M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Cet amendement important est soutenu par nos collègues de Moselle et d’Alsace.
Il est vrai que les orphelins des malgré-nous sont exclus de cette définition, alors qu’ils ont incontestablement un besoin de reconnaissance et de conservation de cette mémoire. C’est nécessaire, voire indispensable.
Certes, les malgré-nous ont été assimilés aux anciens combattants en 1945. Leurs orphelins sont pupilles de la Nation et peuvent bénéficier de l’action sociale de l’ONaCVG – j’en profite pour saluer le travail de cette structure dans nos territoires et départements respectifs.
Il est vrai que le dispositif proposé aura un coût financier de 29,4 millions d’euros ; pour autant, il faut toujours mettre en avant l’aspect humain. Par ailleurs, les éventuels bénéficiaires pourront faire le choix d’une indemnité sous forme de rente.
Sur cet amendement, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à rappeler que les orphelins d’incorporés de force bénéficient du soutien de l’ONaCVG, comme vient de le dire M. le rapporteur spécial, en leur qualité de pupilles de la Nation. Ils ont exactement les mêmes droits à pension que les fils et filles des morts pour la France, et bénéficient d’aides de secours en cas de maladie, d’absence de ressources ou de difficultés momentanées.
Je rappelle également que ces orphelins ont reçu le versement d’une allocation unique financée par l’Allemagne, versée à leur mère ou bien à eux directement lorsqu’ils étaient orphelins de père ou de mère.
Toute mesure supplémentaire d’indemnisation des orphelins d’incorporés de force ne me paraît pas pertinente, d’autant qu’elle créerait une distorsion de situations avec les orphelins des autres morts pour la France.
Le Gouvernement est très attaché au périmètre actuel d’indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, de la Shoah et de la déportation, pour laquelle l’État français a reconnu sa part de responsabilité, responsabilité qui doit rester singulière.
Pour autant, nous devons donner toute sa place à la mémoire des incorporés de force dans notre mémoire nationale, ce qui constitue une tâche d’ampleur. Nous devons y travailler résolument, en faisant figurer cet épisode dans les manuels scolaires, en soutenant la recherche historique et le développement d’activités mémorielles. J’ai d’ailleurs demandé à la Mission du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire d’accentuer son soutien à des laboratoires de recherche, pour faire émerger des projets scientifiques sur ce thème.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, je m’attendais à l’argument sur le risque de distorsion de situations, lequel justifierait l’avis défavorable du Gouvernement.
Je tiens à dire combien la douleur liée à cette tragédie spécifique impose la reconnaissance de cette mémoire.
À Colmar, en 2010, la République, par la voix de Nicolas Sarkozy, disait aux incorporés de force, « à leurs familles, à leurs enfants […], aux survivants de cette tragédie, […] que ceux qui les ont abandonnés, ceux qui n’ont rien fait pour empêcher cette ignominie perpétrée contre des citoyens français, ont trahi les valeurs de la France, l’ont déshonorée ».
Le 23 novembre dernier, à Strasbourg, l’actuel Président de la République a dit, à juste titre, de ces enfants d’Alsace et de Moselle qu’ils furent mis « au service d’une cause qui les faisait esclaves » et qu’ils « comprirent parfois aussi dans leur rang des enfants perdus qui endossèrent la cause néfaste du Reich », ajoutant : « Il nous faut reconnaître les souffrances que les premiers subirent, celles que les seconds dans leur petit nombre causèrent. »
Madame la ministre, la reconnaissance des souffrances résultant de cet abandon de 1940 et de ce crime de masse commis de 1942 à 1945 devra aller au-delà des mots, même s’ils sont essentiels.
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste cinq minutes pour examiner les quatre amendements restant en discussion.
L’amendement n° II-1626, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Briquet, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, dans mon intervention liminaire, je n’ai pas évoqué la diminution des crédits destinés aux commémorations, car je sais bien que leur montant sera moins important en 2025 que l’année dernière, à l’occasion de laquelle nous avons célébré l’anniversaire de la Libération.
Cet amendement a trait aux retraites des veuves de harkis. En 2015, nous avons voté une rente viagère pour les veuves dont les époux étaient décédés à partir de 2016. La loi introduit une différence entre les pensions des veuves, selon que leur mari est décédé avant ou après 2016, ce qui constitue une incongruité.
J’ai cru comprendre qu’un amendement à l’objet similaire avait été adopté l’année dernière. Si tel est le cas, je retirerai bien évidemment mon amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. L’amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Un amendement à l’objet similaire ayant bien été adopté l’année dernière, cet amendement est satisfait.
M. le président. Madame Poumirol, l’amendement n° II-1626 est-il maintenu ?
Mme Émilienne Poumirol. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-1626 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-533 rectifié est présenté par Mmes Micouleau et Richer, M. Allizard, Mmes Belrhiti, Berthet et V. Boyer, M. Bruyen, Mme Di Folco, MM. Genet et Gremillet, Mmes Joseph et Lassarade et MM. Michallet, Milon, Panunzi, Piednoir, Rietmann, Sol, Somon et P. Vidal.
L’amendement n° II-1625 est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Briquet, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° II-1743 est présenté par M. Benarroche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation |
92 290 |
|
92 290 |
|
Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale dont titre 2 |
|
92 290 |
|
92 290 |
TOTAL |
92 290 |
92 290 |
92 290 |
92 290 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour présenter l’amendement n° II-533 rectifié.
Mme Catherine Di Folco. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° II-1625.
Mme Émilienne Poumirol. Tous les ans, de façon répétitive, nous défendons cet amendement.
Jusqu’à présent, ils étaient 27 ; ils ne sont plus que 22 supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d’Algérie. Le Conseil constitutionnel a estimé que les demandes ou renouvellements de demande des supplétifs déposés entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 étaient éligibles à l’attribution de l’allocation de reconnaissance.
J’y insiste, cela concerne aujourd’hui 22 supplétifs. Si l’on attend encore, ils finiront naturellement tous par mourir. La dépense serait de l’ordre de 92 000 euros ; les fédérations de rapatriés y sont, en particulier, très attachées.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Certes, ce sujet, que nous examinons tous les ans, mérite respect et reconnaissance, mais notre volonté d’objectivité et de sincérisation du budget nous conduit à demander le retrait de ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Pour être tout à fait exacte, j’ai demandé le chiffre du dernier comptage : ces supplétifs ne sont plus que vingt.
Il se trouve que je n’ai aucun dossier en cours : je ne puis donc y répondre. Néanmoins, je suis le sujet, puisque des amendements similaires sont déposés chaque année.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Poumirol, l’amendement n° II-1625 est-il maintenu ?
Mme Émilienne Poumirol. Oui, monsieur le président, je maintiens cet amendement, car les associations de rapatriés nous proposent chaque année de le déposer.
Vous l’avez dit, madame la ministre, ces supplétifs ne sont plus que vingt. Il a été question de sincérisation du budget : la dépense pourrait facilement être englobée dans ce budget.
Cette mesure répond au devoir qui est le nôtre d’assurer reconnaissance et égalité. Il est de notre responsabilité de défendre les supplétifs encore en vie qui ont servi la France au moment de la guerre d’Algérie.
M. le président. Madame Di Folco, l’amendement n° II-533 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Di Folco. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-533 rectifié et II-1625.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-sept.)
M. le président. La séance est reprise.
Régimes sociaux et de retraite
Compte d’affectation spéciale : Pensions
Transformation et fonction publiques
Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Gestion des finances publiques
Crédits non répartis
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », du compte d’affectation spéciale « Pensions », de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Gestion des finances publiques » et de la mission « Crédits non répartis ».
La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma présentation des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions » change vraiment par rapport à celle que j’ai faite le 5 novembre dernier devant la commission des finances.
Pour cause, le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale entraîne une revalorisation des pensions automatique de 2,2 % au 1er janvier 2025 au lieu de 0,8 % prévus au mois de juillet dernier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial, soit un surcoût de près de 1 milliard d’euros pour l’État ! Ce milliard d’euros imprévu va plomber le solde tout à fait précaire de notre système de retraites. Puisqu’il est dans tous les esprits, je ne peux qu’abonder dans le sens du nécessaire équilibre financier à trouver, sauf à condamner notre système par répartition.
En effet, la tentation est grande de basculer vers un peu de capitalisation, mais cela ne réglerait en rien l’équation. Si la capitalisation est optionnelle et additionnelle aux cotisations actuelles, elle ne comblera pas le déficit structurel du système. Si elle se substitue pour partie à l’actuel système par répartition, elle aggravera bien évidemment le déficit, car ce qui serait demain cotisé pour soi ne viendrait plus payer les pensions des retraités actuels.
Je mets donc en garde contre l’idée de fragiliser notre système par répartition : au-delà du gouffre financier que cela entraînerait, c’est l’esprit de solidarité intergénérationnelle, fondateur de la sécurité sociale, qui serait remis en cause.
Y a-t-il une solution ? Oui ! Elle se situe dans notre taux d’emploi. Je partage l’analyse de Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites (COR) : « Le taux d’emploi de la population âgée de 15 à 64 ans s’élève à 82 % aux Pays-Bas contre 69 % en France. Rattraper le taux d’emploi des Pays-Bas signifierait une croissance de notre emploi de 20 %. Même en supposant que les nouveaux embauchés aient une productivité moitié moindre que les actifs, cela élèverait le PIB d’environ 10 % et compte tenu d’un taux de prélèvements obligatoires supérieur à 45 %, les recettes publiques augmenteraient de 140 milliards d’euros par an. » Vous avez bien entendu ! Comment ne pas y réfléchir ? La marge est si grande qu’un compromis doit être possible.
En outre, parce que ce n’est jamais dit, je souhaite rappeler que la réforme de 2023 a eu des effets redistributifs marqués, notamment en faveur des plus petites retraites, dont le montant s’accroît de 12 %, alors que les pensions les plus élevées régressent légèrement. En outre, le niveau de pension à la liquidation croît en moyenne de 3,4 % pour les femmes, contre 1,7 % pour les hommes.
J’en viens aux crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite », dont le montant atteint 5,9 milliards d’euros, en intégrant deux amendements du Gouvernement qui actent d’une sous-consommation des crédits de 193 millions d’euros pour 2024 et de la revalorisation des pensions de 2,2 % au 1er janvier 2025 pour 119 millions d’euros. Ils sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.
La maquette budgétaire intègre enfin cette année les régimes de la Comédie-Française et de l’Opéra de Paris. Un amendement auquel la commission est favorable permettra, de plus, d’intégrer à la mission le régime des gérants de tabacs.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions » s’élèvent à 69,3 milliards d’euros. L’incidence de la revalorisation de 2,2 % est de 856 millions d’euros. Ce supplément aura pour autre conséquence de rendre déficitaire le solde cumulé du compte d’affectation spéciale « Pensions » dès 2026, au lieu de 2027. En vertu de la Lolf (loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances), il doit être équilibré à tout moment. Ainsi, l’État, qui relève déjà dès cette année de quatre points son taux de contribution employeur, devra de nouveau l’augmenter l’an prochain, ce qui sera source de dépenses supplémentaires !
La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) doit aussi augmenter son taux de cotisation employeur de quatre points face à l’effondrement de son ratio démographique : moins de recrutements, donc moins de cotisants, et un recours massif à des contractuels qui, eux, cotisent au régime général et à l’Agirc-Arrco. À la différence du régime général toutefois, la CNRACL ne bénéficie pas d’un apport de CSG.
Pour mieux comprendre, il serait vraiment utile de disposer d’un document consolidant les six régimes de la sphère publique : le service des retraites de l’État (SRE), la CNRACL, l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et la retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp).
Chers collègues, malgré les hausses importantes de crédits liées au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous propose d’adopter les crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale, puisqu’il s’agit d’honorer le versement des pensions de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter en quelques minutes la position de la commission sur les trois missions et le compte d’affectation spéciale qui couvrent le périmètre de Bercy.
La commission vous proposera d’adopter l’ensemble de ces crédits, sous réserve de leurs modifications par ses trois amendements.
La mission « Gestion des finances publiques » porte des crédits d’administrations cruciales pour la gestion des dépenses et des recettes de l’État, ainsi que pour nos concitoyens puisqu’il s’agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ces administrations prennent toute leur part dans l’effort de redressement des finances publiques engagé par le projet de loi de finances. Cela se traduit par une stabilisation des crédits de la mission, après deux années consécutives d’augmentation et, surtout, par la baisse des dépenses de fonctionnement d’environ 1 %. Je salue également l’effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui se poursuit et s’intensifie en 2025.
Je relève par ailleurs avec satisfaction que la contribution de la DGFiP et des douanes au redressement de nos comptes publics ne remet pas en cause les chantiers prioritaires des dernières années. Je pense notamment aux dépenses informatiques, qui ont longtemps servi de variable d’ajustement et qui sont préservées dans ce projet de loi de finances. Ces dépenses sont essentielles pour résorber la dette technique des administrations de Bercy et développer de nouvelles applications à même de produire des gains de productivité à moyen terme.
Les moyens consacrés à la lutte contre la fraude et les trafics de toute nature sont également renforcés. En témoignent la poursuite de la modernisation des moyens de contrôle des douanes, notamment au travers de l’acquisition de nouveaux scanners, et la création d’une nouvelle unité de renseignement fiscal, dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques.
Le Gouvernement s’était engagé lors de la présentation de ce plan au mois de juin 2023, à recruter 1 500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale à l’horizon de 2027. Madame la ministre, compte tenu du contexte budgétaire difficile, le Gouvernement sera-t-il en mesure de tenir cet objectif ?
Je conclus mon propos sur cette mission en exprimant un regret concernant le déploiement des conseillers aux décideurs locaux pour les collectivités territoriales, les fameux CDL. Aujourd’hui, ce sont 913 conseillers qui sont en poste, alors que la cible initiale était fixée à 1 200. Cette cible a été revue à la baisse et est désormais fixée à un peu moins de 1 000 conseillers. Il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors même que la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux est saluée par les collectivités – tous les maires dans nos départements peuvent en témoigner et ils le font d’ailleurs bien volontiers.
J’en viens à la mission « Crédits non répartis ».
La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles prévoit une ouverture de crédits raisonnable, à hauteur de 125 millions d’euros. Par ailleurs, 70 millions d’euros étaient inscrits sur la provision relative aux rémunérations publiques, mais l’amendement déposé par le Gouvernement a vocation à les supprimer intégralement. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur le sort qui sera réservé aux mesures qui devaient initialement être financées par cette dotation.
Sur la mission « Transformation et fonction publiques » et le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », je m’attarderai sur deux éléments principaux.
En premier lieu, je souligne la baisse marquée des moyens de la mission « Transformation et fonction publiques » en 2025, dans le cadre de l’effort de redressement des finances publiques.
Ainsi, à périmètre constant, la réduction des crédits de la mission est de 21,6 % en crédits de paiement, soit une diminution de plus de 220 millions d’euros, pour aboutir à un montant de 800 millions d’euros.
En autorisations d’engagement, certes, la baisse est moins importante, mais elle n’en demeure pas moins substantielle, de 8,3 %, avec une dotation de 1,081 milliard d’euros en 2025. Cette évolution tire la conséquence logique de la sous-consommation chronique des crédits de plusieurs programmes, avec d’importants retards constatés en matière de décaissement.
Concernant la rationalisation de la gestion de la fonction publique, le précédent gouvernement a prévu de modifier les conditions d’indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique, en les alignant sur les conditions du secteur privé. Cette évolution devait inciter à la réduction de l’absentéisme et permettre des économies significatives, de l’ordre de 400 millions d’euros pour la seule fonction publique de l’État et de 1,2 milliard d’euros pour l’ensemble de la fonction publique. À cet égard, je regrette que le Premier ministre soit dernièrement revenu sur une partie de cette réforme, en renonçant au passage du délai de carence d’un à trois jours, mesure que je soutiendrai par amendement.
En second lieu, je souhaite mettre en avant la finalisation prochaine du programme de rénovation des cités administratives, qui couvre au total 36 sites et dont 15 projets ont déjà été réceptionnés au 30 août dernier. Je rappelle que le programme a été créé dans la loi de finances initiale pour 2018 et que les travaux n’ont débuté qu’en 2022.
Aussi, je me félicite de la mise en œuvre du projet de foncière de l’État, rendue possible par le Gouvernement au travers d’un article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques », et dont un « pilote », c’est-à-dire une expérimentation territoriale, devrait être déployé en 2025 dans deux régions, Grand Est et Normandie. Ce projet de foncière interministérielle publique, conçue sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Épic) qui percevra des loyers de la part des administrations occupantes, devrait notamment se traduire par la réduction des surfaces occupées.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé la création d’un fonds spécial, entièrement dédié à la réforme de l’État, qui serait financé en cédant une partie des actifs, en particulier immobiliers. Mme la ministre pourra sans doute nous apporter des précisions sur ce fonds spécial et son articulation avec le déploiement de la foncière de l’État.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».
L’évolution des crédits budgétaires qui leur sont dévolus dépend notamment de la revalorisation annuelle des pensions sur l’inflation, ce qui influe sur le montant des pensions.
Vous le savez, en votant la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier, l’Assemblée nationale a rejeté la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 issue de la commission mixte paritaire.
Ce rejet a eu pour effet une revalorisation au 1er janvier 2025 des pensions de retraite sur l’inflation moyenne des douze derniers mois, soit 2,2 %. Le texte que nous examinons présentement diffère donc sensiblement de celui sur lequel la commission a émis un avis en séance. Il sera incontestablement plus dépensier que cela a été initialement envisagé, ce qu’à titre personnel je regrette dans le contexte actuel d’augmentation sans précédent de notre dette publique.
Deux constats s’imposent à l’étude des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
D’une part, les effets de la réforme des retraites d’avril 2023 sont limités à court terme, les agents de la SNCF et de la RATP liquidant de fait leur retraite au-delà de l’âge légal d’ouverture des droits. Cette tendance pourrait changer au fur et à mesure de la montée en charge de la réforme.
D’autre part, à la suite de la réforme, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, du mode de financement des régimes spéciaux fermés, le Gouvernement a fait le choix, pour cette année, de compenser la subvention d’équilibre qui leur est versée par la Cnav par une subvention versée par l’État. Je regrette toutefois que le montant de cette compensation ne soit pas renseigné dans les crédits budgétaires, de sorte qu’il n’est pas possible de connaître la participation du contribuable au financement de ces régimes.
La trajectoire de son solde cumulé du compte d’affectation spéciale « Pensions » serait provisoirement redressée par le relèvement de quatre points du taux de contribution employeur au titre des personnels civils. Cela ne peut toutefois pas être le seul levier pour maintenir ce solde cumulé à un niveau excédentaire. Une refonte de son mode de financement me semble donc nécessaire dans la mesure où les prévisions indiquent qu’il serait déficitaire à l’horizon de 2026.
En tout état de cause, compte tenu de la nécessité de permettre le versement sans interruption des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires de l’État, la commission s’est déclarée, sous ces réserves, favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte d’affection spéciale.