PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la crise du logement touche l’ensemble de nos compatriotes, à tous les niveaux de la chaîne. Les plus démunis ne parviennent pas à obtenir des places en hébergement d’urgence, 2,7 millions de Français attendent d’avoir accès à un logement social et les taux d’emprunt élevés réduisent la capacité des ménages à devenir propriétaire.
Par conséquent, il faut agir, aujourd’hui, par tous les moyens dont nous disposons malgré le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.
Plusieurs mesures ont été adoptées en première partie du projet de loi de finances, qui pourront y aider. Le prêt à taux zéro (PTZ) étendu pour les ménages des classes moyennes et la facilitation des donations pour les ménages plus aisés en sont des exemples.
En outre, pour l’emploi des crédits que nous examinons aujourd’hui, plusieurs mesures nous permettront de parvenir à une optimisation de l’utilisation de l’argent public engagé en faveur du logement et des territoires.
Notre action se déploiera dans le contexte d’une baisse légère des crédits sur la mission, de 4 %. Il s’agit principalement d’une mise en cohérence des crédits ouverts pour la rénovation thermique des logements avec les opérations véritablement effectuées, ce que je salue.
Néanmoins, avant que ne commence la discussion, je veux dire mon rejet des coupes supplémentaires importantes que le Gouvernement a proposées, dans la nuit, par un amendement qui vise à réduire de 1 milliard d’euros les crédits de paiement. Je critique la méthode utilisée, sans concertation ni préparation, qui indique une forme de légèreté déplacée dans le traitement des crédits de cette mission, laquelle soutient pourtant une politique publique notoirement en crise. (Mme Valérie Boyer applaudit.)
Nous ne sommes pas pour autant aveugles sur la situation budgétaire. Par conséquent, au vu des marges apparentes sur les crédits dédiés à la rénovation énergétique, nous soutiendrons certaines propositions gagées dessus qui nous semblent nécessaires et que je détaillerai ensuite. À défaut d’une levée des gages par le Gouvernement, les crédits pour la rénovation diminueraient ainsi de 85 millions d’euros, au profit d’autres dispositifs qui me semblent prioritaires. C’est toujours loin des 534 millions d’euros de réduction que le Gouvernement a cherché à nous imposer au dernier moment…
Pour aborder de façon plus thématique et pédagogique les propositions que je porterai dans ce débat, il me semble opportun de commencer par l’analyse de la politique de l’hébergement d’urgence. L’État y marque une volonté d’engagement remarquable, malgré la contrainte budgétaire forte.
Je salue l’objectif affiché de maintenir 203 000 places dans le parc en 2025, soit autant qu’en 2024, ce qui correspond à une augmentation de 50 000 places par rapport à 2017.
C’est d’autant plus notable que le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), à destination des demandeurs d’asile et des réfugiés, connaît une baisse de plusieurs milliers de places. Cela conduira probablement à un report sur le parc d’hébergement d’urgence classique, qui pourra d’autant mieux tenir le choc qu’il ne réduit pas le nombre de places offertes.
Outre l’accroissement de ce parc, il convient de noter la baisse depuis trois ans du nombre de nuitées hôtelières, ce qui favorise un accueil efficace et plus digne des hébergés, et encourage surtout leur intégration sociale.
Tout n’est pas parfait, cependant, car de nombreuses personnes souffrent de ne pas être accueillies. J’ai une attention particulière pour les publics les plus fragiles, à savoir les femmes proches de la maternité et les enfants. Afin de permettre l’ouverture de places spécifiques pour eux, je serai favorable à des amendements ciblés sur ce sujet.
Je regrette, de même, que le projet de loi de finances ne prévoie pas de mesures d’accompagnement spécifique pour les Ukrainiens.
Pour ce qui est des aides au logement, ces dernières pourraient augmenter de 200 millions d’euros à la faveur de l’adoption d’un amendement du Gouvernement qui fixerait, pour l’année à venir, la réduction de loyer de solidarité (RLS) à 1,1 milliard d’euros. Cette baisse de la RLS, comme je le mentionnais en introduction, est nécessaire pour permettre la relance de la construction de logements sociaux. La hausse des aides personnelles au logement (APL) consécutive n’aura cependant pas d’effet pour le contribuable.
En troisième volet, notre politique du logement ne peut pas faire l’économie de l’ambition de rénovation thermique des logements.
Je salue l’évolution de la maquette budgétaire concernant ces aides à la rénovation, qui sont désormais entièrement regroupées dans la mission « Cohésion des territoires », alors que les deux tiers provenaient auparavant de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Les ressources dont bénéficie l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ont doublé de 2021 à 2024. Pour 2025, 3 milliards d’euros lui seront octroyés, dont 2,3 milliards d’euros de subvention budgétaire. Il s’agit certes d’une baisse, mais cohérente avec l’exécution constatée en 2024.
Pour finir, je veux redire mon soutien à la politique de la ville. Je salue l’ambition du Gouvernement, portée par des amendements sénatoriaux, de participer au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) à hauteur de 50 millions d’euros l’an prochain. J’y serai favorable.
Si les crédits sont en diminution, en lien avec un contexte budgétaire contraint, il n’en demeure pas moins que nombre de dispositifs portent leurs fruits. J’en citerai deux : les adultes-relais, d’une part, qui sont des médiateurs efficaces dans les quartiers ; les Cités éducatives, d’autre part, dont le renforcement est nécessaire. Des amendements visant à accroître le soutien à ces dispositifs seront soutenus.
En étant lucide sur les contraintes que connaît notre pays au regard de la situation de ses finances publiques, je vous proposerai d’adopter les crédits tels que modifiés par les amendements que soutient la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il me revient de présenter le volet rural, si je puis dire, de la mission « Cohésion des territoires », soit les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l’État », qui représentent 325 millions d’euros seulement, mais qui ont un effet de levier en matière d’aménagement du territoire tout à fait essentiel.
À cela s’ajoutent environ 750 millions d’euros de dépenses fiscales en faveur des entreprises, adossées à différents zonages.
Le Gouvernement appelle à une contribution du programme 112 au redressement des comptes publics de la Nation au travers d’une réduction importante de ses crédits à hauteur de 40 % !
Cette baisse est essentiellement concentrée sur deux postes de dépenses : 83 % sur les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), notamment les contrats de massif ; 17 % sur la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Que faut-il en penser ? Évidemment, cela nous ramène au dérapage du déficit public et à la nécessité de réussir le redressement des comptes, en agissant, selon nous, sur deux leviers : un accroissement de nos recettes fondé sur un principe, auquel nous sommes attachés, de justice fiscale ; une diminution de nos dépenses, partout où cela est possible.
C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés à une contribution exceptionnelle du programme 112 à cet effort. Néanmoins, plusieurs ajustements nous semblent indispensables.
Le projet de budget prévoit de ramener à zéro les crédits de paiement des CPER et des CPIER, y compris, donc, ceux des contrats de massif. Si nous pouvons admettre un décalage d’une année de certaines opérations au nom du redressement des comptes publics, il n’est pas concevable de reporter 100 % des opérations prévues dans ces contrats, lesquels ont été signés par l’État avec les régions et les collectivités locales, et qui engagent donc la signature du premier.
La commission émettra donc un avis favorable sur des amendements tendant à rétablir une partie des crédits, pour permettre la concrétisation en 2025 d’un certain nombre de projets dans les territoires.
Par ailleurs nous pouvons accepter une baisse de la SCSP versée à l’ANCT, mais à un niveau où elle peut être absorbée par un resserrement des dépenses internes à l’agence, sans remettre en cause les actions concrètes qu’elle porte en faveur des territoires. Nous donnerons donc un avis favorable à un amendement visant à ramener cette diminution de crédits à environ 20 %, ce qui permettrait notamment de préserver le soutien à l’ingénierie locale que nous avons si longtemps réclamé.
Concernant l’ANCT, permettez-moi de rappeler quelques réalités.
Depuis sa création en 2019, cette agence s’est vu confier par les gouvernements successifs de nombreuses missions : les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain, Villages d’avenir, jusqu’au plan France Très Haut Débit et au programme France Mobile, en passant par les plans Avenir montagnes et France Ruralités, les conseillers numériques ou l’accompagnement en ingénierie locale, etc. Au total, ce sont des dizaines de missions auxquelles elle a dû faire face, sans que l’on ait réellement évalué auparavant les moyens dont elle devait disposer pour les mener à bien !
Je sais que la période est propice aux discours sur les agences. Certains vont même jusqu’à imaginer qu’il suffirait de les supprimer ou de les fusionner pour résoudre les problèmes du pays. Je considère, pour ma part, que des progrès et des économies peuvent être réalisés, mais pas au travers de coupes faites à l’aveugle.
S’il suffisait de fusionner des structures pour faire des économies, cela se saurait ! L’exemple des intercommunalités et des régions est là pour nous le rappeler.
Il convient d’abord de réaliser un travail d’expertise sérieux sur chacune des agences pour bien mesurer son rôle, les missions qu’elle remplit pour le compte de l’État, son mode de fonctionnement, les emplois, etc. Et c’est seulement à l’issue de ce travail que nous pourrons éventuellement procéder à des évolutions, des regroupements, voire des suppressions. Mais il faut avant tout en mesurer les conséquences. Je souhaite que les travaux que le Sénat a décidé d’engager permettent d’apporter des réponses.
Enfin, je me réjouis, madame la ministre déléguée chargée de la ruralité, que de nombreux programmes ou actions se poursuivent grâce aux crédits inscrits, tels que les programmes Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Villages d’avenir, la politique de la montagne, qui est importante, le soutien à l’ingénierie locale ou encore le programme France services.
Concernant France services, vous proposez une hausse des crédits de 25 % afin que les engagements qui avaient été pris, à la suite de notre rapport, soient tenus : labellisation de nouvelles France services, arrivée de nouveaux opérateurs, formation des conseillers France services, généralisation de l’animation départementale, ou encore la hausse de la dotation aux collectivités, qui sera portée, pour la dotation socle, à 45 000 euros, par an et par France services, selon la trajectoire que nous avions définie.
Un ajustement s’avère néanmoins nécessaire. Les 7,5 millions d’euros prévus au budget pour financer la majoration attribuée aux France services implantées dans les communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) s’avèrent légèrement insuffisants au regard du nombre réel de France services concernées. Je vous proposerai donc un amendement tendant à respecter l’objectif fixé.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. Enfin, nous aurons l’occasion dans le débat d’évoquer le programme 162 et les sept actions territoriales qu’il porte cette année.
Pour terminer, je ferai deux observations.
Premièrement, la réduction budgétaire de cette année sur le programme 112, si elle peut se justifier compte tenu de la nécessité de redresser les comptes publics et par le fait qu’elle ne remet pas en cause, sur le fond, les soutiens de l’État aux territoires, doit rester exceptionnelle. Il ne serait pas envisageable que l’engagement pris par l’État lors de la signature des contrats territoriaux ne soit pas respecté.
Deuxièmement, nous devons tracer des perspectives claires sur l’avenir du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) et le rôle du programme 112 dans la politique nationale d’aménagement du territoire.
Malgré des crédits modestes, le FNADT est un outil souple qui a un fort effet de levier sur les territoires. C’est aujourd’hui reconnu ! Je pense donc qu’il faut non pas réduire sa portée, mais, au contraire, le consolider. Je suivrai ce dossier avec la plus grande attention.
À cet effet, sous couvert de l’accord du président de la commission finances, j’envisage de réaliser prochainement un rapport sur le rôle du FNADT dans les politiques de développement local. Il pourra, je l’espère, nous éclairer utilement sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous le savez, la crise du logement n’est pas en régression. Les chiffres de la construction sont les plus mauvais depuis vingt ans. La construction de logements sociaux est, elle aussi, en berne, loin de répondre aux 2,7 millions de ménages demandeurs.
Malgré cela, les gouvernements précédents n’ont pas pris conscience de la gravité de la situation et de son impact politique, impact que nous avions souligné avec la présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, et Viviane Artigalas dans notre rapport d’information relatif à la crise du logement publié au printemps dernier.
Nous saluons donc le changement de cap dans la lutte contre la crise du logement qu’incarne ce budget pour 2025. Notre commission s’est félicitée des annonces que vous avez faites à l’automne, madame la ministre chargée du logement, chère Valérie Létard. Celles-ci représentent une véritable inflexion en faveur de la construction, de la primo-accession et de la production de logements sociaux, avec la généralisation du prêt à taux zéro dans le collectif comme dans l’individuel, la création d’une mesure d’exonération des donations en faveur de la primo-accession, ou encore la baisse de la réduction de loyer de solidarité pour desserrer l’étau financier autour des bailleurs sociaux.
Je souhaiterais m’attarder sur l’important chantier de rénovation énergétique auquel nous faisons face. Dans le parc social, les capacités de rénovation des bailleurs sont en deçà des objectifs, alors même qu’ils disposent des capacités techniques pour réussir des rénovations d’ampleur. Je pense, par exemple, à celle de la tour Cézanne, à Arras, par Pas-de-Calais Habitat : grâce à elle, 102 logements sont passés d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) de classe E à un DPE de classe B.
Ce qui leur manque, ce sont d’importants moyens financiers. Pour 2025, seuls 50 millions d’euros ont été inscrits pour la rénovation du parc social, contre une enveloppe de 400 millions d’euros l’an passé. La commission salue le report de 200 millions d’euros gelés en 2024, annoncé en novembre par Mme la ministre.
Dans le parc privé, la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique va également dans le bon sens. Le Gouvernement souhaite l’intensifier grâce à l’accès de l’Anah aux données de l’administration fiscale.
Dans ce cadre, néanmoins, nous déplorons l’amendement tendant à annuler plus de 1 milliard d’euros de crédits, principalement sur les programmes 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » et 109 « Aide à l’accès au logement », et ce alors même que l’Anah prend déjà sa part dans l’effort de réduction des dépenses publiques et que MaPrimeRénov’ a déjà fait l’objet d’atermoiements en 2024, occasionnant ainsi retards et sous-consommation de crédits.
Vous l’avez compris, nous ne soutiendrons pas cette coupe budgétaire brutale.
Les moyens du programme 177 dédiés à l’hébergement d’urgence sont, quant à eux, stables par rapport à la loi de finances pour 2024, mais cela cache une importante sous-dotation permanente : 250 millions d’euros ont été ajoutés en fin de gestion 2024. Le budget pour 2025 n’en tire pas les conséquences alors que, chaque soir, plus de 2 000 enfants sont sans solution d’hébergement.
La commission des affaires économiques a donc donné un avis favorable aux crédits relatifs au logement afin d’encourager et de conforter ce changement de cap que nous attendions tous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement présente cette année un budget de 550 millions d’euros pour le programme 147 « Politique de la ville », en diminution de 14 % et de 90 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024.
Cette baisse s’inscrit en réalité dans la continuité des annulations de crédits qu’a connues le programme 147 en 2024. La loi de finances de fin de gestion a, quant à elle, annulé les 50 millions d’euros prévus pour le nouveau programme national de renouvellement urbain.
Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, je plaiderai surtout pour une gestion intelligente de cette réduction de crédits et pour la protection des moyens de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
Pour ne prendre qu’un exemple, le budget dédié aux adultes-relais va être réduit de 5 millions d’euros, en dépit de la grande utilité de ce dispositif. Plutôt que de ne pas renouveler « bêtement et méchamment » les contrats arrivant à terme ici ou là pour réaliser des économies, il serait plus opportun de prioriser les besoins pour maintenir des effectifs là où ils sont les plus utiles, quitte à mettre fin à certains contrats quand cela est possible.
J’ajouterais que le stop-and-go dont souffre trop souvent la politique de la ville est préjudiciable au bon emploi des deniers publics : je pense aux Cités éducatives, dont les crédits sont réduits de 20 millions d’euros et dont l’objectif de généralisation, annoncé il y a dix-huit mois, est déjà abandonné.
Surtout, je réitère mes alertes sur le budget de l’Anru. Le PLF pour 2025 ne prévoit aucun financement de l’État pour cette agence, ce qui me conduit à proposer, avec la commission des affaires économiques, l’adoption d’un amendement d’abondement à hauteur de 50 millions d’euros. La ministre Valérie Létard s’est, elle aussi, engagée sur ce montant devant notre commission en novembre dernier. J’espère donc que nous pourrons acter cette évolution tout à l’heure.
Mais cette somme ne suffira pas. L’État s’était engagé à verser 1,2 milliard d’euros pour financer le NPNRU, d’ici à 2033. À ce jour, il n’a versé que 107 millions, soit à peine 9 % du montant prévu. Cette situation devrait faire basculer l’Anru dans le rouge d’ici à 2027, rendant impossible la mise en œuvre opérationnelle de nombreux projets. Cela est d’autant plus regrettable que les actions de rénovation portées par l’Anru sont d’une utilité certaine sur les plans social, écologique et environnemental. Nombre des sénateurs présents ce soir pourraient en témoigner.
Ainsi, si l’État ne tient pas ses engagements financiers, il faudra, soit décaler la date de fin d’engagement du NPNRU au-delà de 2026, soit reporter certains projets à un programme de renouvellement urbain de troisième génération qui n’est pas encore acté. En tout état de cause, il paraît essentiel de réaliser une évaluation du NPNRU pour identifier les projets les plus urgents et les plus aboutis.
Ainsi, et même si la commission a donné un avis favorable aux crédits de la mission « Cohésion des territoires », une réflexion sur l’avenir du NPNRU est nécessaire tant la situation financière du programme est critique. Dans tous les cas, il demeure essentiel que l’État tienne sa parole. La réussite du programme et la qualité de vie des habitants des quartiers en dépendent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » constitue le cœur de la politique de lutte contre le sans-abrisme. Permettez-moi, tout d’abord, de vous dresser un portrait du sans-domicilisme en France.
Depuis 2012, le nombre de sans-domicile est passé de 133 000 à 300 000 personnes et leur profil évolue à mesure que la crise du logement s’installe. Ce sont aujourd’hui des femmes, des enfants, des familles précarisées qui sont à la rue. La part des enfants dans la population hébergée est ainsi passée de 22 % à 35 % en dix ans. En finançant l’hébergement et l’accompagnement social des personnes sans domicile, le programme 177 est le dernier filet de sécurité de la solidarité nationale.
Dans le projet de loi de finances pour 2025, les crédits de ce programme sont pérennisés à hauteur de 2,9 milliards d’euros. Cet effort budgétaire est à saluer. Il faut le marteler : l’État ne fait pas d’économies sur les personnes à la rue. Pour autant, je tiens, mes chers collègues, à vous alerter sur plusieurs points.
Si cette sanctuarisation des crédits est à saluer, elle reconduit une sous-budgétisation chronique de 250 millions d’euros qui sont abondés, chaque année, en loi de finances de fin de gestion. Cette sous-budgétisation conduit à une mésestimation, dès la loi de finances initiale, du niveau des dépenses publiques et apparaît en contradiction avec le maintien de 203 000 places d’hébergement.
Cette sous-budgétisation, conjuguée à la réserve de précaution et aux gels de crédits, a des effets délétères sur le secteur de l’hébergement : 40 % des subventions sont versées en novembre et décembre, les associations devant avancer les frais sur leur trésorerie et étant souvent remboursées de façon incomplète. Si la situation perdure, 50 % d’entre elles pourraient disparaître d’ici à la fin de 2025. C’est une bombe sociale qui pourrait exploser.
Cette sous-budgétisation est également inefficiente en matière de dépenses publiques. Les places achetées à la dernière minute sont plus onéreuses que celles qui sont planifiées. Nous pourrions donc faire mieux avec autant en corrigeant cette sous-budgétisation.
Enfin, je m’inquiète qu’aucune ligne budgétaire dédiée à l’hébergement des déplacés ukrainiens ne soit prévue, alors que 37 000 d’entre eux bénéficient de ce programme. Cette absence crée une incertitude pour tous les acteurs de terrain, au point que certaines préfectures ont menacé les Ukrainiens d’expulsion faute de financement.
En cohérence, la commission des affaires sociales a déposé deux amendements au titre de son avis budgétaire sur le programme 177 : un amendement de 250 millions d’euros visant à corriger la sous-budgétisation chronique du programme au nom de la sincérité budgétaire et de l’efficience du pilotage du parc ; un amendement de 30 millions d’euros visant à budgétiser les moyens dont ont besoin les organismes gestionnaires pour héberger les déplacés ukrainiens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs à la mission « Cohésion des territoires » pour 2025. Il ne s’agit pas pour autant d’un blanc-seing, et notre assemblée devra être vigilante, dans l’avenir, à l’évolution de certains crédits.
Je dirai d’abord un mot sur la dynamique générale d’évolution de ces crédits budgétaires affectés à la politique des territoires, avant de vous faire part de deux remarques thématiques.
Le Gouvernement a été conduit cette année à faire preuve de réalisme budgétaire et ainsi à prioriser un certain nombre d’actions.
Au sein du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », le budget accordé au fonds national d’aménagement et de développement du territoire, pour sa section locale, connaît une forte baisse.
L’abondement du FNADT section locale s’élève à 65 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 21 millions en crédits de paiement, soit une baisse, respectivement, de 66 % et de 84 % par rapport à 2024. En conséquence, les crédits destinés à la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, fléchés via les CPER, les pactes de développement territorial ou encore les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont grandement affectés. Il s’agit là d’un coup d’arrêt substantiel. Le Sénat devra être vigilant, une fois les comptes publics redressés, à la reprise de cette politique indispensable de réduction des disparités territoriales.
Au sein de ce programme, les crédits de l’ANCT diminueront de 21 %, passant ainsi de 81,5 millions d’euros en 2024 à 64 millions. Là encore, il s’agit d’un effort conséquent, mais qui n’a rien d’herculéen. Lors de mes auditions, cette agence a d’ailleurs elle-même reconnu être en mesure d’endosser, en responsabilité, ce sérieux budgétaire.
J’en viens désormais à l’évocation de deux sujets thématiques.
Premièrement, le périmètre et le rôle des agences et opérateurs de l’État forment, ainsi que le soulignait le Premier ministre devant nous la semaine dernière, « un labyrinthe ».
Je déplore ce phénomène d’archipélisation des agences. Pour la seule ingénierie publique dite sur mesure, ce sont cinq instances – la Banque des territoires, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), l’ANCT, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Anru – qui portent une offre.
Deuxième sujet : le soutien à destination du Programme national ponts (PNP) porté par le Cerema.
La situation des ouvrages d’art en France est toujours extrêmement préoccupante et les crédits à destination de ce plan s’éteindront à la fin de l’année 2025. J’estime indispensable de lancer une réflexion sur les modalités de financement de cette politique afin qu’aucun territoire ne soit abandonné face au mur d’investissement que peut représenter la réfection, voire la reconstruction, d’un pont.
Voilà, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part sur ce projet de budget pour 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)