Mme la présidente. Le sous-amendement n° II-673 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos II-37 et II-250.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 210 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 64.
L’amendement n° II-600 rectifié, présenté par Mme Guillotin et MM. Cabanel, Fialaire et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 1° de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « ou lorsqu’ils ont une visée esthétique non rattachable à un acte de chirurgie reconstructrice ».
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement tend à supprimer certains actes esthétiques de la liste des prestations couvertes par l’AME.
Je suis convaincue que ces actes ne sont que très rarement pratiqués au profit des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État, voire ne le sont pas du tout. Mais il faut priver le Rassemblement national d’un argument populiste grâce auquel il fragilise l’AME en caricaturant ses potentielles dérives. (M. Stéphane Ravier s’exclame.) En ce sens, une telle clarification me semble bienvenue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Ma chère collègue, votre raisonnement est pertinent, mais cette disposition est d’ordre réglementaire. Aussi, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-600 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-427, présenté par MM. Jomier et Kanner, Mme Le Houerou, M. Lurel, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de mise en œuvre de l’intégration du dispositif d’aide médicale d’État au sein de l’assurance maladie et sur l’accès à une complémentaire santé pour les plus précaires.
Ce rapport établit notamment un état des lieux des dysfonctionnements dans l’accès des personnes aux dispositifs de l’aide médicale d’État, de la protection universelle maladie, et des complémentaires santé (aide à la complémentaire santé, complémentaire santé solidaire). Il établit également une évaluation de l’impact de cette intégration en termes de coûts évités et/ou induits pour le système de santé et des propositions opérationnelles pour sa mise en œuvre effective, ainsi que les mesures nécessaires pour garantir un accès effectif des personnes en situation de précarité sociale à une couverture maladie.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Une intégration de l’aide médicale de l’État dans le régime général de la sécurité sociale mérite d’être étudiée sérieusement.
De nombreuses autorités recommandent cette intégration, parmi lesquelles le Défenseur des droits et l’Académie de médecine, auxquels il faut ajouter l’Igas et l’IGF, ainsi que diverses ONG.
Ce serait un moyen efficace de lutter contre le non-recours et de prévenir les ruptures de soins. À cet égard, MM. Évin et Stefanini proposent de porter d’un an à deux ans la durée d’attribution de l’AME. Mais, étrangement, personne ne reprend cette proposition pleine de bon sens.
Au-delà, ce choix faciliterait la lutte contre la fraude, sur laquelle nous insistons si souvent.
En conséquence, nous demandons que, dans les six mois suivant la promulgation du présent texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux conditions de l’intégration de l’AME dans le régime général.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Jomier. Dommage !
Mme la présidente. L’amendement n° II-601 rectifié, présenté par Mme Guillotin et MM. Cabanel, Fialaire et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de réviser le panier de soins pris en charge par l’AME.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-601 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Santé ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-six, est reprise à dix-sept heures cinquante-huit.)
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et immigration » s’inscrit cette année dans un double contexte : d’une part, la pression migratoire s’est encore accentuée ; de l’autre, la volonté politique, dans ce domaine, s’est clarifiée.
Les données relatives à l’année 2023 – ce sont les plus récentes dont nous disposions – témoignent d’une aggravation de la pression migratoire. Cette dernière a même atteint un niveau record, et le constat vaut pour l’Europe dans son ensemble.
En France, le nombre de demandes d’asile a dépassé 140 000 en 2023 : c’est là un record historique. Le nombre de premiers titres de séjour délivrés était quant à lui supérieur de plus de moitié à son niveau d’il y a dix ans. Je pourrais continuer ainsi en égrenant, une à une, nos statistiques migratoires ; mais mieux vaut en venir sans plus tarder au budget pour 2025.
Dans le contexte budgétaire que nous connaissons tous, marqué par la nécessité d’une réduction des dépenses publiques, cette mission a clairement fait l’objet d’un effort d’économie. Globalement, ses crédits baissent de 2 % en autorisations d’engagement, ce qui représente 35 millions d’euros, et de 5 % en crédits de paiement, soit environ 110 millions d’euros.
Pour comparer utilement le budget prévu pour 2025 à celui de 2024, il faut néanmoins prendre en compte le fait que, pour la première fois, les dépenses afférentes à l’accueil des personnes fuyant l’Ukraine y sont cette fois intégrées. En neutralisant cette évolution, la baisse du budget est en réalité de l’ordre de 300 millions d’euros, soit environ 15 %.
Toutefois, cette réduction globale des crédits n’est pas uniforme. Elle touche quatre postes principaux : premièrement, les dépenses d’intégration des étrangers déjà autorisés à séjourner durablement en France, en baisse de 79 millions d’euros en crédits de paiement ; deuxièmement, le budget prévisionnel de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), en réduction de 47 millions d’euros ; troisièmement, les crédits dédiés à l’hébergement de ces demandeurs, qui baissent de 71 millions d’euros ; quatrièmement, l’investissement dans les locaux et centres de rétention administrative (CRA), qui se réduit de 47 millions d’euros en crédits de paiement et de 115 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Que penser de ces évolutions par rapport à 2024 ? Évidemment, j’aurais préféré que certains postes soient davantage préservés, y compris pour l’intégration des étrangers. Toutefois, l’état des finances publiques étant ce qu’il est, il est logique que des économies soient réalisées sur cette mission comme sur bien d’autres.
Surtout, l’analyse de ce budget doit être effectuée dans un cadre plus large. Elle ne peut pas se faire sur la seule base d’un examen ligne à ligne des crédits. Une question encore plus essentielle est de savoir quelles politiques sont mises derrière ces dépenses.
Or, si la commission des finances et le Sénat ont régulièrement rejeté les crédits de la mission ces dernières années, c’était largement parce que la politique qui y était associée était trop peu lisible. Aujourd’hui, les choses ont changé. Le gouvernement actuel met en œuvre une politique claire en matière d’immigration. Je pense en effet qu’il faut moins subir la pression migratoire, davantage éloigner les personnes en situation irrégulière et mieux intégrer ceux qui résident régulièrement sur le territoire, y compris en attendant d’eux une connaissance de leurs devoirs.
Cela étant dit, je souhaite néanmoins soulever un point de vigilance important sur le budget de la mission. Je fais référence aux crédits d’investissement dans les CRA. Certes, la baisse de ces crédits fait suite à une hausse en 2024. Néanmoins, elle a pu surprendre au regard de l’objectif de porter le nombre de places en CRA à 3 000 en 2027, contre 1 959 aujourd’hui, et du retard que nous avons pris en la matière, attesté par les chiffres.
En 2024, selon mes informations, environ 23 millions d’euros de crédits de paiement devraient être consommés pour l’investissement dans les CRA, soit 74 % de moins que ce que prévoyait la loi de finances initiale pour 2024. Or l’objectif de disposer de 3 000 places en 2027 est essentiel. Je rappelle qu’en 2023 près de 3 000 refus d’admission en CRA ont été prononcés pour motif de capacité d’hébergement insuffisante. Cela doit cesser. Si j’entends que les difficultés de déploiement du plan sont également imputables aux délais nécessaires pour valider les projets, il faudra aussi des crédits pour les mener à bien.
C’est donc avec satisfaction que nous accueillons le dépôt d’un amendement du Gouvernement tendant à rehausser les crédits d’investissement en faveur de ces locaux et centres de rétention. C’était nécessaire, et j’en remercie M. le ministre.
La commission des finances propose l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur ce projet de budget.
Cela peut sembler paradoxal, dans la mesure où, au cours des années précédentes, notre commission s’était systématiquement prononcée en défaveur de projets de budget qui, du point de vue des chiffres, étaient mieux-disants que celui-ci.
Et pourtant, la position de notre commission est on ne peut plus cohérente.
D’abord, comme cela a été souligné à maintes reprises depuis le début de l’examen du présent projet de loi de finances, notre pays est en grande difficulté financière. Chacun doit donc prendre sa part à l’effort nécessaire.
Ensuite, la restriction budgétaire qui frappe les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sera contrebalancée par un amendement du Gouvernement ayant pour objet d’établir un meilleur dosage entre la nécessité de contribuer aux efforts financiers et celle d’abonder la politique publique majeure qu’est la politique d’immigration. On parviendra ainsi peut-être, même si ce sera sans doute difficile, à construire les places en CRA qui sont réclamées et nécessaires.
Enfin – cet argument vaut, à mon sens, pour l’ensemble des missions –, un budget, ce n’est pas qu’une question d’argent ; c’est d’abord une question politique. L’essentiel, c’est la politique qui est menée. Si elle est mauvaise, cela n’a pas grand intérêt de l’abonder… Or la politique que le ministre de l’intérieur a indiqué, à plusieurs reprises, vouloir conduire correspond à celle que la commission des lois du Sénat réclame de longue date : cesser de remplir le tonneau des Danaïdes de la politique de l’immigration et commencer à avoir une réelle politique migratoire. Une gestion des flux entrants est notamment nécessaire pour nous permettre d’accueillir et d’intégrer, mais aussi, tout simplement, de faire respecter la loi lorsque des personnes se trouvent sur notre territoire sans titre de séjour.
C’est bien parce que la politique annoncée est en tout point conforme à celle que nous demandions depuis des années que la commission des lois s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Mmes Isabelle Florennes et Nathalie Goulet applaudissent.)
M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends le relais de Muriel Jourda pour continuer à vous présenter la position de la commission des lois sur le projet de budget qui nous est soumis, en centrant mon propos sur les volets asile et intégration de cette mission.
Concernant la politique de l’asile, la réduction des délais de traitement des demandes est, comme vous le savez, l’un des objectifs clés de notre politique migratoire. C’est un enjeu à la fois humain et budgétaire.
Sur ce point, nous sommes sur la bonne voie. La dynamique de réduction des délais, amorcée en 2020, a continué en 2024. Si le délai moyen de traitement est encore loin de l’objectif, fixé à six mois, il est désormais légèrement supérieur à neuf mois. Le transfert de vingt-neuf équivalents temps plein (ETP) de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) devrait permettre de renouer rapidement avec une dynamique positive, la tendance s’étant légèrement étiolée ces derniers mois.
Tout indique que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devrait continuer à purger ses stocks en 2024. À terme, l’expérimentation des espaces France Asile, qui n’ont pas encore été mis en service, et la territorialisation de la Cour devraient également contribuer à la réduction des délais.
Ces chiffres sont de bon augure, mais il convient de rester prudent. L’édifice est fragile, et toute augmentation abrupte de la demande d’asile pourrait interrompre la dynamique.
Un autre aspect de la politique de l’asile est celui des conditions matérielles d’accueil. Disons-le, le budget proposé pour l’ADA est ambitieux. Si l’on retranche les crédits fléchés vers les Ukrainiens, nous arrivons à une baisse de 47 millions d’euros. C’est loin d’être anecdotique ; notons cependant que la budgétisation de l’ADA est moins hasardeuse que par le passé. Nous considérons donc qu’un ajustement des crédits en gestion ne peut pas être exclu à ce stade.
Le PLF prévoit la suppression de 6 000 places d’hébergement des demandeurs d’asile et intègre de surcroît à ce programme le financement des places allouées aux Ukrainiens. Nous ne remettons pas en cause le travail des agents de l’Ofii et de l’Ofpra pour fluidifier le parc et améliorer les délais. Il me semble toutefois inévitable que ces suppressions de places aient un effet sur le taux d’hébergement. Tout l’enjeu sera donc d’en limiter les conséquences, en particulier pour les demandeurs les plus vulnérables, afin que ceux-ci ne se retrouvent pas à la rue.
J’en viens aux crédits relatifs à la politique de l’intégration. Je commencerai par un point de satisfaction : l’achèvement de la dématérialisation des procédures d’admission au séjour, c’est-à-dire de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef). Nous tenons à saluer la réussite de ce projet de longue haleine.
Le contrat d’intégration républicaine est, quant à lui, épargné par les baisses de crédits. Toutefois, le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, prévu par la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, aura un coût. Les pistes qui sont sur la table pour le maîtriser nous semblent intéressantes, qu’il s’agisse de la fin de l’obligation de suivi des enseignements, ou encore de leur dématérialisation.
Mes chers collègues, ce projet de budget n’est évidemment pas celui que nous appelions de nos vœux ou que nous espérions. Mais c’est celui que nous avons ce soir. Dans le contexte actuel, c’est un compromis raisonnable entre maîtrise du déficit et efficacité de la politique migratoire. Au bénéfice de l’engagement du ministre de réajuster les montants alloués à la mission, nous nous sommes donc prononcés en faveur de son adoption. (Mme Annick Billon applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré à l’immigration l’année prochaine est en baisse. Ce n’est pas acceptable !
Bien entendu, le groupe Les Indépendants – République et Territoires a conscience de l’état particulièrement dégradé de nos finances publiques. Nous plaidons pour une réduction de la dépense publique, mais pas de n’importe quelle dépense publique. Certaines missions n’incombent qu’à l’État, seul à même de les accomplir. Et le budget de ces missions régaliennes ne doit pas être réduit.
La France, tout comme ses partenaires européens, connaît cette année encore un fort afflux d’immigration. L’immigration régulière a franchi cette année un seuil jamais atteint depuis 2016. Les demandes d’asile battent un nouveau record, accroissant ainsi la pression sur l’Ofpra et augmentant le montant provisionné pour verser les allocations de demandeurs d’asile.
Par ailleurs, nous aurons toujours besoin d’intégrer correctement et efficacement les immigrés qui arrivent légalement dans notre pays. Il faut aussi continuer d’expulser ceux qui n’ont pas de droit au séjour.
Dans ces conditions, aussi contraint que soit le budget cette année, les Français ne pourront pas comprendre que les fonds alloués à la politique d’immigration soient diminués, à plus forte raison après les polémiques relatives au faible taux d’exécution des fameuses obligations de quitter le territoire français (OQTF). Des progrès ont été réalisés en la matière, et nous saluons l’effort entrepris. Mais le taux d’exécution des mesures d’éloignement ne fait qu’approcher 10 %. Il faut absolument faire mieux. Pour cela, il faut y allouer des moyens supplémentaires.
Nous voulons par ailleurs faire preuve de fermeté pour obtenir les laissez-passer consulaires nécessaires. Nous ne consacrons que 61 millions d’euros à la lutte contre l’immigration irrégulière, c’est-à-dire deux fois moins que les 118 millions d’euros alloués à l’hébergement des demandeurs d’asile et au versement de leurs allocations.
Seule l’Union européenne peut apporter une solution efficace en matière d’asile. Nous nous félicitons de l’accélération du traitement des demandes. Entre 2021 et 2023, le délai moyen de traitement a été divisé par deux, passant à 127 jours. Nous espérons que le renforcement des effectifs de l’Ofpra permettra de raccourcir encore les délais. Ce serait une excellente chose pour tout le monde : d’abord, pour les demandeurs eux-mêmes, qui seraient fixés au plus vite sur leur sort ; ensuite, pour les finances publiques, car les prestations allouées aux demandeurs le seraient seulement pour le temps strictement nécessaire ; enfin et surtout, pour nos concitoyens, car la loi est la même pour tous et elle doit être appliquée promptement.
Les crises s’enchaînent, que ce soit en Europe, en Afrique, ou au Moyen-Orient. L’élection de Donald Trump et ses prises de position sur l’immigration pourraient augmenter la pression migratoire sur l’Europe. Il y a deux sujets importants sur la table : l’accord franco-algérien de 1968 et l’accord du Touquet, qu’il faut rediscuter avec nos voisins britanniques.
Le groupe Les Indépendants sera très attentif au débat et ne soutiendra pas l’adoption des crédits consacrés à la politique d’immigration, du fait de leur diminution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons donc l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », une mission hautement stratégique, touchant des sujets qui ont encore récemment été au cœur de l’actualité législative, mais aussi médiatique. Les indicateurs font tous état de l’acuité de cette question.
Ainsi, le volume estimé de l’immigration irrégulière continue d’augmenter. Le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME), qui sert de baromètre, certes imparfait, sur cette question, a dépassé 441 000 en 2023, soit une progression de 10 % par rapport à l’année précédente. De même, les chiffres de l’asile sont en hausse, avec une augmentation de 10 % des demandes de protection internationale enregistrées par l’Ofpra en 2024. Le défi est donc considérable.
Par ailleurs, nous devons rester conscients du fait que ces problématiques ne peuvent pas recevoir une réponse purement budgétaire. Par exemple, l’un des sujets sur lesquels nous sommes particulièrement attentifs concerne la délivrance des laissez-passer consulaires. L’obtention de ces documents, fournis par les pays d’origine des étrangers, est indispensable à la bonne exécution des décisions d’éloignement. Or le nombre de laissez-passer consulaires délivrés reste trop faible : seulement 57,5 % des demandes aboutissent. Il faut donc agir à ce niveau si nous voulons augmenter le taux de réadmission. Dans ce domaine, un dialogue bilatéral franc et robuste de la France avec chacun des pays concernés est indispensable.
Sensible à la question, la commission des lois de notre assemblée a déjà constitué en son sein une mission d’information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire. Cela permettra, je le pense, d’apporter un surcroît de clarté.
Au-delà de la seule question de l’obtention des laissez-passer, l’aide publique au développement pourrait également mieux prendre en compte la dimension migratoire de nombreuses problématiques touchant les pays de départ, ainsi que l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, conformément à ce que le Parlement avait voté voilà moins d’un an, sur l’initiative du Sénat. La disposition en question, qui fut censurée pour de purs motifs de procédure, pourrait utilement être rétablie à l’avenir.
Enfin, sur le volet intégration, les enjeux sont tout aussi grands, à commencer par l’accompagnement de la mise en place des mesures adoptées au mois de janvier dernier, qui devront être prises en compte dans le renouvellement, en 2025, des marchés de formation civique et linguistique.
Pour faire face à de tels chantiers, nous avons depuis peu un ministre de l’intérieur qui a amorcé de vigoureuses mesures destinées à reprendre le contrôle de la politique migratoire de la France. En contraste avec l’approche qui a prévalu durant les législatures précédentes, il a manifesté une forte volonté de contenir les flux entrants, ce qui correspond à la position historique du Sénat sur la question. Les sénateurs du groupe Les Républicains sont déterminés à le soutenir dans cette tâche majeure, tout en admettant que celle-ci est rendue particulièrement complexe par la fragilité de l’état de nos finances publiques.
Le budget initial prévoyait à ce titre une baisse de 5 % des crédits de paiement de la mission, voire d’environ 14 % si l’on prend en compte l’évolution de son périmètre. Cette baisse concerne tout particulièrement l’intégration des primo-arrivants, dont les crédits de paiement diminuent de 45,4 % par rapport à 2024, et les moyens de lutte contre l’immigration irrégulière, avec une réduction de 23,5 % des crédits de paiement sur la même période.
Ces baisses annoncées ont pu susciter certaines inquiétudes, alors même que les besoins sur le terrain demeurent importants, que le taux d’exécution des OQTF reste faibles et que nous avons récemment voté une importante loi relative à l’immigration, dont la mise en œuvre est en cours.
Nous saluons par conséquent l’amendement déposé par le ministre de l’intérieur pour opérer une réévaluation de certains crédits du programme 303 « Immigration et asile ». Cela permettra d’abonder la mission de 34 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement et de 56 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Les politiques de lutte contre l’immigration illégale ne représentaient d’ores et déjà qu’une fraction congrue des dépenses de la mission. Il aurait été difficilement tenable de les fragiliser davantage.
Nous prenons en particulier acte de l’engagement du ministre de consacrer une part substantielle de cette augmentation à la concrétisation du plan « CRA 3000 ». Nous disposons actuellement de 1 959 places en centre de rétention administrative. Ce chiffre est largement insuffisant au regard des besoins. Un tel manque complique les procédures d’éloignement tout en causant une dégradation des conditions de vie des personnes retenues. L’ouverture des 1 000 places supplémentaires prévues d’ici à 2027 sera donc très opportune.
Il paraît utile de mettre en perspective les crédits affectés à l’intégration en examinant le niveau de leur exécution en 2024. La dépense s’est élevée à 370 millions d’euros l’année passée, ce qui correspond peu ou prou à la somme de 372 millions d’euros prévue dans le budget pour 2025. En outre, nous espérons que l’accompagnement de la mise en œuvre des mesures de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration offrira des occasions de rationalisation de certaines des dépenses dans le domaine de l’intégration.
Sur le volet asile, la baisse des crédits dédiés à l’ADA traduit également les gains que pourra occasionner la diminution des délais de traitement par l’Ofpra des demandes d’asile. Nous espérons aussi que la création de vingt-neuf ETP au sein de cet office en 2025 permettra de consolider les progrès importants réalisés ces dernières années.
Toujours sur le sujet de l’asile, nous saluons également l’intégration dans les crédits initiaux de la mission des dépenses liées aux bénéficiaires de la protection temporaire des personnes déplacées par le conflit en Ukraine. Leur absence était difficilement compréhensible et nuisait à l’information du Parlement. La sincérité de ce budget s’en trouve donc renforcée.
Pour conclure, il est clair que la situation d’urgence budgétaire impose une approche mesurée de l’ensemble des volets de ce projet de loi de finances. Ceux-ci devront tous participer au redressement des finances publiques. Cela ne doit toutefois pas nous conduire à méconnaître l’importance des enjeux qui se cachent derrière les lignes de chiffres.
Par conséquent, à l’instar de nos rapporteurs, dont je salue la qualité du travail, nous estimons que les crédits de la mission, tels qu’ils seront modifiés par l’amendement du Gouvernement déjà évoqué, permettront d’atteindre une forme d’équilibre entre ces impératifs.
Notre groupe suivra donc l’avis émis par la rapporteure spéciale de la commission des finances et les rapporteurs pour avis de la commission des lois et votera les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)