M. le président. L’amendement n° II-1727 rectifié, présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Nationalisation d’ATOS
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
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Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
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Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
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500 000 000 |
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500 000 000 |
Nationalisation d’ATOS |
500 000 000 |
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500 000 000 |
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TOTAL |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
500 000 000 |
SOLDE |
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La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a pour objectif de permettre à l’Agence des participations de l’État de financer et de renforcer sa stratégie de sauvegarde des activités du groupe Atos. Ce fleuron français de l’informatique compte près de 11 000 salariés sur le territoire national, 100 000 à l’échelle mondiale, répartis sur vingt-cinq entités juridiques, et réalise 25 % de son chiffre d’affaires dans le secteur public ou parapublic.
Le groupe s’articule autour de quatre pôles d’activité : les infrastructures, la transformation digitale et l’information en cloud, la cybersécurité, mais aussi le calcul haute performance. Le groupe est également présent dans des secteurs stratégiques comme la défense et développe des logiciels de gestion informatique pour des services publics et parapublics.
Ainsi a-t-il la responsabilité de logiciels essentiels au fonctionnement de nombreux services publics qui touchent au quotidien de nos concitoyens et à leur intimité, comme le portail sécurisé de la sécurité sociale.
Comme cela a été dit lors de nombreux débats, ce groupe est d’une importance capitale à tous les échelons : France Connect, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), la SNCF, la Caisse des dépôts et consignations, EDF ; une grande partie des logiciels de gestion de sécurité informatique des collectivités territoriales et des mairies sont élaborés par Atos.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous souhaitons non seulement éviter le démantèlement du groupe Atos, mais aussi assurer la maîtrise de ce fleuron technologique essentiel.
M. le président. L’amendement n° II-1652 rectifié, présenté par MM. Cozic, Raynal, Montaugé, Temal et Darras, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
350 000 000 |
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350 000 000 |
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Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
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350 000 000 |
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350 000 000 |
TOTAL |
350 000 000 |
350 000 000 |
350 000 000 |
350 000 000 |
SOLDE |
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La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cet amendement a pour objet de permettre à l’État de poursuivre sa stratégie d’acquisition des activités souveraines du groupe Atos. Ce dernier, placé en procédure de sauvegarde accélérée au mois de juillet 2024, a vu son plan de restructuration financière validé le 24 octobre dernier par le tribunal de commerce de Nanterre.
L’offre déposée par l’Agence des participations de l’État a abouti à l’annonce, le 25 novembre dernier, de l’ouverture de négociations exclusives entre l’État et Atos pour la cession des activités de la division Advanced Computing, qui conçoit et fabrique des supercalculateurs.
Cette annonce constitue une avancée notable dans la nationalisation des activités stratégiques du groupe, au regard de l’importance des supercalculateurs d’Atos, qui sont notamment utilisés par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.
Le montant de cette acquisition est estimé à 500 millions d’euros, hors complément de prix. Toutefois, la division Advanced Computing ne recouvre pas l’ensemble des activités stratégiques du groupe Atos que l’État a envisagé d’acquérir. Lors du dépôt de sa première lettre d’intention au mois d’avril 2024, l’État envisageait l’acquisition d’un portefeuille plus large d’activités du groupe, le cas échéant en s’associant à d’autres acteurs industriels, qui incluait également les divisions Systèmes logiciels critiques et Conception de produits de cybersécurité.
Le montant total d’acquisition de ce portefeuille complet d’activités stratégiques était estimé à 850 millions d’euros. Cet amendement a pour objet de majorer de 350 millions les crédits du programme budgétaire concerné, dans l’objectif de permettre à l’Agence des participations de l’État de financer la poursuite de la stratégie des activités souveraines du groupe, auquel le Sénat est particulièrement attentif.
M. le président. L’amendement n° II-1726, présenté par MM. Gay et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
100 000 000 |
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100 000 000 |
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Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
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100 000 000 |
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100 000 000 |
TOTAL |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
100 000 000 |
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La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Par cet amendement d’appel, nous proposons la création d’un fonds pour permettre la prise de participation de l’État dans les entreprises donneuses d’ordre et les sous-traitants de la filière automobile.
La situation de l’industrie automobile française est délétère. Le nombre de véhicules assemblés en France ne cesse de chuter, passant de 3,5 millions en 2000 à seulement 1,4 million en 2022. Entre 2006 et 2021, le nombre d’emplois salariés dans l’industrie automobile a diminué, selon la CGT, de 289 000 à 175 000, soit une perte de 114 000. Par ailleurs, 70 000 emplois sur 300 000 seraient menacés d’ici à 2030 chez les fournisseurs du secteur automobile, selon le président de la Fédération des équipementiers.
Les grands constructeurs sont engagés dans une course à la concentration et la bataille fait rage pour dégager des marges toujours plus élevées. Pour cela, ils font plus que jamais pression sur les coûts, ce qui a des conséquences massives sur l’ensemble de la filière et des fournisseurs, notamment en termes de délocalisation. Résultat, la filière est au bord du gouffre.
La puissance publique doit prendre ses responsabilités en agissant auprès des constructeurs dont elle est actionnaire, voire en augmentant sa participation pour infléchir les stratégies de ces grands groupes.
C’est dans cette optique que nous proposons la création d’un fonds, qui permettrait à la fois d’augmenter la participation de l’État non seulement dans certains grands groupes, mais aussi dans certaines entreprises menacées, afin de pérenniser leur activité, à l’exemple de Fonderie de Bretagne, qui voit Renault, son principal client, refuser de s’engager sur des volumes de commandes futures susceptibles de favoriser la reprise de cette entreprise.
M. le président. L’amendement n° II-1736, présenté par M. Jadot, Mme Senée, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mmes Guhl et de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Achat d’une action spécifique au capital de TotalEnergies
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État |
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Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État |
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60 |
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Achat d’une action spécifique au capital de TotalEnergies |
60 |
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TOTAL |
60 |
60 |
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SOLDE |
0 |
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La parole est à M. Yannick Jadot.
M. Yannick Jadot. Le dépôt de cet amendement fait suite au travail de la commission d’enquête sénatoriale sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, présidée par Roger Karoutchi.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous livre la première des recommandations formulées par cette commission d’enquête : « Compte tenu de l’évolution des menaces qui pèsent sur la souveraineté énergétique de la France et de l’Europe, de l’évolution de la structure de l’actionnariat de TotalEnergies et de la nécessité d’accompagner une major européenne dans ses efforts de transition énergétique, prévoir la détention par l’État d’une action spécifique au capital de TotalEnergies. »
L’actionnariat de TotalEnergies a en effet profondément évolué. Il est aujourd’hui majoritairement nord-américain. Pendant longtemps, d’abord, évidemment, lorsqu’il s’agissait d’une grande entreprise publique nationale, puis, même après la privatisation, l’actionnariat était avant tout français. Il est ensuite devenu européen et, maintenant, essentiellement nord-américain.
Autre fait : dans le cadre du travail de la commission d’enquête, le président-directeur général Pouyanné a évoqué l’idée de basculer à New York la cotation primaire de TotalEnergies.
M. Pouyanné, avec qui j’ai un certain nombre de différends, est assurément un patriote. Pour autant, avec un actionnariat principalement nord-américain, nous ne savons pas qui sera, demain, le président de TotalEnergies, ni quelle sera la nature des décisions prises par le conseil d’administration, y compris sur la localisation du siège social du groupe.
C’est la raison pour laquelle les membres de la commission d’enquête ont proposé, à l’unanimité, par souci de la souveraineté énergétique, par patriotisme économique, d’enclencher le processus d’achat d’une action spécifique.
Pour rappel, j’ai regardé la cotation ce matin, une telle acquisition nous coûterait 57 euros : cela devrait aller… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. L’amendement n° II-1728 a pour objet d’abonder à hauteur de 3 milliards d’euros un fonds destiné à la nationalisation des entreprises TotalEnergies et Engie. Une telle nationalisation supposerait la mobilisation de plus de 150 milliards d’euros.
Au regard de notre situation budgétaire et de l’urgence de maintenir nos investissements dans les secteurs d’avenir, notamment pour soutenir la transition écologique, la nationalisation de ces sociétés ne constitue pas un emploi optimal de l’argent public.
En premier lieu, il est à relever que les secteurs du gaz et du pétrole répondent à une économie générale distincte de celle du secteur de l’électricité. À cet égard, si la nationalisation d’EDF était justifiée par l’ampleur des investissements à venir dans le cadre de la relance de la filière nucléaire, le recours à la nationalisation n’est pas adapté pour les entreprises TotalEnergies et Engie.
En deuxième lieu, il convient de préciser qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser l’actionnariat public pour assurer la régulation efficace d’un secteur.
En troisième et dernier lieu, il faut souligner que, dans le cas particulier d’Engie, l’État possède déjà une action spécifique, qui permet de garantir la continuité et la sécurité de son approvisionnement énergétique.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement n° II-1728 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements nos II-1727 rectifié et II-1652 rectifié ont trait à la poursuite des opérations en capital concernant le groupe Atos. C’est un sujet sur lequel, évidemment, la parole de M. le ministre est fortement attendue.
Cela fait en effet plusieurs années que le Sénat est particulièrement attentif, et c’est bien normal, à l’évolution de ce groupe français et européen, qui est l’un des acteurs d’envergure mondiale dans le domaine des services informatiques. Je renvoie notamment à cet égard au travail de nos collègues de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui ont rendu un rapport d’information conjoint sur la situation et l’avenir du groupe Atos au mois d’avril 2024.
Dans le contexte des difficultés financières traversées par Atos, l’État est ainsi intervenu en octroyant un prêt de 50 millions d’euros par le biais du fonds de développement économique et social (FDES), au mois de mai 2024. Parallèlement, l’État a annoncé, à l’été 2024, son intention de se porter acquéreur d’une partie des activités souveraines du groupe Atos.
Initialement, le périmètre envisagé par l’État recouvrait trois divisions stratégiques : le calcul de haute performance, les logiciels critiques et les produits de cybersécurité. Au mois de novembre dernier, le Gouvernement a annoncé être entré en négociations exclusives avec Atos pour l’acquisition du département de calcul de haute performance.
Ce débat est important, je le redis. Il a beaucoup évolué : il a d’abord concerné l’intégralité des activités d’Atos, en réponse à la demande des personnels attachés à l’unité du groupe, pour privilégier ensuite une vision recentrée sur les trois dimensions stratégiques précédemment citées, avant de finir, semble-t-il, par ne plus porter que sur une seule, laquelle fait actuellement l’objet d’une discussion avec l’État.
À ce sujet, plusieurs questions se posent. Pour quelles raisons les deux autres dimensions ont-elles été abandonnées ? Où en est la négociation ? Tout cela manque de clarté – c’est le moins que l’on puisse dire.
Voilà pourquoi la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements. Il serait bon que cette discussion soit pour lui l’occasion d’apporter les clarifications nécessaires.
Par ailleurs, l’amendement n° II-1726 vise à prévoir la création d’un fonds de participation de l’État dans la filière automobile, doté d’une enveloppe initiale de 100 millions d’euros.
Si l’idée est bien compréhensible, il convient de noter que les actionnaires publics possèdent déjà des participations dans les constructeurs français de référence. La puissance publique détient 15 % du capital du groupe Renault, par le biais de l’Agence des participations de l’État (APE), ainsi que 6 % du capital du groupe Stellantis, inscrit au bilan de la Banque publique d’investissement (Bpifrance).
En outre, pour les sous-traitants viables économiquement et ayant des besoins en fonds propres, la puissance publique dispose de nombreux instruments mobilisables, notamment le fonds Avenir Automobile (FAA), lancé par Bpifrance en 2009, puis, plus récemment, son successeur, FAA 2, créé en 2021, avec une enveloppe totale de 525 millions d’euros.
Enfin, les entreprises de la filière qui seraient en difficulté ont en tout état de cause, comme toute entreprise, accès au comité interministériel de restructuration industrielle, qui peut, le cas échéant, prévoir l’octroi d’un prêt par le fonds de développement économique et social.
Par conséquent, si elle écoutera avec intérêt M. le ministre s’exprimer sur la filière automobile, la commission demande le retrait de l’amendement n° II-1726, dont le dispositif est, de fait, couvert par le droit existant.
Les auteurs de l’amendement n° II-1736 prévoient l’achat par l’État d’une action de la société TotalEnergies, qui serait transformée en action spécifique.
Vous l’avez dit, monsieur Jadot, le Sénat s’est prononcé à l’unanimité en faveur d’une telle disposition. (M. Yannick Jadot acquiesce.) Je veux donc vous rassurer : le président de la commission des finances que je suis a exprimé très exactement la même préoccupation et formulé le même souhait, car cela me paraissait tout à fait utile.
Cependant, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, sur le fondement non pas de la légitimité de la demande, mais tout simplement parce que le cadre juridique actuel ne permet pas de transformer en action spécifique une action du groupe TotalEnergies qui serait acquise par l’État.
En effet, TotalEnergies se situe en dehors du périmètre des sociétés au sein desquelles une action spécifique peut être instituée. L’ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique précise que les actions spécifiques ne peuvent être instituées que dans les entreprises mentionnées à l’annexe du décret portant création du service à compétence nationale APE, dans sa version du 1er janvier 2018. TotalEnergies ne figure pas dans cette annexe, pas plus qu’il n’y figurait au début de l’exercice 2018.
Prévoir une telle disposition est donc juridiquement impossible. Cela ne veut pas dire que l’idée ne doit pas continuer à être défendue pour modifier l’annexe en question. Du point de vue de la commission, cela ne peut se faire au détour du vote d’un tel amendement. Ainsi, la question de l’assouplissement du périmètre de l’ordonnance ne pourrait se poser que dans le cadre d’un débat global sur l’actionnariat public, c’est-à-dire hors de la discussion budgétaire actuelle.
Par conséquent, tout en comprenant et en partageant l’objectif visé, je le dis très clairement, la commission demande également le retrait de l’amendement n° II-1736. Sur ce point aussi, il importe de connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° II-31, qui s’articule étroitement avec l’amendement n° II-35. L’adoption de celui-ci a entraîné la suppression du programme 369, qui, je l’ai dit, a une vocation exclusivement pédagogique. Un tel argument n’ayant pas été retenu, il faut bien constater que sa suppression n’aura évidemment pas d’impact sur la gestion de la dette.
Néanmoins, je réitère l’avis défavorable du Gouvernement sur l’amendement n° II-31.
L’amendement n° II-1728 est relatif à la création d’un fonds d’amorçage en faveur de la souveraineté énergétique.
La nationalisation ainsi prévue – quelques chiffres ont été évoqués s’agissant d’entreprises comme Engie et TotalEnergies – représenterait évidemment une dépense disproportionnée au regard des objectifs visés. Les capitalisations boursières combinées d’Engie et TotalEnergies sont évaluées, au cours en vigueur au 10 janvier dernier, à plus de 163 milliards d’euros, soit plus de trois fois la valeur des titres aujourd’hui détenus par l’État dans des sociétés cotées.
Par ailleurs, il convient de noter, et cela renvoie au dispositif du dernier amendement en discussion relatif à cette forme particulière d’action de préférence qu’est l’action spécifique, que le rôle de l’État dans le dispositif de TotalEnergies est celui d’un régulateur. Il n’induit pas que l’État soit actionnaire de TotalEnergies pour être efficace.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° II-1728 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Les deux amendements suivants nos II-1727 rectifié et II-1652 rectifié portent sur Atos.
Je suis heureux de pouvoir exprimer la position du Gouvernement sur ce sujet, qui a suscité de nombreux débats au cours des dernières semaines, voire des derniers mois.
Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que les activités d’Atos ne sont pas toutes stratégiques. L’activité jugée la plus stratégique est celle qui est relative aux capacités de calcul, en particulier aux supercalculateurs : cela a été souligné, les discussions en cours visent à permettre à l’État d’en faire l’acquisition.
Sur les autres activités mentionnées, celles qui ont une dimension souveraine, en particulier les systèmes embarqués destinés à certains matériels de défense, il convient de préciser que l’État dispose d’une action de préférence qui lui permet d’éviter que ne soit cédé à des acteurs, notamment étrangers, ce type d’actifs, dès lors que cela présenterait un risque pour la souveraineté nationale.
La mesure de protection que représente la détention d’une telle action de préférence constitue le garde-fou qui, cumulé à la démarche d’acquisition des supercalculateurs, correspond à une défense efficace de nos intérêts stratégiques et de notre souveraineté.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait des amendements nos II-1727 rectifié et II-1652 rectifié ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° II-1726 et à la question de la création d’un fonds visant à soutenir la filière automobile. M. Raynal a apporté un certain nombre de précisions. Ce type d’outil existe déjà, avec le fonds Avenir Automobile, dans sa deuxième version lancée en 2021 : doté de 525 millions d’euros – 105 millions étant directement apportés par l’État –, il est géré par la Banque publique d’investissement.
L’auteur de l’amendement a souligné les difficultés de la filière automobile : elles sont réelles, en particulier chez les équipementiers automobiles. J’ai eu l’occasion d’évoquer le cas de Fonderie de Bretagne, lors du débat relatif au programme Territoires d’industrie qui a eu lieu dans cet hémicycle mardi dernier.
Les difficultés de la filière automobile ont notamment une composante structurelle : c’est la compétition dure, féroce et même déloyale que livrent à nos constructeurs et nos équipementiers des concurrents extérieurs, en particulier asiatiques et notamment chinois, qui ne respectent pas toujours les règles du commerce international.
Sur ce sujet, les réponses sont à apporter à l’échelon tant européen que français. Lors des réunions du conseil Compétitivité, je porte la voix de la France pour promouvoir une bascule du mécanisme européen vers une protection commerciale renforcée.
Nos efforts ont déjà trouvé une concrétisation voilà quelques semaines, puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, des droits de douane plus importants sont désormais appliqués aux véhicules électriques chinois.
Cette forte compétition, de dimension internationale, justifie des mesures de protection, en particulier un véritable plan d’urgence pour la filière automobile européenne. C’est ce que nous défendons à l’échelon communautaire, en faisant en sorte qu’un certain nombre de nos partenaires, en particulier italiens, s’alignent sur cette démarche.
Il existe, pour notre filière automobile, un autre enjeu, celui de la transition, d’ici à 2035, vers le moteur électrique. À cette date, en effet, plus aucun véhicule neuf équipé d’un moteur thermique ne devra être vendu en Europe.
Si le Gouvernement continue d’assumer un tel objectif, cela ne fait pas obstacle à ce que le chemin qui mène à la fin du moteur thermique en 2035 puisse faire l’objet d’ajustements.
J’ai eu l’occasion, je le redis ici, de défendre le principe d’une suspension, demandée par l’ensemble de la filière, des amendes liées aux émissions excessives de CO2 pour l’année 2025 et qui seraient imposées à nos constructeurs. Parce que le paiement des amendes aurait des effets très délétères, il pourrait être envisagé un système d’achats de quotas à d’autres entreprises, qui, elles, produisent principalement des véhicules électriques ; je pense en particulier à Tesla ou au chinois BYD.
Même si l’objectif de 2035 ne doit pas être remis en question, le Gouvernement considère qu’il faut tenir compte des lourds investissements consentis par les constructeurs et par les équipementiers pour électrifier l’ensemble de la filière. De ce point de vue, il convient, à court terme, de privilégier des mécanismes de soutien à la demande et de suspendre les amendes.
Je tenais à rappeler que le soutien financier que cet amendement tend à mettre en place existe déjà à l’échelon français et que le Gouvernement défend des propositions pour le consolider à l’échelon européen.
Par conséquent, le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° II-1726 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
J’en viens à l’amendement n° II-1736 qui vise à acheter une action spécifique au sein du capital de TotalEnergies. L’État n’a pas vocation à investir en capital dans l’ensemble des entreprises, fussent-elles des entreprises dont l’activité revêt une dimension de souveraineté.
La prise de participation de l’État au capital de sociétés de droit privé n’est qu’un instrument dans une palette plus large d’outils dont dispose la puissance publique. Il en va de même pour les actions spécifiques : ce sont des instruments qu’il faut utiliser avec beaucoup de parcimonie et de précaution.
M. Raynal a émis un avis défavorable sur la base d’un argument juridique. J’émets un avis semblable, mais sur le fondement d’un argument principiel.
Introduire le principe d’une action spécifique chez TotalEnergies, et peut-être demain dans d’autres entreprises, alors même qu’il existe d’autres moyens d’atteindre les objectifs que nous nous fixons, notamment la souveraineté énergétique et la sécurité de nos approvisionnements, est une mesure qui n’est pas proportionnée.
Cela aurait très probablement pour conséquence d’envoyer un signal délétère aux investisseurs internationaux. Vous le savez, la politique menée en France par les gouvernements successifs depuis un certain nombre d’années vise à soutenir l’attractivité des investissements qui créent de l’emploi industriel dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je concentrerai mon propos sur l’amendement n° II-1736.
La totalité des groupes a voté à l’unanimité les conclusions et les propositions formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur TotalEnergies, dont Yannick Jadot a été le rapporteur et que j’ai présidée.
Oui, monsieur Raynal, c’est vrai, et nous le savions lorsque la commission d’enquête a traité de ce sujet, le périmètre actuel ne permet pas de prendre une action spécifique chez TotalEnergies. Toutefois, notre demande s’adressait au Gouvernement : il s’agit de reconnaître, à un moment donné, qu’un tel périmètre mérite d’être revu, car il n’est pas éternel, dans la mesure où les problèmes ne sont pas les mêmes qu’il y a dix ou vingt ans.
Depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’approvisionnement énergétique est un sujet majeur, qui plus est bien différent de ce qu’il était voilà une dizaine d’années. Il me paraît donc somme toute normal d’envisager la manière de traiter cette question avec TotalEnergies.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Vous nous dites en substance : puisque le problème est non pas juridique, mais principiel, nous n’avons pas à intervenir et à prendre en plus le risque d’inquiéter nos partenaires.
Pour ma part, je ne suis pas inquiet, je suis tétanisé ! Non pas par Patrick Pouyanné, qui est, je le dis très tranquillement, un homme remarquable et un président d’exception.
Reste que, aujourd’hui, le capital de TotalEnergies est à une large majorité détenu par des Américains. Autant je suis confiant dans le fait que le président Pouyanné voudra faire en sorte que TotalEnergies reste une société française, cotée à Paris, avec son siège social à Paris, autant, je le dis simplement, je pense que, dans quelques années, après la présidence de M. Pouyanné, n’importe quel conseil d’administration à majorité américaine voudra, comme cela été envisagé, une cotation à New York et un transfert du siège social.
Par conséquent, que nous prenions une action spécifique à 60 euros pour avoir au moins quelques droits de regard en ce domaine, voilà qui ne me paraît pas scandaleux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Dominique de Legge et Bernard Buis applaudissent également.)