M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver cet après-midi pour parler de la mémoire et des anciens combattants, des sujets qui me tiennent profondément à cœur, en hommage à l’héritage de Clemenceau et de Maginot, en cette année du centenaire du Bleuet de France.
Vous connaissez la situation financière extrêmement préoccupante de notre pays. Je me réjouis que, dans le contexte international menaçant qui nous entoure, la trajectoire de réarmement soit pérennisée et que la loi de programmation militaire soit respectée : c’est une exigence pour garantir notre défense. Est-ce à dire que le ministère des armées ne doit pas contribuer aux efforts collectifs pour améliorer la situation financière et économique du pays ? Non.
C’est pourquoi j’ai consciemment fait le choix, dans la situation budgétaire que nous connaissons tous, de proposer des économies pour plus de 50 millions d’euros.
Je le dis tout de suite : cette diminution ne menace aucunement la double exigence de reconnaissance et de réparation que notre pays doit à celles et ceux qui ont pris les armes pour le défendre. Ces exigences ne sont pas négociables. Nous avons une dette envers eux : jamais je ne transigerai sur ce point.
La présentation tardive du projet de loi de finances pour 2025 nous a permis d’affiner les hypothèses sous-jacentes à plusieurs postes de dépenses et de confirmer deux dynamiques.
La diminution des bénéficiaires des pensions, rentes et allocations est une réalité structurelle. Cela nous permet d’ajuster la trajectoire financière et de revoir à la baisse certaines dépenses sans que rien ni personne n’en souffre.
Ensuite, les trois mois qui nous séparent de l’automne ont permis d’affiner les prévisions de facturation de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) pour des prestations servies aux grands invalides, dont les clefs de répartition n’avaient pas été revues depuis plus de dix ans.
Une étude approfondie a permis de constater une moindre dépense significative. Cette démarche technique ne remet pas en cause, d’une manière ou d’une autre, le niveau et la qualité des prestations délivrées. Là encore, cela n’aura aucun impact sur les bénéficiaires.
Ces deux éléments justifient l’amendement du Gouvernement visant à réduire les crédits de plus de 50 millions d’euros. Ce que je vous propose s’inscrit donc dans une logique de sincérisation du budget, car j’ai tenu à participer à l’effort qui est demandé à tous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le budget que je présente s’élève ainsi à un peu plus de 1,85 milliard d’euros. Il préserve toutes les composantes de la politique de réparation et de reconnaissance, tout comme il sanctuarise le programme 158, ce qui est une obligation morale à l’heure où le retour de l’antisémitisme exige une réponse résolue – j’y reviendrai.
J’entre désormais dans le détail. Comme l’an passé, ce budget est construit sur plusieurs piliers.
Le premier pilier, c’est la valeur du point de la pension militaire d’invalidité. Je suis fière de confirmer qu’elle passe de 15,90 euros à 16,07 euros, soit une légère hausse par rapport aux hypothèses de l’automne. C’est un levier central pour le pouvoir d’achat du monde combattant, pour reprendre vos mots, madame la rapporteure pour avis. Je sais que vous suivez tout particulièrement ce sujet, avec le rapporteur spécial Marc Laménie et les membres du groupe sénatorial d’études « Monde combattant et mémoire » que vous présidez.
Le deuxième pilier est celui de la mémoire combattante, de sa conservation comme de sa transmission.
Dès le mois d’octobre 2023, nous sommes entrés dans le cycle des 80 ans des débarquements et de la Libération.
Mesdames les sénatrices Émilienne Poumirol et Marie-Claude Lermytte, monsieur le sénateur Akli Mellouli, vous m’avez interrogée sur la baisse des crédits dédiés aux commémorations. L’essentiel de ces commémorations ayant eu lieu l’année dernière, ce projet de budget est en phase d’atterrissage et diminue logiquement.
L’année 2024 fut celle de la mémoire des débarquements, des combats de la Résistance et de la chevauchée victorieuse jusqu’à Strasbourg.
L’année 2025 célèbrera, elle, la courte année 1945 avec les derniers épisodes de la Libération, comme ceux des poches de Colmar et de l’Atlantique, où se sont illustrés des combattants de la France d’outre-mer.
Ce sera aussi la remémoration du retour des « absents », les prisonniers, mais aussi les déportés, avec la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier prochain.
Le retour des déportés doit être l’occasion d’approfondir les réflexions sur les causes et les manifestations de l’horreur nazie, qui ont aujourd’hui davantage muté que disparu. À cette fin, 1 million d’euros de mesures nouvelles seront consacrés au Mémorial de la Shoah, afin qu’il puisse continuer de mener ses précieuses actions de transmission de la mémoire, d’éducation à l’altérité et d’enseignement d’une page sombre de notre histoire.
Enfin, nous célébrerons la victoire sur l’Allemagne nazie.
Ce cycle prendra fin le 2 septembre prochain, lorsque nous commémorerons les 80 ans de la capitulation du Japon. Ce sera l’occasion de mettre à l’honneur le souvenir héroïque des combattants du Pacifique.
Comme l’année passée, il faut que nos commémorations soient l’occasion de grandes célébrations, d’une communion mémorielle qui rassemblera chacun de nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et ceux qui ont rendu la liberté à notre pays. J’aurai besoin de chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour partager cet engouement populaire dans vos territoires et embarquer notre belle jeunesse.
Je m’engage, comme je l’ai fait dès mon arrivée au ministère des armées au mois de juillet 2022, à délocaliser les cérémonies de commémoration des journées nationales d’hommage chaque fois que cela sera possible et aura du sens. Je sais que vous y êtes très sensibles.
Le troisième pilier est l’accompagnement de nos militaires blessés. C’est la logique du plan Blessés, dont le ministre des armées, Sébastien Lecornu, m’a confié la charge.
Cela débute par plus de 7 millions de mesures nouvelles au profit de la transformation de l’Institution nationale des Invalides pour consolider cette remarquable institution, héritière de trois cent cinquante ans de solidarité nationale.
Cette année, avec 1 million d’euros supplémentaires, nous ouvrirons près de Colmar une sixième maison Athos, ce dispositif de réhabilitation psychosociale qui vient en aide aux blessés psychiques. Nous poursuivrons aussi les réflexions qui ont été engagées sur les conditions d’ouverture d’un dispositif maison Athos outre-mer.
Pour faire écho aux succès remportés par l’Armée de champions lors des jeux Olympiques et Paralympiques, un nouveau dispositif de 300 000 euros permettra de rembourser intégralement des prothèses de nouvelle génération à but sportif pour encourager la réhabilitation par le sport, que l’on sait si efficace pour nos militaires blessés.
Le quatrième pilier concerne l’attention particulière que nous continuons de porter aux harkis.
Après la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, ce sont plus de 11 millions d’euros supplémentaires qui sont inscrits dans ce budget. Au total, les mesures en faveur des harkis s’élèvent à plus de 123 millions d’euros, dont 70 millions pour le droit à réparation.
Les conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 4 avril 2024 relative aux harkis sont, par ailleurs, bien prises en compte dans ce projet de ce budget.
Nous n’oublions évidemment pas la jeunesse.
Des mesures nouvelles à hauteur de 15 millions d’euros permettent de renouveler significativement l’organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Elle sera repensée en profondeur afin de devenir un véritable moment de rencontre entre notre jeunesse et nos armées.
Cette refonte permettra aussi de repenser les modalités de recensement des Français afin de disposer demain, comme l’a dit le ministre des armées, des données qui seront le cœur souverain de la capacité des armées à mobiliser en cas de besoin. Recenser les volontariats comme les compétences, voilà un objectif utile à la résilience de la Nation.
J’ajouterai un mot sur le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ». Cette année, plus de 85 millions d’euros sont consacrés au financement des dispositifs d’indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Le maintien de cet effort financier traduit le soutien constant du Gouvernement envers les victimes de l’antisémitisme.
En 2025, alors que nous commémorerons les 80 ans de la libération des camps, il était impensable de diminuer les crédits de ce programme. Alors que les actes antisémites sont en nette augmentation, alors que certains cherchent à importer un conflit étranger en France, la mémoire de la Shoah doit servir de guide pour ceux qui, comme moi, croient que la promesse républicaine repose sur l’insécabilité du lien qui unit la liberté, l’égalité et la fraternité.
N’oublions jamais ce qu’a dit l’un d’entre vous, Robert Badinter, qui entrera bientôt au Panthéon : « Les morts nous écoutent. »
Vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget place la mémoire, le monde combattant et le lien entre les armées, la Nation et la jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. En votant ce budget, vous apporterez votre pierre à l’édifice de la résilience de la Nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. Je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure trente.
En conséquence, nous devons terminer l’examen aux alentours de quinze heures trente-cinq afin de passer à l’examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Neuf amendements sont à examiner.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation |
1 901 882 102 |
1 905 972 102 |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
1 816 528 043 |
1 820 618 043 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale |
85 354 059 |
85 354 059 |
dont titre 2 |
1 589 256 |
1 589 256 |
M. le président. L’amendement n° II-2179, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
|
51 477 474 |
|
51 477 474 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
51 477 474 |
|
51 477 474 |
SOLDE |
- 51 477 474 |
-51 477 474 |
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Comme je viens de l’expliquer dans mon propos liminaire, j’ai souhaité, en conscience, que mon ministère participe à l’effort budgétaire indispensable à la continuité de l’État. J’ai voulu que cette trajectoire budgétaire soit soutenable pour garantir la souveraineté de la Nation et la préservation de son modèle politique et social.
Cela signifie que nous ne touchons pas au réarmement engagé depuis 2017 et conforté par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, sur laquelle nous avons tous longuement travaillé. Nous faisons porter cet effort sur le programme 169, en réduisant de 51,5 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Nous nous sommes appuyés sur les travaux conduits depuis le dépôt du projet de loi de finances au mois d’octobre dernier.
Premièrement, la répartition fondant le remboursement à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) par le ministère des armées de soins hospitaliers au profit de grands invalides de guerre n’est plus d’actualité. Après des études menées par la direction de la sécurité sociale, la Cnam et la direction du budget, l’actualisation a fait émerger des économies de l’ordre de 50 millions d’euros.
Deuxièmement, les dynamiques démographiques à venir allégeront les charges liées aux pensions militaires d’invalidité et aux allocations de reconnaissance du combattant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, c’est la troisième fois que je me présente devant vous pour défendre le budget de cette mission. Les deux précédentes années, j’ai réussi à maintenir les crédits sans avoir à procéder à des économies afin de pouvoir prendre de nouvelles mesures – celles-ci seront maintenues.
Avec cet amendement, nous tirons les conclusions des travaux qui ont été menés, dans un contexte où j’ai refusé toute amputation du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous l’assure, cette baisse de crédits n’affectera aucun bénéficiaire, ce qui était évidemment ma ligne rouge.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je tiens tout d’abord à remercier tous ceux qui se sont exprimés sur cette mission.
L’amendement du Gouvernement, que la commission des finances n’a pas examiné d’un point de vue technique, vise à prévoir la réduction d’environ 51 millions d’euros des crédits du programme 169, qui concentre plus de 95 % des crédits de la mission. En revanche, les crédits du programme 158, lequel est hautement symbolique, ne sont pas réduits.
Compte tenu des enjeux importants auxquels nous devons faire face, nous sommes sensibles aux économies qui peuvent être faites. En l’occurrence, comme vous l’avez rappelé fort justement, madame la ministre, dans un esprit de solidarité, cette réduction ne pénalise absolument pas les ayants cause, qu’il s’agisse de pensions militaires d’invalidité ou d’allocations de reconnaissance du combattant.
Cet amendement va le sens de la sincérisation du budget de cette mission, dont les crédits s’élèvent globalement à presque 2 milliards d’euros.
Je rappelle, par ailleurs, que des mesures fiscales ont été prises pour aider certaines personnes seules ; je pense notamment à la demi-part fiscale dont bénéficient les titulaires de la carte d’ancien combattant, et dont peuvent bénéficier leurs veufs et veuves.
Enfin, on constate une stabilité des crédits de cette mission, qui préservent la notion, fondamentale, de respect dû aux anciens combattants.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement qui vise à procéder à la sincérisation budgétaire.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise a priori à réaliser des économies.
Si j’ai bien compris, madame la ministre, il s’agit de supprimer le décalage qui existait entre les soins dont bénéficient les grands invalides et les facturations qui étaient établies jusqu’à présent par la Cnam, écart qui se serait accumulé sur plusieurs années.
Je voudrais être certain de ne pas me tromper. Si l’on supprime 51 millions d’euros correspondant aux facturations de la Cnam, le déficit de la sécurité sociale va augmenter.
Il s’agirait donc, dans un objectif de clarification, de supprimer ces facturations en trop, ce qui aura pour effet de diminuer les recettes de la branche maladie de la sécurité sociale. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que mon raisonnement est bon ?
Tout comme les membres du groupe Union Centriste, je voterai en faveur de cet amendement. Pour autant, je n’ai pas vraiment saisi, en écoutant les propos de la ministre et du rapporteur spécial, s’il s’agissait d’un transfert. Étant un défenseur de la vérité des prix, je préfère que le déficit soit réellement là où il doit être, c’est-à-dire au niveau de la branche maladie, plutôt que dans le budget de l’État.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Je ne reprendrai pas les propos qui ont été tenus sur le respect dû au monde combattant.
À mon sens, ce projet de loi de finances prend un tour inquiétant : dans un prétendu souci de sincérisation, on n’arrête pas de donner des coups de rabot. Ainsi, sur toutes les lignes budgétaires, on nous fait le coup de la sincérisation à la baisse !
Puisque le débat sur la première partie a été tronqué et que l’on doit reprendre l’examen du projet de finances, il nous faudrait valider toutes les réductions de crédits que nous propose le Gouvernement.
Pourtant, alors que tant Mme la ministre que les différents orateurs ont fait état de l’indispensable travail de mémoire qu’exigeait la situation de notre pays et de la société française, où l’on voit d’anciens relents resurgir, on nous dit qu’il faut aussi réduire les crédits dans ce domaine. C’est incohérent !
Puisque ce projet de budget devient totalement insincère, le groupe GEST votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de vous apporter davantage d’explications.
Je vous l’ai dit, pendant deux ans, j’ai tenu à maintenir le budget de cette mission afin de mener de nouvelles actions. Toutefois, par solidarité gouvernementale, il faut contribuer à l’effort. C’est pourquoi, tout au long de cette semaine, j’ai travaillé avec mon équipe pour et où faire des économies de plusieurs millions d’euros
C’est par des mesures d’actualisation qui n’avaient pas été réalisées depuis une dizaine d’années qu’il a été possible de réaliser ces économies, lesquelles, de fait n’en sont pas vraiment.
Nous avons aujourd’hui la capacité de travailler sur cette actualisation avec la direction du budget, la Cnam et la sécurité sociale. Je peux donc vous confirmer qu’il s’agit non pas d’un report de dette sur la sécurité sociale, mais simplement d’une actualisation, car le budget alloué ne correspondait pas à la réalité.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, alors que nous avons repris nos travaux sur ce projet de budget, nous découvrons, mission après mission, des amendements du Gouvernement. En l’occurrence, on apprend qu’une actualisation n’a pas été faite pendant dix ans… Dont acte.
Je ne mets pas en doute la sincérité de vos propos, madame la ministre, mais les personnes concernées réagiront peut-être.
Il y a tout de même là un sujet ! Pour ma part, je m’interroge : doit-on poursuivre la procédure budgétaire comme si de rien n’était ?
Vous nous expliquez le travail que vous menez depuis deux ans – je ne doute pas de l’authenticité de votre engagement. Pourtant, depuis, il s’est passé des choses dans ce pays – élections législatives, censure du gouvernement… – et l’on continue, bon an mal an.
Je soumettrai donc à mon groupe une proposition relative à notre procédure budgétaire. En effet, nous ne pouvons pas voir arriver des amendements du Gouvernement que nous n’avons pas le temps d’étudier, et faire comme si de rien n’était. Les budgets des missions devraient être renvoyés en commission, afin que nous puissions les examiner à nouveau.
Pour notre part, nous n’avons pas le droit de faire des propositions. Alors que nous ne pouvons pas déposer de nouveaux amendements, on nous en soumet d’autres ! Va-t-on continuer à examiner les missions comme cela, avec des amendements gouvernementaux qui ne cessent de tomber, jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire ?
Cette situation nous met tous en difficulté, l’opposition sénatoriale comme la majorité.
Réfléchissons-y : poursuit-on le débat sur les missions sans rien dire ou les renvoie-t-on en commission pour qu’elles soient examinées de façon pluraliste, comme on sait le faire ici, au Sénat ?
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Si j’ai bien compris, ces 50 millions d’euros prévus de façon récurrente n’étaient pas dépensés ; aujourd’hui on sincérise le budget de cette mission en les ôtant dudit budget.
C’est une sincérisation, et non une économie.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Comme Pascal Savoldelli, je ne doute pas de votre sincérité et du travail que vous avez pu faire, madame la ministre.
Pour autant, depuis mercredi dernier, nous examinons les budgets des différentes missions et nous constatons que, deux heures avant l’ouverture de la séance, un nouvel amendement de suppression de crédits arrive. Je l’ai vécu jeudi dernier avec la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C’est systématique !
Notre collègue Bazin vient de dire qu’il ne s’agissait pas d’une suppression de crédits, puisque ceux-ci n’étaient pas utilisés. Cela signifierait que nous avions, les années précédentes, des budgets insincères, puisque nous prévoyions des dépenses qui n’étaient pas réalisées.
Je ne doute pas de votre honnêteté, mais comment se fait-il qu’il n’y ait pas de suivi des dépenses réelles, année après année ? Finalement, on a systématiquement voté un budget comprenant 50 millions d’euros de trop ; j’entends bien que les grands invalides sont de moins en moins nombreux, donc que les remboursements d’actes chirurgicaux, ou autres, diminuent…
Avons-nous vraiment voté des dépenses de façon insincère, faute d’avoir contrôlé si elles avaient été consommées ou non ?
On nous présente depuis trois jours des réductions de crédits sous prétexte de sincérisation et de contrôle. Cet argument me dérange. Le groupe SER ne votera donc pas cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1685 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Antoine, M. Delcros et Mmes N. Goulet et Vermeillet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
|
7 000 000 |
|
7 000 000 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
|
23 000 |
|
23 000 |
TOTAL |
|
7 023 000 |
|
7 023 000 |
SOLDE |
-7 023 000 |
-7 023 000 |
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Compte tenu de l’adoption de l’amendement du Gouvernement, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° II-1685 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-85 n’est pas défendu.
L’amendement n° II-32, présenté par M. Laménie, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
1 000 000 |
|
1 000 000 |
SOLDE |
- 1 000 000 |
- 1 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Puisque l’amendement du Gouvernement a été adopté et que des explications légitimes et sincères viennent de nous être apportées – je remercie sincèrement Mme la Ministre et mes collègues d’avoir tenu un langage de vérité, car il est important d’aborder ces sujets avec force, conviction et respect –, je retire cet amendement, qui était un amendement d’appel.
M. le président. L’amendement n° II-32 est retiré.
L’amendement n° II-968 rectifié, présenté par M. Fernique, Mmes Belrhiti et Drexler, MM. Kern, Khalifé et Klinger, Mme Muller-Bronn, M. Reichardt, Mmes Schalck et Schillinger et M. M. Weber, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Reconnaissance et indemnisation des orphelins des incorporés de force d’Alsace et de Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
|
29 410 094 |
|
29 410 094 |
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
|
|
|
|
Reconnaissance et indemnisation des orphelins des incorporés de force d’Alsace et de Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale |
29 410 094 |
|
29 410 094 |
|
TOTAL |
29 410 094 |
29 410 094 |
29 410 094 |
29 410 094 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Notre Nation a une dette à l’égard de l’Alsace-Moselle. Tel est l’objet de cet amendement transpartisan qu’ont signé onze sénatrices et sénateurs de ces trois départements.
Il y a dette parce qu’il y a eu manquement, d’abord du fait de l’abandon face à l’annexion de fait datant de 1940 : les citoyens français d’Alsace-Moselle ont été laissés à leur terrible sort. Cette réalité a longtemps été occultée. Cette injustice s’est prolongée parce que des décennies ont passé avant qu’il soit admis qu’il s’agissait bien d’une annexion, et non d’une occupation.
De cette annexion a résulté le crime de masse qu’a été l’incorporation de force. Toute une population masculine entre 17 et 36 ans fut contrainte, contre sa conscience nationale, à porter les armes sous un uniforme qu’elle détestait. On imposa à ces hommes le statut de traître et, pour les survivants et leurs proches, il a fallu vivre avec cet opprobre. Les apparences étaient contre eux et ils ont préféré se taire, alors que, comme l’écrit l’historien Jean-Laurent Vonau, il aurait fallu crier au monde entier la vérité du crime qu’ils avaient enduré.
Des 130 000 enrôlés de force, 40 000 ne sont pas revenus. Qui sait qu’au total, à l’échelle du pays, un Français sur cinq morts durant la Seconde Guerre mondiale est un Alsacien-Mosellan ?
L’Allemagne, sans clairement reconnaître le crime, a versé 250 millions de deutschemarks en 1981 pour les survivants, mais rien pour les orphelins.
La France, enfin, en 2010, a rendu leur dignité aux incorporés de force par la voix du président Nicolas Sarkozy. Cette reconnaissance nationale qu’ils n’étaient pas des traîtres vient d’être renouvelée par le président Emmanuel Macron à Strasbourg le 23 novembre dernier, avec les mots justes qu’il fallait.
Il revient à présent à la représentation nationale de concrétiser cette reconnaissance en faisant ce geste pour les enfants qui ont été privés de leur père. Quelque 3 500 de ces orphelins, très âgés, sont encore vivants, et nous le leur devons avant qu’il n’y en ait plus un seul.