M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, auteur de la question n° 094, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Jean Hingray. Madame la ministre, entre janvier et mars 2024, pas moins de 284 entreprises spécialisées dans la construction de maisons individuelles ont décidé de faire la danse de la faillite. Hélas, ce véritable ballet de faillites ne se déroule pas sur une scène de théâtre, mais bien dans nos communes !

De futurs propriétaires, armés de rêves et de plans, se retrouvent face à un grand vide, comme des marins perdus en mer, scrutant désespérément l’horizon dans l’espoir d’y apercevoir un phare.

Les chantiers sont à l’arrêt, les maisons dans les cartons. Et pendant que les constructeurs voient leurs commandes s’évaporer – la faute à des taux d’intérêt qui jouent les trouble-fête –, nos concitoyens se voient exclus de la fête de l’accession à la propriété. C’est comme dans un bal où seuls les plus riches sont invités, tandis que les autres regardent par la fenêtre, l’air désemparé.

Et que dire de cette obligation légale de trouver un assureur ? Avec la fragilité des constructeurs, ces garants jugent le risque trop élevé et ferment la porte au nez des chantiers.

Résultat, les nouvelles constructions restent bloquées comme un vieux moteur qu’on ne pourrait redémarrer.

Ainsi, se crée un cercle vicieux, où chaque tentative entraîne davantage de difficultés : moins d’acheteurs, moins de chantiers, moins de garanties, et hop, on tourne en rond !

Permettez-moi, madame la ministre, de conclure par une touche de poésie. Aragon disait : « Je réclame le droit de rêver au tournant ». Eh bien, adaptons cette demande à notre réalité : « Je réclame le droit de rêver en construisant une jolie maison dans notre bourgade, le droit de m’émouvoir de son charme scintillant sans craindre une dérobade ! »

Madame la ministre, il est grand temps de redonner le droit de rêver aux Français, et cela commence par débloquer la situation. Que comptez-vous faire pour y parvenir ? (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur Hingray, la garantie obligatoire que vous évoquez assure au ménage, en cas de défaillance du constructeur, la livraison de sa maison à coûts et délais garantis.

Pour les entreprises de la construction, il s’agit d’une difficulté supplémentaire dans un contexte général indéniablement déjà très tendu, qui conduit certaines d’entre elles, en effet, à des situations irrémédiables.

S’il paraît délicat de revenir sur l’assurance liée au contrat de construction de maison individuelle – nous ne saurions faire l’économie de cette protection des acquéreurs sans risquer de les plonger dans la précarité –, rien ne nous empêche de travailler à la simplification des démarches et des contrats. Ces derniers doivent être moins rigides, pour être mieux assurables.

C’est une question qui nous préoccupe ; nous nous sommes engagés et avons déjà commencé à travailler sur ce dossier.

Alors que le budget du logement sera prochainement élaboré au travers du débat parlementaire, le Premier ministre a déjà annoncé une piste de progrès, en proposant l’élargissement du prêt à taux zéro. Cette mesure, qui favorise l’investissement et la primo-accession à un logement neuf individuel ou collectif, est une première étape dans la dynamique d’accompagnement des entreprises et des ménages sur l’ensemble du territoire.

Nous comptons sur le Sénat pour coconstruire avec le Gouvernement des solutions complémentaires, notamment en matière de soutien des investisseurs privés, par exemple pour prendre le relais du dispositif Pinel ou pour accompagner les bailleurs sociaux dans la production de logements.

Tous ces éléments, ajoutés à la baisse du taux du livret A et à celle des taux de crédit, sont des leviers à activer pour relancer la dynamique des constructions et sortir de cette période difficile.

Les solutions existent. Nous nous battrons pour les trouver et pour les mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.

M. Jean Hingray. Je vous remercie, madame la ministre, chère Valérie Létard. Vous êtes une spécialiste de ces questions et votre nomination à ce poste n’a rien d’étonnant. Vous pouvez compter sur l’implication du groupe Union Centriste du Sénat pour soutenir votre action.

L’élargissement du prêt à taux zéro est une très bonne nouvelle. Cette mesure protège les personnes les plus précaires, notamment, en leur permettant de faire construire. Elle fera aussi vivre nos territoires, particulièrement ruraux, auxquels nous tenons particulièrement.

difficultés découlant de la mise en place du nouveau diagnostic de performance énergétique (dpe)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 166, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, chère Valérie Létard, le droit en vigueur prévoit que, à compter de 2025, tous les biens classés G au titre du DPE seront considérés comme indécents, donc interdits à la location. Il en va de même des logements classés F, dès 2028, et des logements classés E, dès 2034. Ces obligations s’appliqueront également – nous le savons depuis peu – aux meublés de tourisme.

Sans remettre en cause la nécessité d’une décarbonation de nos politiques publiques, ce DPE pose plusieurs difficultés.

Tout d’abord, les délais prévus se révèlent bien trop restreints au vu du temps de travaux nécessaire pour la mise en conformité des logements concernés.

Ensuite, les calculs ne sont pas fiables, compte tenu de la diversité des situations, sans parler de la formation – hélas ! souvent défaillante – de certains professionnels. Par exemple, pour un même logement, il est tenu compte de l’altitude. Aussi, une différence de deux classes a pu être constatée pour deux biens identiques, situés l’un sur le littoral niçois, l’autre dans le bassin gapençais, dans les Hautes-Alpes !

Un « marché gris » pourrait se développer et rendre de fait inopérante et force la loi. Madame la ministre, quelles mesures d’adaptation et de différenciation comptez-vous prendre pour rendre ce DPE plus fiable et réellement applicable dans nos territoires ?

Par ailleurs, j’ai constaté que, depuis quelques années, des entreprises proposaient des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires de biens immobiliers.

En contrepartie d’un loyer mensuel assuré et stable, ces entreprises réalisent des prestations de sous-location de courte ou moyenne durée. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres s’adressent en majorité à une clientèle touristique.

Alors que la France pâtit d’un manque drastique de logements, ce nouveau procédé de sous-location ne fait qu’accentuer le déséquilibre entre l’offre et la demande. Il a également des impacts fiscaux non négligeables.

Nous assistons ainsi à une forme d’ubérisation du patrimoine des propriétaires, en tout cas de certains d’entre eux, qui renforce les difficultés du marché de la location.

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour réguler ces pratiques ? (M. Jean Hingray applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, cher Jean-Michel Arnaud, vous m’interrogez sur l’une des traductions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et Résilience, qui introduit un critère de décence énergétique visant à protéger les millions de Français locataires de passoires énergétiques.

Ce critère s’applique aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits depuis la promulgation de la loi et s’étale donc dans le temps au fur et à mesure de la reconduction des baux.

Dans la très grande majorité des cas, des travaux simples et soutenus par l’État au moyen du dispositif MaPrimeRénov’ permettent de sortir les logements des classes G et F, qui sont concernées par les échéances de 2025 et 2028.

En ce qui concerne les logements de petite surface, l’arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE pour les logements dont la surface de référence est de moins de 40 mètres carrés. Il s’agit d’un ajustement de bon sens, dans lequel mon collègue Guillaume Kasbarian, ici présent, a pris toute sa part.

Le Gouvernement travaille par ailleurs à l’adaptation des règles relatives aux copropriétés qui seraient confrontées à des difficultés spécifiques liées aux processus de décision et aux délais des travaux.

Sur l’initiative des députés Bastien Marchive et Iñaki Echaniz, une proposition de loi transpartisane sur ce sujet sera discutée dès le mois de décembre prochain à l’Assemblée nationale. Nous espérons que le Sénat pourra s’en saisir dès le mois de janvier 2025.

Vous m’interrogez par ailleurs sur la prise en compte du climat dans les calculs. En effet, le système de chauffage d’un logement situé dans une zone plus froide est plus énergivore que celui d’un logement qui présenterait des performances similaires en termes d’isolation, mais qui serait situé dans une zone plus chaude. C’est le cas entre le littoral niçois et le bassin gapençais ; les consommations calculées seront plus élevées dans le premier que dans le second.

S’il n’est pas question pour le Gouvernement de remettre en cause la loi Climat et Résilience, nous tâchons d’accompagner sa mise en œuvre de la manière la plus pragmatique possible.

La proposition de loi que j’ai évoquée permettra d’apporter les ajustements manquants, sans remettre en question toute la mécanique des étiquettes et du calendrier. Il est possible selon moi d’apporter au DPE les éléments de souplesse utiles et nécessaires.

Enfin, je ne saurai vous donner une réponse précise à ce stade sur la question de la sous-location. Soyez assuré néanmoins que nous nous pencherons avec attention sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre, ainsi que de votre souci d’adapter les critères DPE, notamment aux zones de montagne, où un véritable problème se pose. Dans les Hautes-Alpes, le pourcentage de résidences secondaires est très élevé et l’accès au logement permanent difficile.

L’assouplissement que vous proposez et qui sera mis en œuvre au travers de la proposition de loi que vous évoquez va donc dans le bon sens.

Je salue également le travail réalisé sur les copropriétés. Cette question est une véritable bombe à retardement ; elle menace d’exploser non seulement dans mon département, mais partout en France.

pénurie de logements à paris et dans les grandes villes françaises

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 123, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, les chiffres du mal-logement sont malheureusement connus : 735 morts de la rue en 2023, quelque 2 000 enfants qui dorment dehors tous les soirs faute d’hébergement selon l’Unicef, et 2,7 millions de demandeurs de logement social, qui attendent parfois jusqu’à dix ans sans trouver de solution.

Pour remédier à cette crise sans précédent, il faut à l’évidence agir sur deux leviers.

Le premier est la construction de logements neufs. Jamais malheureusement, depuis vingt-quatre ans, nous n’aurons construit aussi peu de logements que cette année, selon les chiffres de votre propre ministère !

Le second levier est la meilleure utilisation des logements existants Il faut faire en sorte que les logements qui ont déjà été construits servent à loger effectivement des habitants.

Or nous constatons, en particulier dans nos grandes métropoles – les plus attractives et les plus touristiques –, un développement du nombre de logements vacants. Il s’agit soit d’habitations totalement inoccupées, soit de résidences secondaires, occupées une partie de l’année seulement.

Dans une ville comme Paris, 20 % des logements, soit un sur cinq, appartiennent ainsi à l’une de ces deux catégories. À Nice, ce pourcentage atteint 28 %.

Madame la ministre, ma question est simple : quels nouveaux outils, notamment fiscaux, envisagez-vous pour créer une incitation à occuper ces habitations comme des logements à l’année, et non plus comme des résidences secondaires ? Il existe déjà la taxe sur les résidences secondaires. Comptez-vous donner aux villes la possibilité de la rehausser ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur Ian Brossat, vous avez rappelé les chiffres, et nous ne pouvons que souscrire à la nécessité de relancer la production d’hébergements d’urgence.

La situation actuelle est aussi une conséquence du niveau des taux d’emprunt immobilier, qui ont particulièrement augmenté ces deux dernières années.

Or une conjoncture plus favorable s’amorce, avec des taux de crédit qui repartent à la baisse et une diminution du taux du livret A dès février 2025, sur laquelle nous nous mobilisons, mais aussi des initiatives comme l’élargissement du prêt à taux zéro.

Nous nous intéressons bien évidemment à la situation du parc du logement social, ainsi qu’à des initiatives pour soutenir si nécessaire les opérateurs et les investisseurs privés.

La taxe sur les logements vacants a été renforcée de manière substantielle à compter de 2023. Le nombre de communes du périmètre a été significativement augmenté, de 1 140 communes à 3 697 communes en 2024, et le taux a été relevé de manière substantielle.

En outre, les communes appartenant au périmètre géographique de la taxe sur les logements vacants peuvent moduler de +5 % à +60 % la cotisation de la taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale.

Il n’est pas prévu pour le moment de revenir sur ces dernières évolutions, qui sont encore trop récentes pour être évaluées.

À Paris, la part des logements du parc privé qui restent vacants au-delà de deux ans, c’est-à-dire confrontés à une vacance structurelle, est relativement faible. Elle s’établit à 1,9 % en 2023, ce qui représente 21 500 logements.

Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont pu entraîner une distorsion des chiffres : certaines remises en location ont pu être reportées au mois de septembre, tandis que des logements ont été mis en location de courte durée pendant l’été.

Nous étudierons avec attention les données au 1er janvier 2025, afin d’évaluer la situation. À cet égard, j’ai demandé à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) d’examiner très finement le cas particulier de Paris.

Je souhaite que la mobilisation du parc vacant soit avant tout poussée par nos mesures incitatives, comme le dispositif Loc’Avantages, que nous souhaitons continuer à encourager.

Le dispositif Zéro logement vacant permet quant à lui d’identifier les propriétaires de logements vacants, d’entrer en contact avec eux et de les informer sur les incitations à la remise sur le marché.

Cet outil est utilisé à Paris depuis mars 2023, et nous ne pouvons que le saluer. La Mairie de Paris a notamment lancé trois campagnes ciblées « Louez solidaire » en octobre 2023 visant près de 570 logements vacants.

Nous devons continuer dans cette direction et travailler naturellement en bonne intelligence avec le territoire pour trouver des solutions, les évaluer au fil de l’eau et adapter nos dispositifs à la réalité que nous constaterons.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Je vous remercie, madame la ministre. Nous formulerons évidemment des propositions visant à taxer plus lourdement les résidences secondaires.

En effet, leur nombre augmente très fortement – 7 000 de plus en moyenne par an à Paris – et ce sont, de fait, des logements qui n’accueillent pas des habitants à l’année.

réduction des surcoûts sur les carburants fournis par la sara aux antilles et en guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 075, adressée à M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, le prix des carburants en Guyane participe à la cherté de la vie et mobilise régulièrement élus et population en raison des niveaux record atteints.

Par exemple, le sans-plomb est actuellement vendu à 1,90 euro par litre, quand il coûte 1,72 euro dans l’Hexagone. Plus grave, nos voisins immédiats du Suriname, du Guyana et du Brésil le paient entre 94 centimes et 1,10 euro – moitié moins cher !

Ce constat posé, il faut réagir, et des solutions existent. Selon le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) de 2022, le marché des carburants aux Antilles et en Guyane est non pas un système de prix administrés, mais un triple monopole au bénéfice d’une entreprise, la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles). Celle-ci détient un monopole sur l’importation des produits pétroliers, ainsi que sur le raffinage et le stockage.

Selon ce même rapport, l’arrêt de l’activité de raffinage serait la seule solution pour permettre une baisse significative des prix, de l’ordre de 14 centimes d’euro à 18 centimes d’euro.

Monsieur le ministre, qu’en est-il de cette proposition et de toutes les autres qui sont contenues dans ce rapport ? Quelle est la légitimité d’un système dans lequel l’État garantit 23 millions d’euros de rémunération à l’actionnaire de la Sara, tout en acceptant des prix élevés pour le consommateur ?

Enfin, ce gain de 14 centimes à 18 centimes laisserait la Guyane encore loin des prix pratiqués par ses voisins, en particulier sur le plateau des Guyanes. Tous sont producteurs de pétrole.

N’y a-t-il pas là une double peine pour la Guyane ? Elle ne peut importer à moindre coût les carburants de ses voisins et doit le faire depuis l’Europe. Il lui est également interdit d’exploiter le pétrole présent dans son sous-sol au titre de la loi Hulot, alors même que ce texte n’a pas interdit de nouveaux forages en Gironde en 2023 et que l’Europe achète la moitié de la production pétrolière du Guyana…

Monsieur le ministre, n’est-il pas temps de mettre fin à cette hypocrisie et d’abroger la loi Hulot pour la Guyane ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Gouvernement suit très attentivement la question du prix des carburants et du gaz, en Guadeloupe et en Martinique comme en Guyane. Cette question s’inscrit dans la problématique plus large du coût de la vie dans nos outre-mer, pour laquelle nous sommes pleinement mobilisés.

Le rapport de 2022 de l’IGF, qui a été rendu public, confirme la nécessité d’une réglementation des prix des carburants au regard de l’étroitesse des marchés locaux. Si ces prix réglementés sont aujourd’hui proches de ceux qui sont constatés dans l’Hexagone, des marges de progrès importantes ont été mises en exergue, à la fois aux Antilles et en Guyane.

L’IGF a ainsi établi des pistes de travail destinées à favoriser une meilleure transparence dans la définition de ces prix. C’est ce que je souhaite également faire sur la question de la vie chère – nous en avons déjà parlé ensemble il y a quelques semaines.

Elle a également préconisé de réexaminer plusieurs éléments de calcul des prix des carburants, du fonctionnement et donc de la rémunération de la Sara. C’est pourquoi une réforme de la régulation des prix et du système de distribution a été actée au moment du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de 2023. Les choses sont donc claires sur le principe.

Des pistes de réforme sont actuellement à l’étude, afin d’assurer un prix juste au consommateur dans un contexte de développement durable des territoires. Il faut mettre en application ce qui a été décidé à l’occasion de ce Ciom, et nous devons aller vite. D’ailleurs, une nouvelle réunion du Ciom est prévue pour le premier trimestre 2025.

S’agissant des dispositions de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche, ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, dite loi Hulot, il faut noter qu’elle a été confirmée par la France et jamais remise en cause.

Pour autant, ce serait mentir de vous dire que, à titre personnel, je ne me pose pas de questions. En effet, force est de constater que des pays proches de la Guyane exploitent leurs ressources en hydrocarbures et que des entreprises françaises sont engagées dans ces projets. Cela pose naturellement une question de fond, mais, en l’état du droit, de tels projets restent interdits.

La problématique de l’approvisionnement de la Guyane en carburant est bien prise en compte par le Gouvernement, et je veillerai avec un soin particulier à ce que les associations d’élus de Guyane et des Antilles participent aux discussions qui vont s’ouvrir.

Vous avez raison, nous devons avancer sur ces questions de fond, partout outre-mer, en faisant la transparence sur les modalités de calcul des prix et en les remettant à plat.

absentéisme des agents de la ville de paris

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 161, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique.

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, nos services publics sont malades. L’un des symptômes de cette maladie est l’absentéisme des fonctionnaires, qui sont absents 14,5 jours en moyenne, contre 11,5 jours dans le secteur privé. Cette inégalité s’inscrit dans un contexte – faut-il le rappeler ? – d’urgence budgétaire.

Un fonctionnaire absent, c’est la double peine pour les Français.

D’un côté, on recrute de nouveaux fonctionnaires : je rappelle que plus d’un million d’agents ont été recrutés entre l’an 2000 et aujourd’hui. Et pour quels résultats, alors que 51 % des Français disent ne pas être satisfaits de leurs services publics, selon une étude de l’Ifop, sinon, d’offrir un prétexte à certains, dont le génie et la créativité fiscale sont sans limites, pour augmenter les impôts ?

De l’autre côté, les Français subissent la désorganisation des services publics, dès lors qu’un fonctionnaire est absent. C’est souvent un collègue qui doit assumer une charge de travail supplémentaire, entraînant des rendez-vous non honorés, des délais de traitement qui augmentent et des dossiers qui s’accumulent.

Comment voulez-vous que nos services publics fonctionnent efficacement lorsque le cumul des absences des fonctionnaires équivaut à 300 000 équivalents temps plein (ETP), soit plus de la totalité des effectifs des ministères de la justice et de l’intérieur ?

Il est important de rappeler que ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont en cause, mais les gestionnaires. Paris en est le symbole ! La Ville de Paris emploie plus de personnes que toutes les institutions européennes ou que toutes les préfectures de France.

Le taux d’absentéisme des fonctionnaires de la Ville de Paris atteint 10 %, soit le double de celui des salariés du privé, pour un coût annuel de 250 millions d’euros. Avec Mme Hidalgo, nous vivons en Absurdistan, avec une ligne directrice : l’explosion des impôts, mais des services publics dégradés pour les Parisiens ; d’où l’exode de milliers de familles chaque année.

Il est évidemment possible de guérir de cette addiction. Vos premières propositions, monsieur le ministre, sur l’augmentation du nombre des jours de carence, qui passeraient d’un à trois, vont dans le bon sens. Nous espérons que vous aurez le courage politique de passer à l’acte.

Alors que, selon l’inspection générale des affaires sociales (Igas), 40 % des absences sont de courte durée, ce qui est révélateur d’un mal-être, comment réussirez-vous à réduire cet absentéisme de courte durée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de laction publique. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur l’absentéisme dans la fonction publique, et le Gouvernement souhaite y remédier. C’est l’objet du plan de lutte contre l’absentéisme que j’ai présenté la semaine dernière.

Vous l’avez dit, les chiffres sont éloquents. Le nombre de jours d’absence pour arrêt maladie a augmenté de 80 % en dix ans, ce qui pose un vrai problème. Nous en sommes aujourd’hui à 77 millions de jours d’absence dans la fonction publique, soit un coût de 15 milliards d’euros par an. Cela équivaut à un nombre d’ETP supérieur aux effectifs totaux de La Poste ou de la SNCF.

Vous l’avez dit, les premiers à souffrir de cette augmentation de l’absentéisme sont les agents eux-mêmes : ils doivent pallier ce phénomène et ils subissent la désorganisation du service et les contraintes qui lui sont liées.

Vous avez évoqué plus particulièrement la situation de la Ville de Paris. Nos chiffres sont comparables à ceux que vous venez de citer. Le taux d’absentéisme y est de 9,14 %, soit le double de celui du secteur privé. Le nombre de jours d’absence par agent et par an est assez évocateur : il s’élève à 11,6 dans le privé, à 14,5 pour la fonction publique dans son ensemble et à 39,6 pour la Ville de Paris, c’est-à-dire plus du double de celui de la fonction publique en général !

Notre plan s’articule autour de deux mesures de responsabilité et de trois mesures d’accompagnement. Et ne vous inquiétez pas, madame la sénatrice, j’aurai le courage d’aller au bout ! Le Sénat devra d’ailleurs se prononcer sur ces mesures à l’occasion de l’examen des textes financiers.

Les deux mesures de responsabilité sont : trois jours de carence plutôt qu’un seul ; une baisse de la prise en charge de 100 % à 90 % dans un esprit de rapprochement entre le public et le privé.

Ensuite, je discuterai de trois mesures d’accompagnement importantes avec les syndicats, que je recevrai dès jeudi après-midi : de meilleures conditions de travail – cela peut évidemment avoir un impact sur l’absentéisme ; moins de bureaucratie pour les agents, en essayant de leur faciliter la tâche, pour qu’ils puissent chaque matin être heureux d’aller au travail et se concentrer sur leur cœur de métier ; enfin, une meilleure protection fonctionnelle, par exemple pour faire face à des attaques ou agressions – cela peut aussi avoir un impact sur l’absentéisme.

Vous le voyez, madame la sénatrice, c’est un plan très complet, et je suis sûr que, tous ensemble, nous réussirons à mieux lutter contre l’absentéisme et à obtenir de meilleurs résultats pour nos services publics, nos agents et nos usagers.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)