M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous sommes effectivement à la recherche du point d’équilibre. En la matière, je ne partage pas la proposition de notre collègue Vincent Capo-Canellas.
Si rien n’est fait, voire si on supprime purement et simplement la taxe, les problèmes évoqués ne disparaîtront pas. Car la TSBA n’est en réalité pas responsable de la flambée du prix des billets d’avion. (Mme Jocelyne Guidez approuve.)
La solution gagnant-gagnant consiste bel et bien à augmenter cette taxe, ce qui n’aura qu’un effet minime – pour ne pas dire nul – sur le transport aérien, qui a continué à se développer en dépit de cette flambée des prix. Les Allemands en sont rendus à une TSBA à 25 euros, soit nettement plus que la proposition du Gouvernement, et ils enregistrent des taux de remplissage que nous avons rarement atteints.
J’ai moi aussi trouvé la réponse du ministre faible. La mesure du Gouvernement rapportera environ 1 milliard d’euros à l’État : je propose que ce montant vienne abonder un fonds d’aménagement du territoire, qui pourrait être mobilisé face aux diverses problématiques des territoires ultramarins.
Nous pourrions même suggérer – avec Stéphane Demilly, qui connaît le sujet – que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat se saisisse de la question et travaille sur une proposition d’amélioration du mécanisme financier, et ce afin d’englober toutes les questions soulevées ici.
Si l’on ne crée pas le flux, par l’augmentation de la TSBA, on ne trouvera pas les moyens nécessaires, y compris pour sauver de petits aéroports d’équilibre du territoire, qui, taxe ou pas, sont en train de disparaître. Il vaut mieux un fonds mieux doté, mobilisable sur les problématiques d’aménagement du territoire, que l’abandon de la TSBA, d’autant que cette taxe existe ailleurs et qu’elle apporte des recettes assez importantes à l’État.
Il faut donc, monsieur le ministre, aller plus loin que votre première proposition : l’État va gagner 1 milliard d’euros ; pourquoi ne pas dégager 50 à 100 millions d’euros pour favoriser l’aménagement du territoire ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je vais tenir un propos un peu dissonant, je m’en excuse, étant précisé que je m’exprime à titre personnel sur ce sujet.
Je voudrais évoquer un point considéré comme secondaire : l’impact de cette mesure sur les compagnies aériennes françaises. On peut croire que, taxe ou pas taxe, tout cela fonctionne. Mais, en réalité, beaucoup d’entre elles sont en difficulté. La plus grande l’a été régulièrement et souffre, comme vous le savez, d’un problème de compétitivité permanent par rapport aux grandes compagnies aériennes du Golfe, ou encore à Turkish Airlines, qui lui taille des croupières.
Pour certains, il existe une façon simple de résoudre le problème : on cible la classe affaires, en considérant que les entreprises peuvent payer. C’est sans doute vrai… Mais, curieusement, cette clientèle compare, elle aussi, les prix des billets proposés par les grandes compagnies, et la hausse du prix de la classe affaires la pousse à se tourner vers d’autres compagnies, notamment celles que je viens de mentionner.
N’oublions pas que notre grande compagnie aérienne nationale tire l’essentiel de ses bénéfices de la classe affaires, ce qui détermine, ensuite, le prix des billets proposés sur les autres catégories. Je ne prétends pas que c’est un point essentiel ; je dis simplement que je tiens à ce que la compagnie nationale ne se retrouve pas sans arrêt en difficulté, ou obligée d’affronter ses compétiteurs « sac aux pieds ».
Pour moi, l’augmentation de cette taxe n’est pas une bonne chose, et je tenais à évoquer cette dimension particulière, qui, comme je l’ai dit, a été peu abordée. Il ne faudra pas, ensuite, s’étonner de certains résultats !
J’ajoute que la compagnie à laquelle je fais référence procède régulièrement à des achats d’avions neufs pour rester compétitive. Si la mesure envisagée devait bloquer l’investissement un jour ou l’autre, nous le regretterions collectivement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout a été dit sur les conséquences de la hausse de cette taxe pour les territoires ultramarins, le tourisme affinitaire, la desserte de nos territoires. Je voudrais, pour ma part, insister sur deux points.
Le premier point est l’impact de la mesure pour les entreprises du voyage et les Français qui y ont recours.
Nos concitoyens voyagent en France – ce n’est pas le promoteur du tourisme bleu-blanc-rouge que je suis qui prétendra l’inverse –, mais ils voyagent aussi hors de nos frontières, sans pour autant disposer de budgets infinis. Or le Gouvernement propose un renchérissement réellement très important de la taxation. On peut parler d’une multiplication par dix ou quinze…
M. Ronan Dantec. C’est 10 euros !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ce sont des montants significatifs.
Le deuxième point est l’impact sur l’aviation d’affaires.
Ce sujet peut ne pas paraître populaire, mais nous parlons d’une filière qui travaille, qui représente des emplois directs, mais aussi indirects à travers des activités de maintenance. Au vu du tarif par passager que l’on prévoit d’appliquer, il ne faut pas s’étonner ensuite qu’un certain nombre d’infrastructures aéroportuaires françaises perdent toute compétitivité.
Il me semble donc important que nous parvenions à progresser dans le débat sur les problématiques ultramarines, mais aussi sur la question des dessertes territoriales. Il faut des tarifs plus adaptés, la proposition avancée étant tout à fait disproportionnée, et je nous fais confiance pour trouver, à travers les différents sous-amendements, une évolution plus acceptable.
Je ne veux pas dramatiser, mes chers collègues, mais vraiment – le président de la commission l’a dit, en évoquant un autre aspect de la question – on ne peut pas adopter cette mesure en l’état. Il faut donc avancer sur le sujet aujourd’hui, avant, peut-être, de trancher ce point en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme cela a été souligné, le sujet est important.
Je vous propose une ligne directrice, dont je crois qu’elle pourrait satisfaire tout le monde. Il s’agirait de demander, en priorité, le vote des sous-amendements identiques nos I-2114 rectifié bis et I-2256, qui présentent l’approche la plus globale de la problématique, des sous-amendements identiques nos I-2218 rectifié bis et I-2236 rectifié, qui concernent les lignes d’aménagement du territoire, du sous-amendement n° I-2121 rectifié ter, qui porte sur le tarif réduit pour la Corse, et du sous-amendement n° I-2224 rectifié bis, qui tend à prévoir un tarif dérogatoire pour l’outre-mer.
On voit que la discussion est loin d’être aboutie, mais nous devons trouver une voie de passage, de convergence qui, je l’espère, nous permette d’avancer vers un accord.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. La priorité, de droit, est ordonnée.
Mes chers collègues, je vous indique que je vais suspendre la séance après l’intervention de M. le ministre, afin de pouvoir la reprendre à quinze heures pour les questions d’actualité au Gouvernement.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le droit des aides d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’en fais pas un joker que j’utilise pour ne pas émettre un avis favorable sur vos sous-amendements. C’est une réalité juridique : ce droit communautaire existe, pose problème et a déjà créé des difficultés.
Prenons le projet de loi de finances 2020 – je me tourne vers le rapporteur général de l’époque. La problématique de la TSBA pour les outre-mer se posait déjà ; un amendement avait été adopté, dont l’objet était de mettre en place une taxation différenciée ; la mesure avait été conditionnée à l’accord de la Commission européenne, accord qui n’a pas été obtenu !
M. Albéric de Montgolfier. Il s’agissait des OSP…
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il n’empêche que la mise en œuvre d’une fiscalité différenciée selon les territoires se heurte au régime et au droit des aides d’État. On peut considérer qu’il est possible d’en faire fi, mais en fait non ! Le droit communautaire s’impose, et il nous faut le respecter.
Voilà pourquoi, s’agissant des territoires ultramarins, j’évoque les propositions de financement de la continuité territoriale via Ladom.
J’entends ce que vous me dites. Certains d’entre vous semblent penser que le Gouvernement balaie d’un revers de la main les problématiques territoriales, qu’elles se situent à l’intérieur de l’Hexagone ou en dehors. Ce n’est pas du tout le cas !
Au contraire, nous essayons de voir comment accompagner financièrement le recours à l’avion lorsque, pour certains territoires, il est indispensable. Le droit communautaire nous interdisant une taxation différenciée, nous recherchons des compensations à travers la mobilisation d’autres crédits budgétaires.
Le tarif de 9,50 euros pour la première catégorie est inférieur à celui qui s’applique chez certains de nos voisins. En Allemagne et au Royaume-Uni, il s’élève à 15 euros ; aux Pays-Bas, à 29 euros. Nous ne sommes pas dans une situation anticoncurrentielle.
J’entends les remarques du président de la commission des finances sur notre compagnie nationale et la nécessité de renforcer ou, en tout cas, de ne pas abîmer sa compétitivité. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Mais le fait de faire porter l’effort, plus que proportionnellement, sur les classes affaires et les longs courriers, c’est précisément une attention portée à cette compagnie nationale. Sans compter que ce dispositif assure aussi la protection évoquée à juste titre en matière d’aménagement du territoire. Je pense que vous ne seriez pas favorables à une inversion des ratios…
Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’opposition du Gouvernement à vos sous-amendements ne constitue pas une position de principe ; elle est avant tout motivée par des considérations d’ordre juridique.
M. le président. Mes chers collègues, beaucoup d’entre vous souhaitent prendre la parole. Je me permets d’insister : je suis tenu par le temps et je dois suspendre la séance. Pour autant, tous ceux qui souhaitent s’exprimer pourront le faire à la reprise du débat.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il nous reste un peu de temps avant treize heures trente, monsieur le président. Il est effectivement impossible d’accepter une prise de parole supplémentaire.
Néanmoins, nous venons d’avoir un très long débat et il me semble que nous pouvons en rester là. Si ceux qui ont demandé la parole acceptent de retirer leur demande, nous pourrions passer immédiatement au vote.
M. le président. Je constate que certains de nos collègues souhaitent reprendre la parole. Comme je l’ai indiqué, ils pourront le faire à la reprise de la discussion.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
violences sexuelles et sexistes
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le Premier ministre, chaque année, entre 120 et 130 femmes sont tuées par l’homme avec qui elles partagent ou partageaient leur vie. Ce chiffre, qui est tristement stable, est déjà révoltant en tant que tel, mais savez-vous, mes chers collègues, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, qu’il est, en réalité, bien loin de la vérité ?
À ces féminicides recensés, il faut en effet ajouter les 800 tentatives de suicide annuelles de femmes victimes de harcèlement moral, de violences psychologiques ou de violences répétées. Ces chiffres ne sont pas les miens : ce sont ceux du ministère de l’intérieur et de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof). Et un tiers de ces 800 femmes meurent !
Contrairement à ce que l’on dit souvent, ce n’est donc pas une femme tous les trois jours qui meurt sous les coups de son compagnon : c’est, en réalité, une femme par jour qui meurt des violences d’un homme.
Depuis 2020, le harcèlement moral est une infraction criminelle. Mais qu’avons-nous fait depuis cette date ? Rien, ou pas grand-chose : il n’y a pas eu de circulaire pénale spécifique d’application de cette loi ; il n’y a pas eu de formation des professionnels concernés ; il n’y a pas eu d’enquête systématique.
Pour les quelques cas qui ont conduit à des condamnations, ce sont le plus souvent les familles qui ont porté plainte.
Et que fait-on pour le demi-millier de femmes qui ont survécu à ces tentatives de suicide ? Les sauve-t-on, ou attend-on une autre tentative de suicide qui, cette fois, sera fatale ? Sauver ces femmes, cela signifie enquêter sur leurs tentatives de suicide, sur l’existence de violences et d’un contrôle coercitif, entendre les proches et les voisins.
Monsieur le Premier ministre, nous pouvons sauver ces femmes. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je tiens tout d’abord à rappeler l’engagement qu’a pris le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes.
Avec l’ensemble du Gouvernement, le ministre Paul Christophe et moi-même sommes engagés dans la lutte contre ces violences.
À cet égard, les annonces qui ont été faites ce lundi renforcent notre action, avec des mesures concrètes et ambitieuses. Je pense notamment aux moyens alloués au dispositif d’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. De manière générale, le montant des crédits consacrés à cette politique a crû de 10 %, alors que le contexte budgétaire actuel est quelque peu difficile. Ce sujet reste donc bien une priorité pour le Gouvernement !
Le renforcement de la formation des forces de l’ordre, la simplification des démarches des victimes témoignent de notre détermination à protéger chaque femme, partout sur le territoire, et à garantir que justice soit faite.
Pour ce qui concerne ce que vous appelez le « suicide forcé », ce sont 250 femmes qui auraient été poussées au suicide par leur conjoint en 2023.
Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour inclure ces suicides dans le calcul du nombre de féminicides. Ce combat est notamment mené par Yael Mellul, ancienne avocate spécialiste des violences conjugales, qui est venue au ministère ce lundi 25 novembre pour travailler sur le sujet.
Selon les derniers chiffres de la Miprof, 773 femmes ont été victimes, l’an dernier, d’actes de harcèlement de leur ex-conjoint, qui les a conduites au suicide ou à une tentative de suicide.
La notion de « suicide forcé » a été introduite dans le code pénal en 2020. Cette nouvelle incrimination vient reconnaître le lien entre violences conjugales et suicide.
Les suicides forcés concernent quasi exclusivement des femmes. L’intégration de ces suicides dans le décompte des féminicides est une requête qui fait sens, de même que le travail sur ce sujet, du fait de l’ampleur des violences physiques et psychologiques dans le couple, qui poussent la femme à se suicider.
Certaines voix accusent l’État de nier volontairement ces violences, afin de faire baisser le nombre des féminicides. De fait, en 2023, il y a eu 94 féminicides sans suicide forcé, mais 344 avec !
Ce lundi 25 novembre,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État. … nous avons annoncé une évolution de la grille d’évaluation du danger et du masque de plainte, afin de mieux prendre en compte toutes les formes de violences : suicide forcé, soumission chimique, cyberviolence, contrôle coercitif. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État. Nous réalisons également un effort massif sur la formation à l’accueil des victimes et sur le soutien psychologique. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, j’espère que j’aurai moi aussi droit à un peu plus de temps pour ma réplique…
Madame la secrétaire d’État, je veux d’abord vous dire que je ne connais aucun Premier ministre qui, ces vingt-cinq dernières années, n’aurait pas manifesté sa détermination à lutter contre les violences faites aux femmes. Pour autant, malgré cette détermination, les chiffres restent affreusement stables.
Je vous ai posé une question précise sur la prévention des suicides des femmes qui ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours. Vous nous avez répondu en reprenant les chiffres que j’ai donnés et en répétant à peu près ce que j’ai dit. Je dois dire que ce n’est pas la réponse que j’attendais ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous voulons des actes. Comment prévenir d’autres suicides ?
M. Philippe Tabarot. C’est fini !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Je n’ai pas pris plus de temps que Mme la secrétaire d’État, madame la présidente. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
lutte contre les violences faites aux femmes
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que les réquisitions du procès des viols de Mazan résonnent actuellement dans la salle du tribunal judiciaire d’Avignon, voilà quelques semaines que le monde entier regarde Gisèle Pelicot avec admiration et découvre avec horreur les atrocités dont elle a été victime.
Pourtant, toutes les femmes le savent : si l’ampleur des viols est sans précédent dans cette affaire, le geste, lui, est commun. Ce n’est pas un fait divers ; c’est un fait de société.
En 2023, près de 3 millions de femmes ont été victimes de violences sexuelles. Pourtant, seulement 6 % de ces victimes ont porté plainte.
À La Réunion, 15 % des femmes sont victimes de violences conjugales, et la région est au deuxième rang des territoires les plus touchés par les violences sexuelles.
Qu’en est-il de la grande cause du quinquennat du président Macron ?
En 2023, le budget de l’État dédié à la lutte contre les violences conjugales s’élevait à 171,7 millions d’euros. Pourtant, selon la Fondation des femmes, ce sont 5,4 milliards d’euros qui devraient être consacrés à la lutte contre ce fléau ! Rappelons que les violences faites aux femmes nous coûtent, chaque année, quelque 3,9 milliards d’euros.
Outre ces investissements financiers indispensables, à quand le retour à un ministère des droits des femmes de plein droit ?
Quid des angles morts de la grande cause ? On constate que 94 % des plaintes pour viol sont classées sans suite, et nous manquons de personnel titulaire et formé dans tous les territoires.
À quand une loi-cadre contre les violences sexuelles pour lutter activement contre ces violences systémiques et apporter une réponse visible, cohérente, efficace à ce problème immense ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Guylène Pantel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme Salima Saa, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, je tiens à rappeler l’engagement de tout le Gouvernement, derrière le Premier ministre, contre les violences faites aux femmes.
Je le redis, les crédits dédiés à cette cause ont été augmentés de 10 %, mais il ne s’agit pas uniquement du budget du secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, car il s’agit bel et bien d’une politique interministérielle.
Le Gouvernement consacre plus de 540 millions d’euros à la lutte contre les violences faites aux femmes : c’est une priorité pour le Gouvernement. À l’heure où nous cherchons des économies, ce n’est pas sur le budget de mon secrétariat d’État ou sur cet engagement que nous avons choisi d’en faire.
Le déplacement du Premier ministre, ce lundi, est une autre preuve qu’il s’agit d’une priorité pour le Gouvernement.
D’ici à 2025, nous allons mettre en œuvre un dispositif qui permettra aux victimes de déposer plainte dans l’ensemble des hôpitaux dotés d’un service gynécologique et d’un service d’urgence.
Depuis le Grenelle des violences conjugales, les pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales (VIF) se sont déployés dans les tribunaux, un déploiement qui va se généraliser d’ici la fin de l’année. En effet, ces pôles VIF garantissent un traitement rapide et spécifique aux femmes victimes de violences conjugales.
Par ailleurs, outre mon secrétariat d’État, il y a, au sein du Gouvernement, un ministre de plein exercice chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes : Paul Christophe, ici présent.
Nous sommes donc deux, en plus du Premier ministre, à nous mobiliser autour de cette cause prioritaire pour l’ensemble du Gouvernement. (MM. François Patriat et Dominique Théophile applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour la réplique.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse, mais il faut aller sur le terrain.
Dans les territoires, les délégations régionales aux droits des femmes sont sous-dotées et n’ont pas les moyens de fonctionner. Elles recrutent des jeunes en service civique pour pouvoir assurer des missions de pilotage et de coordination des réseaux.
Les associations sont épuisées. Il n’est pas possible que tout repose sur les bénévoles et les militants ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans les prisons, dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip),…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. … ce sont aussi des personnes en contrat à durée déterminée qui sont embauchées. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
arrestation de boualem sansal (i)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre, le 16 novembre dernier, alors qu’il venait de fouler le sol d’Alger, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté et emprisonné.
Pendant dix jours, aucune information n’a transpiré sur sa situation. Boualem Sansal a finalement été présenté hier au parquet et placé sous mandat de dépôt pour « atteinte à la sûreté de l’État, à l’intégrité du territoire, à la stabilité ou au fonctionnement normal des institutions, aux symboles de la nation et de la République ».
Il risque, monsieur le ministre, la peine de mort, peine qui sera probablement commuée en prison à perpétuité.
Que lui reproche-t-on ? Probablement de ne jamais avoir trahi sa liberté de penser, sa liberté de dire, notamment ses critiques vis-à-vis du pouvoir et de l’islamisme, qui gangrène la société.
Boualem Sansal, lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française, est peut-être aussi une victime des tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, probablement d’ailleurs au même titre que Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, interdit de participer au Salon international du livre d’Alger par les mêmes autorités algériennes.
L’arrestation de Boualem Sansal est inacceptable, sur la forme, bien sûr, mais également sur le fond, car cet écrivain incarne, pour beaucoup, la promesse d’un avenir loin des lourds héritages du fanatisme et de l’intolérance.
Elle est inacceptable, car on s’attaque à un homme qui symbolise, dans ce pays, la défense des droits de l’homme et de la femme.
Elle est inacceptable, car c’est la liberté d’expression et la culture que l’on emprisonne.
En France, la mobilisation des intellectuels, relayée par les médias de ce côté-ci de la Méditerranée, est très importante.
Pouvons-nous compter, monsieur le ministre, sur une mobilisation aussi forte des autorités politiques et diplomatiques françaises pour venir en aide à notre compatriote ? (Vifs applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Demilly, je vous remercie de cette question importante.
Nous avons été stupéfaits et choqués par l’annonce de l’inculpation de notre compatriote Boualem Sansal. Je partage votre émotion et celle de nombreux Français, qui estiment l’homme, admirent l’œuvre, ont lu ses ouvrages, tels 2084 ou Le Village de l’allemand, et saluent le courage de l’écrivain, véritable sentinelle de la liberté.
Je veux vous dire, monsieur le sénateur, que rien ne nous permet aujourd’hui d’accréditer les fondements de l’accusation dont il fait l’objet. La détention, sans fondement sérieux, d’un citoyen français est tout simplement inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et LR.)
Nous ne transigeons pas sur les valeurs de liberté et d’expression, qui sont toujours des valeurs de la France.
Vous pouvez compter sur la pleine mobilisation des services de l’État pour suivre la situation de Boualem Sansal, qui peut aujourd’hui bénéficier de la protection consulaire à laquelle il a droit en tant que citoyen français. Nous resterons pleinement mobilisés sur ce sujet.
Merci de votre engagement, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe LR.)
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