Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et, par dérogation, à 200 millions d’euros pour les établissements publics de santé

La parole est à M. le ministre.

M. Stanislas Guerini, ministre. Cet amendement porte également sur le périmètre d’application de la proposition de loi.

Il s’agit de fixer, pour les établissements de santé, le seuil d’éligibilité non pas à 60 millions, mais à 200 millions d’euros. Cette demande, qui vient de la fonction publique hospitalière et du secteur de la santé, est fondée sur un certain nombre d’arguments, analogues à ceux qui ont été invoqués dans cet hémicycle pour exclure les collectivités territoriales du champ du texte, portant sur le caractère applicable pour les établissements de santé de plus petite taille.

Un seuil de 200 millions d’euros permettrait d’inclure dans le champ de la proposition de loi l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), les Hospices civils de Lyon (HCL), c’est-à-dire tous les établissements de santé d’une taille importante, qui peuvent être, je crois, soumis aux mêmes contraintes et risques que les administrations centrales de l’État, et d’exclure de plus petits hôpitaux. À la suite de diverses discussions, le seuil de 200 millions d’euros nous a paru être une proposition acceptable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le seuil de 60 millions d’euros traduit déjà notre volonté d’avancer et de trouver un compromis.

Nous vous avons demandé, monsieur le ministre, une liste actualisée, que vous nous avez fournie, des établissements de santé qui seraient concernés par le seuil de 200 millions d’euros que vous souhaitez instaurer. Cette liste comporte 91 établissements publics de santé, soit seulement 25 de moins que ceux qui sont inclus dans le seuil de 60 millions. Les plus petits ne sont, de fait, pas concernés.

L’exposé des motifs de votre amendement fait appel à notre attachement territorial : vous citez notamment le centre hospitalier de Roanne, dans le département dont je suis élue, et je ne pense pas que ce soit le fruit d’un pur hasard… Ces établissements sont, je le crois, tout à fait capables de satisfaire aux obligations législatives.

La sagesse sénatoriale s’arrêtera donc ici : l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. La raison pour laquelle les législateurs que nous sommes ne peuvent être d’accord avec une exclusion des établissements de santé réalisant un chiffre d’affaires de 20 à 60 millions d’euros est assez simple.

Il y a eu une véritable gabegie : on a eu recours à des cabinets de conseil pour mettre en œuvre des politiques de « rationalisation » – c’est le terme employé – des coûts à l’hôpital décidées par les ministres de la santé successifs et aussi, il faut bien le dire, par ceux des finances.

La commission d’enquête a auditionné les Hospices civils de Lyon, qui regroupent treize hôpitaux publics. La presse avait enquêté en amont et il avait été révélé par Médiacités que les HCL avaient dépensé pour plus de 11 millions d’euros d’audits entre 2009 et 2017 auprès de cabinets de conseil bien connus : Capgemini, McKinsey, KPMG.

Une expérience ressort particulièrement, qui est le fruit d’une nouvelle enquête : la tentative « d’accompagnement » du pôle pharmacie, une prestation de McKinsey qui « n’a abouti à rien ».

D’après un article du même média, publié en février 2021 et repris ensuite par Mediapart, le pôle pharmacie de cet hôpital aurait d’abord subi un audit en 2004, dont les conclusions auraient été plutôt appréciées du personnel, puis un deuxième en 2013 et un troisième en 2017, effectué par le cabinet McKinsey via sa branche Orphoz, avec comme objectif une réduction des coûts que le précédent cabinet n’avait pas réussi à réaliser.

Officiellement, il s’agissait de dresser un état des lieux, d’établir « un diagnostic avec les acteurs de la pharmacie sur les points faibles et les points forts, avant de proposer des leviers d’amélioration ». Le montant du marché aurait été de 520 860 euros pour 227 jours de travail sur place de quatre consultants et de quelques collaborateurs d’Orphoz. Quel fut le résultat ? Un mécontentement partagé par les personnels de ce pôle, alors que la direction dit l’inverse…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 22, présenté par MM. Bocquet, Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Les prestations de conseil informatique adossées à des prestations d’audit et de conseil en stratégie des systèmes d’information, l’étude de projet applicatif et le forfait de service de projet applicatif ;

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nous n’avons, ni les uns ni les autres, trouvé à ce stade un équilibre permettant de ne pas exclure ni inclure trop largement les prestations de conseils en informatique qui n’auraient pas de dimension stratégique. Cet amendement tend à apporter une réponse utile en se basant sur la nomenclature des achats de l’État et en ciblant les groupes de marchandises. C’est le terme qui désigne l’implication des cabinets dans des fonctions, y compris opérationnelles, qui influencent la décision, le projet final.

Je rejoins notre rapporteure pour dire que les simples catégories de programmation et de maintenance ne recouvrent pas de réalité concrète, mais l’enjeu est important, au vu des interstices laissés par une définition trop large des dépenses de conseil en informatique, qui représentent plus de 646 millions d’euros et qui ont plus que doublé depuis 2018, et il échappe à cette proposition de loi.

Il ne convient pas d’intégrer dans la loi les 448 millions d’euros de prestations informatiques ayant une moindre composante stratégique. Si la rédaction actuelle, celle qui émane de la commission, était adoptée, les administrations publiques se cacheraient derrière les problèmes de délimitation entre ces prestations et les autres, afin d’omettre, en estimant être dans leur bon droit, certaines prestations. La distinction que nous proposons nous paraît plus en phase avec la nomenclature des marchés publics.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ros, Pla, Temal, M. Weber et Roiron, Mme Bélim, MM. Tissot, Marie et Redon-Sarrazy, Mme Monier et M. P. Joly, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et les prestations de réalisations informatiques

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à réintégrer les prestations de réalisations informatiques dans le champ de la proposition de loi, aux côtés des conseils en stratégie numérique. Nous le savons, les prestations informatiques occupent un rôle central dans le fonctionnement et l’évolution de nos administrations.

La commission d’enquête sénatoriale relative à l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a largement démontré que ces prestataires influençaient profondément la réflexion sur l’organisation et le fonctionnement de nos administrations. L’administration s’appuie sur ces prestataires pour la réalisation de tâches essentielles qui vont bien au-delà du simple conseil stratégique auquel il est fait référence à cet alinéa.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, les ministères ont dépensé près de 381 millions pour des prestations d’expertise technique, ce qui représente environ 60 % du budget total des conseils en informatique. Ce volume montre bien l’importance de ces prestations. Les exclure du champ d’application reviendrait à négliger la majorité des missions confiées aux cabinets de conseil en informatique, ce qui pose problème. Dans un contexte de transformation numérique des administrations, les prestations intellectuelles en informatique deviennent éminemment stratégiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. La semaine dernière, nous avons souhaité limiter, dans un souci de proportionnalité, l’application de la présente proposition de loi aux seules prestations informatiques qui revêtent un caractère stratégique, en reprenant notamment la nomenclature prévue par la circulaire de la Première ministre du 7 février 2023.

Dès lors, j’émettrai un avis défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement n° 22 du groupe CRCE-K mentionne des prestations qui font partie des trois catégories listées par la circulaire, sans pour autant reprendre la catégorie dans son ensemble, faisant ainsi du saupoudrage au travers des sous-catégories.

L’amendement n° 5 rectifié du groupe socialiste tend à intégrer des prestations qui relèvent, selon la nomenclature de la même circulaire, de prestations telles que « l’installation de matériel », « la numérisation », « les forfaits de développement » ou une prestation de « tierce maintenance applicative ». Il me semble disproportionné d’exiger le même degré de transparence et de règles déontologiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stanislas Guerini, ministre. Mme la rapporteure a cité la circulaire du 7 février 2023 de la Première ministre, qui est une nouvelle traduction de la volonté très concrète et sincère du Gouvernement d’avancer sur ces questions.

Cette circulaire vise justement à inclure le numérique dans le champ du contrôle et de l’encadrement des prestations de conseil, alors qu’il n’avait jusqu’à présent pas été inclus dans les travaux. Elle permet de faire le distinguo que Mme la rapporteure vient de préciser, et d’intégrer la prestation de conseil en numérique, qui revêt un caractère stratégique et qui est susceptible de « subir l’influence », en quelque sorte, des cabinets de conseil.

Je m’en remets donc à la délimitation définie par la commission et émettrai le même avis que Mme la rapporteure.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Il n’a jamais été dans l’esprit de la commission d’enquête de viser les prestations informatiques. Notre périmètre était le conseil dispensé par des cabinets privés, c’est-à-dire tout ce qui relève des décisions stratégiques, de l’architecture générale, etc. C’est pourquoi je ne peux pas voter l’amendement de Mme Blatrix Contat.

L’amendement de M. Bocquet tend à préciser, à définir, ce qui relève de la stratégie informatique, à la différence des prestations plus ordinaires. C’est un sujet qu’il faudra continuer à approfondir dans le cadre de la navette.

Si nous n’adoptons pas cet amendement, il ne faut pas pour autant – nous allons y venir dans quelques instants – nous en remettre à la définition par l’administration, dans un décret qu’elle prendrait, du périmètre exact et de la définition de ces prestations, car nous risquerions alors d’avoir des déconvenues.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voterai l’amendement d’Éric Bocquet qui pourra être amélioré puisque, pour une fois, nous aurons une navette « complète ».

Monsieur le ministre, la précision apportée par la loi est toujours meilleure que celle qui est donnée par circulaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 5 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 11, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

relatives aux participations de l’État et de celles

et les mots :

et des prestations de conseil mentionnées aux 4 et 5 du I de l’article L. 311-2 du code monétaire et financier et au 5 de l’article L. 321-1 du même code, lorsqu’elles sont réalisées par des établissements de crédit

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Puisque nous sommes bien partis, je vous propose, mes chers collègues, un amendement de bon sens, qui tend à supprimer deux dérogations non prévues dans le texte initial excluant du champ de la proposition de loi les prestations de conseil commandées par l’Agence des participations de l’État (APE) et les prestations réalisées par les banques.

Rien ne justifie de telles dérogations. Les exigences de transparence de la proposition de loi doivent s’appliquer à ces prestations, par exemple lorsque Bercy demande à une banque de conseiller le Gouvernement dans une opération financière.

C’est pourquoi cet amendement réintègre dans le périmètre de la proposition de loi les prestations de conseil commandées par l’APE et celles qui sont réalisées par les banques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Nous entendons les arguments avancés, mais ni la commission d’enquête ni la proposition de loi n’ont traité des prestations de conseils en investissement ou gestion de patrimoine effectuées par les banques, dans le cadre des règles fixées par le code monétaire et financier.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stanislas Guerini, ministre. Le Gouvernement considère que l’application de cette loi à l’APE ou aux établissements de crédit n’est pas justifiée.

En ce qui concerne les prestations de conseil auxquelles l’APE a recours, je crois qu’il est important que, dans le cadre des opérations de l’État actionnaire, celui-ci puisse intervenir dans les mêmes conditions que n’importe quel gestionnaire public ou opérateur de marché privé. Il y va de la capacité de l’État actionnaire à agir à armes égales avec ses interlocuteurs privés, français ou étrangers, pour défendre les intérêts patrimoniaux de l’État.

Du reste, le secteur bancaire, auquel l’APE peut faire appel, est très fortement encadré et demeure soumis au secret professionnel. L’APE, je le rappelle, est déjà assujettie à de très nombreux contrôles, notamment de la part du Parlement et de la Cour des comptes.

En ce qui concerne les prestations réalisées par les établissements de crédit visées par cet amendement, l’exclusion du champ d’application se justifie, comme l’avait rappelé Mme la rapporteure en commission, par le fait que ces prestations, à l’instar de celles de nombreuses professions juridiques réglementées, elles-mêmes exclues, sont particulièrement réglementées. Ces établissements doivent disposer d’un agrément délivré par la Banque centrale européenne (BCE) ou par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et de politiques et de procédures formalisées de prévention et de gestion de conflits d’intérêts.

Pour toutes ces raisons, il serait sage d’exclure ces établissements de l’application de la proposition de loi. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Je voterai pour l’amendement de Mme Goulet, parce que, si nous ne le votons pas, les trous dans la raquette du dispositif risquent de se multiplier.

Par ailleurs, nous allons aborder plus tard dans le débat la notion de secret des affaires, mais nous ne voulons connaître que les intitulés des prestations commandées, leur coût et la façon dont elles ont été in fine évaluées. Voilà les seules données que nous souhaitons connaître en toute transparence. Cela ne menace en rien le secret des affaires et ne met pas en péril l’équilibre de la concurrence entre l’APE et le secteur bancaire, d’autant que cela se fera forcément de façon rétrospective, dans le cadre de la présentation du jaune budgétaire, au moins un an après les faits.

Je ne vois pas quelles difficultés particulières ou quelles atteintes au secret des affaires pourrait entraîner cet amendement, ni d’ailleurs ceux que nous évoquerons plus tard.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 12 rectifié bis est présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

L’amendement n° 23 est présenté par MM. Bocquet, Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié bis.

M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 13 de l’article 1er, introduit par l’Assemblée nationale, qui prévoit qu’un décret précise la nature des prestations de conseil au sens de la proposition de loi, donc le périmètre de cette dernière.

Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous avons un précédent extrêmement fâcheux en la matière – un cas d’école, l’exemple absolu de ce qu’il ne faut pas faire ! –, à savoir un décret du 9 mai 2017, qui visait à préciser la portée de la loi Sapin II sur l’encadrement des lobbies et qui a complètement dévitalisé cette loi.

Je n’entre pas dans toutes les dispositions techniques, mais plusieurs d’entre elles, par exemple l’appréciation des seuils au niveau individuel et non au niveau de l’entreprise de lobbying, permettent à un certain nombre de lobbies de passer outre leurs obligations d’inscription au registre de la HATVP, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Sept ans plus tard, ce décret scélérat n’a toujours pas été modifié par le Gouvernement !

J’estime donc que nous avons quelques raisons de nous méfier de ce genre de renvoi à un décret « technique », qui risque d’affaiblir considérablement les décisions que nous prenons ici, au Parlement.

C’est pourquoi cet amendement tend à revenir au texte initial et à ne pas s’en remettre un décret. J’ajoute que, dans ce même article, nous définissons déjà précisément les prestations visées.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 23.

M. Éric Bocquet. Lorsque l’on analyse le comportement du Gouvernement, qui a déposé 13 amendements sur ce texte pour déconstruire le travail du Sénat – je rappelle que le Sénat a voté cette proposition de loi à l’unanimité en première lecture et j’espère que son destin sera aussi consensuel aujourd’hui –, nous ne pouvons qu’être inquiets de la façon dont les actes réglementaires pourraient être pris.

Pour comprendre que notre inquiétude est fondée, il suffit de rappeler que le jaune budgétaire est une véritable parodie de transparence, puisqu’il ne comprend que sept groupes de prestations, contre douze évoqués dans le rapport de la commission d’enquête sénatoriale.

Monsieur le ministre, vous voulez freiner, vous rechignez, vous esquivez, vous resquillez, vous voulez dévitaliser toute mesure de transparence, car vous y êtes par principe opposé !

Peut-être pensez-vous que le recours aux cabinets de conseil, qui serait ainsi dévoilé à l’opinion publique comme il l’a été par la commission d’enquête, reviendrait à caractériser une forme d’irresponsabilité en matière de gestion des finances publiques. Peut-être ce recours abusif deviendrait-il le symbole, sinon le symptôme, de gouvernements libéraux qui préfèrent les méthodes du privé à nos agents publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Je puis comprendre les inquiétudes des auteurs de ces amendements.

Cependant, nous avons déjà précisé avec rigueur le champ de la proposition de loi, y compris à l’instant en votant des amendements sur les alinéas précédents. En outre, la commission des lois n’a pas voulu se satisfaire d’un renvoi à un décret simple : elle a prévu que le décret serait soumis à l’examen du Conseil d’État.

C’est pourquoi je sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, mon avis serait défavorable.

Je veux également rappeler que nous sommes ici – je sais que c’est de moins en moins habituel… – en deuxième lecture. Dans ce contexte, notre objectif est de cheminer à la fois entre nous, ici au Sénat, et avec nos collègues députés, pour que ce texte aboutisse et que l’Assemblée nationale n’ait pas le dernier mot.

C’est dans cet esprit que la commission des lois a essayé la semaine dernière – il y a sûrement encore beaucoup d’imperfections – de trouver un équilibre, sans pour autant en rabattre avec les exigences de la commission d’enquête, celles des auteurs de la proposition de loi et celles de nos travaux en première lecture.

Si nous voulons avancer, notamment sur les sujets qui sont à nos yeux les plus importants, il nous semble que le compromis d’un décret en Conseil d’État est acceptable.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stanislas Guerini, ministre. Même avis, madame la présidente. Sur le fond, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a indiqué Mme la rapporteure, mais je voudrais revenir sur ses propos, qui me paraissent tout à fait sages.

Comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale, je veux saluer le travail réalisé par la commission des lois pour avancer de façon concrète et proportionnée et respecter les équilibres, même si le vote des deux amendements précédents n’entre pas dans ce cadre.

Le Sénat a mené un travail transpartisan et sérieux sur cette question, et vous avez face à vous, monsieur le sénateur Bocquet, un ministre qui est respectueux de ce travail et sincère dans son engagement. Vous avez utilisé des mots comme « resquiller »… Je ne crois pas que l’on puisse définir ainsi le travail conduit par mon administration depuis deux ans sur l’encadrement des cabinets de conseil.

Vous pouvez évidemment trouver le jaune budgétaire imparfait – on peut discuter de son périmètre, par exemple –, mais il est un point d’appui important pour apporter de la transparence sur la nature des prestations dont nous parlons.

Surtout, ce travail donne des résultats : dans le périmètre du jaune budgétaire – les dépenses de conseil en stratégie, c’est-à-dire, me semble-t-il, les prestations visées par cette proposition de loi –, nous étions à 271 millions d’euros en 2021, à 137 millions d’euros en 2022 et à 73 millions d’euros en 2023. Notre engagement est donc réel, et je souhaite que nous poursuivions ce débat sans caricature.

Je le redis, je suis respectueux du travail du Sénat. D’ailleurs, une façon de l’être est de faire preuve de transparence. C’est aussi pour cela que j’ai déposé, au nom du Gouvernement, 13 amendements, qui sont peu ou prou les mêmes que ceux que j’avais déposés en première lecture. En portant ces propositions, il s’agit pour moi d’être constant et clair vis-à-vis du Sénat.

Je ne vais pas me taire, même si je sais bien qu’ici je suis largement en minorité. (Sourires.) Il y a peu de suspense, au fond, sur le sort des amendements que je dépose, mais je préfère procéder ainsi – c’est de la transparence. Il me semble que c’est la manière de respecter au mieux le travail de la Haute Assemblée sur cette question importante.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Bazin, l’amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Arnaud Bazin. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Je comprends parfaitement la position de la commission, qui recherche un équilibre en deuxième lecture et qui souhaite trouver un chemin au milieu de toutes ces questions assez complexes.

Toutefois, j’ai tout de même du mal à comprendre son raisonnement : elle nous dit qu’il n’y a pas de risque à prendre un décret en Conseil d’État, puisque l’on a déjà bien défini les choses dans l’article 1er. Dans ce cas, quel besoin d’un décret en plus ?

L’article 1er définit les prestations de conseil que nous visons : restons-en là !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je vais voter ces amendements. Monsieur le ministre, la meilleure façon de cheminer, c’est de les voter. Et dans l’hypothèse où le décret reviendrait dans le texte, nous comptons qu’il soit pris dans des délais raisonnables, ce qui n’est pas toujours le cas…

Notre collègue Bazin nous a très bien expliqué ce qui s’est passé dans un cas précédent, et vous comprendrez, monsieur le ministre, qu’un sénateur échaudé craigne l’eau froide !

Notre commission a très bien défini les prestations en question ; il est donc tout à fait normal que nous votions ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ces amendements. En effet, comme cela vient d’être dit, chat échaudé craint l’eau froide.

Il y a eu quinze mois d’attente entre la première lecture au Sénat de cette proposition de loi et son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !

Par ailleurs, nous avons eu tout à l’heure un débat sur l’application des lois qui a montré que le taux d’application pouvait être amélioré. Le plus simple est d’éviter le renvoi à un décret.

C’est pourquoi nous soutenons ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié bis et 23.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les cabinets de conseil indiquent aux administrations les différents scénarios de projet qu’ils ont décidé d’exclure et expliquent les raisons pour lesquelles ces scénarios de projet n’ont pas été retenus.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à renforcer la lutte contre l’influence indue des cabinets de conseil sur les décisions publiques. En effet, il semble important que ces cabinets privés indiquent aux administrations les nombreuses pistes envisagées lors de la construction d’un projet, afin que les consultants n’aient pas une marge de manœuvre disproportionnée dans le choix du scénario proposé.

C’est pourquoi nous demandons que les prestataires et consultants soient, par principe, obligés de proposer l’ensemble des scénarios envisagés et, en tout cas, de motiver leur décision d’abandon de ces scénarios.

Je précise que cet amendement a été travaillé en concertation avec l’association Sherpa.