M. Rémi Féraud. Même pour la majorité pénale ?
Mme Brigitte Devésa. Tu comprendras qu’il ne fallait pas céder à la manipulation des corps et des cellules au nom du bien-être, parce que derrière la question de l’identité de genre et de l’identité sexuelle, il y a d’autres enjeux.
Tu comprendras que nous avons légiféré à un moment où il nous fallait nous prémunir face à des dérives sans précédent et tenir compte des personnes, de plus en plus nombreuses, regrettant d’avoir engagé des changements irréversibles dans une forme de précipitation. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Émilienne Poumirol. C’est le grand remplacement !
Mme Brigitte Devésa. Et si tout cela, tu ne le comprends qu’une fois adulte, alors cela voudra dire que nous avons bien fait de penser qu’attendre n’était pas une si mauvaise idée.
Si tu es déterminé, tu as raison de l’être. Grandis ainsi. Le grand Victor Hugo disait : « Celui qui aime veut, et celui qui veut éclaire et éclate. La résolution met le feu au regard […]. Les opiniâtres sont les sublimes […] ; l’obstiné dans le vrai a la grandeur. Presque tout le secret des grands cœurs est dans ce mot : Perseverando. La persévérance est au courage ce que la roue est au levier […]. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nadia Sollogoub et Nadège Havet et MM. Olivier Henno, Stéphane Ravier et Joshua Hochart applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chers membres du groupe Les Républicains, c’est avec une certaine gravité que je me tourne vers Mme Eustache-Brinio.
Madame, vous avez fait le choix de rédiger ce fameux rapport, dont vous avez fait grand bruit, l’érigeant en caution scientifique, puis d’écrire cette proposition de loi, tandis que M. Retailleau, en appui, l’inscrivait très rapidement à l’ordre du jour.
L’histoire est bien ficelée : répandre des idées fausses, qui alimentent la peur et l’incompréhension (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) sur les questionnements et transitions de genre, sur une population encore très méconnue malgré – heureusement – une première parole qui se libère ; s’appuyer sur des études tronquées ou biaisées, puis brandir les quelques cas de détransition comme totem ; enfin, faire infuser l’idée qu’aucun cadre ne régirait actuellement les transitions des mineurs trans en France.
Ce rapport préalable est une défaite de la vérité, de la pensée et de l’honnêteté. C’est la fabrique d’une peur, que vous décidez d’ériger en combat, celui de la haine et de la transphobie et non celui de la protection de l’enfance. Le taux de suicide chez les jeunes en questionnement de genre est l’un des plus élevés ; mais vous vous détournez de ces chiffres, du respect des jeunes et de leur volonté.
Oui, chers collègues, écrire 300 pages de mensonges ne fera toujours pas une vérité scientifique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce pamphlet, dans lequel les personnes auditionnées ne reconnaissent pas leurs propos, abîme notre institution et la démocratie dans son ensemble.
Fort heureusement, pour préparer cette proposition de loi, de vraies auditions se sont tenues au sein de la commission des affaires sociales ; M. Milon en a respecté les règles, je lui en sais gré.
Tous les autres organismes, y compris l’Ordre des médecins et l’Académie de médecine, se sont dits inquiets de cette proposition de loi tant elle ne s’appuie sur aucun constat scientifique, médical ou simplement humain.
Non, madame Eustache-Brinio, aucun activiste ne vient dans les écoles pour transformer vos enfants et changer leur sexe, comme peut le suggérer votre rapport. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Les réseaux sociaux ne transforment pas nos enfants en personnes trans non plus, après qu’ils ont visionné un message sur TikTok ! (Mêmes mouvements.)
M. Max Brisson. Insupportable, ça suffit !
Mme Anne Souyris. Ce qui est insupportable, c’est ce rapport !
Ces affabulations sont dangereuses, parce qu’elles creusent le sillon de la discrimination. Les parents qui accompagnent leurs enfants dans ces parcours difficiles, les enseignants comme les médecins prescripteurs – il y en a si peu – ne sont pas des activistes : ils essaient avec modestie et détermination d’éviter que leurs patients, élèves et enfants ne se désocialisent, ne se déscolarisent, voire ne se suicident.
Les seuls activistes, ici, ce sont celles et ceux qui propagent de fausses nouvelles par pure idéologie. Quand vous, madame Eustache-Brinio, vous avez voté contre la loi interdisant des thérapies de conversion, et même tenté de faire adopter un amendement pour exclure les personnes trans de cette interdiction, de quel côté pensez-vous que penche l’activisme ? (Mme Jacqueline Eustache-Brinio ironise.)
Rétablissons rapidement les faits, point par point. S’il y a une fameuse « épidémie », c’est bien celle des suicides, beaucoup trop nombreux, dans la communauté trans. Quelque 25 % de celles et ceux qui arrivent à la Pitié-Salpêtrière ont déjà tenté de se suicider. La liste de celles et ceux qui nous ont quittés au cours de l’année écoulée, récitée lors de la Journée du souvenir trans, nous le rappelle chaque année avec beaucoup de larmes et de colère.
Pourquoi adopter une loi qui stoppe les réussites acquises ? Quasiment plus aucun jeune de la file active du centre hospitalier de la Pitié-Salpêtrière n’attente à ses jours. L’intégralité des jeunes se rescolarise, alors que 28 % de ceux qui arrivent au centre sont déscolarisés.
Vous affirmez que nous manquons d’études. Pourtant, celles qui existent montrent que les bloqueurs de puberté et les prises d’hormones permettent aux jeunes trans de moins développer de risques suicidaires et dépressifs et favorisent une amélioration du bien-être global. C’est le seul horizon qui devrait nous guider.
La commission a réécrit une nouvelle version du texte, en désavouant au passage la proposition de loi originelle du groupe Les Républicains. Les traitements hormonaux et les chirurgies restent interdits, mais les bloqueurs de puberté sont autorisés, avec une prescription fortement retardée.
Il faudra, après la première consultation, attendre encore deux ans avant la première prise ; en tenant compte de tous les autres facteurs, ce délai sera beaucoup plus long dans la réalité : c’est donc une interdiction de facto. Chers collègues, la puberté n’attend pas.
Votre prétendue protection des jeunes trans n’est que violence, souffrance et psychiatrisation. Cette proposition de loi est dangereuse et grave pour ces jeunes, qui nous écoutent aujourd’hui. Vous l’aurez compris, les écologistes se battront contre ce texte jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly et MM. Ian Brossat et Philippe Grosvalet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’augmentation du nombre de jeunes qui font des demandes de consultation médicale pour inadéquation entre le genre ressenti et le genre de naissance a conduit le groupe Les Républicains à déposer cette proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre.
Cette augmentation serait, selon les auteurs de la proposition de loi, la conséquence des discours de certains influenceurs, « vecteurs actuels du mal-être existentiel à l’adolescence ».
Je veux juste rappeler ici que la crise d’identité vécue par de nombreux jeunes à l’adolescence existait bien avant Instagram et TikTok. Les jeunes sont légitimement inquiets pour leur avenir – reconnaissons collectivement que nous avons largement contribué à alourdir leurs inquiétudes en leur offrant une société capitaliste, qui met à mal le vivre ensemble, les droits sociaux et l’écologie.
Pour les accompagner dans leur questionnement, il faut des moyens et des professionnels formés. Ce n’est pas au détour d’une proposition de loi, dans un article qui propose un plan national pour la pédopsychiatrie, que nous assurerons cet accompagnement.
Disons-le clairement, cette proposition de loi, issue d’un texte interne au groupe Les Républicains, utilise la protection des enfants comme paravent dans son combat idéologique contre les personnes transgenres.
Vous voulez interdire aux professionnels de santé de prescrire des substances qui, nous le savons et vous le savez aussi, ne sont quasiment pas prescrites ; vous nous l’avez rappelé vous-même, monsieur le rapporteur.
Vous voulez interdire aux professionnels de santé d’effectuer sur des mineurs des actes chirurgicaux dont nous savons qu’ils ne sont ni autorisés ni réellement pratiqués sur de tels patients ;…
Mme Laurence Muller-Bronn. C’est faux !
M. Xavier Iacovelli. Mais non, c’est vrai !
Mme Silvana Silvani. … vous nous l’avez également rappelé tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Selon la Haute Autorité de santé, en 2020, seules 294 personnes de moins de 18 ans ont été prises en charge pour transidentité, soit 0,002 % des 14 millions de moins de 18 ans.
En agitant le spectre d’une flambée exponentielle, vous surfez sur les peurs et les fantasmes d’un grand remplacement par les personnes transgenres, au mépris des réalités, au mépris des pratiques médicales, mais surtout au mépris de la souffrance des intéressés et de leurs familles. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s’exclame.)
Lors des auditions, j’ai pu constater à quel point les professionnels de santé étaient mécontents de la façon dont ils ont été cités et utilisés dans votre rapport partisan et partial.
Notre collègue rapporteur Alain Milon a réussi, en commission, à modifier le texte de sorte qu’il ne soit « plus du tout un texte transphobe », selon une formule citée par l’Agence France-Presse (AFP). Au moins avez-vous l’honnêteté de reconnaître, monsieur le rapporteur, que, transphobe, le texte initial l’était.
Bravo pour le toilettage, mais il s’agit plutôt de maquillage. Ne soyons pas dupes, mes chers collègues : sous une formulation différente, le résultat est le même.
Les conditions d’accès aux bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux sont si strictes, aux termes de ce texte, que vous en rendez l’utilisation quasi impossible. Assumez votre objectif politique, qui consiste en réalité à interdire les parcours de transition des mineurs, mais également des majeurs.
C’est écrit noir sur blanc dans votre rapport sur la transidentification des mineurs, dont la recommandation n° 5 prévoit l’interdiction de la chirurgie de réassignation sexuelle aux personnes de moins de 25 ans – 25 ans : on est bien loin de la minorité !
Ce texte ne sera probablement pas voté à l’Assemblée nationale, mais il semble bien que votre objectif soit de marquer des points, à quelques jours des élections européennes, auprès d’un électorat traditionaliste et conservateur. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guy Benarroche. C’est vrai !
Mme Silvana Silvani. Malgré le talent du rapporteur, cette proposition de loi demeure un texte régressif, qui, j’y insiste, agite les peurs d’un grand remplacement par les personnes transgenres.
En reprenant les arguments de l’extrême droite – nous les avons entendus tout à l’heure –, vous adressez à ces personnes un message de haine, au moment même où elles subissent, rappelons-le, une explosion des violences à leur encontre.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K et sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi sensible, les débats sont bien souvent empreints d’une part d’idéologie ; quant à nous, membres du groupe RDSE, nous faisons le choix de fonder notre opinion sur la science.
Que nous dit-elle aujourd’hui ?
Loin de la « pandémie » régulièrement invoquée, les transitions médicales ne concerneraient que quelques centaines de mineurs en France. Si l’on a connu, il est vrai, une forte augmentation des consultations entre 2013 et 2020, jusqu’à un niveau qui tend, depuis lors, à se stabiliser, cette tendance s’explique probablement avant tout par le fait qu’il n’existait pas auparavant de consultations spécifiques et par la déstigmatisation qui prévaut aujourd’hui. Il n’y a donc là ni mode ni lubie, pour reprendre les termes de deux médecins spécialistes.
À l’article 1er, le rapporteur a proposé de supprimer l’interdiction des bloqueurs de puberté ; c’est une bonne chose.
Concernant les traitements hormonaux, à l’heure actuelle, l’ensemble des recommandations internationales et des sociétés savantes préconisent leur utilisation « au moment où c’est opportun pour chaque jeune ». À aucun moment ces recommandations n’introduisent de barrière d’âge en deçà de laquelle les équipes médicales ne pourraient pas administrer un traitement hormonal. Il est en effet prouvé que ces traitements permettent de réduire la souffrance et l’anxiété du jeune, parfois d’éviter le recours à la chirurgie – c’est l’un des enjeux de cette proposition de loi –, en limitant l’apparition de caractéristiques sexuelles secondaires telles que la poitrine ou la pilosité.
De nombreuses études montrent par ailleurs le peu d’effets secondaires de ces traitements ; mais, à titre personnel, je ne connais aucun traitement qui ne présente pas d’effets secondaires.
Reste la question des transitions chirurgicales de réassignation, qui ne sont pas pratiquées en France sur les mineurs, à l’exception des torsoplasties, qui demeurent exceptionnelles et sont réalisées dans des cas très particuliers.
La réalité est aussi que « l’éligibilité au traitement médical et/ou chirurgical est individualisée, validée collégialement au cours de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) et après plusieurs consultations » – je cite des propos reproduits dans une revue médicale parue en 2021. Il se passe en moyenne un an, sans compter les délais inhérents aux prises de rendez-vous, entre la première consultation et la première prescription, quand elle a lieu, car ce n’est pas systématique. Cet intervalle laisse, de fait, un délai de réflexion au jeune et à sa famille.
Voilà ce que nous dit à ce jour la communauté scientifique. Rien de ce que j’ai pu lire ne m’a montré une quelconque légèreté dans la prise en charge par les équipes pluridisciplinaires concernées. Rien ne m’a convaincu que le législateur devrait aujourd’hui s’emparer de ce sujet et opposer aux équipes soignantes des interdictions assorties de peines de prison et d’amendes.
J’en viens à ce qui nous est dit dans le rapport qui a conduit à la présentation de cette proposition de loi. Ce rapport, qui se situe à rebours des positions largement majoritaires de la communauté médicale et scientifique, a été corédigé par une psychologue et une pédopsychiatre toutes deux militantes d’une association qui lutte contre toute transition de genre chez les mineurs, ce qui pousse naturellement à s’interroger quant à la neutralité de ce document. Certaines personnes auditionnées dans le cadre de ce travail dénoncent même des retranscriptions partielles, voire des déformations de leurs propos.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est faux !
Mme Véronique Guillotin. Toutefois, ce sujet soulève de nombreuses questions éthiques, que nous ne nions pas ni ne minimisons. Ces questions ont trait au regret et à la nature du consentement de l’enfant ; il nous faut bien sûr les examiner avec le plus grand soin, notamment parce que l’identification transgenre est moins stable chez l’enfant.
Aussi, même si l’administration de bloqueurs de puberté ou de traitements hormonaux peut être partiellement réversible, il existe des effets sur la fertilité qui doivent être pris en compte dans la décision de traiter.
Faut-il pour autant poser une interdiction de minorité, alors que ces traitements, dans la très grande majorité des cas, produisent une baisse des pensées suicidaires, de la dépression et de la phobie scolaire ? Peut-on sanctionner un médecin de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende pour des soins qu’il proposerait à un adolescent de 17 ans et demi présentant un risque suicidaire, auquel, ce faisant, il se pourrait qu’il sauve la vie ?
À ces questions, notre groupe répond par la négative. Nous sommes, vous le savez, mes chers collègues, particulièrement sensibles au problème de la santé mentale des jeunes. Nous avons fait adopter par le Sénat, au mois de janvier dernier, une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.
Pour autant, nous pensons que l’article 3, qui traite de la pédopsychiatrie, n’a pas sa place dans cette proposition de loi : la dysphorie de genre n’est plus classée dans la liste des affections psychiatriques. Le maintien de cet article entraînerait une confusion inutile et une forme de retour en arrière auquel nous ne pouvons nous associer.
En conclusion, nous considérons qu’il est préférable de confier ces jeunes particulièrement vulnérables aux bons soins des professionnels de santé compétents. Nous pensons qu’il est urgent d’attendre les recommandations actualisées de la HAS : 2025 n’est quand même pas un lointain horizon !
L’organisation des soins, c’est-à-dire la tenue de consultations spécialisées et la prise de décision en réunion de concertation pluridisciplinaire, cadre dans lequel doivent avoir lieu les primoprescriptions, nous semble répondre aux impératifs de prudence que tout le monde fait valoir et au nécessaire besoin de collégialité – je suis complètement d’accord sur ces points avec Alain Milon.
Aussi, malgré le travail d’équilibriste de notre rapporteur, qui a apporté de la nuance à la proposition de loi initiale, notre groupe défendra plusieurs amendements visant à modifier le texte en profondeur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SER et CRCE-K. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à rappeler que le texte que nous examinons aujourd’hui sur le questionnement de genre chez les enfants et les adolescents est l’aboutissement d’une année de travail, consacrée à écouter l’ensemble des parties concernées. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST et SER.)
Sans parti pris, loin de stigmatiser qui que ce soit, nous avons cherché à comprendre un sujet de société dans ses dimensions médicale, sociétale, affective et éducative. (Mêmes mouvements. – Mme Émilienne Poumirol et M. Thomas Dossus lèvent les bras au ciel.)
Nous avons pris cette initiative en constatant l’émergence sur le terrain de multiples questionnements, dans les familles, chez les professionnels de l’enfance et chez les professionnels de santé, qui ont été placés face à un sujet qui leur était encore trop inconnu.
D’ailleurs, si nous étions transphobes, conformément à l’étiquette que l’on a voulu nous coller, indifférents au mal-être des enfants et liberticides, alors nous aurions déposé ce texte directement, sans y consacrer le temps nécessaire à un véritable travail de fond et sans mener plus de soixante auditions.
En premier lieu, les médecins auditionnés ont bel et bien réaffirmé que la transsexualité est une pathologie…
Mme Émilienne Poumirol. Et voilà !
Mme Laurence Muller-Bronn. … reconnue dès le plus jeune âge, majoritairement dans les premières années de la vie,… (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Ian Brossat. Mais ça va pas !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Laurence Muller-Bronn. … et qu’il existe déjà, depuis longtemps, une prise en charge effectuée par des équipes pluridisciplinaires, qui accompagnent le mineur et sa famille dans son parcours jusqu’à l’âge adulte.
Le questionnement et le mal-être des enfants et des adolescents quant à leur identité sexuelle et aux bouleversements physiologiques qui surviennent à la puberté ont toujours existé. Et c’est le rôle des parents, des adultes et de la société entière de leur donner le temps d’évoluer et d’acquérir la maturité nécessaire pour prendre des décisions qui vont les affecter lourdement toute leur vie.
Trop souvent, du reste, l’argument de la santé mentale et des risques suicidaires, qui seraient directement liés à un questionnement de genre, occulte l’ensemble des pathologies associées et des comorbidités telles que l’anorexie, l’autisme ou les traumatismes enfouis, créés, parfois, par des abus sexuels. (Mme Mélanie Vogel se prend la tête dans les mains.)
Mme Émilienne Poumirol. C’est scandaleux !
M. Ian Brossat. Mais ça va pas, non !
Mme Laurence Muller-Bronn. En Finlande, en Suède et au Royaume-Uni, les études ont révélé que ces comorbidités sont présentes dans 70 % à 80 % des cas. Surtout, les études internationales le prouvent, 80 % des mineurs se réconcilient avec leur sexe après la puberté et, si le trouble reste,…
M. Xavier Iacovelli. Le trouble ? Quel trouble ?
M. Guy Benarroche. Ce n’est pas un trouble !
Mme Laurence Muller-Bronn. … l’adulte saura effectuer les démarches nécessaires par lui-même. (Mme Mélanie Vogel lève les bras au ciel.)
M. Xavier Iacovelli. De quelle étude, cette fois, sortent ces conclusions ?
Mme Laurence Muller-Bronn. Dès lors, dans ce genre de cas, y a-t-il nécessité médicale impérative ? Et y a-t-il réellement consentement ? Cela paraît difficile à établir pour justifier de tels traitements.
On part du principe que le mineur possède un discernement suffisant pour s’autodéterminer en matière de sexualité. Est-ce le cas ? Ce postulat, qui reconnaît l’autonomie de l’enfant dans sa vie sexuelle, n’est-il pas non seulement dangereux, mais potentiellement pervers, car il pourrait, poussé à l’extrême, justifier, mes chers collègues, le pire des crimes, qu’est la pédophilie ? (Protestations et marques d’indignation sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDSE.)
Mme Mélanie Vogel. Quoi ?
M. Thomas Dossus. Ah !
MM. Hussein Bourgi et Yan Chantrel. Incroyable !
M. Ian Brossat. Mais on est où, là ?
M. Guy Benarroche. Au bûcher !
Mme Laurence Muller-Bronn. Les connaissances médicales actuelles nous obligent à la plus grande prudence. Nous découvrons peu à peu les effets secondaires des traitements hormonaux, tandis que les preuves de leur innocuité ne sont pas apportées. D’ailleurs, les victimes trans de l’Androcur viennent de déposer, au mois de mars dernier, une plainte contre l’État à ce sujet.
C’est ce qui a conduit plusieurs pays, qui étaient pourtant très favorables à la prescription de tels traitements, à les interdire.
Je citerai le Royaume-Uni, qui a interdit, au mois d’avril dernier, la prescription de traitements hormonaux, hormis pour les jeunes atteints de puberté précoce. La Finlande, de son côté, a dès 2020 fortement limité le recours à l’hormonothérapie, sauf pour les cas rares. La Suède a suivi cet exemple deux ans plus tard. En décembre 2023, les autorités sanitaires norvégiennes ont décidé de réserver les traitements à base d’hormones aux seuls essais cliniques. Enfin, au Danemark, des directives similaires sont en cours de publication.
En conclusion, je souhaite vivement que notre texte prospère et que le débat qui va suivre soit entendu par les parents comme par la société tout entière. Celle-ci, qu’on le veuille ou non, est traversée par ces discussions, qui ne devraient ni tomber dans l’idéologie ni la nourrir. (Plusieurs sénateurs des groupes SER et GEST frappent leur pupitre pour signaler que l’oratrice a dépassé son temps de parole.)
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Muller-Bronn. Notre responsabilité à l’égard de la jeunesse exige que nous soyons parfaitement conscients et informés des pratiques médicales et chirurgicales qui sont appliquées aux mineurs, particulièrement quand celles-ci sont irréversibles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Brigitte Devésa et M. Stéphane Ravier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui le sujet délicat du questionnement de genre chez les mineurs, qui suscite – on le voit – de nombreux débats passionnés. Il y va de la santé et du bien-être de nos enfants, mais aussi de la responsabilité parentale.
Je voudrais, pour ouvrir mon propos, saluer l’initiative de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, qui a le mérite de mettre sur la table un sujet soulevant de nombreux problèmes éthiques et de santé publique, et remercier notre collègue Alain Milon, dont le rapport et les travaux qu’il a menés en commission permettent de proposer aujourd’hui un texte à la fois équilibré et responsable.
Précisons d’emblée que, si la prévalence de la dysphorie de genre reste faible chez les mineurs en France, le nombre de cas progresse rapidement ces dernières années, ce qui rend d’autant plus nécessaire une intervention du législateur pour encadrer les modalités de prise en charge médicale et psychologique de ces jeunes et ainsi pour mieux les accompagner.
Nous devons également tenir compte des situations personnelles qui sont régulièrement portées à notre connaissance, mais aussi des retours d’expérience émanant de pays étrangers considérés comme en avance sur le sujet du questionnement de genre. Or, en la matière, c’est l’incertitude qui prévaut.
Plusieurs études internationales récentes remettent en cause la solidité des preuves scientifiques présentées à l’appui de certains traitements prescrits. Plusieurs pays jusqu’alors assez permissifs en la matière sont en train de faire machine arrière, à l’instar du Royaume-Uni, qui a récemment décidé de limiter drastiquement les prescriptions de bloqueurs de puberté aux mineurs.
Le texte que nous avons amendé en commission encadre lui aussi strictement la prescription de ces bloqueurs de puberté. Bien qu’ils soient considérés comme réversibles, ces traitements peuvent avoir des effets à long terme sur la santé osseuse et le développement cognitif. Il est donc essentiel que les jeunes et leurs familles soient pleinement informés de leurs potentiels bénéfices comme des risques qui s’y attachent.
Bien plus préoccupants sont les traitements hormonaux de substitution, qui, en plus d’être difficilement réversibles, peuvent aussi entraîner des effets secondaires tels que des problèmes cardiovasculaires ou de fertilité.
Interdire ces traitements pour les mineurs est la voie de la sagesse. En effet, si chaque enfant mérite d’être écouté et soutenu, les décisions ayant des conséquences sur sa santé doivent toujours être guidées par l’intérêt supérieur de l’enfant, en tenant compte de son développement psychologique et de son bien-être à long terme.
Notre droit restreint à juste titre la capacité juridique de l’enfant pour le protéger contre les décisions préjudiciables ou prématurées aux conséquences graves et parfois irréversibles qu’il pourrait vouloir prendre.
Ceux qui préconisent une autonomisation de l’enfant, lui attribuant la capacité de prendre seul des décisions graves, n’en mesurent pas les conséquences : j’en veux pour preuve les nombreux témoignages de jeunes faisant état de regrets, totalement désemparés, quelques années après, lorsqu’on leur annonce qu’une « détransition » est impossible.
D’où l’importance cruciale des réunions de concertation pluridisciplinaires réunissant des spécialistes du développement psychoaffectif de l’enfant et des spécialistes de son développement somatique, sollicités avant toute décision thérapeutique importante.
Ajoutons que l’adolescence est qualifiée par les scientifiques de « période de vulnérabilité », pendant laquelle certaines décisions sont prises pour contester l’ordre établi ou pour se conformer à des modes.
La science étant encore incertaine, il importe de faire preuve de prudence et de ne pas donner à nos adolescents le sentiment qu’ils sont utilisés pour ce qui pourrait ressembler, dans certains cas, à de l’expérimentation médicale.
Parce que les connaissances scientifiques sont susceptibles d’évoluer, je salue l’amendement du rapporteur visant à inscrire dans ce texte une clause de revoyure d’ici à cinq ans, sur le modèle de celles qui figurent dans les lois de bioéthique.
Même si là n’est pas l’objet de cette proposition de loi, nous devons aussi veiller sur les personnes majeures sous tutelle qui, particulièrement fragiles, se font parfois influencer par certaines associations jusqu’au-boutistes, allant même jusqu’à couper les ponts avec leurs proches – tel est le cas, mes chers collègues, d’une personne que je suis actuellement.
Je veux enfin saluer la mise en place d’une stratégie nationale en faveur de la pédopsychiatrie, indispensable pour permettre à tous les enfants d’avoir accès à une offre de soins adaptée au plus près de leur lieu de vie.
En conclusion, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut prêter une attention forte à nos concitoyens présentant une dysphorie de genre, parce qu’ils ont plus de mal que les autres à trouver leur place dans la société ; mais gardons-nous de faire de pareilles situations une généralité et tentons collectivement, à l’avenir, de traiter ces sujets de manière moins passionnée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)