Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la polémique née du recours aux cabinets de conseil par l’État se poursuit avec la deuxième lecture de la présente proposition de loi. Lors de la campagne présidentielle de 2022, les Français ont été pour le moins surpris d’apprendre que 890 millions d’euros avaient été versés à ce titre par l’État sur l’année 2021.

À quoi servent les 5,67 millions d’agents que compte la fonction publique de notre pays si l’État a besoin de recourir à des cabinets de conseil privés ?

La réalité, que tous les responsables politiques connaissent bien, c’est qu’ils ont eux-mêmes eu recours à des prestations de conseil, ou qu’ils le feront un jour. Derrière les polémiques, il y a les faits : les trois quarts du montant dépensé en 2021 concernaient des prestations informatiques.

L’État n’est évidemment pas le seul à recourir à ces prestations. Les collectivités territoriales ont ainsi dépensé 557 millions d’euros pour des prestations de conseil, ce qui est bien normal puisqu’elles font face, elles aussi, à un monde de plus en plus complexe.

Alors que les collectivités territoriales ont été incluses dans le périmètre du texte à l’Assemblée nationale, la rapporteure a fait le choix en commission de les retirer de la liste des entités soumises à cette loi.

Notre groupe se réjouit, bien évidemment, que les collectivités territoriales soient exclues de ce dispositif et ne soient pas soumises à un énième régime de déclaration, car nous savons bien qu’elles ne recourent à ces prestations que lorsque ces dernières sont nécessaires. Mais l’Assemblée nationale, qui conserve le dernier mot, pourrait à ce titre inclure de nouveau ces collectivités, si l’examen de la proposition de loi se poursuivait jusqu’à son terme.

Nous avons mieux à faire que de confier à la HATVP une nouvelle mission relative aux prestations de conseil, une nouvelle commission des sanctions, après l’avoir chargée de participer à la lutte contre les ingérences étrangères, alors qu’elle manque déjà de moyens. Le risque, à terme, est d’imposer de nouvelles obligations aux collectivités territoriales.

À titre personnel, je considère que nous devons renforcer nos moyens de lutte contre le véritable problème qu’est le pantouflage. Les allers-retours incessants entre le public et le privé sont inacceptables. Un seul et unique aller-retour doit être possible. Nos concitoyens acceptent de plus en plus mal cet entre-soi parisianiste au sein duquel les rémunérations s’additionnent tandis que les responsabilités se soustraient.

Nous devons donner à la HATVP les moyens de remplir sa mission dans les meilleures conditions si nous voulons lutter contre les atteintes à la probité.

La grande majorité du groupe Les Indépendants s’abstiendra sur cette proposition de loi, qui nous semble manquer son objectif et pourrait se révéler dangereuse pour les collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, qui est le fruit d’un long cycle de travaux parlementaires autour du rôle des cabinets de conseil privés dans la sphère publique.

Ces travaux ont, en premier lieu, pris la forme d’une commission d’enquête, dont je salue la nature, le sérieux et l’intensité, à la suite du scandale politico-financier surnommé « affaire McKinsey » en janvier 2021.

Les enseignements de cette affaire devaient être tirés. C’est pourquoi la Haute Assemblée a conduit une commission d’enquête, dont le rapport a mis en valeur deux constats majeurs.

Premier constat : le caractère systématique du recours à des prestations de cabinets de conseil. Le rapport sénatorial a démontré que ce « réflexe » de l’administration s’expliquait par la « force de frappe des cabinets de conseil », lesquels parviennent à « s’adapter à l’accélération du temps politique ». Si le recours régulier à des prestataires a un coût loin d’être négligeable – environ 1 milliard d’euros en 2021 –, il est aussi paradoxal à certains égards, puisque l’administration dispose déjà en son sein de compétences variées et de fonctionnaires de grande qualité.

Deuxième constat : la plupart des prestations extérieures ont été réalisées par des cabinets internationaux opérant sur un marché tenu par quelques groupes en situation de quasi-oligopole. Cette situation pose un problème éthique et politique au regard des risques existants en matière d’influence, voire d’ingérence, de ces cabinets – pour certains étrangers – sur les politiques publiques. Cela est d’autant plus problématique lorsqu’il s’agit de politiques afférentes à notre souveraineté. En 2021, plus de la moitié des prestations de conseil ont été effectuées au bénéfice de trois ministères régaliens : l’intérieur, la défense et les finances !

À la suite des conclusions de la commission d’enquête, rendues en mars 2022, le Gouvernement a affiché quelques mesures pour restreindre le recours aux cabinets de conseil. La création d’un service de « conseil interne » au sein de la DITP en est la dernière illustration.

Le législateur ne pouvait rester immobile sur cette question de transparence administrative, directement liée à la confiance de nos concitoyens en nos institutions. Car sans transparence, point de confiance. La jurisprudence du Conseil constitutionnel rattache d’ailleurs le principe de transparence administrative à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Il était donc nécessaire que le Sénat et l’Assemblée nationale légifèrent.

C’est pourquoi nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi, d’émanation transpartisane, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. J’en profite pour saluer la qualité du travail réalisé par la rapporteure Cécile Cukierman. Les dispositions prévues par cette proposition de loi satisfont un impératif de transparence, qui se décline en deux objectifs majeurs.

Le premier objectif est la nécessité d’accroître l’encadrement du recours aux cabinets de conseil. Le périmètre des prestations de conseil concernées est entendu de manière large. Il comprend le conseil en stratégie, en organisation, en communication, en mise en œuvre des politiques publiques, en informatique, ainsi que le conseil juridique, financier ou en assurance. Aussi, pour éviter toute confusion des genres, les cabinets de conseil auront l’interdiction d’utiliser tout signe distinctif de l’administration ou de se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine d’une administration.

D’autres mesures visent à parer toute tentative d’influence : l’article 5 bannit toute prestation gratuite ; l’article 7 prévoit que l’utilisation de la langue française est obligatoire dans les échanges entre l’administration et leurs prestataires de conseil.

Ces mesures relèvent, pour la plupart, d’un équilibre entre les dispositions votées à l’Assemblée nationale et au Sénat. Notre commission des lois a fait preuve ici de l’esprit de compromis que nous lui connaissons.

Néanmoins, le champ d’application de ce texte fait l’objet d’une divergence majeure entre les deux chambres. Je pense évidemment à l’intégration au dispositif par les députés, via un amendement du Gouvernement, des collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants dans le périmètre des administrations bénéficiaires concernées.

Monsieur le ministre, cette méthode est discutable et la portée de cette extension l’est tout autant ! Le code général des collectivités territoriales et le code de la commande publique encadrent déjà le recours aux cabinets de conseil par les collectivités territoriales.

Je rappelle par ailleurs, sous le contrôle de notre collègue Nathalie Goulet, que le champ de la commission d’enquête n’incluait pas les collectivités territoriales. Par quel miracle, par quel tour de prestidigitation, les a-t-on intégrées dans le dispositif ? L’objectif de cet écran de fumée était, je le crains, de masquer le véritable fond du problème : la mobilisation des cabinets de conseil au bénéfice de l’État.

Le second objectif de la proposition de loi est l’instauration d’un cadre déontologique s’imposant aux cabinets de conseil. Avant chaque prestation, ils devront s’engager à respecter un certain nombre de conduites à tenir avec l’administration concernée.

La commission des lois a par ailleurs rétabli une mesure supprimée par les députés : le contrôle, sur place et sur pièces, confié à la HATVP. À cela s’adjoint un régime de sanctions administratives. La mission de contrôle de la Haute Autorité doit être maintenue, car, comme le précise la rapporteure, elle « garantit l’efficacité et la crédibilité du dispositif de contrôle institué par la loi et mis en œuvre par la HATVP ».

Cette divergence entre les deux chambres n’en est qu’une parmi tant d’autres. En effet, plusieurs désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat subsistent, signe que nous n’avons pas la même approche du texte. J’espère toutefois que cette deuxième lecture au sein de la Haute Assemblée ne sera pas une lecture de façade et que la navette parlementaire, grâce à votre appui, monsieur le ministre, et à l’engagement des parlementaires, sera fructueuse. Il serait dommageable que les travaux du Sénat se soldent par une dernière lecture étant à la main des députés et du Gouvernement ; cela dénaturerait l’esprit dans lequel les travaux de la commission d’enquête ont été menés.

En définitive, le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption du texte, tel qu’amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où le bureau du Sénat s’interroge sur l’organisation du travail parlementaire, nous nous retrouvons pour débattre de cette proposition de loi plus d’un an et demi après sa première lecture. Ce délai, bien trop long à nos yeux, montre combien il est nécessaire que nous améliorions nos méthodes de travail pour faire avancer les textes, y compris quand ils n’émanent pas des majorités.

La présente proposition de loi, qui s’attarde sur le sujet si problématique du recours aux cabinets de conseil dans les politiques publiques, fait suite à des révélations journalistiques sur le scandale de l’augmentation notable des dépenses liées aux cabinets de conseil depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Passer de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021, c’est une dérive faramineuse !

Le groupe CRCE-K avait demandé en 2022 la création d’une commission d’enquête sur l’influence de ces cabinets et le texte s’appuie, monsieur le ministre, sur les conclusions de cette commission d’enquête transpartisane du Sénat.

Pourtant, l’avènement du président Macron s’était construit sur l’ambition de la fin du pantouflage et des allers-retours trop opaques entre les hautes sphères de l’État et les cabinets privés, sur une République exemplaire, de plus en plus transparente. Voilà ce qui était promis !

Je rappelle que les travaux de la commission d’enquête ont pu mettre en évidence des dysfonctionnements majeurs. Comment oublier, par exemple, cette mission payée près d’un demi-million d’euros à un cabinet, et qui faisait doublon avec la mission sur la petite enfance portée par le professeur Boris Cyrulnik ? Celui-ci n’avait d’ailleurs pas manqué de réagir, ce qui était amplement justifié. La DITP avait jugé que le travail dudit cabinet n’était « pas au niveau » ni le chiffrage qu’il avait établi de diverses mesures « à la hauteur d’un cabinet de stratégie ».

Qu’il s’agisse de la transparence de ces contrats, de la qualité des rapports et de leur publicité, de la passation de la commande jusqu’au rendu des travaux, les travaux du Sénat ont pu mettre à jour les défaillances que la proposition de loi tend à résoudre. Ce n’est pas le recours même à une expertise extérieure qui est mis en cause, c’est l’absence de transparence des contrats et des montants demandés, pour des résultats parfois plus que discutables.

Certes, le problème s’est réduit. Contraint par la médiatisation de l’affaire McKinsey et les travaux d’élaboration de la présente proposition de loi, le Gouvernement a divisé par trois son recours aux cabinets de conseil entre 2021 et 2023 et, l’été dernier, le Gouvernement a fixé de nouvelles règles pour réduire de 15 % les dépenses de conseil en stratégie dans les ministères.

Toutefois, à la même période, le cabinet de conseil McKinsey a été sélectionné, dans le cadre d’un marché public, par un organisme public français, pour un montant de 75 millions d’euros, alors que la firme fait toujours l’objet d’une enquête pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. Et je ne parle même pas de la saisine de la justice par le Sénat le 25 mars 2022 pour un soupçon de faux témoignage sur la situation fiscale de McKinsey.

Les sociétés de conseil sont souvent perçues comme un moyen simple et agile, dans un moment de surcharge ponctuelle, de contourner les problèmes posés par les plafonds d’emploi. Cela entraîne des pertes de compétences au sein de l’administration ou des limitations de montée en compétences. C’est un cercle vicieux infernal : la baisse de compétences organisée du service public rend le recours aux cabinets de conseil difficilement évitable.

Certains y voient l’action de pompiers pyromanes, qui ne donnent pas les moyens à l’administration de rester compétente dans l’exercice de ses prérogatives afin de justifier les recours coûteux à une poignée de grandes entreprises de conseil. Pourtant, une large majorité des entreprises de conseil de moindre importance demeure loin des pouvoirs et des pratiques de ces grands groupes.

Nous approuvons ce texte, le travail de notre collègue Éliane Assassi et le retour, de bon aloi, à la rédaction sénatoriale, qui est bien plus en accord avec les résultats des travaux de notre commission d’enquête.

Lors de la première lecture, nous avions vivement regretté que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables, alors qu’ils portaient explicitement sur les pouvoirs de contrôle et de sanction conférés à la HATVP, en vue de faire respecter leurs obligations par les prestataires de conseil et les consultants. Nous avons de nouveau déposé des amendements, en espérant qu’ils reçoivent un sort plus juste. L’un d’entre eux vise à interdire expressément le recours aux prestataires et aux consultants privés pour la rédaction des études d’impact et de l’exposé des motifs des projets de loi, afin d’éviter tout risque de dépossession en matière d’orientation des politiques publiques.

Nous sommes globalement favorables au texte et aux mesures novatrices qui s’appuient sur les recommandations issues des travaux de qualité menés par la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à réduire le recours excessif aux cabinets de conseil, à renforcer la déontologie de tous les acteurs impliqués dans ces transactions et à permettre à la HATVP de fonctionner correctement.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera donc pour cette proposition de loi dans la rédaction présentée par la commission des lois du Sénat. (Mme la rapporteure et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura donc fallu une nouvelle fois l’engagement conjoint du groupe Les Républicains et de notre groupe…

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Éric Bocquet. … pour que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour d’une semaine sénatoriale. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky (CRCE-K) a fait œuvre utile ici, au Sénat, en révélant, par une commission d’enquête, le « phénomène tentaculaire » que représentait le recours aux cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Je veux saluer l’ancienne présidente de notre groupe, Éliane Assassi, qui fut la rapporteure des travaux de cette commission d’enquête, pour son courage et sa ténacité, ainsi que son président Arnaud Bazin.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Éric Bocquet. Depuis lors, c’est peu de dire que le Gouvernement s’est employé à contrer cette proposition de loi transpartisane.

Une circulaire a d’abord été prise pour encadrer le volume et la nature du recours aux cabinets de conseil : annoncée dans la presse le jour même de l’audition de la ministre Amélie de Montchalin au Sénat, elle a été publiée le lendemain, le 20 janvier 2022.

Ensuite, le Président de la République en campagne avait enjoint aux institutions judiciaires du pays de se saisir de ce scandale : « Qu’ils aillent au pénal ! », avait-il asséné dans une grande fébrilité.

Sans surprise, la pression ne retombe pas depuis la présentation du rapport, qui a mis au jour un système quasi anarchique, dépassant 1 milliard d’euros en 2021 – cela a été rappelé –, un montant multiplié par 2,36 pour les seuls ministères depuis 2018.

Déposée le 21 juin 2022, la présente proposition de loi n’a jamais été reprise à son compte par le Gouvernement, qui – nous le savons – dispose de la majorité de l’ordre du jour parlementaire. Le texte fut adopté à l’unanimité le 18 octobre 2022, mais ce n’est que quinze mois plus tard, après l’engagement « sincère » de M. le ministre Guerini de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, que la seconde chambre du Parlement eut enfin le droit d’en débattre.

Parcours chaotique, délais interminables : la machine gouvernementale à saper le travail parlementaire s’est abattue sur cette proposition de loi. Dès les travaux de la commission à l’Assemblée nationale, et malgré l’excellent travail de notre collègue Nicolas Sansu, corapporteur avec le député de la majorité Bruno Millienne, l’ambition générale du texte fut amoindrie.

La ministre Marie Lebec affirmait vouloir réarmer l’État. C’est tout ce que nous demandons, mais il faudra nous expliquer comment le faire avec la trajectoire des finances publiques la plus draconienne que la VRépublique ait jamais connue : les 3 % en 2027 comme seul horizon budgétaire et politique, la réduction des dépenses publiques comme une fin en soi.

Réarmer l’État, c’est pour vous tout au plus la création d’une Agence de conseil interne de l’État, qui existait finalement déjà et qui s’appelait la direction interministérielle de la transformation publique – la fameuse DITP –, ce point d’entrée des cabinets de toutes obédiences. Mais ce n’est que de la communication, car les 75 agents affectés feront pâle figure à côté des armées de consultants, qui mettaient parfois les fonctionnaires en minorité dans leur propre maison.

Vous auriez réduit les dépenses de cabinets de conseil par trois depuis 2021, dites-vous, monsieur le ministre. Un chiffre malheureusement invérifiable tant votre jaune budgétaire est lacunaire, ne comprenant que sept groupes de marchandises, contre douze dans le rapport de la commission d’enquête sénatoriale. Le périmètre n’est pas le bon et nous ne connaissons pas la nature des prestations.

Je vous le dis, il ne peut y avoir de transparence sans contrôle ni sanction. Mais il ne peut y avoir de transparence non plus sans moyens affectés à cette fin et confiés à la HATVP. En 2023, celle-ci a reçu 9,6 millions d’euros pour solde de tout compte, alors qu’elle doit contrôler la probité des élus que nous sommes et les lobbys, et demain les cabinets de conseil. Cela n’est ni suffisant ni acceptable : donnons-nous les moyens de la transparence !

Une chose est certaine, il nous faut cette loi, dans la rédaction issue de la commission des lois. Un engagement clair du Gouvernement d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour est nécessaire pour obtenir un accord sur ce qui, demain, doit protéger l’activité des ministères des dérives d’hier, des dérives qui ont eu lieu au cœur de l’État, minant la conception que l’on peut avoir de ce dernier et de ses valeurs, dénaturant son rôle et sa mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques

Chapitre Ier

Champ d’application

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques
Article 1er bis

Article 1er

I. – La présente loi régit les prestations de conseil réalisées par les prestataires et les consultants pour les administrations bénéficiaires suivantes :

1° L’État et ses établissements publics dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros ;

2° Les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes ;

2° bis et 3° (Supprimés)

bis. – (Supprimé)

II. – Sont des prestations de conseil au sens de la présente loi :

1° Le conseil en stratégie ;

2° Le conseil en organisation des services et en gestion des ressources humaines ;

3° Le conseil en stratégie numérique ;

4° Le conseil en communication ;

5° Le conseil pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, y compris leur évaluation ;

6° Le conseil juridique, financier ou en assurance, à l’exclusion des prestations relatives aux participations de l’État et de celles réalisées par les professionnels mentionnés à l’article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, par les experts-comptables et par les commissaires aux comptes et des prestations de conseil mentionnées aux 4 et 5 du I de l’article L. 311-2 du code monétaire et financier et au 5 de l’article L. 321-1 du même code, lorsqu’elles sont réalisées par des établissements de crédit.

Un décret en Conseil d’État précise la nature des prestations de conseil délivrées par les consultants au sens de la présente loi.

III. – (Non modifié)

IV. – (Non modifié) Sont des consultants, au sens de la présente loi, les personnes physiques qui s’engagent en qualité de travailleur indépendant avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil ou qui exécutent les prestations de conseil pour le compte des prestataires ou d’autres consultants.

V. – (Non modifié) Les prestataires de conseil et les consultants ne prennent aucune décision administrative.

Au cours de toutes les phases de l’exécution d’une prestation de conseil, l’administration bénéficiaire peut demander au prestataire ou au consultant la participation d’au moins un de ses agents à la réalisation de ladite prestation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je tenais à vous dire, dans le droit fil des interventions de la discussion générale, tout le mal que je pensais de la façon dont cette proposition de loi avait été traitée. C’est vraiment un « massacre à la tronçonneuse », et il est rare dans cet hémicycle que la quasi-totalité des orateurs fasse les mêmes observations, à la fois, sur le fond et sur la méthode.

En ce qui concerne le pantouflage et le rétropantouflage, la déontologie et la transparence, le mépris affiché pour le travail du Sénat est assez déplorable. Nous avons vraiment besoin d’un texte sur ce sujet, comme les travaux de notre commission d’enquête l’ont montré. Nous avons, il y a quelques jours, évoqué – c’est vous qui étiez au banc du Gouvernement – le problème des influences étrangères : ce texte y est aussi lié, comme je l’avais souligné lors de la discussion générale.

Si l’on veut redonner un peu de crédibilité à la parole publique et au travail parlementaire, il faut absolument que ce texte soit adopté, et ce dans la version du Sénat. Le travail d’Arnaud Bazin et d’Éliane Assassi a été remarquable, et nous y avons tous œuvré de façon transpartisane. Le débat que nous allons maintenant avoir est extrêmement important pour vous convaincre que la version du Sénat est la bonne.

Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après le mot :

publics

insérer les mots

à caractère administratif

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Les centrales d’achat au sens de l’article L. 2113-2 du code de la commande publique.

La parole est à M. le ministre.

M. Stanislas Guerini, ministre. Cet amendement vise à améliorer un amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui avait pour objet d’exclure du champ d’application du texte certains Épic qui entrent dans le champ concurrentiel. C’est, par exemple, le cas de la RATP, puisqu’elle est soumise à la concurrence d’autres entreprises : elle ne serait donc pas assujettie à l’encadrement du recours aux prestations des cabinets de conseil.

Il s’agit donc d’exclure les Épic concernés, mais sans tomber dans certains travers consistant par exemple à exclure aussi des centrales d’achat comme l’Ugap, mentionnée dans la discussion générale. Les Épic seraient ainsi exclus, mais les centrales d’achat seraient réintégrées.

Cet amendement pourra être encore amélioré dans le cadre de la navette parlementaire, mais on peut considérer qu’en l’état il représente une forme de compromis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. Cet amendement nous permet de continuer à cheminer ensemble sur la question du périmètre d’application de la loi, c’est-à-dire sur la définition des entités qui y seront soumises.

Vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, le sujet de la RATP est apparu ces derniers jours. J’entends vos arguments, même s’ils témoignent à mes yeux d’une lecture erronée du texte : l’objectif est non pas de rendre la concurrence plus difficile, mais de rendre transparente l’intervention des cabinets de conseil dans le secteur public et dans les Épic. Le coût supplémentaire pour la RATP serait finalement quasi nul. C’est le sens que nous avons voulu donner au rétablissement, la semaine dernière en commission, d’une formulation plus restrictive.

Comme vous l’avez dit, votre amendement n’a pas pour objectif d’exclure les centrales d’achat, qui avaient été principalement visées par les travaux de la commission d’enquête.

Pour ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.