Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous avons eu un débat de même nature, précédemment, mais au sujet des EPCI.

Je ne suis pas certaine qu’il y ait beaucoup de syndicats mixtes fermés et ce que vous proposez dans votre amendement ne devrait pas coûter très cher. Rétablir une égalité de traitement avec les CIAS paraît intéressant, mais je manque d’informations sur le nombre de syndicats mixtes fermés et sur la fréquence à laquelle les intercommunalités recourent à eux pour ce type d’activités. Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Mon raisonnement sera le même que lors de la discussion précédente. Je vous le dis en toute transparence, puisque nous en avons parlé avec Mme la rapporteure et M. le président de la commission : je connais mal ce sujet. Toutefois, j’ai cru comprendre précédemment que les EPCI avaient une vocation multiple tandis que les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale étaient spécialisés dans l’aide sociale. C’est là ce qui expliquerait leur différence de traitement, qu’a validée le Conseil constitutionnel.

Je comprends que cela puisse paraître inopérant, mais ces distorsions doivent être considérées dans le schéma d’ensemble du financement du grand âge dans notre pays.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. En réalité, il existe assez peu de syndicats mixtes fermés, mais l’anomalie est bien réelle. En effet, les intercommunalités s’inscrivent obligatoirement dans le périmètre des communautés de communes ou des communautés d’agglomération. Or les syndicats mixtes fermés doivent permettre aux communes de mutualiser le service d’accompagnement à domicile sur un périmètre qui peut être différent de celui des intercommunalités. Il n’y a donc aucune raison qu’il y ait une différence de traitement avec les CIAS. Absolument aucune. Supprimer cette anomalie permettrait de régler quelques situations dans la mesure où le recours aux syndicats mixtes fermés n’est pas la pratique la plus courante.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Notre rapporteure générale, de manière tout à fait justifiée, a fait part de son hésitation, étant donné que nous ne disposons pas de tous les éléments sur ce sujet. Mme la ministre souhaiterait d’ailleurs qu’on le traite de manière plus globale.

La difficulté, quand il s’agit d’intercommunalité, tient à la multiplicité de ses missions, de sorte qu’il faudrait mener un travail service par service pour analyser la situation, ce qui est compliqué.

Toutefois, le périmètre est le même pour le CIAS et le syndicat mixte fermé. Les deux structures mènent des actions similaires et exercent les mêmes missions.

Dans le doute, je vous propose de procéder comme nous l’avons fait précédemment au sujet des EPCI, en intégrant la mesure dans le texte pour pouvoir l’examiner et en débattre de manière plus précise dans le cadre de la commission mixte paritaire.

L’interrogation collective demeure, mais l’avis de la commission est de sagesse positive. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 644.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.

L’amendement n° 549 rectifié, présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Capus et Rochette, Mme L. Darcos, MM. Grand, Brault et Omar Oili et Mme Nadille, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4081-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4081-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4081-…. – Les heures réalisées au titre des interventions effectuées au sein de société de téléconsultations ayant reçu l’agrément prévu aux articles L. 4081-1 et suivants par les personnes qu’elles emploient et qui relèvent des catégories de praticiens mentionnées aux articles L. 162-2 à L. 162-5-19 du code de la sécurité sociale sont exonérées de toutes les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle ainsi que des participations, taxes et contributions prévues aux articles 235 bis, 1599 ter A et 1609 quinvicies du code général des impôts ainsi qu’aux articles L. 6131-1 et L. 6331-2 du code du travail dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement.

« Pour l’application du présent article à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références au code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet.

« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. »

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Cet amendement de notre collègue Corinne Bourcier a pour objet les interventions effectuées au sein des sociétés de téléconsultation.

Il vise à compenser le montant des cotisations sociales des médecins salariés en secteur 1 pour l’aligner sur celui des médecins libéraux par le truchement d’une exonération. C’est aussi une mesure d’égalité. En effet, l’ensemble des structures qui salarient ces médecins exerçant en secteur 1 bénéficient de cette compensation.

Cette mesure permettra d’encourager la prise en charge en secteur 1 par les médecins salariés des sociétés de téléconsultation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Par cet amendement, mon cher collègue, vous créez en réalité une nouvelle niche sociale. Dans son objet, vous indiquez, qui plus est, que cette mesure serait indolore pour les finances sociales, ce qui ne me paraît pas évident.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 549 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1269, présenté par Mme Nadille, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de clarifier les différences de situations entre les établissements et services relevant de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles dans l’application des règles de prélèvements sociaux et d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances est remis au Parlement avant le 30 juin 2025.

La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Cet amendement vise, à travers la demande d’une remise de rapport conjoint de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales au Parlement, dans les six mois suivant la publication de la loi, à clarifier et à objectiver les différences de régime socio-fiscal, selon leur statut juridique, des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), ainsi que les conséquences d’une telle absence de prise en compte dans les règles de tarification de ces établissements.

Madame la rapporteure générale, je connais votre amour des rapports (Sourires.), mais je crois que celui-ci serait très utile !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1269.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 827, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. En 2023, les exonérations de cotisations sociales salariales vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires qui, je tiens à le préciser, n’ont pas été compensées par le budget de l’État, ont représenté une perte de recettes de l’ordre de 2,4 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Ces exonérations, mises en œuvre durant le quinquennat du président Sarkozy,…

M. Laurent Burgoa. Un excellent quinquennat !

Mme Raymonde Poncet Monge. … faisaient pourtant l’objet d’une compensation avant qu’on ne les supprime en 2012. Après qu’on en eut évalué l’impact, il a été décidé de revenir sur cette mesure, qui crée, comme cela a été démontré, un effet d’aubaine.

C’est finalement en 2019, avec le retour à l’équilibre de la branche vieillesse, que l’on a considéré qu’il était de nouveau possible de faire ce genre de cadeau : les exonérations ont donc été rétablies, mais pour un coût plus élevé, car, depuis lors, le dispositif, non seulement n’est plus compensé, mais ouvre des droits, ce qui en fait un mécanisme totalement asymétrique, et ce au détriment de notre régime d’assurance vieillesse.

Je viens d’indiquer que ces exonérations avaient pour conséquence une perte de recettes d’environ 2,4 milliards d’euros, mais, en réalité, le manque à gagner est bien plus élevé, car le système ouvre des droits, sans qu’aucune cotisation ait été versée en contrepartie. De fait, depuis 2019, la perte de recettes résultant de ce dispositif d’aubaine s’élève à plus de 10 milliards d’euros pour la branche vieillesse, un coût qui explique en partie le déficit cumulé de ladite branche, lequel a partiellement justifié la réforme des retraites.

En d’autres termes, par le rétablissement coûteux d’un dispositif inefficace, le Gouvernement contribue à l’attrition des recettes, laquelle explique le déficit actuel de la sécurité sociale.

La Cour des comptes s’est attardée sur ce dispositif d’exonération de cotisations sociales salariales vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires pour en dénoncer l’inefficacité et l’incohérence. Elle recommande d’ailleurs d’y mettre fin, parce qu’elle le juge tant inefficient qu’insoutenable pour les comptes sociaux, dont la trajectoire financière devient critique, et parce qu’un quart du déficit de la branche en résulterait.

Le présent amendement, qui a pour objet de supprimer ces exonérations, s’inscrit par conséquent dans le prolongement de la réflexion de la Cour.

Mme la présidente. L’amendement n° 641, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Bourgi et Ros, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Ziane et Lurel, Mme Bélim, M. Féraud, Mme Harribey, M. Gillé, Mme Brossel, MM. Fagnen et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Darras, Michau, Mérillou et Montaugé, Mme Bonnefoy, M. Roiron, Mme Blatrix Contat, MM. Jeansannetas, Vayssouze-Faure et M. Weber, Mmes Monier et G. Jourda, MM. P. Joly, Marie, Tissot, Durain et Chaillou, Mme Artigalas, MM. Redon-Sarrazy, Ouizille, Pla, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le V de l’article L. 241-17, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le présent article n’est pas applicable pour les éléments de rémunération versés à la suite d’heures supplémentaires réalisées conduisant à une rémunération globale du salarié supérieure à quatre fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »

2° Le V bis de l’article L. 241-18 est rétabli dans la rédaction suivante :

« V bis. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article ne sont pas applicables pour les éléments de rémunération versés à la suite d’heures supplémentaires réalisées conduisant à une rémunération globale du salarié supérieure à quatre fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »

3° Après le V de l’article L. 241-18-1, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article ne sont pas applicables pour les éléments de rémunération versés à la suite d’heures supplémentaires réalisées conduisant à une rémunération globale du salarié supérieure à quatre fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Cet amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour tous les salariés dont la rémunération globale dépasse 4 Smic.

Présenté comme une mesure de soutien au pouvoir d’achat, ce dispositif d’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires soulève deux problèmes majeurs, concernant notamment des salariés qui perçoivent déjà des revenus élevés.

En premier lieu, un tel mécanisme va à l’encontre du partage du travail en incitant les salariés les mieux rémunérés à l’accumulation d’heures supplémentaires.

En second lieu, il n’est pas compensé financièrement : l’ensemble des exonérations sur les heures supplémentaires représente une perte de recettes de près de 2,2 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Ce manque à gagner fragilise l’autonomie financière de la sécurité sociale et limite sa capacité à répondre aux besoins essentiels de nos concitoyens dans un contexte où, beaucoup d’orateurs l’ont rappelé, ceux-ci sont particulièrement pressants : je pense à la crise de l’hôpital public, au financement des Ehpad ou encore à l’accompagnement des publics les plus vulnérables – nous aurons l’occasion d’y revenir.

Notre amendement vise à concilier plusieurs objectifs : d’abord, préserver le pouvoir d’achat des salariés gagnant jusqu’à 4 Smic, soit environ 5 600 euros net par mois, ce qui correspond à un spectre plutôt large, tout en renforçant les ressources de la sécurité sociale ; ensuite, réaffirmer le principe du partage du travail en soumettant les heures supplémentaires des salariés dont les rémunérations sont les plus élevées aux cotisations sociales de droit commun.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Même s’ils sont en discussion commune, ces amendements ont des dispositifs un peu différents, ce qui me conduira à émettre deux avis bien distincts.

Avec l’amendement n° 827, madame Poncet Monge, vous proposez d’abroger le dispositif d’exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires. La perte de recettes qui en résulte est estimée à 2,2 milliards d’euros en 2022 – je tiens beaucoup à rappeler ce chiffre, car nous sommes actuellement, on l’a dit, à la recherche de moyens.

Certes, les niches sociales relatives aux compléments de salaire sont un sujet essentiel, puisque nous parlons d’un montant global d’environ 25 milliards d’euros, pour seulement 10 milliards d’euros de contributions compensatoires assises sur les assiettes exemptées, mais, avec la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires et complémentaires, nous irions probablement trop loin.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes préconise ainsi, concernant l’exonération des heures supplémentaires, non de supprimer la niche sociale correspondante, mais seulement de « compenser par crédits budgétaires le manque à gagner pour la sécurité sociale de l’exonération des cotisations salariales des heures supplémentaires ».

Je me range à la conclusion de la Cour des comptes, c’est-à-dire à la nécessité d’une compensation : j’émets donc, ma chère collègue, un avis défavorable sur votre amendement.

La position de la commission est un peu différente au sujet de votre amendement n° 641, monsieur Uzenat. Vous proposez d’abroger les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, mais uniquement celles qui conduisent un salarié à percevoir une rémunération globale supérieure à 4 Smic.

Vous souhaitez, vous y insistez, favoriser le partage du travail, et laissez entendre que les salariés dont la rémunération est supérieure à ce seuil « voleraient » – je mets des guillemets – le travail des autres.

Or on peut légitimement se dire que les salariés payés plus de 4 Smic sont le plus souvent des personnes très qualifiées, qui exercent un métier qui ne pourrait pas être fait par d’autres. Autrement dit, la hiérarchie des salaires résulte évidemment des compétences, de la formation et des études de chacun.

Je suis d’autant plus sceptique sur votre amendement, mon cher collègue, que ce qu’il rapporterait n’est pas chiffré et que son rendement pourrait s’avérer faible. La commission émet donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 641.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. L’amendement n° 827 tend à supprimer les exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, un dispositif introduit sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui représente aujourd’hui un gain de pouvoir d’achat de 455 euros par an pour chaque travailleur, et qui concerne 7 millions de salariés et 600 000 agents publics. Une telle mesure aurait un effet direct sur le salaire net des salariés concernés.

Je rappelle par ailleurs que ces exonérations profitent avant tout aux salariés modestes, les ouvriers et les employés étant davantage susceptibles d’effectuer des heures supplémentaires que les autres. Parmi les bénéficiaires du dispositif, on trouve ainsi 66 % d’ouvriers et, seulement, 20 % de cadres.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 641 a pour objet de réserver ces exonérations aux salaires inférieurs à 4 Smic. Dans la mesure où un tel dispositif ne serait, en réalité, que peu opérant, parce qu’il ne concernerait que très peu de personnes, j’y suis également défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, la sécurité sociale n’a pas vocation à préserver ou à augmenter le pouvoir d’achat des salariés. C’est aberrant d’entendre cela !

C’est un peu comme la prime d’activité, qui a été créée à un moment donné pour lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres et qui est devenue, alors qu’elle ne l’était pas à l’origine, un élément de salaire, parce que certains employeurs, qui embauchent des personnes au Smic, font systématiquement entendre à ces salariés qu’ils pourront bénéficier de ce complément de revenu versé par l’État.

Non, madame la ministre, la sécurité sociale n’a pas été créée pour compenser la déflation salariale en France !

D’autant que, demain, quand les salariés devront travailler sept heures de plus gratuitement, on devra, en définitive, retrancher ce temps de travail des heures supplémentaires qu’ils font. Hier, vous leur proposiez sept heures supplémentaires pour préserver leur pouvoir d’achat ; demain, vous n’hésiterez pas une seconde à leur expliquer que ces sept heures devront être travaillées gratuitement…

Je le redis, sur le plan économique, il a été démontré que le volume d’heures supplémentaires travaillées en France serait exactement le même si lesdites heures étaient socialisées comme elles l’étaient auparavant. En d’autres termes, quand une entreprise propose à ses salariés de faire des heures supplémentaires, c’est qu’elle a des commandes à honorer et qu’elle en a besoin. Les entreprises ne font pas évoluer leur activité selon que les heures travaillées par leurs salariés sont désocialisées ou non, compensées ou pas.

Ce dispositif d’exonération des cotisations sociales, rétabli en 2019 après avoir été supprimé, crée bel et bien un effet d’aubaine pour les entreprises : il est donc indéfendable si l’on veut sauver la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, vous venez de nous expliquer que ce sont les salariés ayant les salaires les plus bas qui bénéficient le plus des heures supplémentaires et des primes. C’est une évidence : ils n’ont pas d’autre possibilité que d’y recourir pour améliorer leur pouvoir d’achat !

Mme Monique Lubin. En fait, ils ne font que prendre ce qu’on leur donne.

Je doute que, dans un certain nombre de secteurs d’activité, la plupart des salariés fassent des heures supplémentaires uniquement par amour de leur métier ou parce qu’ils ont envie de rester un peu plus longtemps au travail ou à l’usine.

En définitive, je le répète, ces salariés n’ont pas le choix : pour espérer un meilleur revenu, ils doivent faire des heures supplémentaires ou toucher des primes qui sont désocialisées, des dispositifs qui, au bout du compte, ne leur ouvriront aucun droit, notamment en matière de retraite. Il en a toujours été ainsi.

Alors, bien sûr, vous renchérissez, madame la ministre, en nous disant qu’il serait impossible de mettre fin à cette exonération du jour au lendemain. Oui, c’est sûr : à force d’ouvrir aux employeurs la possibilité de payer leurs salariés en heures supplémentaires ou via des primes, ici ou là, on ne les incite pas à augmenter les salaires !

Si nous votions cette mesure et si, demain, les entreprises devaient soudainement verser les cotisations sociales inhérentes à ces heures supplémentaires et à ces primes, ce serait évidemment très compliqué pour elles, mais, pardonnez-moi de le dire ainsi, il aurait fallu ne jamais commencer à désocialiser ces éléments de revenu !

Nous savons bien, nous qui sommes de gauche, ce que cela coûte de supprimer ces exonérations : quand nous l’avons fait, nous l’avons payé cher, parce que les salariés, modestes notamment, ne le comprennent pas. Et s’ils ne le comprennent pas, c’est parce qu’on ne leur donne pas d’autre possibilité que de recourir à ces dispositifs.

Nous en avons assez de ces exonérations : nous souhaitons que les salariés soient payés normalement et qu’ils aient droit à des cotisations sociales, qui, elles-mêmes, ouvrent des droits à la retraite.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. J’avoue, madame la ministre, que je n’ai pas bien compris votre argumentaire.

Pour faire suite aux interventions de mes collègues, et notamment aux propos de Monique Lubin, on peut finalement considérer que mon amendement est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 827. Or, même dans ce cas de figure, vous nous opposez une fin de non-recevoir.

Nous sommes pourtant bien d’accord, les uns et les autres, pour dire que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans la période de crise très grave que nous traversons, doit viser un objectif simple, celui de garantir une forme de justice pour ce qui est à la fois des dépenses sociales et des recettes.

Avec cet amendement n° 641, nous proposons une mesure extrêmement pondérée – certains diront même trop –, simplement parce que nous voulons contribuer, même à petits pas, à cette recherche de recettes supplémentaires. Et j’ai cru comprendre, madame la rapporteure générale, comme un certain nombre de collègues présents sur d’autres travées de cette assemblée, que cette problématique des recettes ne vous était pas tout à fait étrangère.

Nous vous proposons une solution qui, si elle était adoptée – ce que nous souhaitons –, nous donnerait l’occasion d’en évaluer le coût plus précisément et qui, en tout état de cause, enclencherait une dynamique, certes symbolique, mais très intéressante. Nous déciderions qu’au-delà d’un certain seuil qui est, vous l’admettrez, assez élevé, c’est-à-dire une rémunération au-delà de 4 Smic, la Nation ne doit plus faire d’efforts.

Un tel dispositif est plutôt de l’ordre du bon sens, et je regrette vraiment que vous ne l’ayez pas compris ainsi. Cela étant, je ne désespère pas que la Haute Assemblée, avec la sagesse qu’on lui connaît, se range à mon avis et adopte une disposition, qui est, j’y insiste, le minimum que l’on est en droit d’attendre.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Je me permettrai simplement un commentaire personnel : je n’ai pas saisi le raisonnement, je n’ai pas compris l’affirmation selon laquelle les salariés gagneront mieux leur vie si l’on revient sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Sincèrement, votre logique m’échappe, mes chers collègues.

En réalité, il faut sortir de cette vision manichéenne : certains salariés font des heures supplémentaires tout simplement parce qu’ils veulent gagner plus d’argent, peut-être parce qu’ils sont à un moment de leur vie où ils en ont besoin. Les heures supplémentaires ne sont donc pas systématiquement imposées par un patron.

Mes chers collègues, vous vous bornez à opposer de très grandes entreprises à des salariés forcément contraints. Vous oubliez les PME qui, elles, n’imposent rien à personne et qui sont, aujourd’hui, en quête de main-d’œuvre : si ces entreprises recourent aux heures supplémentaires, c’est bien plutôt parce qu’elles font face à un manque de main-d’œuvre. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mes chers collègues, quoi qu’il en soit, j’ai la solution qui mettra tout le monde d’accord : en effet, vous avez parfaitement raison de souligner que les dispositifs de défiscalisation des heures supplémentaires sont plus ou moins du bricolage. Mais, en réalité, si notre pays s’y adonne, c’est parce qu’en matière de droit du travail il est confronté à un problème qui porte le nom de… 35 heures ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

On ne va évidemment pas rouvrir le débat ce soir…