Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que je suis le neuvième orateur intervenant dans cette discussion générale, tout a déjà été dit.
La naïveté, c’est fini, à tel point que la direction générale de la sécurité intérieure est venue à la rencontre de l’ensemble des sénateurs voilà quelques semaines. Elle nous a adressé, outre ses recommandations, une note très précise de façon que nous soyons informés et que nous puissions nous prémunir contre un certain nombre d’attaques. Dans tous les cas, un homme averti en vaut deux, une femme au moins quatre ! (Sourires.) Nous voilà donc tous avertis des risques que nous encourons. Cette initiative fut une excellente idée.
Il est évident que la proposition de loi qui nous est soumise n’a pas vocation à s’attaquer à tous les modes d’ingérence, son périmètre étant assez restreint.
Pour ma part, je mettrai l’accent sur toutes les questions relatives à la souveraineté numérique et à la protection des données personnelles, sujets dont Catherine Morin-Desailly s’est emparée il y a déjà de très nombreuses années et sur lesquels notre groupe a été précurseur. En réalité, nous avons remis plusieurs fois l’ouvrage sur le métier, avant que ce sujet ne soit de nouveau inscrit à notre ordre du jour.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur l’islam radical. Or rien n’est prévu dans le texte pour lutter contre l’influence de certains pays étrangers, qui se comportent comme des pompiers pyromanes. Il n’est pas non plus anodin que le conseil de défense ait décidé de mettre en place une mission sur la menace que représentent les Frères musulmans, confiée à l’ambassadeur François Gouyette et au préfet Pascal Courtade.
Tous ces sujets ne sont pas évoqués dans le texte qui nous est soumis, dont le périmètre est très réduit, comme je l’ai déjà souligné. Pour y remédier, Catherine Morin-Desailly et moi avons déposé plusieurs amendements.
Rien non plus n’est prévu pour lutter contre la diplomatie d’influence. Le texte que nous allons voter aujourd’hui ne nous permettra pas d’éviter un nouveau Qatargate, affaire qui a été l’aboutissement de nombreuses défaillances. De ce point de vue, beaucoup reste aussi à faire.
Nous nous sommes fortement inspirés du rapport de l’OCDE pour rédiger nos amendements, qui ont systématiquement été rejetés par la commission. Néanmoins, nous les soutiendrons.
Bien que nous ne soyons pas très nombreux en séance, le sujet mérite d’être abordé sur le fond. En tout état de cause, et comme chacun s’est accordé à le reconnaître, nous aurons besoin d’un texte plus ambitieux.
Monsieur le ministre, vous avez deux très bonnes occasions de nous montrer votre bonne foi, notamment sur les questions de pantouflage et de rétropantouflage.
Dans une semaine, le texte issu des travaux de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, conduite de main de maître par Éliane Assassi et Arnaud Bazin, que l’Assemblée nationale a complètement vidé de sa substance, sera soumis au Sénat en seconde lecture. Nous serons nombreux à veiller à revenir au texte initial de notre assemblée. J’espère, monsieur le ministre, que vous manifesterez alors la même bonne volonté que celle dont vous faites preuve aujourd’hui pour limiter les influences étrangères lors de l’examen de ce texte extrêmement important. Car les cabinets-conseils sont également des outils d’influence et d’ingérence, comme l’ont très bien montré les travaux de la commission d’enquête sénatoriale.
Se posera également la question des budgets et des moyens humains que le Gouvernement consacrera à la mise en place des dispositifs.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble du groupe Union Centriste votera cette proposition de loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’actualité ne nous prive pas d’exemples d’ingérences étrangères, des plus triviaux au plus tragiques.
Les enjeux sont multiples, comme l’a très bien souligné Jérôme Durain. Ils sont militaires, économiques, industriels et financiers. Notre premier impératif est de les identifier, notre deuxième impératif est d’identifier nos rivaux, notre troisième impératif est d’identifier les menaces et notre quatrième impératif est d’identifier nos outils. Ces quatre piliers pourraient constituer la pièce angulaire de la lutte contre les ingérences étrangères.
La tâche n’est pas mince. Un enjeu en cache souvent un autre. Nos alliés peuvent parfois être nos pires ennemis, nos ennemis systémiques peuvent être bien mieux outillés que nous et la menace est souvent hybride.
Dans le viseur des puissances étrangères, la France est une cible, mais elle est surtout une victime. Elle est victime de son absence historique et continue de vision stratégique à long terme. J’en finis ici avec ce triste constat, la prise de conscience ayant lieu grâce à l’actualité quotidienne, qu’il s’agisse de la situation en France ou de nos intérêts à l’étranger.
Dans le rapport d’information que Pascal Allizard et moi-même avions rédigé en 2021, nous mettions en garde contre les moyens mis en œuvre par la Chine pour déployer sa puissance en Europe, notamment en matière de soft power. Il semblerait que l’Europe prenne enfin aujourd’hui conscience de cette difficulté.
Quant à nous, prenons-nous réellement la mesure de l’état de la menace ? C’est l’objet de l’article 2 de ce texte. La protection de notre souveraineté industrielle et la garantie de nos intérêts économiques sont des enjeux non négligeables.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout à fait !
Mme Gisèle Jourda. Ils semblent ici oubliés.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la délégation parlementaire au renseignement puisse obtenir une vue d’ensemble des investissements relevant de stratégies étatiques étrangères dans des secteurs essentiels à la garantie des intérêts de notre pays.
J’en viens aux outils, déclinés aux articles 1er et 3. Ces dispositifs sont-ils suffisants au vu de la gravité du sujet ?
Les outils du renseignement, de la contre-influence et de la contre-ingérence existent en nombre. Je pense au service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) ou au service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse). Ils sont efficaces et je tiens ce soir à rendre hommage à leur travail. Disposent-ils de moyens suffisants ? Nous attendrons des engagements forts lors du vote du prochain budget.
Ce texte prévoit-il de mettre en place une stratégie coordonnée et efficace ? Non, la nécessité de créer des dispositifs visant à sensibiliser la population française dès le plus jeune âge n’y est pas évoquée, ce risque étant multiplié par l’utilisation des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Nous ferons des propositions en ce sens.
Préserver, mieux protéger notre patrimoine scientifique, nos libertés académiques et l’intégrité de la recherche, voilà un autre enjeu. Pourtant, le texte initial n’aborde pas non plus ces questions. Nous avons déposé des amendements pour y remédier.
Au regard de l’intensification de la menace et des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux, qui ont la charge d’une grande partie de la commande publique, il est urgent de les sensibiliser aux risques d’ingérence. Nous avons fait une proposition en ce sens, mais il semblerait qu’une réunion de sensibilisation représenterait une lourde charge financière pour l’État…
Mes chers collègues, vous aurez compris mon propos : ce texte n’est pas à la hauteur des défis que notre pays doit relever. Il est une marche importante, mais il est loin d’être suffisant. Il est un tressaillement quand nous avons besoin d’un sursaut.
C’est pourquoi nous voterons pour son adoption, mais nous vous soumettrons des propositions pour l’enrichir et élargir son spectre d’intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée doit se prononcer aujourd’hui sur la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024.
La commission des lois du Sénat a approuvé ces dispositifs en les complétant et en les précisant, sur l’initiative de notre rapporteure Agnès Canayer, que je félicite de son excellent travail.
Dès le 2 novembre 2023, la délégation parlementaire au renseignement affirmait dans son rapport annuel que « le niveau de menace d’ingérences étrangères se situe à un stade élevé dans un contexte international tendu et décomplexé ».
La délégation parlementaire au renseignement identifie trois formes d’ingérence – classique, moderne et hybride – en provenance de la Russie, de la Chine, de la Turquie et de l’Iran – alliés entre eux –, chacun de ces pays mettant en œuvre un mode opératoire qui lui est propre.
Alertant sur une « forme de naïveté et de déni » de la part d’élus, notamment locaux, de hauts fonctionnaires, ainsi que d’acteurs universitaires et économiques, la délégation appelle à la création d’un « dispositif législatif ad hoc de prévention des ingérences étrangères sur le modèle de la loi américaine » pour contenir ce qu’elle qualifie de « menace protéiforme, omniprésente et durable ».
La commission spéciale du Parlement européen sur l’ingérence étrangère conclut à l’existence de deux types de puissances d’ingérence au sein de nos démocraties.
Les pays appartenant à la première catégorie organisent la continuation de leurs opérations d’influence dans le but d’améliorer, de manière licite ou illicite, leur image. À cet égard, nous avons tous en tête le Qatargate et la diplomatie du caviar de l’Azerbaïdjan, qui visaient respectivement le Parlement européen et le Conseil de l’Europe.
L’autre type d’ingérence, plus récent, vise à déstabiliser nos démocraties.
Alors que la Nouvelle-Calédonie a plongé dans la violence, l’ombre de l’Azerbaïdjan plane, ainsi que celle de la Russie et de la Chine. Ces trois puissances alliées ont la même volonté : déstabiliser la France et exploiter les ressources de l’archipel – notamment le nickel –, voire faire main basse sur les eaux territoriales françaises.
La semaine dernière, dans des reportages télévisés, certains indépendantistes de l’archipel arboraient des t-shirts floqués de la bannière azerbaïdjanaise… En mars, des médias azerbaïdjanais montraient des manifestants néo-calédoniens avec des photos du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, à Nouméa.
Cette situation explosive est aggravée par des ingérences étrangères qui ne se limitent pas à la Nouvelle-Calédonie. Dans ses territoires d’outre-mer, la France est la cible d’une guerre d’information d’envergure qui ne fait que commencer.
En tête de l’offensive se trouve l’Azerbaïdjan, cette dictature qui a vendu du gaz à l’Europe sous les applaudissements d’Ursula von der Leyen, cette dictature qui a opéré un nettoyage ethnique en Artsakh en y massacrant les Arméniens et en violant le territoire souverain d’un pays reconnu par la communauté internationale.
De plus, nous le savons, la France subit depuis plusieurs années en Afrique une offensive informationnelle. Lancée notamment par les Russes et les Turcs, cette guerre de l’information a toujours visé à dénigrer notre pays en parlant même d’anticolonialisme.
Aujourd’hui, c’est le territoire français qui est ciblé, spécifiquement ses territoires ultramarins – Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Antilles.
En première ligne de cette offensive, on trouve encore et toujours l’Azerbaïdjan, qui joue sur l’indépendantisme d’une partie des populations locales via une offensive lancée en 2023.
En effet, Ilham Aliev dénonçait lors d’un sommet du Mouvement des non-alignés (MNA) les « sanglants crimes coloniaux et actes de génocide de la France contre les pays membres du MNA en Afrique, en Asie du Sud-Est et ailleurs ». L’outre-mer était qualifiée de « reste abominable de l’empire colonial ». Il s’est prononcé, par ailleurs, pour la souveraineté des Comores sur l’île française de Mayotte dans l’océan Indien, faisant fi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, alors que les Mahorais ont choisi de rester Français !
En novembre 2023, il réitérait ses attaques en accusant la France de « préparer le terrain pour de nouvelles guerres ». « Paris – affirme-t-il – déstabilise non seulement ses colonies présentes et passées, mais aussi notre région, le Caucase du Sud. »
Quelle incroyable hypocrisie de la part d’empires super-coloniaux comme la Russie, de ses pays satellites, comme la Turquie, qui poursuit ses dérives panturquistes en rêvant de reconstituer l’Empire ottoman, et des colonisateurs exterminateurs azerbaïdjanais, qui viennent de procéder à un nettoyage ethnique des Arméniens d’Artsakh et tentent chaque jour de grignoter le territoire de l’Arménie !
Ainsi Moscou, Ankara et Bakou promeuvent et diffusent l’image d’une France pillarde et brutale, en bref d’une puissance coloniale criminelle. N’est-ce pas ce qu’ils sont eux-mêmes ?
Leur but est d’affaiblir notre démocratie, de miner la cohésion nationale et de salir l’image à l’échelon international de notre pays.
Malgré les apports de notre rapporteur en un temps limité, de nombreuses autres mesures issues des travaux de la délégation parlementaire au renseignement auraient pu trouver utilement leur place dans cette proposition de loi et n’auraient pas dû être renvoyées à la voie réglementaire.
Compte tenu de la situation actuelle en Nouvelle-Calédonie, je vous propose, mes chers collègues, que le gel des avoirs azéris voté par le Parlement et le Sénat en 2022 soit enfin effectif et que ces fonds soient utilisés pour réparer les dégâts en Nouvelle-Calédonie, dont le montant atteindrait près de 1 milliard d’euros. N’avons-nous pas procédé de cette façon en gelant les avoirs russes pour l’Ukraine ?
J’espère que ce texte sera le début d’un travail collectif et plus large, par exemple, sur l’influence étrangère dans nos universités.
Nous savons grâce au rapport de l’Assemblée nationale que la Chine est impliquée dans 70 % à 80 % des cas notables, voire graves, d’influences étatiques dans le monde académique et scientifique français. Il en va de même de la Turquie et de certains pays du Moyen-Orient, notamment de l’Iran.
Par ailleurs, même s’il ne s’agit pas d’un État, nous aurions pu évoquer l’entrisme des Frères musulmans. De la décapitation de Samuel Paty aux manifestations pro-burkini dans les piscines, en passant par les marches contre l’islamophobie, l’ombre des Frères musulmans plane sur notre pays.
Mes chers collègues, il importe d’agir rapidement pour agir contre les guerres faites aux démocraties. Nous refusons de voir ces guerres, alors que l’ingérence ne fait que prospérer. Pour paraphraser Jacques Chirac, nos démocraties brûlent et nous regardons ailleurs ! Ayons le courage de permettre à notre liberté de continuer à s’exercer, elle le mérite !
M. le président. La parole est à M. François Bonneau.
M. François Bonneau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors qu’il semble avéré que des ingérences de l’Azerbaïdjan, de la Chine et de la Russie exacerbent la crise en Nouvelle-Calédonie, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères.
Les ingérences d’un État dans les affaires intérieures d’un autre pays sont tentaculaires et durables. Elles visent à déstabiliser de l’intérieur, à fausser le débat démocratique, à affaiblir, à saper la cohésion nationale et la confiance dans les institutions. Toutes ces actions tendent à porter atteinte à la souveraineté et à l’indépendance d’un pays.
Comme l’indique l’OCDE dans son rapport d’avril 2024, au cours des dernières années, les risques d’ingérences étrangères en France se sont imposés comme une problématique d’actualité majeure. Si notre pays dispose d’ores et déjà d’un cadre juridique et institutionnel pour appréhender ces risques, il apparaît nécessaire de compléter notre dispositif avec des outils de gouvernance publique visant à renforcer la transparence et l’intégrité de la vie publique.
Dans son rapport rendu en novembre dernier, la délégation parlementaire au renseignement affirme que le niveau de menace d’ingérences étrangères se situe à un stade élevé dans un contexte international tendu. Fort de ce constat, elle a formulé vingt-deux propositions, dont dix-huit au titre de la lutte contre les ingérences étrangères. Le texte que nous examinons aujourd’hui est la traduction législative de plusieurs d’entre elles ; il s’agira de compléter le dispositif.
Ce texte, attendu de longue date par les acteurs de la lutte contre les ingérences étrangères, n’apporte qu’un début de réponse aux attaques auxquelles nous faisons face.
Il permettra une meilleure information du Parlement sur l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, étendra la technique dite « de l’algorithme » aux cas d’ingérences étrangères ou permettra de procéder au gel des fonds et des ressources économiques des personnes responsables de ces actes.
Grâce aux travaux de la commission des lois du Sénat, le texte permettra également de mieux coordonner les missions de la HATVP, évoquées par nombre d’entre nous, sur le risque d’ingérence et de prévoir la mise en place d’un dispositif pénal permettant de lutter contre les ingérences, assorti d’une circonstance aggravante lorsqu’une atteinte aux biens ou aux personnes est commise pour le compte d’une entité étrangère.
Si la France doit renforcer son arsenal juridique, cette problématique doit également trouver des réponses à l’échelon européen.
Dès 2020, le Parlement européen s’est doté d’une commission dont l’objectif est d’élaborer des pistes pour une approche européenne contre les ingérences. Le 25 avril dernier, il a adopté une résolution appelant à répondre avec plus de fermeté aux ingérences étrangères, après plusieurs scandales impliquant la Russie ou la Chine.
Cette résolution demande notamment l’ouverture immédiate d’une enquête interne approfondie afin d’évaluer tous les cas possibles d’ingérence étrangère de la part de la Russie et d’autres pays au sein du Parlement européen.
À trois semaines d’un scrutin essentiel, il est urgent d’agir et de promouvoir une action forte et coordonnée des États membres. La France œuvrera-t-elle à ce que de tels mécanismes soient mis en œuvre ? Espérons-le…
Enfin, en parallèle de l’examen de ce texte, le Sénat a mis en place une commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influences étrangères. Le groupe Union Centriste suivra avec attention les conclusions de ses travaux. Quoi qu’il en soit, comme l’a déjà indiqué ma collègue Nathalie Goulet, notre groupe votera ce texte.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en france
Article 1er
I. – La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :
1° Après la section 3 bis du chapitre Ier, est insérée une section 3 ter ainsi rédigée :
« Section 3 ter
« Transparence des activités d’influence réalisées pour le compte d’un mandant étranger
« Art. 18-11 et 18-12. – (Supprimés)
« Art. 18-12-1. – I. – Sont tenues de déclarer leurs activités d’influence auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans les conditions fixées par la présente section, les personnes physiques ou morales exerçant, sur l’ordre, à la demande ou sous la direction ou le contrôle d’un mandant étranger mentionné au II et aux fins de promouvoir les intérêts de ce dernier, une ou plusieurs actions destinées à influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire, sur une décision publique individuelle ou sur la conduite des politiques publiques, en :
« 1° Entrant en communication avec une ou plusieurs des personnes suivantes, à l’initiative de ces personnes ou de sa propre initiative :
« a) Un membre du Gouvernement, ou un membre de cabinet ministériel ;
« b) Un député, un sénateur, un collaborateur d’un député, d’un sénateur ou d’un groupe parlementaire, ainsi qu’avec les agents des services des assemblées parlementaires ;
« c) Un ancien président de la République, un ancien membre du Gouvernement, un ancien député ou un ancien sénateur, pendant une période de cinq ans suivant la fin de leur mandat ou la cessation de leurs fonctions ;
« d) Un collaborateur du Président de la République ;
« e) Le directeur général, le secrétaire général, ou leur adjoint, ou un membre du collège ou d’une commission investie d’un pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante mentionnée au 6° du I de l’article 11 ;
« f) Une personne titulaire d’un emploi ou d’une fonction mentionné au 7° du même I ;
« g) Une personne titulaire d’une fonction ou d’un mandat mentionné aux 2°, 3° ou 8° dudit I ;
« h) Un agent public occupant un emploi mentionné à l’article L. 122-10 du code de la fonction publique ;
« i) Un candidat déclaré aux élections présidentielles, législatives ou sénatoriales, à compter de la publication officielle des listes des candidats déclarés ;
« j) Les dirigeants d’un parti ou groupement politique bénéficiant de la première fraction de l’aide attribuée en application de l’article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
« 2° Réalisant toute action de communication à destination du public ;
« 3° Collectant des fonds ou procédant au versement de fonds sans contrepartie.
« Sont également tenues de déclarer leurs activités dans les conditions prévues à la présente section les personnes mentionnées aux 2° et 3° du II du présent article qui exercent une ou plusieurs des activités mentionnées aux 1° à 3° du présent I aux fins de promouvoir leurs intérêts ou ceux d’une puissance étrangère mentionnée au 1° du II.
« II. – Sont des mandants étrangers, au sens de la présente section :
« 1° Les puissances étrangères, à l’exclusion des États membres de l’Union européenne ;
« 2° Les personnes morales qui sont directement ou indirectement dirigées ou contrôlées par une puissance étrangère mentionnée au 1° ou qui sont financées pour plus de la moitié par une telle puissance étrangère ;
« 3° Les partis et les groupements politiques étrangers, à l’exclusion de ceux issus des États membres de l’Union européenne.
« III. – Ne sont pas des personnes tenues de déclarer leurs activités au sens de la présente section les membres du personnel diplomatique et consulaire en poste en France dûment habilités ainsi que les membres et les agents d’un État étranger, lorsqu’ils agissent dans l’exercice de leurs fonctions.
« Art. 18-13. – I. – Toute personne agissant pour le compte d’un mandant étranger tenue de déclarer ses activités en application de la présente section communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l’intermédiaire d’un téléservice, les informations suivantes :
« 1° Son identité, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités d’influence en son sein, lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;
« 2° Le nom et l’adresse de chacun des mandants étrangers pour le compte desquels elle agit ;
« 3° Le contenu de l’accord ou la nature du lien entre la personne agissant pour le compte d’un mandant étranger et le mandant étranger ;
« 4° Le nombre de personnes employées dans l’accomplissement des activités mentionnées au I de l’article 18-12-1 et, le cas échéant, le chiffre d’affaires généré par ces activités sur l’année précédente ;
« 5° Les actions réalisées, notamment :
« a) S’agissant des activités mentionnées au 1° du même I, les actions d’influence menées auprès des personnes mentionnées au même 1°, en précisant notamment la fonction des personnes contactées, l’intitulé, l’objet ou la référence de la décision publique concernée et le type d’actions menées ainsi que le montant des dépenses liées à ces actions durant l’année précédente ;
« b) S’agissant des activités mentionnées au 2° dudit I, la liste des actions de communication réalisées et les informations communiquées ;
« c) S’agissant des activités mentionnées au 3° du même I, la liste des opérations de collecte de fonds et des personnes bénéficiaires des versements opérés, le cas échéant.
« I bis (nouveau). – Les informations mentionnées au I sont recensées au sein d’un répertoire numérique, rendu public par la Haute Autorité et placé sous son contrôle. Ce répertoire est commun à la Haute Autorité, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Sa publication s’effectue dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, dans les conditions prévues au titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
« II. – Toute personne agissant pour le compte d’un mandant étranger tenue de déclarer ses activités en application de la présente section communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de quinze jours ouvrés à compter de la date à laquelle les conditions définies à l’article 18-12-1 sont remplies, les informations mentionnées aux 1° à 3° du I du présent article.
« La personne tenue de déclarer ses activités en application de la présente section communique ensuite l’ensemble des informations mentionnées au même I dans un délai de trois mois à compter de la fin de chaque activité mentionnée au I de l’article 18-12-1, à l’exception du chiffre d’affaires mentionné au 4° et du montant des dépenses mentionnées au 5° du I du présent article, qui sont communiqués dans un délai de trois mois à compter de la clôture de son exercice comptable.
« Art. 18-13-1. – Les règles applicables aux personnes menant des activités d’influence pour le compte d’un mandant étranger au sein de chaque assemblée parlementaire sont déterminées et mises en œuvre dans les conditions prévues à l’article 4 quinquies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
« Art. 18-13-2. – Dans leurs relations avec les personnes mentionnées aux a et c à j du 1° du I de l’article 18-12-1, les personnes tenues de déclarer leurs activités :
« 1° Déclarent leur identité, l’organisme pour lequel elles travaillent et les intérêts ou entités qu’elles représentent ;
« 2° S’abstiennent de proposer ou de remettre à ces personnes des présents, dons ou avantages quelconques d’une valeur significative ;
« 3° S’abstiennent de toute incitation à l’égard de ces personnes à enfreindre les règles déontologiques qui leur sont applicables.
« Art. 18-14. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des obligations prévues aux articles 18-13 et 18-13-2. À cette fin, elle peut, à son initiative ou à la suite d’un signalement, mettre en demeure toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle entre dans le champ des personnes soumises à déclaration en application du I de lui communiquer, dans un délai d’un mois, tout information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé. Elle peut, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, également procéder à des vérifications sur place dans les locaux professionnels de ces personnes, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris et en présence d’un officier de police judiciaire, lors desquelles ses agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des documents professionnels de toute nature, entre quelques mains qu’ils se trouvent, propres à faciliter l’accomplissement de leur mission.
« Elle peut demander aux personnes mentionnées aux a et c à j du 1° du I de l’article 18-12-1, directement ou par l’intermédiaire de leur référent en matière de déontologie, de lui communiquer la liste des personnes tenues de déclarer les informations mentionnées à l’article 18-13 avec lesquels elles sont entrées en communication.
« La Haute autorité peut également être saisie par les personnes mentionnées au 1° du I de l’article 18-12-1 sur la qualification à donner, au regard du même I, à l’activité d’une personne physique ou morale. La Haute Autorité ou, par délégation, son président rend son avis dans un délai de deux mois à compter de la réception, par la Haute autorité, des informations dont elle a sollicité la communication auprès de la personne physique ou morale en cause. Ce délai peut être prolongé de deux mois par décision de son président, après qu’il a informé l’auteur de la saisine.
« Lorsqu’elle constate un manquement aux obligations prévues aux articles 18-13 et 18-13-2, elle :
« 1° Adresse à la personne tenue de déclarer ses activités, après l’avoir mis en état de présenter ses observations, une mise en demeure, qu’elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles elle est assujettie ;
« 2° Le cas échéant, avise du manquement constaté la personne mentionnée aux a et c à j du 1° du I de l’article 18-2-1 qui a été en communication avec une personne mentionnée au 1° du présent article et peut lui adresser des observations, sans les rendre publiques.
« Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate qu’une personne tenue de déclarer les informations mentionnées à l’article 18-13 ne s’est pas conformée à la mise en demeure prononcée en application du présent article au terme d’un délai de deux mois, elle peut prononcer une astreinte dont le montant maximal est fixé à 1 000 euros par jour, qu’elle peut rendre publique.
« Art. 18-15. – Le fait, pour une personne tenue de déclarer ses activités en application de la présente section, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu’elle est tenue de communiquer à cette dernière en application de l’article 18-13 est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au premier alinéa du présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 5°, 7° à 9° et 12° de l’article 131-39 du même code.
« Art. 18-16. – Lorsqu’une personne physique ou morale remplit simultanément les conditions pour être qualifiée de représentant d’intérêts, au sens de l’article 18-2, et pour être tenue de déclarer ses activités en application de la présente section, et qu’elle s’est régulièrement acquittée des obligations prévues à la présente section, les obligations prévues à la section 3 bis du présent chapitre sont réputées remplies au titre des seules actions qu’elle a régulièrement déclarées.
« Lorsqu’une personne physique ou morale qui remplit simultanément les conditions pour être qualifiée de représentant d’intérêts, au sens de l’article 18-2, et pour être tenue de déclarer les informations mentionnées à l’article 18-13, ne s’est pas régulièrement acquittée des obligations prévues à la présente section, les manquements constatés ne peuvent être réprimés que sur le fondement de l’article 18-15.
« Art. 18-17. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de mise en œuvre de la présente section.
« Ce décret précise notamment :
« 1° Les modalités des communications prévues à l’article 18-13 ainsi que les conditions de publication des informations correspondantes ;
« 2° Les modalités de présentation des activités du représentant d’intérêts. » ;
2° À la seconde phrase du 5° du I de l’article 20, après la référence : « 18-2, », sont insérés les mots : « les relations avec les personnes tenues de déclarer ses activités en application de la section 3 ter du présent chapitre, ».
II. – L’article 4 quinquies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable aux personnes tenues de déclarer les informations mentionnées à l’article 18-13 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui entrent en communication avec les personnes mentionnées au b du 1° du I de l’article 18-12-1 de la même loi. ».
III. – Entrent en vigueur :
1° Le premier jour du sixième mois suivant la publication du décret prévu à l’article 18-17 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, et au plus tard le 31 décembre 2025, les articles 18-11 à 18-13 et 18-13-2 à 18-17 de la même loi ainsi que le 2° du I du présent article ;
2° Le 31 décembre 2025, l’article 18-13-1 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée et le II du présent article.