Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’examen de la mission « Immigration, asile et intégration », nous abordons un sujet qui figure au cœur des préoccupations des Françaises et des Français.
Les orientations prises dans cette mission traduisent la détermination du Gouvernement à poursuivre la dynamique engagée depuis le début du quinquennat pour renforcer la maîtrise des flux migratoires, améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière, et garantir un accès effectif et équitable au droit d’asile.
Pour 2025, cet engagement s’inscrit dans un cadre budgétaire contraint, qui exige de notre part des ajustements financiers incontournables, dictés par l’impératif de maîtriser durablement les dépenses publiques tout en préservant les priorités essentielles de la mission.
Ces priorités, quelles sont-elles ?
Premièrement, il s’agit de préserver l’exercice du droit d’asile, avec une allocation de 1,4 milliard d’euros pour le programme « Immigration et asile ».
Le Gouvernement s’engage à améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile tout en réduisant les délais de traitement. Pour 2025, le délai moyen de traitement des demandes par l’Ofpra est maintenu à quatre mois ; c’est un résultat remarquable, le meilleur jamais atteint depuis quinze ans. Nous saluons cet effort, tout en restant vigilants sur l’objectif ambitieux de ramener ces délais à deux mois d’ici à 2027, grâce à l’échelonnement prévu et au renforcement des effectifs de l’Ofpra, avec vingt-neuf nouveaux ETP en 2025. Cette accélération est essentielle pour répondre aux attentes des demandeurs et pour limiter le coût de l’ADA, aujourd’hui en diminution.
Deuxièmement, en matière d’intégration, le contrat d’intégration républicaine doit rester un outil central.
Aussi est-il préoccupant de constater une réduction significative des moyens alloués au programme « Intégration et accès à la nationalité française », avec une baisse de 15 % des crédits par rapport à l’année dernière. Cette diminution aura notamment des répercussions sur des actions locales et nationales destinées à accompagner les primo-arrivants. Face à ces coupes budgétaires, il est impératif de préserver des initiatives qui renforcent l’intégration linguistique et civique des étrangers.
Troisièmement, si la lutte contre l’immigration irrégulière reste une priorité gouvernementale, les moyens qui lui sont alloués ont toutefois été réduits de manière significative.
En 2025, 199 millions d’euros seront consacrés à cette action, ce qui inclue le fonctionnement des centres de rétention administrative et les mesures d’éloignement. Ces crédits permettront de continuer le plan « CRA 3000 », et de renforcer les dispositifs de contrôle aux frontières, notamment dans les zones particulièrement sensibles.
Nous prenons acte des ajustements annoncés par le Gouvernement pour ce volet. Par voie d’amendement, nous veillerons à garantir que les moyens alloués permettront de poursuivre ce plan à la hauteur des ambitions de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).
Enfin, nous saluons les avancées européennes en matière de solidarité migratoire, grâce au pacte européen sur l’asile et l’immigration, ainsi qu’à l’accord franco-britannique pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine à la frontière.
Mes chers collègues, ce projet de budget, bien que marqué par des contraintes financières, reflète la complexité des enjeux migratoires actuels. Il nous revient de trouver un équilibre entre la maîtrise des finances publiques et le respect des principes de solidarité, d’intégration et de sécurité.
En soutenant ce projet de budget, nous réaffirmons notre engagement pour une politique migratoire à la fois responsable et humaine, conforme aux valeurs de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur pour avis Olivier Bitz applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Salama Ramia applaudit également.)
Mme Sophie Briante Guillemont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, ce budget a été préparé dans des conditions exceptionnelles, dans un cadre financier et budgétaire plus que difficile et avec des contraintes politiques fortes.
Peu de missions cette année ne voient pas leurs crédits diminuer. Celle qui nous intéresse à présent, à savoir la mission « Immigration, asile et intégration », n’échappe pas à cette nouvelle règle, avec une diminution de 2 % de ses autorisations d’engagement et de 5 % de ses crédits de paiement.
C’est beaucoup pour une mission que l’on pourrait pourtant considérer comme l’une des priorités gouvernementales. La baisse concerne notamment, avant le vote des amendements, l’action n° 03 « Lutte contre l’immigration irrégulière », en diminution de 60 millions d’euros.
L’immigration est pourtant, si l’on en croit les sondages, une des préoccupations centrales des Français. Elle est en tout cas, sans aucun doute, celle des derniers gouvernements : près de vingt lois en vingt ans, la dernière datant – vous le savez – du mois de janvier dernier ; et peut-être en aurons-nous une nouvelle dans quelques mois… Il y a donc là une incohérence entre l’importance du sujet dans le débat public et les moyens accordés.
Mais il y a tout de même du positif dans le budget 2025. Nous saluons la création des vingt-neuf ETP à l’Ofpra, un établissement qui remplit une mission importante et sensible et qui a besoin de renforts en urgence. Le Gouvernement estime que ces recrutements permettront de réduire les délais pour atteindre l’objectif cible de 161 000 décisions par an. Cela semble toutefois compromis, sachant que les demandes d’asile ne font que s’accroître ces dernières années. Le Gouvernement lui-même estime qu’elles augmenteront de 5 % en 2025. Il faut donc des moyens supérieurs.
Pour le reste des crédits de la mission, il y a, sur bien des points, de quoi rester perplexe. Je pense en particulier aux crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui diminuent de 15 % par rapport à l’an dernier ; cela représente a minima, avant le vote, une baisse de 65 millions d’euros.
Cette décision paraît, là encore, incohérente, d’autant que la loi Immigration et intégration du 26 janvier 2024 a renforcé les exigences en matière linguistique. Nous demanderons bientôt un niveau A2 pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle. Or, nous le savons, la majorité de notre population immigrée est peu qualifiée. Nombre des personnes qui viennent s’installer en France n’ont eu qu’une possibilité faible, voire nulle, d’être scolarisées dans leur pays d’origine et possèdent donc de grandes difficultés à lire et à écrire. Raboter les crédits alloués à l’intégration nous semble donc particulièrement malvenu.
J’aimerais rappeler que l’immigration régulière représente aussi un enjeu pour notre économie, surtout à l’heure où la France souffre d’un vieillissement certain de la population.
Par ailleurs, il est faux de laisser croire aux Français qu’il pourrait exister une immigration zéro. (M. Stéphane Ravier s’exclame.) Les sondages, encore une fois, indiquent qu’une proportion de plus en plus grande d’entre eux y serait favorable. Mais nous sommes en 2024, dans un monde globalisé où les flux migratoires sont une réalité. La question devrait être non pas : « Comment réduire l’immigration per se ? », mais : « Comment faire en sorte qu’elle soit favorable à notre croissance ? » (Même mouvement.)
Je représente près de 3 millions de Français vivant à l’étranger. Eux aussi, lorsqu’ils ne sont pas binationaux, sont des immigrés pour les pays qui les accueillent. Eux aussi se reposent largement sur leur communauté, la communauté française, pour réussir leur intégration locale. Or, comme nous avons eu l’occasion de le rappeler récemment, les accords migratoires reposent largement sur la réciprocité. (M. Stéphane Ravier s’exclame de nouveau.)
J’en profite donc pour rappeler que la manière dont nous traitons le sujet en France peut aussi avoir des répercussions sur la vie des Français de l’étranger dans leur pays de résidence. C’est vrai aussi de la manière dont sont traités les demandeurs de visas dans nos consulats : avec des équipes sous tension, qui manquent souvent de moyens, cela a des conséquences parfois graves, comme en Afrique, sur la façon dont notre pays est perçu, et crée du ressentiment.
Vous l’aurez compris, nous voterons contre les crédits alloués à cette mission : pour le groupe RDSE, l’intégration républicaine ne doit jamais être négligée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Isabelle Florennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en période de recherche d’économie budgétaire, choisir les crédits dans lesquels il faut couper se révèle un exercice délicat et complexe. Toutefois, la maîtrise du déficit public nécessite l’effort de tous, dans un esprit de responsabilité.
C’est pourquoi, comme l’ont relevé nos collègues rapporteurs de la commission des finances et de la commission des lois, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » connaît cette année une diminution de 5 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d’engagement, pour une baisse cumulée de 144 millions d’euros.
Cette diminution devrait être relativisée par les amendements que vous nous soumettrez, monsieur le ministre, afin de mettre ce budget en cohérence avec les objectifs gouvernementaux en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et les passeurs.
Au-delà de ces deux objectifs, il est nécessaire que le programme 303 « Immigration et asile », qui a connu récemment une dynamique budgétaire en raison de l’accueil d’Ukrainiens fuyant leur pays après son invasion par les forces armées russes, puisse faire l’objet d’ajustements en cours d’exercice.
La situation internationale laisse en effet présager une nouvelle augmentation du nombre de demandes d’asile, notamment de la part de femmes afghanes qui pourraient parvenir à rejoindre la France.
En effet, depuis que le ministère de la justice taliban a annoncé, le 21 août dernier, la promulgation d’une loi visant à « prévenir le vice et promouvoir la vertu », leur existence n’est tout bonnement plus reconnue. Ce texte prônant l’effacement des femmes afghanes, qui sont déjà bannies des établissements scolaires, leur interdit désormais de sortir seules de chez elles, de faire entendre leur voix en public ou encore de chanter.
Anticipant ces mesures, la Cour nationale du droit d’asile a d’ailleurs jugé, le 11 juillet dernier, que « l’ensemble des femmes afghanes refusant de subir les mesures prises à leur encontre par les talibans peuvent désormais obtenir le statut de réfugiées du fait de leur appartenance au groupe social des femmes et des jeunes filles afghanes. »
Cette situation dramatique est heureusement considérée comme telle par l’ensemble des pays européens, à l’exception peut-être de la Hongrie. Cette précision vise à souligner que le traitement des flux migratoires est bien une question qui doit être traitée à l’échelle européenne.
Il est, du reste, toujours utile de rappeler qu’aux termes de l’article 79 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la politique migratoire est une compétence partagée entre les États membres et l’Union.
Le pacte sur la migration et l’asile adopté par le Conseil de l’Union européenne le 14 mai 2024 aura sur notre politique migratoire des conséquences budgétaires qui pourront se faire sentir dès 2025 si, comme vous le souhaitez désormais, monsieur le ministre, son entrée en vigueur prévue en juin 2026 est avancée.
Je salue aussi votre volonté de traiter la question des migrants de Calais non plus dans le cadre d’un face-à-face entre la France et le Royaume-Uni, mais bien dans celui d’une relation entre celui-ci d’un côté et l’Union européenne de l’autre.
En matière de gestion des flux migratoires comme dans bien dans d’autres domaines, les propos de Jacques Barrot, ancien ministre et commissaire européen dont on célébrera vendredi prochain les dix ans de la disparition, resteront toujours d’actualité. « Je crois, disait-il, à l’effort persistant et continu plus qu’aux coups de collier sans lendemain. »
Nous ne pouvons pas nous contenter d’une politique fondée sur le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français, sur le nombre de dossiers de demandes d’asiles traités ou sur le chiffre effroyable de migrants morts en voulant traverser la Manche ou la Méditerranée.
Nous devons avoir une vision ambitieuse de la place des étrangers en France et, plus largement, de l’influence de la France dans le monde.
N’est-ce pas seulement un moyen de conquérir le pouvoir que d’exprimer des positions radicales contre l’immigration illégale, tout en sachant que leur application mettrait à mal des pans entiers de l’économie ?
Ainsi, la candidate Giorgia Meloni s’était engagée à réduire l’immigration. Devenue présidente du Conseil italien, elle a suscité la venue de plus de 450 000 étrangers pour répondre aux besoins de main d’œuvre en Italie.
Enfin, à l’heure où les accords de défense mis en place par la France après l’indépendance de plusieurs pays africains sont dénoncés, l’un après l’autre, par ces pays, n’est-il pas temps de mener une politique d’échanges commerciaux, culturels et universitaires proactive, permettant de sauvegarder notre zone d’influence en Afrique ?
Je m’en tiendrai là dans l’exposé de mes pistes de réflexion. Elles feront l’objet – je l’espère – de développements dans des textes à venir.
La majorité des membres du groupe Union Centriste voteront les crédits de cette mission. (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pas besoin de revenir sur l’ensemble des divergences qui nous ont opposés l’an dernier à l’occasion de l’examen de la vingt-huitième loi relative à l’immigration depuis 1980.
Ces divergences étaient manifestes l’an dernier, elles le sont encore aujourd’hui, peut-être même plus encore, monsieur le ministre, depuis que vous êtes aux responsabilités.
Vos positions ont au moins le mérite de la clarté. Vous l’avez dit haut et fort : vous souhaitez réduire l’immigration – pas seulement l’immigration illégale, mais l’immigration tout court.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Ian Brossat. Voilà pour l’objectif. Quant au chemin que vous proposez pour y parvenir, il consiste pour l’essentiel à dégrader les conditions d’accueil des étrangers et à faire de la France une terre moins attractive pour les candidats à l’immigration.
Au fond, votre projet est, semble-t-il, de rendre la France la plus repoussante possible pour ceux qui chercheraient à y chercher refuge.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Ian Brossat. Non seulement cette politique est à nos yeux injuste, mais elle est en outre inefficace, tant il est vrai que ce qui cause les migrations n’est pas tant les conditions d’accueil que les conditions subies, dans les pays de départ, par les personnes qui choisissent de partir.
Votre stratégie trouve sa pleine illustration dans le projet de budget dont nous débattons aujourd’hui.
À cet égard, j’insisterai sur quatre points.
Le premier concerne les foyers de travailleurs migrants. Comme leur nom l’indique, ces foyers accueillent des travailleurs, mais des travailleurs qui, contrairement à ce que l’appellation pourrait laisser accroire, sont en situation régulière (M. Stéphane Ravier s’exclame.) et qui, pour la plupart, ne sont plus des migrants dans la mesure où ils sont souvent en France depuis des décennies. (Même mouvement.)
En 1997 a été décidé un vaste plan de traitement de ces foyers, un plan nécessaire au vu de la dégradation des conditions de vie dans ces bâtiments.
Or ce projet de budget prévoit une réduction de 85 % des crédits consacrés aux foyers de travailleurs migrants.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
M. Ian Brossat. Cela se traduira par une dégradation supplémentaire des conditions de vie en leur sein.
Le deuxième point qui nous alerte est la question de l’hébergement d’urgence. Vous faites le choix de réduire très nettement les crédits dédiés à l’hébergement des demandeurs d’asile.
Ce choix nous paraît dangereux et inquiétant, alors même que tous les voyants sont au rouge en la matière.
Un rapport récent de l’Unicef montre par exemple que chaque nuit, en France, septième puissance économique du monde, 2 000 enfants dorment dehors. Beaucoup d’entre eux sont issus de familles qui sont en situation de demander l’asile.
Le risque que vous prenez est de multiplier les campements de rue, donc de créer du désordre, très loin de l’objectif que vous affichez.
J’en viens au troisième point : la question du revenu des demandeurs d’asile. Il est en effet prévu de baisser de 47 % les crédits alloués à l’allocation pour demandeur d’asile.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Mme Raymonde Poncet Monge. Ça suffit !
M. Ian Brossat. Pour ce qui concerne notre groupe, nous souhaitions que ces mêmes demandeurs d’asile soient autorisés à travailler, précisément pour leur permettre de sortir de cette situation d’assistanat.
Il se trouve que, lors du débat sur la dernière loi Immigration, vous vous étiez opposé, monsieur le ministre, à ce qu’ils puissent travailler.
Le risque, au bout du compte, c’est davantage de précarité ; cette voie ne nous paraît donc pas la plus juste ni la plus efficace.
Le quatrième et dernier point porte sur les crédits dédiés à la rétention administrative.
Comme l’ont déjà relevé d’autres collègues, ils sont en nette diminution, alors même que vous prévoyez de retenir des personnes plus longtemps et en nombre plus important.
Une telle baisse des crédits risque de se traduire par une dégradation non seulement des conditions de vie dans les CRA, mais aussi des conditions de travail du personnel encadrant.
En conclusion, ce budget nous paraît mauvais. Il est le reflet d’une mauvaise politique, qui d’ailleurs ne réduira pas l’immigration, ne tarira pas les flux et désorganisera encore davantage les conditions d’accueil.
Vous comprendrez, par conséquent, que nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet exercice difficile – il l’est aujourd’hui plus encore qu’à l’accoutumée – qu’est l’élaboration du budget, la mission « Immigration, asile et intégration » tient une place particulière, car elle fait souvent l’objet de manipulations politiciennes.
Le texte budgétaire que nous examinons a la particularité de mettre en œuvre la loi Immigration votée l’an dernier, mais aussi de projeter sur un plan financier les mesures à venir annoncées par le ministre.
Sans surprise, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission, qui traduisent une vision de l’immigration fondée sur des fantasmes.
Au-delà de son aspect idéologique, cette dérive se fait au détriment d’un meilleur accompagnement des nouveaux arrivants, au détriment de l’accès des étrangers à leurs droits, au détriment enfin de l’intégration, que les gouvernements successifs s’étaient pourtant engagés à renforcer.
Pour la troisième année consécutive, les crédits alloués à l’ADA connaissent une diminution. Faisant fi des discours prônant le « mieux accueillir », ces diminutions sont contradictoires avec l’incantation du « mieux intégrer ».
Nous demandons que tous les demandeurs d’asile, comme cela a été fait à juste titre pour les Ukrainiens, puissent travailler dès l’instant qu’ils en font la demande.
La baisse des crédits de l’ADA, seule ressource des demandeurs d’asile, est un déshonneur pour notre pays. Elle précarise encore des personnes déjà touchées par le manque de logement et qui, parfois, faute de ressources, doivent recourir au travail non déclaré.
Comment penser l’intégration sans l’autonomie, sans la capacité de se loger, de se déplacer, de se soigner, de se nourrir, de s’éduquer ? C’est absurde !
Nous proposerons a minima de tenir compte de l’inflation au lieu de baisser ces crédits. La farce qui justifie un budget moindre par un nombre moindre de demandeurs ne fait plus rire personne !
Tout est fait, semble-t-il, pour maintenir ces derniers dans l’illégalité et le travail au noir ; tout est fait pour déstabiliser leur statut administratif.
Parlons-en, d’ailleurs, des démarches administratives… J’ai déjà maintes fois alerté notre assemblée sur les difficultés d’accès au guichet : illectronisme, délais raccourcis, incapacité de contacter un agent de la préfecture, tout complexifie les démarches des demandeurs d’asile. Chacun d’entre nous dans cet hémicycle, quel que soit le groupe auquel il appartient, a dû intervenir pour résoudre des problèmes administratifs inextricables. (Mme la rapporteure spéciale acquiesce.)
De plus en plus de recours administratifs portent sur cette incapacité. Et comment les gouvernements successifs y répondent-ils ? En baissant les effectifs. C’est absurde, c’est inefficace et c’est inique !
Que ce soit pour l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour, pour l’accès au travail et au marché de l’emploi, pour l’hébergement ou encore pour la prise en charge médicale effective, le parcours des étrangers est semé d’embûches.
Où sont les présumés « profiteurs du système » ? C’est tout le contraire ! On est loin des discours populistes sur l’attractivité de notre pays ou sur l’appel d’air dont seraient responsables les prestations sociales.
Ai-je vraiment besoin de renouveler les alertes sur les idées reçues concernant l’AME ? Nous en avons débattu tout à l’heure encore.
La majorité de cet hémicycle n’est pourtant pas dupe. Lors de la discussion du projet de loi Immigration, elle avait fait part de difficultés dans les demandes de renouvellement auprès des préfectures.
Les procédures sont « longues et complexifiées par de nombreux aléas techniques », disiez-vous. Sauf que vous usiez de cet argument pour justifier une demande dérogatoire pour les Anglais résidant en France !
Non seulement le budget de la mission est en baisse et n’est pas à la hauteur des enjeux, mais, surtout, le déséquilibre entre le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et le programme 303 « Immigration et asile » est bien trop important. Tout comme l’an dernier, la priorité du Gouvernement reste la lutte contre l’immigration irrégulière.
Dont acte, mais cette politique repose sur une jambe : l’augmentation continue du nombre de places en centres de rétention administrative, jointe à la volonté affirmée par le ministre de voir les associations exclues de ces lieux d’enfermement.
Les dernières annonces sur des négociations qui seraient en cours pour expulser des migrants vers l’Irak, l’Égypte ou le Kazakhstan ne changeront rien à l’absurdité de cette politique.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. La multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements est un non-sens.
La situation demandait un budget reflétant une vision humaine et réaliste des préoccupations liées à l’asile et à l’immigration dans leur ensemble : en d’autres termes, une vision fondée sur l’accompagnement, sur l’effectivité de l’accès aux droits et sur l’intégration.
Rien de cela ne transparaît dans ce projet de budget. C’est pourquoi notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Narassiguin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » dans un contexte politique inédit, puisque nous ne savons pas si le Gouvernement tombera dans les prochaines quarante-huit heures.
Après plusieurs hausses consécutives, ce budget est en baisse cette année, signe du fossé qui existe entre les ambitions affichées par le ministre de l’intérieur et leur traduction financière.
Pour 2024, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » étaient en hausse de 7,3 %, mais ils restaient insuffisants pour prendre en compte les besoins réels et permettre une véritable intégration des personnes migrantes dans notre pays. Aussi, une baisse de 5 % pour 2025 nous semble-t-elle grandement problématique.
Si cette baisse est sur le point d’être partiellement compensée par un amendement du Gouvernement, les crédits supplémentaires seront exclusivement fléchés vers la création de places en centres de rétention administrative.
Or les points que le groupe socialiste juge particulièrement problématiques dans ce budget sont tout autres.
Le premier concerne la baisse de 5 % des crédits destinés à financer le parc d’hébergement.
Très concrètement, cela se traduira par la fermeture de plus de 6 500 places dans toutes les catégories d’hébergement : centres d’accueil pour demandeurs d’asile, hébergement d’urgence, centres d’accueil et d’examen. L’Observatoire des inégalités estime pourtant déjà à 6 000 le nombre de personnes sans abri.
Monsieur le ministre, vous affirmez compenser ces suppressions de places d’hébergement par l’accélération des procédures auprès de l’Ofpra. Cela nous semble tout à fait aléatoire.
Alors que les dispositifs sont saturés, seulement 58 % des demandeurs d’asile bénéficient aujourd’hui d’un hébergement. Il n’est pas acceptable de laisser ces hommes, ces femmes et ces enfants dormir sur nos trottoirs.
Nous proposerons ainsi, par voie d’amendement, de maintenir a minima le parc d’hébergement existant.
Un autre point qui nous semble problématique est la diminution de 45 % en crédits de paiement de l’action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants ».
Pourtant, l’article 20 de la loi du 26 janvier 2024 dispose que les étrangers primo-arrivants qui souhaitent demander une carte de séjour pluriannuelle au bout d’un an devront avoir acquis un niveau A2 de français.
L’année dernière, nous n’avions eu aucune précision sur la ventilation des crédits d’intégration, particulièrement en ce qui concerne la formation linguistique.
Nous n’en savons pas davantage cette année, alors que cette réforme de la formation linguistique doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026 et qu’un récent rapport de la commission des finances estime que ses conséquences financières pourraient atteindre 100 millions d’euros. Nous avons donc déposé un amendement visant à financer cette réforme.
Les crédits destinés à l’allocation pour demandeur d’asile sont en hausse, car ils prennent enfin en compte l’accueil des Ukrainiens. Toutefois, à périmètre constant, les dépenses d’ADA sont bien en baisse : elles s’établissent à 353,4 millions d’euros, soit une baisse de 47 millions d’euros.
Rappelons que le montant journalier de l’ADA est de 6,80 euros par personne, avec une majoration possible en cas d’absence d’hébergement.
Ce montant dérisoire ne permet pas aux demandeurs d’asile de vivre dignement ni même de manger à leur faim. Permettre à ces personnes de travailler légalement dès le dépôt de leur demande d’asile serait une mesure raisonnable, mais la droite sénatoriale l’a rejetée l’année dernière.
La remise en cause de la circulaire Valls permettant la régularisation des travailleurs sans-papiers, pour la restreindre aux seuls métiers en tension, est un autre recul important faisant suite à la loi du 26 janvier 2024. À cet égard, l’État ne respecte toujours pas la loi, puisque la liste des métiers en tension sur laquelle repose le dispositif n’a pas été actualisée depuis avril 2021.
Enfin, permettez-moi de m’éloigner de cette mission budgétaire pour évoquer un problème qui affecte directement les personnes issues de l’immigration. Je veux parler des délais de réponse aux demandes de rendez-vous en préfecture pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour.
Ces délais inadmissibles sont parfois à l’origine de situations humaines dramatiques, comme la perte d’un emploi.
Ces situations de précarité et de vulnérabilité créent un sentiment d’impuissance et une détresse psychologique chez les personnes concernées, qui peinent à voir leurs droits respectés. En tant que sénatrice de Seine-Saint-Denis, je suis très souvent sollicitée par des habitants confrontés à cette situation.
Or le Gouvernement n’a pas prévu d’augmenter les moyens humains des services préfectoraux en 2025. Monsieur le ministre, je tenais à vous alerter sur ce point.
Mesdames, monsieur les rapporteurs, les années précédentes, vous vous opposiez constamment à des budgets en augmentation. Cette année, vous donnez votre totale approbation à un budget en baisse, tout en décrétant que l’immigration est une priorité politique.
Votre soutien semble donc dépendre davantage du titulaire du poste de ministre et des effets d’annonce que des moyens alloués pour atteindre les objectifs qui sont fixés.
Pour notre part, ce budget en baisse nous semble déconnecté des véritables enjeux. Surtout, il n’affiche aucune ambition pour l’intégration ni pour une politique digne envers les personnes migrantes. En conséquence, le groupe socialiste votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)