemps avant de révéler son homosexualité dans son autobiographie. « La haine à l’égard de l’homosexualité était terrible », expliquait-il alors.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est important et symbolique. Il est de notre responsabilité de rendre justice à ces résistants homosexuels, au travers d’un texte de réparation et d’apaisement. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Szpiner, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La République française reconnaît sa responsabilité du fait de l’application des dispositions pénales suivantes à compter du 8 février 1945, qui ont constitué une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle :
1° Le troisième alinéa de l’article 331 et le deuxième alinéa de l’article 330 du code pénal dans leur rédaction antérieure à la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 331 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l’article 331 du code pénal.
Elle reconnaît que ces dispositions ont été source de souffrances et de traumatismes pour les personnes condamnées, de manière discriminatoire, sur leur fondement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Le sous-amendement n° 3, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kanner, Mme Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette reconnaissance ouvre à ces personnes le bénéfice d’une réparation dans les conditions prévues à l’article 3 de la présente loi.
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Vous l’avez compris, ma préférence ne va évidemment pas à la version de l’article 1er que le rapporteur nous soumet. Si toutefois elle devait être retenue, je propose au moins que nous la modifiions en adoptant ce sous-amendement, qui tend à ajouter à la reconnaissance de la responsabilité de l’État des mesures de réparation.
Je m’adresse à tous les juristes – ils sont un certain nombre dans cet hémicycle – et plus précisément aux pénalistes – il y en a aussi quelques-uns, sur diverses travées : en droit français, lorsqu’on intente un procès, c’est pour faire établir et reconnaître la culpabilité d’un individu. Dès lors que cette culpabilité est reconnue, il faut, en toute logique, et pour être cohérent, que le préjudice infligé au plaignant soit indemnisé.
Dans le cas d’espèce, je veux bien entendre qu’il pourrait être difficile de retrouver les victimes, mais la rédaction que je propose prévoit justement que les victimes elles-mêmes se manifesteront, à l’image de ce qui se fait pour les harkis – ni plus ni moins !
M. le rapporteur a soulevé un certain nombre d’objections d’ordre juridique. Il se trouve que les éminents juristes que j’ai consultés, des spécialistes en matière de droit pénal, y compris plusieurs membres de notre Haute Assemblée, qui m’ont assisté dans la rédaction de cette proposition de loi, ne partagent pas son point de vue.
C’est la raison pour laquelle je persiste et je signe. En adoptant une reconnaissance sans réparation, on ne parcourra que la moitié du chemin et, dans quelques années, on légiférera de nouveau quand, enfin, on comprendra qu’il est nécessaire de mettre en place une réparation ; seulement au vu du temps qui se sera écoulé, cette réparation ne trouvera bien sûr plus à s’appliquer. C’est typiquement le genre de loi que les parlementaires aiment voter, parce qu’elles n’ont d’autre but que de leur donner bonne conscience, alors que les principaux concernés, eux, ne sont plus en vie.
Soyons cohérents jusqu’au bout : il faut la reconnaissance et la réparation ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Szpiner, rapporteur. En règle générale, je ne réponds jamais aux lettres anonymes. Vous avez évoqué d’éminents juristes : je suis sûr qu’ils sauront se manifester clairement, donner leur nom et exposer leurs arguments.
Cela étant, devant un tribunal, des règles s’appliquent. La première d’entre elles, c’est la prescription civile, même si vous trouverez toujours des juristes qui le nieront – et, j’y insiste, s’ils veulent se manifester ouvertement auprès de moi, je serai ravi de leur répondre !
Par ailleurs, le préjudice résulterait en l’espèce de la loi pénale. En somme, vous demandez à la République d’indemniser l’application d’une loi – certes une mauvaise loi – par des juges. Or la gravité réelle du préjudice découle de la société et non directement de la loi. Légiférer comme vous le suggérez poserait un certain nombre de problèmes. Voilà pourquoi je pense que cela n’aurait aucun sens de prévoir des mesures de réparation.
La réparation est avant tout symbolique et morale. Je me réjouis de votre proposition de loi, mon cher collègue. Vous avez tiré de l’oubli ces manquements de la République, mais je pense qu’une loi mémorielle suffit.
La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cette proposition de loi et les divers amendements.
L’important est de voter un texte. Le Gouvernement n’entend pas en revanche entrer dans les dissensions – et encore, ce terme n’est probablement pas le plus heureux.
Il est assez rare que le Gouvernement ne prenne pas parti…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas tant que ça : Gérald Darmanin n’a fait que ça il y a deux semaines ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je l’ignorais, madame la sénatrice ! (Nouveaux sourires.) Quoi qu’il en soit, M. Darmanin n’a rien à voir là-dedans ; c’est M. Dupond-Moretti que vous avez en face de vous aujourd’hui, et qui s’en remet à votre sagesse sur cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le rapporteur, l’amendement que vous nous soumettez pose de nombreux problèmes. Je veux croire que votre intention est de protéger la République, qui pourrait, selon une lecture rapide de notre texte, être assimilée au régime de Vichy. Toutefois, pour ce faire, vous effacez ce qu’ont subi les personnes homosexuelles en France au cours de cette période, ce qu’a très bien évoqué il y a un instant notre collègue Jean-Gérard Paumier.
Il n’est pas dans mon habitude de citer le président Chirac. Il me semble pourtant, puisqu’il est question de la distinction entre Vichy et la République, que le Président de la République a accompli le 16 juillet 1995 un acte important quant à la reconnaissance de la déportation des Juifs. Nous avons l’occasion de faire un geste similaire.
Aussi désagréable que ce soit, c’est un fait que certaines politiques ont connu une grande continuité entre Vichy et la IVe République. Ainsi des mesures de criminalisation des femmes qui avortaient : sous Vichy, elles étaient passibles de la peine de mort ; cette sentence a été supprimée sous la IVe République, mais la politique a perduré et s’est même intensifiée. En effet, ces femmes ont continué d’être poursuivies après 1946 ; pire encore, toutes les structures mises en place pour les identifier sous Vichy ont été renforcées ! Ce constat est désagréable à entendre, mais certaines politiques moralistes visant à pénaliser les droits sexuels et reproductifs des femmes et des homosexuels ont connu une certaine continuité.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, c’est vous-même qui souhaitez introduire dans le texte la notion de « responsabilité ». Celle-ci ne figure pas dans la rédaction initiale de la proposition de loi, où on lit simplement : « la République française reconnaît et regrette ». Par ce glissement, vous excluez les homosexuels qui ont souffert et ont été déportés sous le régime de Vichy. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. L’amendement que le rapporteur nous soumet a une seule visée : exclure du champ du texte la période de Vichy. Le contresens d’une telle approche a été souligné par Laurence Rossignol et par Pierre Ouzoulias.
Sans doute pour faire un bon mot, le rapporteur s’est étonné que la gauche cite Jacques Chirac. Pour ma part, ce n’est pas Jacques Chirac que je cite, mais le Président de la République, qui, le 16 juillet 1995, prononçait cette phrase historique : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. » Je cite le Président qui proclamait : « Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’État, ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’œuvre. »
Voilà ce que nous demandons aujourd’hui ! Nous vous invitons non pas à avaliser, de quelque manière que ce soit, les politiques de Vichy, mais à les prendre en considération. Vous avez prudemment demandé des scrutins publics ; ainsi, chacun d’entre nous pourra prendre ses responsabilités.
Il est tout de même curieux de vouloir effacer de notre mémoire et de notre responsabilité collectives cette période de l’histoire ; c’est pourquoi j’ai voulu citer le Président de la République. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le rapporteur, vous ne m’avez pas répondu sur le parallèle que j’ai fait entre la disposition dont nous débattons et la loi du 22 juillet 2023.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, c’est ensemble que nous avions voté cette loi, contre l’avis du Gouvernement. Ce dernier souhaitait alors confondre la responsabilité de Vichy avec celle du Reich allemand. Je me souviens très bien que nos collègues Max Brisson et Roger Karoutchi avaient défendu de manière extrêmement forte la nécessité pour le Parlement de reconnaître, enfin, les lois de Vichy, qui ne sont pas distinctes de ce qui a suivi.
Mes chers collègues, en votant l’amendement de notre rapporteur, vous reviendriez sur une avancée historique du Parlement, qui a été votée à l’unanimité. Je vous demande vraiment de faire attention. En ce moment, avec la montée des actes antisémites, votre décision serait assez catastrophique. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. Premièrement, mon cher collègue, la loi de reconnaissance des spoliations que vous mentionnez s’expliquait par la situation : des biens confisqués sous Vichy se trouvaient encore dans les musées nationaux et appartenaient par conséquent encore à l’État.
Deuxièmement, il est fait dans la présente proposition de loi elle-même une distinction entre la période du régime de Vichy et les époques postérieures : le délit de négationnisme qu’il est proposé de créer ne porterait que sur la première.
On peut tout entendre, mais je ne laisserai pas dire que j’efface la réalité de la répression des homosexuels en me restreignant à la République et en oubliant Vichy : c’est faux ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Pour ma part, j’estime que la question de la répression et de la déportation des homosexuels a été réglée par Nuremberg, sans qu’il soit nécessaire de revenir dessus. C’est un crime contre l’humanité, que personne n’entend minorer !
Dès lors, nous ne pouvons être taxés de révisionnisme historique. En vérité, quand le Président de la République – veuillez me pardonner, madame de La Gontrie, si la familiarité m’a conduit à l’appeler Jacques Chirac – a tenu les propos que vous citez, il a bien parlé d’une politique « secondée par des Français, par l’État français ». Il ne prononce pas les mots de « France » ni de « République », car Vichy, ce ne sera jamais la République !
M. Pierre Ouzoulias. Nous sommes bien d’accord.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le rapporteur, il convient de distinguer entre deux types de répressions subies par les personnes homosexuelles sous le régime de Vichy, entre 1942 et 1944. La première est la pénalisation de l’homosexualité, sur le fondement des articles 330 et 331 du code pénal, qui a conduit à des condamnations, à des amendes et à des emprisonnements. La seconde est la déportation.
Concernant la première, en restreignant le champ de cet article à la période allant de 1945 à 1982, vous allez effacer les victimes de l’application de ces dispositions sous Vichy. Quant à la seconde, vous vous montrez défavorable à l’article 2, qui crée un délit spécifique de négation ou de minimisation de cette déportation. C’est donc les deux que vous effacez au final !
Que vous vouliez ne pas créer dans ce texte un délit spécifique de négationnisme, nous pouvons l’entendre, car le débat est différent, mais, par le présent amendement, vous entendez effacer les politiques du régime de Vichy ayant conduit à des amendes, des emprisonnements et d’autres conséquences encore. Ces politiques, identiques à celles qui ont été menées après 1945, ne sont pas nécessairement liés aux déportations. En effet, les chiffres le montrent, les déportations ont été beaucoup moins nombreuses que les condamnations sur le fondement de ces articles du code pénal.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 3.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 57 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 122 |
Contre | 199 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 1.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 221 |
Contre | 116 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé.
Article 2
Après l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 24 ter ainsi rédigé :
« Art. 24 ter. – Seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence de la déportation de personnes en raison de leur homosexualité depuis la France, en zone occupée comme en zone libre, pendant la Seconde Guerre mondiale.
« Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés au même article 23, l’existence de déportations de personnes en raison de leur homosexualité depuis la France, en zone occupée comme en zone libre, pendant la Seconde Guerre mondiale. »
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.
M. Hussein Bourgi. Sur cet article, je veux souligner une divergence majeure que j’ai avec les propos qu’a tenus le rapporteur. Celui-ci a fait systématiquement référence à Nuremberg. Pour ma part, je mentionnerai un événement qui a eu lieu en France.
En 2012, un député du Nord, Christian Vanneste, avait employé, au sujet de la déportation pour motif d’homosexualité pendant la Seconde Guerre mondiale, le terme de « légende ».
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Hussein Bourgi. Quelques heures plus tard, le président de son parti, Jean-François Copé, prenait la décision courageuse de l’en exclure. Des associations ont porté plainte. Lorsque l’affaire a été jugée, deux ans plus tard, en 2014, Christian Vanneste a été relaxé.
En 2022, à l’occasion des élections présidentielles, un autre homme politique, Éric Zemmour, a tenu exactement les mêmes propos. Une plainte a été déposée ; elle est actuellement devant les tribunaux.
Je répète dans l’hémicycle ce que j’avais déclaré en commission des lois : nous ne pouvons pas attendre et espérer un éventuel revirement jurisprudentiel !
À ce titre, je regrette – je le dis avec beaucoup d’amitié et de respect pour notre collègue rapporteur, avec lequel j’ai particulièrement bien travaillé sur ce texte – qu’un certain nombre d’associations qui font autorité en France sur la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale – le Mémorial de la déportation homosexuelle, ou encore les Oublié-e-s de la mémoire – n’aient pas été auditionnées.
Divers historiens et universitaires, ceux-là mêmes grâce auxquels nous pouvons aujourd’hui avoir ce débat dans notre hémicycle, se sentent délibérément mis à l’écart ; de fait, nous avons été pris par le temps. J’ai entendu leurs récriminations – je l’indique sans esprit polémique – parce que c’est à moi qu’ils les ont adressées. Ils m’ont tous écrit, pensant que l’auteur d’une proposition de loi décidait des auditions. Tel n’est pas le cas. Je forme le vœu que, lors de la seconde lecture, nous auditionnions toutes ces personnes qui ont beaucoup à nous dire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je précise que, dès lors que le Sénat a adopté l’amendement n° 1 de réécriture de l’article 1er, article qui, dans l’esprit de la commission, doit devenir l’article unique de ce texte, nous appelons évidemment à voter contre les articles suivants.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Szpiner, rapporteur. En ce qui concerne les auditions qui n’ont pas eu lieu, vous savez très bien, mon cher collègue, que la responsabilité en revient bien plus à des contraintes de temps qu’à une quelconque mauvaise volonté de la part de la commission.
Quant à l’affaire de M. Vanneste, j’attire votre attention sur le fait que sa relaxe ne résulte pas d’un arrêt de la Cour de cassation : il s’agit d’un arrêt de cour d’appel qui n’a jamais été frappé de pourvoi. Sa portée sur les procédures en cours est donc beaucoup plus limitée que vous ne le craignez.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 59 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 203 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 3
Les personnes reconnues victimes d’une discrimination en application de l’article 1er ont droit au bénéfice des mesures suivantes :
1° Une allocation forfaitaire fixe de 10 000 euros ;
2° Une allocation forfaitaire variable en fonction du nombre de jours de privation de liberté, fixée à 150 euros par jour ;
3° Le remboursement du montant de l’amende dont elles se sont, le cas échéant, acquittées en application de leur condamnation, actualisé dans des conditions fixées par décret.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l’article.
Mme Audrey Linkenheld. Je veux redire combien le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est attaché non seulement à la reconnaissance des fautes commises en application de ces dispositions pénales, mais aussi à leur réparation.
Nous avons été plusieurs membres de notre assemblée, siégeant sur diverses travées, à décrire les parcours de vie brisés du fait de ces poursuites, à évoquer la souffrance de milliers d’hommes et de centaines de femmes. Bien entendu, ces personnes ont mal vécu les amendes, parfois très lourdes, qu’elles ont eu à payer et la prison qu’elles ont souvent dû subir. À ces amendes, à ces emprisonnements s’est ajouté l’opprobre social qui leur est tombé dessus, car les condamnations ont fréquemment fait l’objet de publicité, entraînant nombre de ruptures familiales, personnelles, sentimentales, ou professionnelles.
Nous ne pourrons jamais correctement évaluer toutes ces conséquences ni couvrir les dommages, mais nous sommes attachés à une réparation symbolique apportée selon les modalités retenues par Hussein Bourgi au présent article.
Je tiens enfin à préciser que ces lois discriminatoires ont, comme d’autres, frappé en premier lieu les plus fragiles ; de fait, ce sont d’abord les classes populaires et les immigrés qui ont fait les frais de ces condamnations. En effet, quand les revenus étaient modestes et la situation précaire, il était évidemment plus difficile de payer pour se rendre dans un lieu de drague discret, de se cacher et, parfois, de négocier sa libération après une arrestation musclée.
Pour toutes ces raisons, je réaffirme notre attachement ferme et sincère à cette réparation. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)