M. le président. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de féliciter M. le ministre pour sa nomination. Monsieur le ministre, je souhaite que votre parcours, vos compétences reconnues notamment dans le domaine spatial soient utiles pour maîtriser les trajectoires, en particulier financières… (Sourires.)

Mon collègue Yan Chantrel évoquera les questions spécifiques au monde de l'enseignement supérieur. Pour ma part, je centrerai mon propos sur celles qui sont relatives à la recherche.

Dans ce domaine, vous le savez, le maintien d'un financement stable et pérenne est essentiel pour garantir l'avenir de la recherche scientifique en France. Pour atteindre cette stabilité, il faut éviter que la loi de programmation de la recherche ne dérive et ne sorte de son orbite. (Nouveaux sourires.)

Or après 2024, nous allons assister en 2025 à un nouveau désalignement de poussée budgétaire de la LPR. Pour la première fois depuis dix ans, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » subissent une inclinaison d'orbite, la LPR augmentant de moins de 160 millions d'euros, au lieu des 500 millions d'euros initialement prévus.

Le budget de l'Agence nationale de la recherche (ANR) n'augmente que de 20 millions d'euros, bien moins que les 220 millions d'euros initialement prévus, ce qui produira le cisaillement du financement de certains projets de recherche.

Avant que le Gouvernement ne dépose des amendements les visant, les crédits du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui financent les organismes de recherche, devaient connaître une hausse minime, inférieure à l'inflation.

S'y ajoutent les coûts du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », l'incidence financière de la non-compensation des mesures de revalorisation des rémunérations dans la fonction publique dites Guerini, ou encore les conséquences de la hausse des coûts de l'énergie sur le budget de fonctionnement des laboratoires.

L'année dernière, d'après la ministre Sylvie Retailleau, des efforts exceptionnels avaient été imposés aux opérateurs et aux universités. Monsieur le ministre, les amendements que vous défendrez viennent encore un peu plus priver d'oxygène l'atmosphère de la planète Recherche, déjà affectée par l'amputation d'un demi-milliard de crédits du plan France 2030.

Bien que l'on ait pleinement conscience qu'il soit légitime de mettre à contribution l'enseignement supérieur et la recherche dans l'effort national de rétablissement des comptes publics, il serait bon que la centrifugeuse de réduction des crédits de Bercy tourne à régime réduit, et cela pour deux raisons.

Pour une raison financière, tout d'abord. Lors des entretiens menés par les rapporteurs spéciaux, nous avons réalisé à quel point la plupart des opérateurs de recherche et un grand nombre d'universités, que l'on pourrait nommer les capteurs de servitude du vaisseau spatial recherche, sont au bout des efforts qu'ils peuvent produire sans modifier de manière importante leurs programmes et projets de recherche. Ainsi, leurs fonds de trésorerie ne sont pas des cagnottes ; ils correspondent bel et bien à la planification de projets en cours.

Pour une seconde raison, tout aussi essentielle, ensuite : l'avenir de notre pays. La recherche est non pas une dépense, mais un investissement pour notre avenir. Cet avenir ne pourra se construire et être maîtrisé qu'en mobilisant les chercheurs, les ingénieurs et les techniciens scientifiques sur des thématiques essentielles – l'intelligence artificielle, le numérique, la santé, l'écologie, l'énergie, l'éducation.

Il est donc essentiel de soutenir un emploi scientifique à l'attractivité en berne, alors que la moitié des chercheurs et enseignants-chercheurs partira à la retraite d'ici à 2030. Les jeunes femmes sont les premières concernées, car le nombre d'entre elles qui embrassent les carrières scientifiques baisse de façon préoccupante, en particulier dans les filières d'ingénieurs.

Soutenir l'emploi passe dès à présent par une mobilisation au sujet du doctorat, tant en ce qui concerne le nombre et le montant des allocations qu'en ce qui concerne la reconnaissance professionnelle que ce diplôme confère.

Monsieur le ministre, des trajectoires d'exploration financières existent à court et à moyen terme pour que les dépenses de recherche atteignent 3 % du PIB. Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont prêts à vous accompagner dans ce vol habité vers la planète « 3 % du PIB pour la recherche ».

En revanche, ce budget 2025 est tout sauf un véritable décollage budgétaire. Ce lanceur, trop soumis à des « effets pogo » de la gravisphère Bercy, risque d'aboutir à un halètement de la recherche. Sans surprise, nous émettons donc un signal négatif quant à l'adoption de ces crédits. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MStéphane Piednoir applaudit également.)

M. Jean Hingray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, nous sommes alertés sur les difficultés rencontrées par nos étudiants et le monde universitaire.

Dans un contexte de restriction budgétaire, on ne peut que s'inquiéter. France Universités propose de minorer de 180 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », pour abonder de 180 millions le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ».

Les dépenses pour la recherche ne sont pas de simples dépenses de fonctionnement ; ce sont des investissements stratégiques pour l'innovation et la compétitivité de notre pays, qui permettent de préserver le bon fonctionnement de nos universités.

Sanctuariser ces crédits est une priorité. Sans cela, l'objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche paraît inatteignable, alors que le budget de la recherche stagne à 2,2 % de la richesse produite.

Pour réaliser cet effort, le crédit impôt recherche pourrait mieux être mis à contribution. Monsieur le ministre, une réforme de ce crédit d'impôt est-elle selon vous nécessaire ? Ces investissements me paraissent nécessaires pour rattraper notre retard vis-à-vis des pays européens.

La situation financière des établissements est tout aussi préoccupante : deux tiers d'entre eux sont aujourd'hui en déficit, et les disparités sont importantes.

Pourtant, l'État a consenti un énorme effort ces dernières années. Le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de 4,3 milliards d'euros entre 2017 et 2025. Depuis 2021 et l'entrée en vigueur de la loi de programmation de la recherche, cette hausse est de 2,7 milliards d'euros. Ces chiffres suffisent à traduire la réalité de l'engagement de la Nation.

Malgré ces efforts, les risques sont bien présents. Pour développer nos universités et répondre à leurs besoins sans pour autant augmenter le budget de l'État, une solution consisterait à développer les coopérations avec le monde des entreprises et à encourager le financement des universités par ce biais. Cela se pratique déjà, mais malheureusement de manière insuffisante : cela correspond à environ 10 % du budget total des universités, soit un peu plus de 200 millions d'euros.

Il serait bon de se donner les moyens de généraliser ces partenariats. Outre leur aspect financier, ils présentent de nombreux avantages, chacun pouvant développer des projets d'avenir créateurs de richesses et d'emplois. Cette coopération essentielle pour notre prospérité et le bien de tous.

Monsieur le ministre, ancien président du Centre national d'études spatiales, il ne vous aura pas échappé que la Nasa (National Aeronautics and Space Administration) avait récemment multiplié ses collaborations avec le secteur privé, certains programmes atteignant plusieurs milliards de dollars. Or, en France, l'ensemble du système universitaire ne reçoit que 200 millions d'euros de la part du secteur privé. Comment motiver ou encourager les entreprises et, surtout, le monde universitaire à créer des passerelles entre ces deux domaines ?

« Nous sommes en train de rentrer dans un monde nouveau, un monde où il y a beaucoup plus de compétitions, où les industriels ont beaucoup plus d'autonomie et de libertés ». Ce sont vos mots, monsieur le ministre.

Que comptez-vous faire pour que l'université entre définitivement dans un monde nouveau, pour établir davantage de partenariats et pour créer des liens plus forts entre le monde de l'entreprise et celui de l'université ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement n'a pas bien saisi la véritable urgence à laquelle nos universités sont confrontées.

Cette urgence, d'ordre budgétaire, c'est la paupérisation de nos universités, organisée par le Gouvernement lui-même.

Nos universités observent, médusées, leur abandon progressif par un État qui, sous couvert d'une conception fallacieuse de l'autonomie, délègue toujours plus de responsabilités aux établissements, sans pour autant leur donner les moyens de les exercer.

Entre les mesures dites Guerini, les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie et la non-compensation du glissement vieillesse technicité, les charges non compensées par l'État ont augmenté de 500 millions d'euros pour nos universités depuis deux ans.

Le résultat est sans appel : en 2024, selon France Universités, 60 des 75 universités françaises présentaient un budget en déficit. Nous défendrons donc des amendements ayant pour objet que l'État compense toutes ces dépenses des universités.

Au lieu de mettre fin aux pratiques budgétaires qui asphyxient nos universités, le Gouvernement les poursuit, aggravant la situation : après l'amputation des crédits de la mission de 1 milliard d'euros en février dernier, voilà ce matin un nouveau coup de rabot de 630 millions d'euros. C'est scandaleux, tant sur la forme que sur le fond !

Certes, le Gouvernement revient à moitié sur la non-compensation du CAS « Pensions », mais 8 millions d'euros de dépenses supplémentaires resteront à la charge des universités pour financer les retraites en 2025.

L'enseignement supérieur et la recherche sont sacrifiés sur l'autel d'arbitrages financiers à court terme. Ce sont les étudiants, les personnels et l'ensemble de la société qui en payeront la facture.

En effet, les conséquences de l'abandon de l'université sont bien connues.

Tout d'abord, il y aura moins de places dans certaines filières, des formations supprimées et un accès toujours plus inégalitaire à l'éducation. Tout cela alors même que le budget des bourses dans le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » est amputé de 77 millions d'euros, et sans compter le nouveau coup de rabot de 8 millions d'euros sur le programme 231 « Vie étudiante » que vous voulez faire passer par amendement aujourd'hui !

Monsieur le ministre, faut-il en conclure que la deuxième phase de la réforme des bourses sur critères sociaux est abandonnée ? Pour nous, il est hors de question de condamner les étudiantes et les étudiants à davantage de précarité. Nous défendrons donc un amendement visant à rétablir ces crédits.

Ensuite, les recrutements dans les laboratoires et les unités de formation et de recherche (UFR) seront affectés : non-remplacement des départs à la retraite, encore plus grand recours aux heures supplémentaires et aux vacations, dégradation des conditions de travail, donc des conditions d'accueil des étudiants.

Depuis 2017, la dépense par étudiant a baissé de 15 %. En dix ans, le taux d'encadrement par étudiant n'a cessé de diminuer, tandis que le nombre d'enseignants contractuels ou vacataires explosait.

Nos universités reposent de plus en plus sur le travail et le dévouement des 168 000 vacataires, qui assurent à eux seuls un quart des heures de cours dans le supérieur. Il n'est plus possible de les payer au lance-pierre ! C'est pourquoi nous avons déposé un amendement, repris de manière transpartisane sur toutes les travées, qui vise à doubler leur rémunération. J'espère que cet amendement sera adopté avec votre soutien, monsieur le ministre.

Enfin, devant le risque de fermeture de formations et de filières, nombre de villes moyennes s'inquiètent de devoir fermer des antennes, ce qui remettrait en cause le principe de l'accessibilité de l'enseignement supérieur à tous.

Le rapport d'information sur l'accompagnement des étudiants remis par nos collègues Ouzoulias et Lafon en 2021 avait souligné le rôle crucial de ces 150 antennes, qui accueillent plus de 90 000 étudiants dans l'Hexagone. Elles ont besoin du soutien de l'État et des collectivités territoriales pour se maintenir.

Si vos choix budgétaires font de nombreux perdants, il y a en revanche un grand gagnant : l'enseignement supérieur privé lucratif. Celui-ci va continuer à capitaliser sur la forte dégradation de l'image de l'université publique et sur l'anxiété des familles que suscitent vos coupes budgétaires.

Attachés au progrès, à la solidarité et au service public, les socialistes se tiennent aux côtés des universitaires. Nous voterons contre ce budget inique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honoré de prendre pour la première fois la parole devant le Parlement. Permettez-moi d'avoir une pensée pour la ministre d'État Élisabeth Borne et pour le Premier ministre François Bayrou, que je remercie de leur confiance.

Je suis résolument convaincu de l'importance de ce grand et beau ministère pour l'avenir de notre jeunesse, pour l'avenir de notre recherche, qu'elle soit libre, académique et désintéressée ou tournée vers les entreprises, pour l'avenir de notre industrie et de notre nation.

Le budget 2025 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (Mires) est étudié, comme vous le savez, dans un contexte de finances publiques contraint.

Il est naturel que la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » et l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) prennent leur part dans l'effort demandé à la Nation, mais il est nécessaire que cette part soit juste, compte tenu de l'importance de ces politiques publiques pour l'avenir du pays. Cette ligne directrice a conduit nos discussions. Le budget que nous vous proposons d'adopter répond précisément à cet objectif.

En premier lieu, le Gouvernement a entendu les inquiétudes du secteur universitaire et les appels à sanctuariser le budget de nos universités. Le travail fourni ces derniers jours avec l'aide de la ministre d'État pour préserver nos établissements d'enseignement supérieur nous permet de proposer une copie significativement plus favorable pour ceux-ci.

En second lieu, en ce qui concerne la loi de programmation de la recherche, nous préservons les moyens prévus par nos prédécesseurs dans le PLF 2025 – à ce titre, je salue chaleureusement le travail effectué par mon prédécesseur Patrick Hetzel.

La progression des crédits des trois programmes concernés par cette loi de programmation s'élève donc à 173 millions d'euros.

Cette enveloppe permet notamment d'appliquer l'accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines et d'acter plusieurs mesures pour l'attractivité des carrières dans l'ESR, en particulier pour les populations les plus fragiles. La sanctuarisation de ce budget en 2025 permettra de conserver la dynamique de la loi de programmation de la recherche les années futures.

Les amendements du Gouvernement ayant pour objet la Mires visent à répondre à cette double exigence de maîtrise des finances publiques et de soutien aux établissements d'enseignement supérieur.

Ainsi, sur le périmètre de l'ESR, le rabot gouvernemental est porté à 193,2 millions d'euros. Il intègre les mesures d'économies nécessaires annoncées à la fin de 2024, ainsi que les dernières mesures qui s'imposent compte tenu de la situation nouvelle et exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés.

J'ai veillé à ce que ces économies pèsent le moins possible sur les universités. Je sais les contraintes qui pèsent sur elles et la situation financière parfois difficile de certains établissements. Je présenterai ainsi un amendement visant à ce que la plus grande partie de cet effort porte sur les organismes de recherche dont la trésorerie permet d'absorber ces mesures d'économie exceptionnelles, sans remettre en cause la dynamique de la loi de programmation de la recherche.

Nous serons évidemment particulièrement attentifs à la manière dont ces établissements présenteront leurs budgets et pourront gérer leur déroulement au cours des mois à venir.

Toujours pour épargner les universités et d'accompagner la réussite de nos étudiants partout dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons décidé d'accompagner les établissements en compensant la moitié de la hausse du taux du CAS « Pensions ». Je suis heureux d'annoncer aujourd'hui cet effort supplémentaire de 100 millions d'euros. Je proposerai d'adopter un amendement en ce sens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget prévu pour la Mires s'élève à 31 milliards d'euros en 2025. Le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'élève dans le projet de loi de finances pour 2025 à 26,8 milliards d'euros, répartis sur trois programmes : 15,3 milliards d'euros pour le programme 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », 8,3 milliards d'euros pour le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », et 3,2 milliards d'euros pour le programme 231, « Vie étudiante ».

Par rapport à celui pour 2024, ce budget est en progression de plus 89 millions d'euros. Il s'inscrit dans la continuité de l'effort consenti pour l'enseignement supérieur et la recherche depuis 2017.

Le montant cumulé de l'augmentation de ce budget est important : 4,3 milliards d'euros sur la période 2017-2025 et 2,7 milliards depuis le lancement en 2021 de la loi de programmation de la recherche, commencée sous le gouvernement Philippe et dont l'examen s'est achevé sous le gouvernement Castex.

La progression de ces crédits traduit l'engagement important de la Nation pour sa jeunesse, pour l'innovation, pour l'industrie et pour notre avenir collectif : l'État investit dans l'enseignement supérieur et la recherche.

Malgré la contrainte qui pèse sur les finances publiques, nous pouvons donc maintenir notre ambition pour l'ESR, autour de trois axes forts.

Premièrement, renforcer l'attractivité des carrières scientifiques et l'investissement dans la recherche est nécessaire pour maintenir notre excellence scientifique.

Deuxièmement, il nous faut accroître la performance des établissements d'enseignement supérieur et améliorer la réussite des étudiants.

Troisièmement, nous devons poursuivre la transformation des établissements et, ainsi que cela a été mentionné plus tôt, encourager les universités à obtenir des financements additionnels, notamment en Europe.

En ce qui concerne le premier axe, le budget 2025 sanctuarise le cœur de la LPR – il n'y a nulle désorbitation, contrairement à ce qui a été avancé. Le projet de loi de finances pour 2025 ouvre ainsi 91 millions d'euros de crédits supplémentaires sur le programme 150 et 67 millions d'euros sur le programme 172. Ces moyens permettront de préserver l'application du protocole d'accord du 12 octobre 2020 relatif aux ressources humaines.

Le budget de l'Agence nationale de la recherche (ANR) est maintenu en 2025, afin de permettre à cette agence de continuer à financer les projets de recherche dans des domaines stratégiques en lien avec les grands défis contemporains.

En outre, l'abondement financier versé aux établissements est revalorisé, ce qui assure le soutien des laboratoires et des unités de recherche. Ce point est particulièrement important : rien ne sert de financer des programmes ou des projets de recherche si dans les universités et les organismes de recherche on ne dispose pas des infrastructures et des ressources nécessaires pour les réaliser.

Je tiens également à rappeler les moyens importants investis dans la recherche via France 2030. Sur la période 2020-2027, les acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation bénéficient de l'investissement de 13 milliards d'euros issus de ce plan, soit 25 % de son enveloppe totale de 54 milliards d'euros.

De nouvelles actions sont par ailleurs en cours, pour un montant de 650 millions d'euros, via l'action n° 11, « Recherche dans le domaine des risques » du programme 190, « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », et via les nouveaux programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).

Notre deuxième objectif est d'améliorer la réussite des étudiants.

Le projet de loi de finances pour 2025 tend ainsi à renforcer le soutien financier au réseau des œuvres universitaires et scolaires, dont la subvention progresse de 30 millions d'euros. Cet effort permettra notamment de faire face à la hausse de la fréquentation des restaurants universitaires, qui comptent 2 613 places supplémentaires en 2025, tout en améliorant la qualité des repas malgré l'accroissement du coût des denrées alimentaires.

Par le PLF 2025, nous réaffirmons enfin notre engagement en faveur des étudiants les plus précaires. Nous maintenons le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et ceux qui sont en situation de précarité, mesure déployée depuis 2020.

Entre 2022 et 2024, le nombre de repas à tarif social augmenté de 17 %, quelque 42,5 millions de ces repas ayant été servis en 2023-2024.

Une enveloppe supplémentaire de 13 millions d'euros est prévue en 2025 pour le dispositif issu de la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Lévi.

M. Laurent Lafon. Excellent !

M. Philippe Baptiste, ministre. Cette initiative assure à des milliers d'étudiants l'accès à des repas équilibrés à un tarif très avantageux, contribuant ainsi à leur réussite académique.

Nous maintenons également en 2025 la subvention en faveur des logements du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Depuis 2018, la progression de ces crédits a permis la création de près de 30 000 logements sociaux étudiants, dont 12 000 sont directement gérés par les Crous.

Enfin, nous poursuivrons le déploiement des dispositifs en faveur de l'égalité des chances. Le budget 2025 permet de maintenir notre politique de bourses sur critères sociaux, permettant aux étudiants les moins favorisés un accès à l'enseignement supérieur dans des conditions facilitées.

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) continuera à financer les dispositifs contribuant directement à la réussite et à l'insertion des étudiants, comme les cordées de la réussite, les prêts étudiants garantis par l'État et les diplômes universitaires passerelles. L'effort pour rendre les universités plus inclusives, notamment en matière de handicap, est également poursuivi.

Il faut également renforcer la performance des établissements. En 2025 interviendra le lancement de la troisième vague des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) auprès de 55 établissements.

Le ministère pérennise une enveloppe de 35 millions d'euros à destination de ces contrats, qui offrent aux établissements davantage de latitude pour innover et répondre aux grands défis éducatifs et scientifiques de demain.

Il est évidemment possible de s'interroger sur la part relativement réduite des Comp par rapport à l'ensemble des financements disponibles, mais nous reviendrons un peu plus tard sur ce chantier. Cette troisième vague sera également l'occasion de mettre en avant la démarche de simplification rappelée par le Premier ministre.

Dernière priorité, le ministère poursuit l'accompagnement des établissements dans leurs projets de transformation, en particulier dans leurs investissements immobiliers, en mettant en particulier l'accent sur la rénovation énergétique du parc universitaire et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget pour 2025 répond donc à une double exigence : préparer l'avenir, tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. Je ne doute pas que, au cours de notre discussion, certains points pourront encore faire l'objet d'ajustements.

Avant de conclure, je veux prendre le temps de répondre aux interventions de ce matin, qui ont abordé de nombreux sujets tout à fait structurants.

J'ai entendu en particulier un rappel de la « clause de revoyure » de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR). Je m'engage effectivement à respecter cette échéance, afin de dresser devant vous le bilan de la première partie de l'exécution de cette loi et de vous soumettre de nouvelles propositions.

D'autres points fondamentaux ont été évoqués.

Un orateur a souligné la nécessité de favoriser les équilibres entre public et privé dans le domaine de la recherche. En effet, la recherche a une double vocation : l'accroissement des connaissances dans le cadre d'une liberté académique très forte, mais aussi, évidemment, l'enrichissement de nos politiques d'innovation et de transfert, afin de soutenir la compétitivité de nos entreprises. C'est fondamental. Il faut donc examiner tous les dispositifs existants aujourd'hui, afin de les ajuster si nécessaire.

A également été abordée la manière dont les moyens financiers sont attribués par l'État aux universités, afin de savoir s'il faut en modifier les modalités. C'est une question pertinente.

Ont aussi été mentionnées la vie étudiante et la manière de favoriser l'égalité des chances, de même que la place clef des universités dans les territoires, car, au-delà de la formation académique libre, les universités doivent proposer des formations directement professionnalisantes en lien avec leur territoire.

Un certain nombre d'orateurs ont cité les réformes des études de santé, mais également la question de l'antisémitisme, du racisme et de la liberté académique. Ce sont, là encore, des sujets présents à l'ordre du jour de mon ministère ; nous en reparlerons.

Pour conclure, je tiens à assurer à toute la communauté universitaire – les enseignants-chercheurs, les étudiants et tous ceux qui font vivre chaque jour l'université, partout en France hexagonale et dans les outre-mer –, au monde de la recherche, qu'elle soit purement académique ou tournée vers l'innovation, et à ceux qui font avancer notre pays en préparant l'avenir, que ce budget sécurise nos financements et nous permet, dans un contexte inédit, d'aborder l'année 2025 le plus sereinement possible. (M. Jean Hingray applaudit.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Mon rappel au règlement a trait au bon déroulement de nos travaux.

Monsieur le ministre, je ne doute nullement de votre volonté de partager au maximum vos informations avec la Haute Assemblée ; j'en suis témoin.

Néanmoins, le Gouvernement a de nouveau déposé un amendement de réduction des crédits, en l'occurrence pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », quelques heures seulement avant l'examen de cette mission en séance publique. Cette pratique a été employée plusieurs fois depuis la reprise de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Très honnêtement, cela ne facilite pas notre travail, monsieur le ministre, et je suis d'ailleurs convaincu que vous le savez.

En agissant ainsi, le Gouvernement ne permet pas le bon fonctionnement des assemblées parlementaires, qui devrait en principe reposer sur une étude d'approfondie et un débat éclairé des textes et des propositions budgétaires. En déposant au dernier moment des amendements de cette nature, surtout de cette portée, il nous empêche de travailler dans de bonnes conditions pour analyser et contrôler son action.

Monsieur le ministre, c'est aujourd'hui votre première intervention devant la Haute Assemblée ; j'espère qu'il y en aura de nombreuses autres, ce qui implique une certaine durée de votre parcours, non pas orbital, comme dirait M. Ros (Sourires.), mais politique.

Toutefois, tâchons, collectivement, d'être responsables, car le contexte politique nous le commande. Nous avons un devoir de rigueur et de responsabilité ; je sais du reste que cela correspond à votre caractère.

Je vous prie donc, monsieur le ministre, de vous faire notre ambassadeur auprès du Gouvernement, afin d'éviter d'avoir à renouveler ce type de rappels au règlement, qui me semblent néanmoins utiles.