PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour l’examen de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

Permettez-moi dans un premier temps de remercier, au nom du groupe RDSE, nos collègues rapporteurs pour leurs contributions, qui éclairent nos débats.

L’an dernier, notre groupe saluait une forte augmentation des moyens de cette mission centrale, de 12,7 % en autorisations d’engagement et de 8,1 % en crédits de paiement.

Cette année, peu de missions ne voient pas leurs crédits diminuer. Ceux de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » s’élèvent à 21,6 milliards d’euros. Ils enregistrent donc une diminution de 6,4 % en autorisations d’engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2024. C’est beaucoup, mais c’est en phase avec le parti pris de restriction budgétaire qui est celui du Gouvernement. Nous rejoignons l’appréciation de nos collègues rapporteurs quant au retour à une trajectoire soutenable pour les dépenses de cette mission : il est positif que soit engagée la réduction pérenne des crédits jusqu’à un niveau plus ou moins équivalent à celui d’avant la crise sanitaire.

Les orientations générales nous paraissent donc aller dans le bon sens. Toutefois, cela ne doit pas occulter certaines réalités.

Si le Gouvernement s’est régulièrement – et avec empressement – félicité des diverses décrues du taux de chômage en France, il reste toujours un nombre important de demandeurs d’emploi de longue durée et de seniors au chômage, parmi lesquels on retrouve beaucoup de femmes. Il y a également toujours plus d’actifs occupant des contrats courts et toujours plus de précarité parmi les jeunes peu qualifiés, qualifiés ou issus de milieux modestes. En d’autres termes, les besoins demeurent ! Or, en France, le service public de l’emploi compte beaucoup moins d’agents qu’en Allemagne ; en proportion, les agents français accompagnent bien plus de demandeurs d’emploi que leurs homologues allemands.

Par conséquent, la diminution du plafond d’emplois de France Travail proposée par le Gouvernement dans le présent PLF nous paraît injustifiable, tout comme à de nombreux collègues, surtout au moment où l’opérateur public doit se saisir pleinement des compétences que le législateur a souhaité lui assigner dans la loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023.

Soucieux d’une meilleure prise en charge de ces publics, et en particulier des générations qui entrent sur le marché du travail, notre groupe a déposé plusieurs amendements visant à élever notre niveau d’ambition en matière d’apprentissage et d’insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Je pense notamment aux amendements de notre présidente Maryse Carrère, qui ont pour objet de maintenir les aides à l’embauche d’apprentis pour les entreprises de moins de 50 salariés, et, pour ce qui concerne les entreprises de 50 à 250 salariés, de les maintenir aux niveaux de formation 3 et 4, c’est-à-dire bac et infrabac.

Nous avons également souhaité souligner, via un amendement de notre collègue Philippe Grosvalet, notre attachement aux missions locales, qui constituent le premier réseau de service public pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans vers l’insertion sociale et professionnelle. Les défis relevés par les missions locales sont si grands et si rudes qu’il convient de leur octroyer des moyens adaptés, qui plus est lorsqu’elles subissent déjà des baisses de subventions de la part de certaines collectivités territoriales.

Par ailleurs, notre collègue Véronique Guillotin, élue de Meurthe-et-Moselle, département où vivent de nombreux travailleurs frontaliers, a légitimement souhaité déposer un amendement sur le système d’indemnisation des allocataires frontaliers dans le cadre de l’assurance chômage. Vous le savez, c’est un problème qui coûte à l’État environ 800 millions d’euros par an et qui préoccupe grandement les travailleurs concernés. Il devient urgent d’engager des négociations avec les États voisins afin de conclure des accords bilatéraux plus justes au regard des réalités économiques.

À nos yeux, l’expertise locale de proximité doit rester au cœur des politiques de l’emploi. Nous comptons à cet égard sur le rôle pivot des opérateurs historiques, mais aussi sur les régions, les départements et les communes. Au Sénat, nous sommes d’ailleurs tous d’accord sur ce point. La maîtrise des dépenses ne doit donc pas les affecter, car les objectifs initiaux risqueraient de ne plus pouvoir être atteints.

Parce que le travail conditionne l’émancipation des individus, la cohésion sociale, mais aussi la dynamique de l’économie française, la responsabilité des pouvoirs publics dans ce domaine est essentielle. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qui en a pleinement conscience, porte un regard plutôt favorable sur les crédits de cette mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », tout en restant vigilant sur les divers points que j’ai évoqués. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce contexte financier, social et politique extrêmement tendu, il est de notre responsabilité de proposer des mesures fortes afin de rééquilibrer les comptes publics, mais nous ne devons pas pour autant déstabiliser notre économie. Les enjeux sont grands : comment fidéliser les employés dans certaines filières et pérenniser des postes dans d’autres ?

Nous, centristes, appelons à la mesure et à l’équilibre, car nous sommes sur une ligne de crête !

M. Michel Canévet. C’est vrai !

Mme Anne-Sophie Romagny. Faisons le tri : supprimons ce qui n’est pas efficace, mais préservons avec force ce qui fonctionne.

La mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » représente 2,53 % du budget de l’État, soit 21,63 milliards d’euros ; ses crédits sont en baisse de 10,2 % par rapport à 2024. La commission des affaires sociales soutient cette réduction des dépenses et propose d’aller plus loin concernant le budget de France compétences.

Je souhaite axer mon propos autour du développement de l’emploi des jeunes, en m’intéressant à deux politiques publiques structurantes qui sont conduites en leur faveur.

Je commencerai par les missions locales.

Elles constituent aujourd’hui un pilier du réseau pour l’emploi, au même titre que France Travail et Cap emploi. Elles soutiennent l’insertion des jeunes, qui sont parfois les plus éloignés de l’emploi, ainsi que des décrocheurs scolaires, à la ville comme à la campagne.

Le PLF 2025 prévoit, avec une budgétisation de 786 millions d’euros, une stabilité des crédits finançant les contrats d’engagement jeune (CEJ). En revanche, je regrette profondément la réduction de 140 millions d’euros des crédits alloués aux missions locales.

J’appelle le Gouvernement à regarder à la loupe le fonctionnement de ces structures : selon qu’elles sont urbaines ou rurales, les problèmes qu’elles ont à traiter sont très différents. Accordons-leur un financement adapté aux missions qui leur ont été confiées par la loi pour le plein emploi, car leurs contraintes sont multiples : infrastructures insuffisantes accueillir des ateliers, freins à la mobilité des jeunes ruraux, etc. Nous avons trop souvent parlé des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), masquant ainsi les difficultés rencontrées en ruralité : madame la ministre, donnez-nous des gages !

J’en viens maintenant au financement de l’apprentissage.

La commission des affaires sociales a appelé le Gouvernement à faire preuve de vigilance afin que la diminution du financement de l’apprentissage ne soit pas trop brutale. Il faut de la mesure et du pragmatisme pour continuer à développer une politique ambitieuse !

Ici, au Sénat, nous savons bien qu’il faut faire des économies, mais nous pensons aussi qu’il faut agir avec prudence et veiller à ne pas casser la dynamique engagée ces dernières années.

Madame la ministre, vous le verrez lors de l’examen de nos amendements, les sénateurs font des propositions financées, et en deçà des dépenses de 2024, pour différencier les aides à l’apprentissage en fonction de critères déterminés, l’idée centrale étant : aider moins, oui, mais aider mieux, assurément !

Nous devons éviter le raccourci suivant : les petites entreprises embaucheraient à de petits niveaux de diplômes. Leur besoin d’apprentis à haut niveau de qualification est bien réel : ne nous méprenons pas ! L’apprentissage participe au bon fonctionnement de l’ascenseur social et correspond à une demande des entreprises, celle de former des travailleurs qualifiés, qui sont nécessaires à la pérennité de leurs activités.

Préservons l’apprentissage, qui est devenu une filière d’insertion reconnue, une formation d’excellence pour les jeunes à tout niveau de qualification, et un investissement sur l’avenir pour les entreprises.

Réduire les dépenses est une nécessité budgétaire, mais porter atteinte à l’emploi et à l’insertion professionnelle des jeunes, je ne peux m’y résoudre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Après avoir provoqué le chaos dans le pays en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, le Président de la République a rendu notre pays ingouvernable, parce qu’il a refusé d’entendre le peuple, qui a donné, au deuxième tour des élections législatives, une majorité de gauche à l’Assemblée nationale.

M. Stéphane Piednoir. Une majorité relative !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Une majorité relative, certes, mais une majorité tout de même ! Et vous, vous êtes minoritaires !

MM. Laurent Burgoa et Laurent Somon. Majorité relative !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Comme l’a dit tout à l’heure mon collègue Fabien Gay, nous sommes dans une grave crise politique et démocratique, et le Gouvernement n’a fait que renforcer l’austérité, quand d’autres choix étaient envisageables.

Tout au long de l’examen du PLFSS et de la première partie du PLF, nous avons proposé des recettes nouvelles : taxer les dividendes, conditionner les aides publiques aux entreprises, revenir sur les exonérations de cotisations. Par choix dogmatique, vous avez refusé de taxer les plus riches et décidé de faire payer les ouvriers et les familles les plus fragiles.

L’examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » s’inscrit dans un contexte particulièrement lourd pour l’emploi dans notre pays. Selon la CGT, près de 250 plans de licenciement sont en préparation dans l’industrie, soit 200 000 emplois menacés dans les prochaines semaines.

Chaque emploi supprimé entraîne un effet domino sur les sous-traitants, sur les prestataires de services et sur tout l’écosystème économique local. Ces plans de licenciement n’effacent pas seulement des emplois, ils privent des régions de leur attractivité et les vident de leurs commerces de proximité. Ce sont des vies brisées, des familles dans l’incertitude : derrière les chiffres, c’est un drame humain qui se joue et le Gouvernement n’anticipe rien.

La CGT sonne l’alarme pour éviter l’érosion de notre industrie, déjà fortement minée par trente ans de libéralisation et de concurrence européenne. Les salariés sont appelés à faire grève le 12 décembre et à occuper leurs usines pour empêcher les licenciements ; nous serons à leurs côtés face à l’abandon des gouvernements successifs.

Les entreprises qui ont été gavées d’aides publiques rechignent aujourd’hui à abandonner une part symbolique des 250 milliards d’aides annuelles.

Les mêmes qui ont imposé des conditions draconiennes aux travailleurs et aux allocataires du RSA pour qu’ils puissent bénéficier de leurs droits estiment qu’il serait inconcevable que les entreprises s’engagent à mieux rémunérer leurs salariés, à respecter l’égalité salariale ou à mieux prendre en considération l’environnement en contrepartie des milliards distribués chaque année.

Votre dogmatisme est particulièrement visible dans les choix inscrits dans cette mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », dont les crédits diminuent de 1,5 milliard d’euros pour 2025.

La réduction des dépenses touche les dispositifs d’accompagnement des plus fragiles, avec une baisse des moyens alloués à l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi et une baisse de 10 % des crédits destinés à l’insertion des jeunes sur le marché du travail.

Les réductions concernent également les moyens de la formation continue et de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi. C’est un coup de massue pour un public souvent en reconversion ou non diplômé.

La baisse des crédits dévolus aux structures de la formation professionnelle et de l’emploi pour 2025 s’inscrit par ailleurs dans une trajectoire de réduction des moyens qui dure depuis plusieurs années et met en danger la pérennité de certains établissements comme l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Comme un symbole de la politique du Gouvernement, le programme « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » voit ses crédits diminuer de 24 %, soit une baisse de 30 millions d’euros par rapport à 2024.

La santé mentale a été érigée par Michel Barnier en cause nationale, mais la santé mentale ne s’arrête pas aux murs des entreprises ! Au contraire, l’épuisement professionnel et le harcèlement au travail sont des phénomènes particulièrement fréquents. Il faut une politique de prévention véritablement ambitieuse, ce qui suppose des moyens et, surtout, des médecins du travail.

Le Gouvernement trouve encore l’occasion de réduire les crédits pour le dialogue social et la démocratie sociale de 32 %, alors même qu’ont déjà été supprimés les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les instances de dialogue social.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE-K votera contre les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », dont nous connaissons l’issue prochaine compte tenu du vote imminent de la motion de censure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Michel Canévet. Il ne faut pas anticiper !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après sept années d’impéritie budgétaire qui ont grevé les recettes et créé des déficits, lesquels ont ensuite justifié des contre-réformes systémiques injustes, le Gouvernement présente un budget austéritaire, dont le principal credo est le coup de rabot sur les dépenses publiques, sans jamais interroger ses choix politiques inconséquents.

Pourtant, à lire les derniers rapports de la Cour des comptes, il est aisé de constater qu’il faut envisager le problème des finances publiques comme celui des finances de la sécurité sociale du côté des recettes, obérées par des dépenses fiscales en constante augmentation et au pilotage défaillant.

Ainsi la Cour rappelle-t-elle que la « période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est [de] 2,2 points de PIB », précisant que ce sont bien les « baisses de prélèvements obligatoires mises en œuvre à partir de 2018 » qui ont provoqué une grande partie du déficit.

Or, au lieu de revenir, du moins en partie, sur cette politique d’attrition des recettes et de niches fiscales aux effets quasi nuls sur l’emploi et la compétitivité mais aux coûts croissants, le Gouvernement comble le déficit via un budget austéritaire, dont l’effet récessif pour l’année 2025 a été estimé à 0,8 point de PIB par l’OFCE.

La Mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » est appelée à contribuer massivement à cette réduction : les coupes budgétaires touchent quasiment tous les programmes et toutes les actions.

On constate ainsi une baisse des crédits liés au financement des défenseurs syndicaux et un assèchement des trésoreries de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), alors même qu’il faudrait amplifier les actions de prévention relatives à la santé et à la sécurité au travail, la France étant toujours championne d’Europe des accidents et des morts au travail.

On note également une fragilisation des structures d’insertion, quel que soit le modèle, des entreprises d’insertion aux chantiers d’insertion, ainsi que la non-revalorisation – le gel – des aides au poste, dans un contexte où un tiers des entreprises d’insertion et la moitié des chantiers d’insertion sont en difficulté financière.

Un coup d’arrêt brutal est ainsi mis au développement de nombreuses structures pourtant fortement encouragées par le pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique, et ce alors qu’elles n’avaient pas encore atteint leur point d’équilibre ; des désengagements sont à craindre.

Presque aucune action de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » n’est épargnée, la baisse des crédits atteignant au total 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement.

Toutes ces mesures austéritaires antisociales sont à contretemps du contexte social et économique : l’OFCE prévoit un retournement de la conjoncture et une augmentation du chômage en 2025, et les défaillances et les plans sociaux se multiplient.

Ces mesures vont surtout à rebours de la loi Plein Emploi : la stagnation des crédits alloués à France Travail et les difficultés des structures d’insertion conduisent à un véritable sabordage des maigres promesses de ladite loi.

Alors que le rapport de la mission de préfiguration de France Travail faisait état d’un besoin de financement de 2,7 milliards d’euros d’ici à 2026 et que le directeur de l’agence chiffrait à plusieurs centaines le nombre d’emplois à créer pour mettre en œuvre les différentes actions d’accueil et d’accompagnement des nouveaux allocataires du RSA, le Gouvernement supprime à l’aveugle 500 postes, mesure insuffisamment corrigée par la commission des affaires sociales du Sénat.

En réalité, le Gouvernement condamne sa propre réforme à l’échec et renvoie les dépenses sur les départements, dont il contraint par ailleurs le budget. Il ne peut ignorer que cette politique dopera l’externalisation des missions publiques vers des opérateurs privés de placement, dont l’efficacité est moindre pour un coût deux fois plus élevé.

Désormais, le seul credo est la rigueur budgétaire, et ce pour ne pas toucher aux niches fiscales et sociales. Tant pis si ce plan d’ajustement structurel mène à la précarisation du travail, au renforcement de l’exclusion sociale et à l’affaiblissement des moyens de l’État !

Mieux vaut lorgner les excédents de l’Agirc-Arrco, faire les poches de l’Unédic en déstabilisant sa trajectoire budgétaire et entraver le paritarisme que d’œuvrer à une politique ambitieuse qui soit à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux ! Nous présenterons de nombreux amendements visant à corriger la situation de l’Unédic.

Pendant sept ans, l’exécutif a balayé les propositions politiques des oppositions en se prévalant d’être l’unique option responsable.

Le résultat, c’est un déficit historique et un nombre record de personnes en situation de précarité matérielle et sociale.

Le groupe écologiste refuse ce budget de pompier pyromane et votera contre les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la centralité du travail pour notre insertion dans la société, le sens que nous y mettons, la manière dont les droits des individus en emploi sont respectés, la place de la valeur travail et la manière dont nous réussissons collectivement à prendre en charge ces enjeux : c’est notamment de ces sujets que traite la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

Son examen se fait dans un environnement contraint du fait des choix opérés en matière de fiscalité et de finances publiques par l’actuelle majorité. Dans ce contexte, le budget de cette mission est plus révélateur que jamais, renvoyant à une certaine conception des travailleurs, mais aussi de ceux qui ne travaillent pas.

La revendication d’une efficacité accrue du « faire plus avec moins » fait office d’illusoire principe directeur. L’art de créer des tuyaux pour ponctionner certains budgets, pendant qu’une diversion s’opère au moyen d’un saupoudrage de moyens cosmétiques sur d’autres secteurs, est encore une fois à l’œuvre ici.

Les véhicules législatifs qui permettent ce jeu de bonneteau sont notamment la loi pour le plein emploi et les projets de loi de finances successifs.

Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » nous interpelle notamment en ce qui concerne le sort qui y est réservé à France Travail.

Pour mémoire, la loi pour le plein emploi réforme l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, en prévoyant notamment leur inscription automatique à France Travail. Cela représente une importante charge de travail supplémentaire.

Lors de l’examen du projet de loi, les acteurs de terrain, notamment les associations, ont fait part de leur très forte inquiétude. Ainsi, ATD Quart Monde s’inquiétait : « La gouvernance envisagée pour France Travail entend centraliser la gestion des parcours des allocataires du RSA entre les mains de l’opérateur national France Travail, au risque de déposséder les acteurs locaux (missions locales, départements, travailleurs sociaux…) de leur savoir-faire et de leurs moyens d’action et d’évaluation. »

Pour faire face à ces nouvelles missions, la loi de finances pour 2024 a prévu la création de 300 postes supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2025 en supprime aujourd’hui 500, suppression justifiée par une baisse du chômage en 2024. Cette annonce va de pair avec une réduction de 588 millions d’euros du budget de France Travail. Dans les faits, il est mathématiquement impossible de répondre à la demande sans augmenter de façon importante les portefeuilles des agents.

L’étude publiée en 2024 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et intitulée Santé mentale et expérience subjective du chômage met en avant une forme d’industrialisation de la relation de service proposée par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi. La conclusion des chercheurs est sans équivoque : « la présente recherche met en exergue les atteintes psychiques provoquées par la confrontation à Pôle emploi. »

Vu ses nouvelles missions, le service public de l’emploi ne peut de toute évidence pas se permettre une diminution de ses moyens humains et financiers.

Dans ce contexte, la sous-traitance par le Gouvernement des tâches de France Travail, récemment mise en avant par Mediacités, est une forme d’inadmissible cerise sur le gâteau : entre 2018 et 2023, Pôle emploi a dramatiquement augmenté son recours à la sous-traitance pour l’exercice de ses missions d’accompagnement. De 250 millions d’euros en 2018, le budget de cette sous-traitance est passé à 550 millions d’euros en 2022, puis à 650 millions d’euros en 2023. « Avec France Travail, une nouvelle externalisation massive est prévue. Un accompagnement dédié à la reprise rapide d’emploi va être sous-traité à des opérateurs privés. »

C’est le parcours dit de reprise rapide d’emploi qui est en cause. Il devrait concerner de 700 000 à 900 000 privés d’emploi chaque année et aura un coût de 448 euros par usager !

Par ailleurs et en tout état de cause, la baisse du chômage dont les concepteurs de ce budget se prévalent pour justifier la baisse des moyens de France Travail est un argument inaudible. Dans une note du mois d’octobre 2024, l’OFCE prévoit ainsi que le chômage progresse d’au moins 0,5 point pour atteindre 8 % à la fin de l’année 2025. Ce sont 143 000 emplois qui devraient être détruits au cours de cette période.

Toujours au titre du programme 102, le sort réservé aux missions locales et aux contrats aidés ne nous a pas échappé.

Les crédits des missions locales sont en forte diminution, ce à quoi nous nous opposons fermement – nous y reviendrons au cours de la discussion. Nous ne saurions accepter une telle diminution.

Les crédits prévus en 2025 pour le financement des entrées en contrat aidé sont également en baisse. La réduction est de 97,3 millions euros, soit 56,4 %, par rapport à 2024.

Or, ainsi que le rappelle l’OFCE dans l’étude que j’ai citée, les contrats aidés ont déjà supporté les économies réalisées en 2023 et en 2024. L’Observatoire alerte : « Réduire davantage ces budgets se heurte aussi à l’absence d’alternative opérationnelle à ces contrats si le chômage remonte, car les publics fragiles à insérer en emploi sont alors plus nombreux. »

La diminution du budget alloué aux contrats aidés est cohérente avec les arbitrages qui ont été faits ces dernières années par l’exécutif : hormis pendant les périodes de crise, ce dernier a clairement tendu à couper dans les enveloppes consacrées auxdits contrats, et ce dès l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron. Une étude de la Dares de 2017 soulignait pourtant leur efficacité.

Les affaiblir est la marque d’une politique qui n’est ni visionnaire ni responsable.

J’en viens à l’insertion par l’activité économique, chère à nombre de mes collègues – je pense notamment à Patrice Joly, qui a tenu à m’informer de difficultés sur son territoire. Le montant affecté au financement direct de ce secteur pour 2025 reste à peu près constant par rapport à 2024.

Madame la ministre, mes chers collègues, j’appelle votre attention sur les associations intermédiaires. Elles assument une mission de service public et sont un employeur d’insertion majeur. Le maillage territorial qu’elles tissent fait d’elles, bien souvent, les seules structures présentes dans les territoires économiquement déprimés. Elles assument donc un rôle essentiel de créateur de lien social, d’accueil, d’écoute, d’accompagnement socioprofessionnel et d’orientation : autrement dit, elles assurent un quasi-service public de l’emploi.

Pourtant, paradoxalement, les associations intermédiaires sont de très loin le dispositif le moins aidé : elles représentent moins de 3 % du budget consacré à l’insertion par l’activité économique. Pourtant, elles ont un taux de sortie excellent – près de 60 % de sorties en emploi selon le rapport de la Cour des comptes de 2019.

Par ailleurs, il s’agit des seules structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) qui accueillent majoritairement des femmes.

Leur modèle économique est de plus en plus contraint par les différentes réformes successives qu’a connues l’insertion par l’activité économique : réforme fiscale, réforme de l’agrément Pôle emploi, aujourd’hui France Travail, règle des 480 heures…

Les soutenir en ce moment, alors que les difficultés risquent de s’accentuer pour les personnes en recherche d’emploi, est plus que nécessaire. Elles ont en effet elles aussi affronté l’inflation, qui les a mises en grande difficulté.

Je n’oublie pas les autres SIAE du tissu de l’insertion par l’emploi ; il faut également les soutenir.

Pour ce qui est du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi », les choix opérés dans le domaine de l’apprentissage nous laissent perplexes. Après l’avoir soutenu massivement en vue d’atteindre l’objectif du million d’apprentis, objectif qui n’a d’ailleurs pas été atteint, le Gouvernement prévoit une diminution de près de 50 000 contrats par rapport à 2024. De plus, l’enveloppe budgétaire globale pour 2025 baisse de 1,2 milliard d’euros par rapport à l’année précédente.

Il est difficile de lire la politique du Gouvernement en la matière : après avoir accru le nombre d’apprentis de façon exponentielle, il prend aujourd’hui les entreprises de court. Aussi appelons-nous le Gouvernement à adopter une politique plus cohérente à cet égard.

Le programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » agit sur plusieurs leviers : la qualité du droit, sa diffusion et le contrôle de sa mise en œuvre, le conseil et l’appui au dialogue social.

Les crédits de paiement alloués à ce programme sont de 83,6 millions d’euros en 2025, soit une baisse de 24 % par rapport à 2024.

À l’appui des propositions d’amendement que nous ferons dans ce champ, je rappelle par exemple que, chaque année, ce sont près d’un million d’accidents, dont plusieurs centaines sont mortels, et près de 50 000 nouvelles reconnaissances de maladies professionnelles qui sont comptabilisés. Le renforcement des droits des travailleurs, donc de l’inspection du travail, fait ainsi partie de nos préoccupations majeures.

J’en viens au programme 155 « Soutien des ministères sociaux ». Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une refonte de la structure budgétaire des ministères sociaux, les moyens de soutien étant intégrés au sein d’un programme unique ; nous en prenons acte.

Les membres de mon groupe estiment donc qu’il est nécessaire de remanier en profondeur le budget de cette mission pour garantir à nos concitoyens l’accès au service public de l’emploi auquel ils ont droit. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)