M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution », figurant à l’état D.
Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je vous rappelle que la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits de ce compte.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de la mission s’élèvent à 4,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 4,4 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).
Je précise que le périmètre de la mission intègre en plus, à compter de 2025, un nouveau programme, le programme 384, qui acte la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD). Jusqu’alors, ce fonds sans personnalité juridique était affectataire d’une partie de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF) pour un montant de 738 millions d’euros. Du fait de l’entrée en vigueur de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le FSD est désormais intégré aux crédits de la mission.
Si l’on entre dans le vif du sujet, force est de constater que la mission est largement mise à contribution pour redresser nos finances publiques.
Le Gouvernement a déposé un amendement, rectifié il y a quelques minutes, visant à engager une baisse supplémentaire de 781 millions d’euros en crédits de paiement. S’il était adopté, le montant des CP de la mission s’élèverait en 2025 à 3,8 milliards d’euros, soit une baisse de 34,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette réduction intervient après une première ponction de 13 % des crédits lors de l’exercice 2024.
Je peux concevoir que la trajectoire proposée par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales était trop ambitieuse.
M. Rachid Temal. Elle a été votée à l’unanimité !
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. Pour autant, l’effort demandé me semble disproportionné. Au-delà d’un coup de rabot, cette coupe traduit un réel renoncement à l’ambition affichée par la France.
Une telle déstabilisation du volume des crédits de la mission ne sera pas sans conséquences, car elle frappe les fondamentaux de l’aide publique au développement – aide d’urgence, aide alimentaire, aide humanitaire –, dont on aurait pu penser qu’ils seraient préservés à un moment où la multiplication des crises déstabilise de nombreux États.
L’effondrement de la sécurité et de la santé dans les États les moins développés multiplie les enjeux pour notre pays en particulier, non seulement sur le plan de la stabilité géopolitique et de la sécurité sanitaire, mais aussi en ce qui concerne la question migratoire. Il y a un paradoxe notoire à découpler nos ambitions en matière de solidarité internationale, de politique migratoire et de diplomatie.
L’aide au développement constitue en outre un canal de projection internationale pour nos entreprises, qui peuvent par ce biais accéder aux marchés émergents. Entre 2019 et 2023, cela représentait huit cents marchés et 2,5 milliards d’euros pour les entreprises françaises.
En fait, c’est le programme 209, dont les crédits sont gérés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui endure l’essentiel des efforts de réduction des crédits. On diminue ainsi les contributions volontaires du programme, qui résultent pourtant des choix stratégiques de la France, plutôt que les contributions pluriannuelles du programme 110, qui aggravent la rigidification des dépenses.
Les baisses de crédits opérées sans discernement contribueront à redresser nos finances publiques, mais elles passeront à côté de l’enjeu de rationalisation. Nous avons donc tenu à présenter un amendement visant à minorer le programme 110 au profit du programme 209 pour un montant de 300 millions d’euros.
Autre exemple édifiant : le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (Fasep), particulièrement critiqué par l’inspection générale des finances (IGF) pour son inefficience, se trouve maintenu malgré tout.
Pour conclure, la commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission, sous réserve de l’adoption de son amendement.
Cependant, à titre personnel, je voterai contre, car je considère que l’ampleur de la coupe budgétaire prévue porte atteinte à l’action humanitaire actuellement mise en œuvre par la France. En outre, elle ne permet pas de rationaliser nos contributions multilatérales et aura un impact économique qui n’est pas pris en compte.
L’effort légitime demandé dans le cadre de cette mission mérite de la nuance et du pragmatisme pour éviter la faute politique qui consisterait à abîmer la voix de la France à l’international. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE et des travées du groupe SER. – M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et M. Ronan Dantec applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Aide publique au développement » connaît une diminution de ses crédits de paiement de l’ordre de près d’un quart par rapport à l’exercice 2024.
La trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021 paraît donc caduque. J’en tire toutefois des conclusions différentes de celles de mon collègue rapporteur spécial. Il me semble que la forte contraction des moyens de cette mission constitue le revers d’une trajectoire de dépenses ambitieuse ces dernières années : entre 2017 et 2023, le volume de la mission a progressé de 40 %.
Dans un contexte budgétaire dégradé, il n’est en rien illégitime de s’interroger sur le volume et la qualité de nos dépenses publiques d’autant que, ces dernières années, plusieurs pays ont revu à la baisse leurs objectifs en matière d’aide publique au développement.
Je rappellerai que l’augmentation significative des moyens de notre politique de développement présentait deux limites principales.
En premier lieu, le quasi-doublement des moyens de la mission s’est accompagné d’une rigidification croissante des dépenses. Si l’on examine le programme 110, géré par la direction générale du Trésor, nous pouvons constater que la baisse des dépenses est entravée par un grand volume de restes à payer. Ce programme comprend en effet d’importantes dépenses dites obligatoires, en particulier des contributions internationales à de grands fonds multilatéraux.
En second lieu, la trajectoire de notre aide publique au développement au cours des années passées a conduit à un risque de sous-exécution des crédits et de dispersion des dépenses. En effet, certaines enveloppes, comme les crédits de l’aide-projet ou la provision pour crises majeures, faisaient chaque année l’objet d’une sous-exécution.
Concernant les contributions internationales, le récent rapport d’enquête de la Cour des comptes remis à la commission des finances a souligné que notre pays contribue à deux cent soixante-et-onze entités multilatérales, parfois pour des sommes modiques. Notre soutien est donc peu efficace.
Je suis convaincu que ces coupes franches appellent une ligne claire. La redéfinition du montant des crédits de l’aide au développement doit ainsi être l’occasion de mieux définir nos objectifs et la doctrine d’utilisation de nos instruments. En ce sens, nous identifions trois priorités pour les prochains exercices.
Premièrement, il paraît indispensable d’opérer une véritable revue de dépenses de nos contributions internationales. Le renouvellement de nombreux fonds verticaux en 2026 devra être l’occasion pour le Gouvernement de réexaminer l’ensemble de ses participations à des entités multilatérales pour mieux sélectionner nos versements.
Dans le même sens, une doctrine claire d’articulation entre les canaux multilatéraux et bilatéraux devra être établie. Il en est de même de l’articulation de l’APD avec les instruments européens d’aide au développement : le Fonds européen de développement (FED) et le Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument (NDICI).
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. Deuxièmement, trois ans après l’adoption de la loi de programmation, il apparaît indispensable de concrétiser l’objectif d’une meilleure évaluation de la politique publique d’aide au développement.
M. Rachid Temal. Ah !
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. À cet égard, nous regrettons la concrétisation bien trop lente des instruments introduits par la loi de programmation.
Le premier rapport annuel relatif à la politique de développement n’a été remis qu’en juin dernier et la commission d’évaluation de l’aide publique au développement ne sera installée que début 2025. Nous devrons être attentifs à ce que ce dernier instrument soit pleinement mis en œuvre dans les prochains mois.
Troisièmement, la baisse du volume de la mission impose une actualisation des objectifs fixés à notre politique de développement. Les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet 2023 apparaissent en décalage avec les moyens dont nous disposerons dans les années à venir. Monsieur le ministre, une révision de cette doctrine est nécessaire ; elle ne pourra toutefois intervenir sans modifier le fonctionnement du Cicid et sans associer davantage le Parlement à la définition de notre politique de développement.
J’estime – vous l’aurez compris – que les efforts demandés à la mission « Aide publique au développement » sont légitimes dans ces temps d’incertitude budgétaire.
Je partage cependant la conviction que ces efforts portent excessivement sur le programme 209 et il me semble nécessaire d’y remédier. Tel est le sens de l’amendement présenté par la commission des finances.
Sous réserve de son adoption, la commission vous invitera à voter en faveur de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget pour 2025 apparaît comme singulier – c’est le moins qu’on puisse dire – pour l’aide publique au développement.
Ne revenons pas sur les montants déjà évoqués par les orateurs précédents : au total, entre un quart et un tiers des crédits seront supprimés en 2025 et encore davantage si nous adoptons l’amendement n° II-2071 du Gouvernement.
Certes, le redressement budgétaire est une nécessité que nous partageons, mais nous demeurons évidemment convaincus de l’utilité de cette politique pour soutenir le développement des pays les plus déshérités.
Celle-ci est aussi dans notre intérêt bien compris, que ce soit en termes de sécurité, de lutte contre les migrations incontrôlées et même dans notre intérêt économique eu égard aux nombreuses entreprises françaises qui répondent aux appels d’offres de l’Agence française de développement (AFD).
Puisqu’il nous faut cependant effectuer une retraite en bon ordre, nous souhaitons définir les priorités qu’il nous semble impératif de maintenir malgré cette baisse. J’en vois trois principales.
Premièrement, l’AFD a récemment réinvesti le champ de l’éducation et de la formation professionnelle. Il n’y a pas de plus grand enjeu pour les populations des pays africains, dont l’âge médian avoisine les vingt ans et alors que chaque année des millions de jeunes arrivent sur le marché du travail. Il convient donc, monsieur le ministre, de préserver notre effort dans ce domaine.
Le secteur de l’agriculture, deuxièmement, est également essentiel, non seulement pour garantir la sécurité alimentaire, mais aussi en tant que filière économique qu’il faut structurer pour échapper à l’impasse des économies exportatrices de produits bruts. Notre pays dispose dans ce domaine d’une expertise unique et reconnue. Il faudra donc préserver suffisamment de crédits pour ce secteur.
Troisièmement, nous devrons faire remonter la réserve pour crises majeures dans les prochaines années afin que l’aide humanitaire ne revienne pas à l’étiage que nous avions connu. Les crises, hélas, se multiplient et jouent un rôle évident dans les déplacements de populations et les migrations. Dans ce domaine tout particulièrement, l’image de la France est en jeu.
La politique de solidarité internationale est souvent critiquée pour deux raisons.
D’abord, son manque d’incarnation politique et, par conséquent, de redevabilité démocratique. Nous formons donc le vœu, monsieur le ministre, que nous aurons l’occasion d’échanger de nouveau en commission avec vous, ainsi qu’avec le secrétaire d’État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, notre ancien collègue M. Mohamed Soilihi, que nous saluons.
Ensuite, cette diminution du budget et les réorientations subséquentes devront se faire avec l’appui de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, dont vous nous avez annoncé la mise en place – j’espère que vous nous la confirmerez. Cette commission pourra en effet contribuer à l’identification des domaines où l’impact de chaque euro investi est le plus important.
Sous réserve de ces remarques et de la prise en compte des priorités que j’ai évoquées, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de solidarité internationale repose sur la conviction que la prospérité et la stabilité des nations sont intrinsèquement liées et que notre avenir commun dépend de notre capacité à œuvrer pour un monde plus juste, plus équitable et plus durable.
Ce qui se passe dans les pays en développement, singulièrement en Afrique, a des retombées directes pour l’Europe, que ce soit en termes de santé, de climat, de biodiversité ou de migration.
Avec la baisse drastique des crédits alloués à l’aide publique au développement dans ce projet de budget, nous mettons en péril cette vision. Au surplus, si nous adoptions aujourd’hui l’amendement déposé par le Gouvernement pour réduire encore les crédits, nous affaiblirions gravement les actions soutenues par la France.
De nombreux projets mis en œuvre au plus près des populations seraient annulés ; des programmes d’assainissement, de santé, d’éducation, d’agriculture, de soutien aux organisations féministes seraient interrompus. À titre d’exemple, la baisse prévue représente l’équivalent de la vaccination de plus de 71 millions d’enfants.
Au total, cette diminution draconienne nous conduira à revenir à une aide essentiellement composée de prêts à destination des pays émergents comme la Turquie ou la Chine, comme par le passé, au détriment des pays en grande difficulté.
De même, la baisse de plus de 50 % des crédits humanitaires nous renvoie parmi les États les moins engagés dans ce domaine, alors que notre pays a toujours mis un point d’honneur à soutenir les droits humains, à protéger les populations vulnérables et à lutter contre les inégalités mondiales.
Quel message adressons-nous au monde, qui attend des engagements solides et pérennes afin de permettre aux acteurs locaux de mettre en œuvre des projets à long terme et de soutenir les sociétés civiles dans leur lutte pour les droits humains et la justice sociale ?
Alors que nous devons réorienter l’économie mondiale vers des objectifs écologiques et sociaux, il est difficile de comprendre comment une telle décision pourrait s’aligner avec les valeurs que la France défend. Je pense notamment à l’Afrique : quel signal la France envoie-t-elle à un continent qui bénéficie majoritairement de notre aide, surtout dans la période de tensions géopolitiques que nous observons au Sahel ?
Comment la France peut-elle prétendre peser sur les décisions européennes en matière de réchauffement climatique et de gestion des migrations, alors qu’elle se retire financièrement de la solidarité internationale ?
Cette diminution s’accompagne en outre de la fin du fléchage vers l’aide au développement de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA).
Pourtant, l’affectation de la TTF à la solidarité internationale est tout à fait cohérente. Lors de l’examen de la première partie du PLF pour 2025, le Sénat a voté une hausse du taux de la taxe, en le portant de 0,3 % à 0,4 %. La TTF peut ainsi devenir une source de financement importante et pérenne pour l’aide au développement au cours des prochaines années. Cette hausse permettrait déjà de financer dès cette année l’augmentation des crédits proposée par l’amendement que j’ai déposé avec les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
La commission a donné un avis favorable aux crédits de la mission « Aide publique au développement », mais compte tenu de cette diminution disproportionnée des crédits, j’y suis, avec les membres de mon groupe, défavorable.
La France doit rester fidèle à ses valeurs, à ses engagements, à ses principes. Nous nous devons de soutenir ceux qui en ont le plus besoin pour construire un monde où la solidarité internationale n’est pas une option, mais bien une priorité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et du RDSE. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget alloué à l’aide publique au développement accuse une diminution de 20 %.
On peut le déplorer, mais au vu de l’état particulièrement dégradé de nos finances publiques, il ne pouvait en être autrement. Le projet de loi de finances lui accorde toutefois un budget supérieur à 5 milliards d’euros.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires considère que, à l’heure où tous les Français sont mis à contribution, le budget consacré à cette aide devrait être réduit encore davantage d’autant que notre pays fait partie, depuis de nombreuses années, des premiers pourvoyeurs de l’APD.
Il va sans dire que cette aide a des retombées positives sur les pays les plus défavorisés : elle limite les déplacements de populations, en évitant ou en limitant les conséquences des conflits et des crises économiques. La situation du Sahel reste, à cet égard, particulièrement préoccupante.
Nous savons bien que les crises dans le monde finissent tôt ou tard par avoir un impact direct sur nos concitoyens du fait de l’augmentation des flux d’immigration ou de l’inflation. Les perturbations du commerce mondial causées par les Houthis en sont une très bonne illustration.
La France doit aider les pays les moins développés, mais elle doit commencer par s’aider elle-même, car « charité bien ordonnée… » – vous connaissez l’adage.
Notre pays est passé en quelques années de 2 000 milliards à 3 000 milliards d’euros de dettes. L’année 2024 a été marquée par un dérapage budgétaire qui est déjà très inquiétant en lui-même, mais qui l’est d’autant plus que nos marges de manœuvre n’existent plus.
Dans ces conditions exceptionnelles, le rôle des responsables politiques que nous sommes est de se concentrer sur les priorités. Pour le moment, la première d’entre elles est le rétablissement de nos finances publiques.
En matière d’aide au développement, la priorité est que les efforts soient concentrés sur les pays qui en ont le plus besoin et, surtout, qu’elle parvienne de la manière la plus rapide et la plus effective possible aux populations.
Parce qu’elle a une longue expérience en la matière, la France a toujours privilégié les contacts directs avec les acteurs de la société civile, notamment afin d’éviter que ces fonds soient accaparés par des régimes contestables. À ce titre, nous devons particulièrement veiller à ce que l’aide apportée ne bénéficie pas à nos adversaires.
Il est également indispensable d’améliorer le climat des affaires des pays destinataires de l’aide ; c’est à cette condition que l’aide que nous accordons pourra avoir des effets durables.
Notre pays a fait le choix de recourir à des aides ciblées sous forme de prêts plutôt que de dons, en abandonnant une simple logique d’assistance. Nous tenons à affirmer une fois de plus notre soutien à cette approche. À travers l’aide au développement, les Français investissent pour un avenir meilleur ; il est normal que cette aide ait des contreparties.
La réduction de la dépense publique est toujours difficile ; c’est pourtant un prérequis indispensable si nous voulons éviter la crise budgétaire. L’aide publique au développement est importante ; c’est pourquoi nous soutenons qu’elle doit être plus efficace et ne pas se faire au détriment des Français.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient la baisse et le recentrage de l’aide au développement au vu du contexte budgétaire particulièrement grave que connaît notre pays.
M. le président. La parole est à M. Thierry Meignen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thierry Meignen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant la censure irresponsable du gouvernement de Michel Barnier, la réalité financière de notre pays était déjà inquiétante : poids des dépenses publiques, mur de la dette, risque de dégradation de la note française. Depuis, elle s’est encore aggravée.
Face à cette situation calamiteuse, qui menace à tout instant de déraper encore davantage, la maîtrise de nos comptes publics n’est plus seulement une nécessité, c’est une urgence ainsi qu’un devoir vis-à-vis des Français.
À l’instar de bien d’autres, la mission « Aide publique au développement » participera donc à l’indispensable effort de redressement auquel nous invite ce projet de loi de finances. Sa contribution sera certes particulièrement importante : elle représentera 19 % de ses autorisations d’engagement, 23 % de ses crédits de paiement et même 34,5 %, en intégrant l’économie additionnelle proposée par voie d’amendement.
Cependant, cette baisse doit aussi être mise en perspective au regard des augmentations particulièrement fortes survenues ces dernières années, qui ont permis aux crédits de la mission de doubler en sept ans. Je ne suis pas sûr que, durant cette période, beaucoup de postes budgétaires aient bénéficié d’un tel traitement.
Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes malheureusement plus là et la réalité nous rattrape. La trajectoire financière fixée par la loi de programmation constituait une feuille de route ambitieuse que nous avions largement soutenue, mais une feuille de route, à l’évidence, totalement intenable désormais.
Nous ne sommes d’ailleurs pas le seul grand pays donateur qui, confronté à des difficultés budgétaires, réduit la voilure de ses engagements internationaux. L’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, la Finlande ou encore les Pays-Bas, d’autres pays européens, ont suivi le même chemin.
Finalement, le niveau de l’aide française devrait tout de même atteindre 0,45 % du revenu national brut (RNB) en 2025, contre une moyenne de 0,36 % pour le reste des pays de l’OCDE. En revenant approximativement au niveau qui était le leur en 2021, les moyens de la mission ne tombent donc pas dans l’abîme, tant s’en faut, d’autant plus qu’ils représentent seulement 39 % de l’aide française totale, qui est également abondée par plusieurs autres sources budgétaires.
Convenons-en néanmoins, la baisse est abrupte et l’absorber représentera un défi pour un certain nombre de programmes et d’acteurs. En effet, s’agissant de politiques dont les bénéfices se construisent et se mesurent sur le temps long, ces effets de balancier s’avèrent objectivement préjudiciables.
D’ailleurs, les différents opérateurs de l’aide publique au développement s’inquiètent dès lors pour la pérennité des projets, en particulier dans les pays les plus fragiles, et il est parfaitement compréhensible qu’ils se soient mobilisés pour une action à laquelle ils croient et à laquelle ils consacrent toute leur énergie.
La réalité budgétaire de notre pays, pourtant, ne peut être ignorée plus longtemps. Elle implique de faire des choix, de prioriser, ce qui n’est évidemment jamais chose aisée. Elle nous invite surtout à questionner plus profondément notre modèle d’aide, ses objectifs et ses réalisations.
Au moment où de nouveaux efforts sont demandés aux Français et où le maquis de l’aide publique au développement peut leur sembler particulièrement abscons ou inutilement dispendieux, une telle réflexion relève tout simplement de l’impératif démocratique.
Nos concitoyens, comme les parlementaires que nous sommes, doivent pouvoir connaître plus précisément la nature des projets financés ou garantis par les deniers publics, les finalités qu’ils poursuivent et les résultats qu’ils obtiennent au bénéfice des populations visées, mais aussi pour notre pays lui-même.
À ce titre, permettez-moi de m’interroger sur l’exemple africain. Ce continent est le cœur de notre action depuis des décennies. En outre, notre politique d’aide y est généralement présentée comme un levier fondamental de notre influence. C’est sans doute vrai, comme il est vrai que le travail réalisé sur place a souvent été remarquable.
Néanmoins, en élargissant la focale, je me dois d’observer que la situation interne de nombre des pays autrefois dits « prioritaires » ne s’est guère améliorée et que notre influence est loin d’y avoir suivi une courbe similaire à celle des crédits que nous leur avons consentis ces dernières années.
Dans ces conditions, une remise à plat de nos mécanismes d’aide ne me semble pas constituer un objectif tout à fait incongru. Certes, le Conseil présidentiel du développement et le Cicid ont procédé en 2023 à une réorientation stratégique de notre politique de développement. Seul un temps suffisamment long permettra d’en apprécier la pertinence et l’efficacité. Je me réjouis toutefois que ces instances aient enfin réalisé que notre APD devait être mise au diapason de la nouvelle donne internationale.
En effet, alors que le monde évolue de plus en plus vite et, disons-le sans ambages, de plus en plus souvent à notre détriment, l’aide au développement ne peut plus être conduite en dehors de toute considération pour nos intérêts propres, pas plus, par ailleurs, qu’elle ne peut ignorer les attentes désormais exprimées par les pays récipiendaires.
Une évaluation plus attentive de notre APD est donc aujourd’hui indispensable. Tout doit être passé en revue : ses dimensions – bilatérale ou multilatérale, don ou prêt – ; ses étapes, depuis ses objectifs initiaux jusqu’à ses retombées, en passant par sa mise en œuvre et ses opérateurs ; sa cohérence avec nos autres politiques extérieures, diplomatique, militaire, culturelle ou commerciale ; sa gouvernance et, bien sûr, sa perception par les populations bénéficiaires.
Or nous attendons encore et toujours la mise en place de la commission que la loi de programmation avait prévue pour prendre en charge cette tâche. Celle-ci est pourtant plus urgente que jamais, car la refondation de notre politique d’aide au développement sera une condition essentielle pour permettre, le moment venu, aux crédits de la mission de revenir à meilleure fortune.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est au bénéfice de ces observations et guidé par l’impératif de redressement de nos comptes publics que le groupe Les Républicains votera les crédits proposés pour la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)