M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » est un levier essentiel pour garantir l’égalité réelle entre nos territoires et renforcer leur résilience face aux défis économiques, sociaux et environnementaux.

Elle incarne l’engagement de l’État à répondre aux besoins des collectivités locales et à offrir à chaque citoyen des conditions de vie dignes, quel que soit son lieu de vie.

Avec l’augmentation de près de 20 % de ses crédits pour 2025, à hauteur de 23,8 milliards d’euros, cette mission se place au cœur des priorités nationales.

Derrière ces chiffres, il faut mettre en lumière les services concrets que ces crédits rendent aux habitants et les outils précieux qu’ils permettent d’offrir à nos collectivités.

Les collectivités locales, premières actrices de la cohésion territoriale, portent des projets essentiels pour améliorer le cadre de vie, développer les infrastructures et répondre aux attentes des populations.

Cette mission leur offre des moyens accrus pour mener à bien ces initiatives, comme en témoigne le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ». Bien que son budget ait diminué, il reste un outil central pour accompagner les petites communes et les zones rurales dans leurs projets de développement, qu’il s’agisse de la revitalisation des territoires isolés ou de la modernisation des infrastructures locales.

La mission assure également des services directs à nos concitoyens. Avec 17 milliards d’euros, soit une hausse de 24,6 %, le programme 109 « Aide à l’accès au logement » est un outil vital pour des millions de familles modestes. Ces dispositifs contribuent à prévenir le mal-logement et l’exclusion sociale, priorités absolues pour nos territoires.

Le groupe RDPI défendra un amendement visant à revaloriser les aides personnelles au logement dans les outre-mer. Le coût de la vie y étant particulièrement élevé, cette mesure permettra de mieux répondre aux besoins des familles les plus fragiles.

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », quant à lui, garantit 203 000 places d’hébergement d’urgence, pour un budget de 2,93 milliards d’euros. Ces actions concrètes offrent un espoir aux personnes en grande difficulté et permettent de maintenir la solidarité au cœur de notre pacte républicain.

Le groupe RDPI proposera toutefois quelques ajustements afin de répondre aux besoins de certaines populations particulièrement vulnérables, notamment en augmentant les capacités d’hébergement dédiées aux femmes en situation pré- ou postnatale, aux enfants à la rue, aux femmes victimes de violences et à leurs enfants.

C’est dans cet esprit d’équité que nous présenterons des amendements visant à répondre aux problématiques spécifiques rencontrées par certains territoires ultramarins, comme la lutte contre les algues sargasses, facteur majeur de pollution, ainsi que l’augmentation des crédits du plan chlordécone IV, crucial pour la santé des Guadeloupéens et des Martiniquais.

Enfin, avec un budget de près de 3 milliards d’euros, le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » renforce les investissements dans la rénovation énergétique des logements. Ce soutien représente pour nos collectivités une opportunité de mobiliser les acteurs locaux, de dynamiser l’économie verte et de développer l’emploi, tout en réduisant la précarité énergétique.

Cependant, certains choix budgétaires ont dû être faits. Il en est ainsi de la réduction de 14 % des crédits de la politique de la ville. On peut craindre que cette baisse ne compromette les efforts de revitalisation dans les quartiers prioritaires.

De même, la baisse des financements du fonds national d’aménagement et de développement du territoire fait craindre un ralentissement des projets stratégiques dans des territoires déjà fragiles. Ces coupes pourraient pénaliser les collectivités les moins bien dotées et creuser les inégalités territoriales.

La mission « Cohésion des territoires » n’est pas qu’une ligne comptable : elle est un instrument essentiel pour offrir aux collectivités les moyens d’agir et garantir aux citoyens un égal accès aux droits et aux services. Elle contribue à réduire les disparités entre territoires urbains, périurbains et ruraux, tout en soutenant des projets concrets et visibles au quotidien.

Mes chers collègues, en dépit d’un contexte budgétaire tendu, ce budget marque des avancées significatives. Le groupe RDPI a bon espoir qu’au cours des débats à venir, nous saurons collectivement soutenir les ajustements nécessaires pour répondre encore mieux aux attentes des collectivités et des citoyens.

Sous cette réserve, nous soutiendrons l’adoption de ces crédits, tant ils sont cruciaux pour les élus locaux. Ces derniers doivent pouvoir compter sur un soutien fort et adapté de l’État, car la cohésion des territoires est un enjeu fondamental pour la justice sociale et l’avenir de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce n’est un secret pour personne, la France est engluée dans une crise du logement sans précédent, tant structurelle que conjoncturelle, qui exigerait du Gouvernement une réponse budgétaire forte.

Relance de la construction et de l’accession à la propriété, financement du logement social, traitement des copropriétés en difficulté, hébergement d’urgence : les problématiques et les besoins sont nombreux.

La baisse du nombre de constructions et le blocage du marché des transactions dans le neuf comme dans l’ancien ont interrompu le parcours résidentiel des Français. Cette situation se traduit par l’impression d’une « assignation à résidence » et un sentiment de déclassement particulièrement marqués chez les classes moyennes, faute de pouvoir accéder à la propriété aussi facilement que les générations précédentes.

Avec plus de 2,7 millions de demandes, le nombre de ménages en attente d’un logement social atteint un niveau record en 2024.

En parallèle, 82 000 nouveaux logements sociaux ont été agréés cette année, chiffre au plus bas depuis quarante ans, bien loin de répondre à la demande.

Le diagnostic est inquiétant, pour ne pas dire alarmant. Cette crise économique et sociale du logement revêt une dimension politique forte. Vécue dans certaines zones tendues comme une injustice d’autant plus grande du fait du développement des résidences secondaires et des meublés de tourisme, cette situation entrave des projets de vie, met à mal le pacte social et menace la cohésion nationale.

Le projet de loi de finances pour 2025 devait ainsi amorcer de premières réponses, tant d’urgence que de long terme. Or, à ce stade, ces réponses ne semblent pas satisfaisantes.

Entre la non-inscription de la deuxième tranche de 400 millions d’euros pour la rénovation des HLM, la sous-budgétisation des crédits dédiés à l’hébergement d’urgence, l’absence de places supplémentaires pour les femmes victimes de violences, la réduction des dépenses pour les cités éducatives et l’abandon de l’objectif de leur généralisation, la nette diminution de l’enveloppe dédiée à MaPrimeRénov’, le désengagement de l’État dans le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) ou encore l’absence de contribution de l’État au nouveau programme national de renouvellement urbain piloté par l’Anru, l’ambiance est morose.

Néanmoins, il faut reconnaître à Mme la ministre chargée du logement d’avoir amorcé ou obtenu, en peu de temps, un certain nombre de mesures très attendues par les acteurs du secteur.

Nous attendons ainsi la confirmation d’une baisse de la réduction de loyer de solidarité de 200 millions d’euros, en contrepartie d’engagements précis de la part des bailleurs sociaux sur la production de logements. Cette baisse bienvenue leur redonnera des marges de manœuvre et permettra, au même titre que la baisse du taux du livret A à 2,4 %, d’entamer la reprise.

Par ailleurs, l’élargissement du prêt à taux zéro à tout le territoire pour le logement neuf, promis par l’exécutif l’automne dernier, ainsi que son maintien pour le logement ancien en zone détendue, sera l’une des pierres angulaires de la relance de l’accession à la propriété.

En ce qui concerne le soutien à l’investissement locatif, compte tenu notamment de la fin programmée du dispositif Pinel, nous attendons avec impatience l’ouverture d’un débat sur la défiscalisation des donations pour les enfants et petits-enfants. Il nous faut actionner tous les leviers avec pragmatisme, impliquer tous les acteurs pour dégripper autant de serrures que possible.

La réduction des crédits consacrés à l’aménagement du territoire fait craindre des reports d’opérations et un manque d’ingénierie locale. Sous couvert de restrictions budgétaires liées au contexte exceptionnel de nos finances publiques, le Gouvernement a fait certains choix dans lesquels notre groupe ne se retrouve pas.

Les crédits alloués à la politique contractuelle de l’État dans les territoires sont en majorité supprimés pour être théoriquement reportés à 2026. L’ANCT, habillée de la mission de renforcement de la cohésion sociale et de réduction des inégalités territoriales, devra apprendre à faire autant avec moins.

Ces arbitrages gouvernementaux, qui nous font craindre une baisse des moyens consacrés à l’ingénierie locale et des reports d’opérations, risquent d’aggraver les fractures territoriales.

Si le redressement des comptes publics doit être une priorité, la cohérence, l’efficacité et la pertinence de la dépense publique doivent en être d’autres.

Pourtant, mesdames les ministres, vous déposez un amendement de dernière minute qui vise à supprimer plus de 1 milliard d’euros en crédits de paiement. Difficile d’y voir une feuille de route ou une quelconque stratégie ! Nous ne pouvons que regretter cette méthode cavalière, dénuée de considération pour la représentation nationale.

Sous couvert de l’esprit de responsabilité qui vous anime et des fortes contraintes qui pèsent sur l’élaboration du budget, vous fragilisez l’élan nécessaire à la relance de notre politique du logement, de la ville et de l’aménagement du territoire. Pour toutes ces raisons, les membres du RDSE partageront leurs voix entre des votes contre et des abstentions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe GEST. – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Jacquemet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Cohésion des territoires », en hausse de 26 % en raison de l’évolution de son périmètre, sont essentiels pour le déploiement de politiques concernant directement la vie quotidienne des Français.

Vous le savez, mesdames les ministres, ces financements sont attendus par les acteurs de terrain, qui observent avec inquiétude le retard pris par l’examen du PLF pour 2025 au Parlement.

En complément des propos que mon collègue Yves Bleunven prononcera dans quelques instants, je souhaite me concentrer sur les programmes 177 et 147.

Le programme 177 prévoit notamment la montée en charge du deuxième plan Logement d’abord sur la période 2023-2027.

En orientant les personnes sans domicile et en assurant un accompagnement social adapté dans les 200 000 places d’hébergement ouvertes chaque soir, ce plan a permis le relogement de 550 000 personnes entre 2018 et 2023. L’accès à l’hébergement est le premier des besoins et la clé de l’insertion de ces personnes. Nous saluons les résultats obtenus, et appelons de nos vœux une intensification de la prévention du sans-abrisme et de l’insertion par le logement.

Le groupe Union Centriste partage néanmoins le constat de la rapporteure pour avis au sujet de la sous-budgétisation structurelle du programme 177. C’est pourquoi, afin de ne pas fragiliser le tissu associatif et les professionnels prenant en charge les personnes en grande détresse, et alors que très régulièrement le 115 ne peut proposer de solution d’hébergement aux personnes vulnérables, nous soutiendrons l’amendement de la commission des affaires économiques visant à augmenter ses crédits à hauteur de 280 millions d’euros.

Madame la ministre Létard, je vous sais profondément attachée au principe de l’inconditionnalité de l’accueil. Pourtant, sans ces moyens complémentaires, son effectivité serait menacée.

En outre, toujours au sujet de l’hébergement d’urgence, le rapport de la mission d’information sénatoriale sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale a notamment révélé la dégradation de la situation sanitaire périnatale en France par rapport aux autres pays européens. Au regard des conclusions de ces travaux, et alors qu’une maternité sur six déclare accueillir au moins une fois par mois des femmes sans hébergement à la sortie de la maternité, il semble indispensable de proposer des solutions en amont et en aval.

Un mot, enfin, du programme 147 « Politique de la ville », qui vise notamment à réduire les inégalités de développement au sein des zones urbaines. Cette belle promesse républicaine, malheureusement inachevée, est toujours plus d’actualité. En témoigne la « fragmentation des territoires sans précédent » à l’œuvre dans notre pays, selon l’expression employée par le sondeur Jérôme Fourquet.

En 2024, alors que la loi de finances initiale avait entériné une hausse de 40 millions des crédits de ce programme, des mesures de gel puis d’annulation l’ont finalement privé d’environ 90 millions d’euros.

Notre groupe, pour conclure, s’inquiète du retard pris dans le financement des 12 milliards prévus d’ici à 2033 pour le nouveau programme national de renouvellement urbain. Là encore, nous soutiendrons les propositions formulées par la rapporteure pour avis pour faire face aux besoins les plus urgents.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, ces quelques réflexions nous imposent d’être collectivement à la hauteur des enjeux. Ces sujets sont cruciaux, et nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser sans solution de financement. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera ces crédits, tout en restant force de proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après la dissolution de l’Assemblée nationale, après la censure du gouvernement précédent et plus de cent jours après le dépôt du projet de loi de finances, notre exercice du jour aurait dû s’apparenter à une épreuve de rattrapage.

Malheureusement, il n’en sera rien. Pis, mesdames les ministres, vous nous présentez un budget aggravé par cet amendement découvert sur le tard, qui sabre plus de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1 milliard d’euros en crédits de paiement sur les crédits de cette mission.

Plus de 4 millions de personnes souffrent de mal-logement, 330 000 sont sans-abri et plus de 2 000 enfants dorment dans la rue, selon un comptage de 2024. En 2023, selon un chiffre largement sous-estimé, 735 personnes seraient mortes dans la rue.

On compte 5,8 millions de logements considérés comme des passoires thermiques, nuisibles à notre environnement, coûteuses pour le porte-monnaie et dangereuses pour la santé de celles et ceux qui y habitent.

Près de 2,7 millions de demandes de logement social sont en attente, depuis plus d’un an pour plus de la moitié d’entre elles.

La situation ne va qu’empirer.

Notre nouveau ministre de l’économie, ancien directeur général de la Caisse des dépôts, en sait quelque chose, puisque c’est cet organisme qui prévoit une baisse de la capacité de production des bailleurs sociaux à 66 000 logements sociaux par an.

Malheureusement, nous sommes déjà presque à ce chiffre, alors que, selon l’Union sociale pour l’habitat, il faudrait en construire 198 000 par an afin de répondre aux besoins réels.

Le secteur de la construction, y compris dans le privé, connaît dans son ensemble une crise. Les autorisations de construction ont baissé de près de 20 % en un an. Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), 200 000 emplois sont menacés.

Je cherche dans ce budget les crédits qui nous permettraient d’affronter les crises de l’hébergement et du logement. Ces crédits sont indispensables pour défendre ce modèle français auquel vous vous dites très attachée, madame la ministre Létard.

Ces crédits ne sont pas dans la rénovation énergétique, puisque le dispositif MaPrimeRénov’, déjà imparfait parce que complexe et insuffisant parce que trop modeste, connaît une baisse draconienne.

Ils ne sont pas dans les aides à la pierre, puisque celles-ci ont disparu, ni dans le soutien aux bailleurs sociaux, qui continuent de subir une ponction de plus de 1 milliard d’euros par an avec la réduction de loyer de solidarité.

Ils ne sont pas non plus dans les aides personnelles au logement, puisque celles-ci augmentent toujours moins vite que le niveau des loyers, comme les revenus des salariés augmentent moins vite que le coût de la vie.

L’Insee le dit : c’est le grand écart. Entre 1998 et 2021, le niveau de vie médian a augmenté de 24 % quand, dans le même temps, l’indice de référence des loyers augmentait de 33 % et les prix des logements anciens étaient multipliés par trois, soit une hausse de 200 %.

La part du budget que les ménages consacrent au logement est passée de 19,7 % à 26,7 % en cinq ans. Ces chiffres éloquents masquent de grandes disparités. Cette situation est le fruit non pas de la fatalité, mais de choix politiques.

La question du logement subit une terrible contradiction : celui d’être à la fois un besoin vital et une marchandise ; d’être condition de vie, de survie, d’épanouissement, mais aussi produit d’épargne, d’enrichissement et de spéculation.

Rappelons quelques chiffres pour illustrer mon propos : 3,5 % des multipropriétaires détiennent 50 % du parc locatif privé.

Dans le rapport de leur mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable, nos collègues députés indiquent que « la “rente foncière”, distincte des revenus liés à l’investissement immobilier, […] atteint 7 000 milliards d’euros […] ». Taxer 1 % de cette somme, comme le préconisent nos collègues députés dans ce rapport transpartisan, permettrait de dégager 70 milliards d’euros.

Cette manne financière pourrait offrir les ressources indispensables à une véritable politique nationale du logement pour tous. Elle pourrait en particulier financer le logement social, ce bien public, notre bien commun, et garantir le droit au logement, condition préalable à l’existence des autres droits et fondement de notre socle républicain.

Nous avons devant nous quatre heures pour examiner les crédits de la mission « Cohésion des territoires », principal véhicule de l’État pour répondre à la problématique du logement.

Durant ces prochaines heures, soyons ambitieuses et ambitieux, non pour faire du logement un outil spéculatif à la main du marché, enrichissant le patrimoine de quelques-uns, mais pour que chacune et chacun de nos concitoyens puisse être logé dignement.

À défaut, nous serons obligés de payer le prix de notre inaction, et ce prix sera insoutenable. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le logement constitue le socle des crises économiques, sociales et financières que nous traversons.

Les chiffres sont connus de tous : il y a en France 4 millions de personnes mal logées et 330 000 sans domicile. Plus encore – c’est l’un des éléments centraux de la crise politique actuelle –, des millions de Français ne vivent pas là où ils le souhaiteraient.

Autour de nos métropoles, qu’il s’agisse de Nantes ou de Rennes, chère Françoise Gatel, le périurbain s’étale toujours plus loin des centres-villes, induisant des coûts très importants pour les classes moyennes n’ayant plus les moyens de se loger dans les grandes villes.

Ce phénomène alimente les rancœurs politiques, ainsi que la carte des résultats électoraux du Rassemblement national l’illustre.

En conséquence, priorité devrait être donnée à la relance de la construction, tout d’abord dans les grandes villes et les villes moyennes d’équilibre – j’insiste sur ces dernières. L’enjeu d’aménagement du territoire est majeur.

Or, ainsi que cela a déjà été rappelé, nous n’avons que rarement construit aussi peu de logements. L’examen des crédits de cette mission devrait nous fournir l’occasion de discuter des mesures les plus efficaces pour relancer la construction, mais comment avoir un échange approfondi et sérieux quand 1 milliard d’euros de crédits disparaissent dans la nuit ? C’est impossible !

Permettez-moi une observation générale tirée de nos échanges d’hier soir : si l’on peut éviter la tirade sur la responsabilité de la gauche dans l’aggravation de la situation financière à cause d’une censure que nous assumons pleinement, cela nous ferait gagner du temps !

Nous cherchons juste à revenir sur sept années d’errements. Par exemple, la suppression de la taxe d’habitation a remis en cause le principe de l’autonomie fiscale des collectivités. Le déficit budgétaire s’en est trouvé aggravé, et les politiques de l’habitat ont été directement affectées.

La gravité de la crise du logement rend nécessaire l’invention de nouvelles synergies entre l’État, le bloc communal et les organismes financiers. Un espace d’accord politique aurait pu être trouvé face à l’urgence. Le refus du bloc central de s’engager dans ce dialogue devrait suffire à nous épargner des tirades inutiles.

Notre discussion devrait porter sur l’impact et sur l’évolution des dispositifs. Permettez-moi d’en donner deux exemples.

Premièrement, stop-and-go et atermoiements ont empêché les politiques de rénovation d’atteindre leurs objectifs quantitatifs. A-t-on bien mesuré les conséquences probables des nouvelles baisses de crédit et leur effet domino ? La baisse des aides sur les pompes à chaleur les rend clairement trop chères pour les classes moyennes, qui reviennent vers le gaz.

J’habite à quelques centaines de mètres de l’usine de Saunier Duval. La baisse de ces aides signifie non seulement la mise en difficulté d’une filière d’excellence et la perte de nombreux emplois, mais aussi un retard dans l’électrification de la consommation, poussant vers des prix négatifs de l’électricité.

À cause de ce manque de volontarisme sur MaPrimeRénov’, c’est donc l’ensemble de notre système économique et énergétique qui risque d’être déstabilisé. En définitive, les coûts induits seront bien plus importants que les centaines de millions qu’on cherche à économiser dans l’urgence sur les crédits de cette mission.

Mon second exemple, c’est la baisse de 14 % des crédits du programme 147 « Politique de la ville », qui passent de 639 millions d’euros à 549 millions d’euros. La politique de la ville, qui date de quelques années, doit accompagner la parentalité et soutenir l’ambition éducative de la République dans les territoires les moins favorisés.

La diminution de ces crédits mettra fin à des dispositifs entiers, ce qui se traduira par un accroissement des pressions financières sur la sécurité sociale, les communes et les départements. Là encore, les coûts en aval seront bien plus importants que les économies réalisées.

La politique de la ville donne aussi les moyens de financer des outils de prévention de la délinquance, d’occuper l’espace public et de faciliter la coordination entre les acteurs, à l’aide des postes d’adultes-relais par exemple, dont les crédits sont en baisse de 5 millions d’euros.

Certains quartiers concentrent plusieurs problèmes, nous le savons. Dans quelques jours, nous examinerons la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Si les mesures qu’elle comportera ne s’inscrivent pas dans des politiques cohérentes dans ces territoires, encore une fois, l’échec sera au bout.

Face à ces incohérences et à l’incapacité d’évaluer l’effet domino des arbitrages retenus, vous l’avez compris, notre groupe, sauf s’ils sont revus à la hausse, ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. Jacques Fernique. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Serge Mérillou. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la position des sénatrices et des sénateurs socialistes sur les crédits consacrés aux politiques du logement demeure inchangée. Depuis plusieurs exercices budgétaires, nous plaidons pour que le logement devienne une grande cause nationale. Mon collègue Denis Bouad a maintes fois défendu, dans cet hémicycle, la nécessité d’un véritable plan Marshall en faveur du logement social.

Aujourd’hui, l’urgence est plus pressante encore. Face à la crise du secteur, il est impératif de faire de cette question une priorité politique. Si le logement ne représente pas le premier poste budgétaire de l’État, il constitue néanmoins le premier poste de dépenses des Français, qui y consacrent plus d’un quart de leurs revenus. Cette proportion grimpe même à 40 % pour les ménages les plus modestes, voire davantage en outre-mer.

Pourtant, malgré cette préoccupation majeure, le logement a été le grand oublié des politiques publiques ces dernières années. Pis encore, le Gouvernement s’obstine à réduire de manière draconienne des crédits essentiels pour des millions de Français.

Madame la ministre chargée du logement, je connais votre engagement sincère sur certains dossiers comme l’hébergement, mais le budget que vous présentez n’est pas à la hauteur des enjeux.

Les crédits des programmes 147 « Politique de la ville » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », bien que 10 000 places d’hébergement manquent encore, sont les seuls rescapés d’un naufrage social annoncé.

L’amendement qui vise à annuler plus de 1 milliard d’euros de crédits est une catastrophe non seulement pour les millions de personnes souffrant de précarité énergétique et de l’habitat indigne, mais aussi pour les très petites entreprises (TPE) et les artisans dans un secteur d’activité qui va perdre des dizaines de milliers d’emplois.

En outre, son adoption reviendrait à renoncer à atteindre les objectifs de neutralité carbone que nous nous sommes collectivement fixés.

Une telle décision reviendrait à fermer les yeux sur la détresse de millions de nos concitoyens confrontés au mal-logement, alors que le taux de pauvreté atteint des sommets inconnus depuis plusieurs décennies.

Supprimer ces crédits, c’est fragiliser encore davantage les foyers les plus modestes, ceux qui dépendent de ces aides pour garder un toit au-dessus de la tête, ceux qui vivent déjà dans des conditions que nul ne pourrait qualifier de dignes.

Nous attendons aussi la concrétisation de l’engagement de réduire la ponction sur les bailleurs sociaux à hauteur de 300 millions d’euros, réitéré par le Premier ministre.

Dans le même temps, sur le terrain, les bailleurs sociaux éprouvent de plus en plus de difficultés à construire des logements tout en assurant la rénovation et l’entretien du parc existant. En 2024, seulement 80 000 logements sociaux ont été construits, contre plus de 100 000 en 2017.

Le nombre de Français en attente d’un logement social ne cesse de croître, pour atteindre 2,7 millions. Dans mon département, la Dordogne, les demandes de logement ont augmenté de 40 % en deux ans.

Mesdames les ministres, ne voyez-vous pas la crainte que soulèvent ces chiffres ? Je suis conscient des contraintes budgétaires, mais je vous le demande : combien a coûté la RLS ? Quel a été l’impact réel de ces économies sur les finances publiques ?

Nous devons être vigilants face à l’effet récessif de certaines économies budgétaires. Ce n’est pas seulement le logement social qui est en crise, c’est tout le secteur : entre 2017 et 2023, nous sommes passés de 434 000 à 287 000 mises en chantier. Ce recul entraîne une baisse des rentrées fiscales pour l’État et menace 500 000 emplois dans le bâtiment d’ici à la fin de l’année.

Cette annulation de crédits va aussi affecter le nombre de rénovations thermiques, alors que celui-ci doit absolument être augmenté. Aujourd’hui, 37 % des passoires énergétiques sont occupées par des ménages vivant sous le seuil de pauvreté. Au lieu d’envisager un reste à charge nul, le Gouvernement grève les possibilités de rénover les logements, donc de réussir la transition écologique.

Cette suppression de plus de 1 milliard d’euros intervient alors même que le Premier ministre a annoncé une politique du logement ambitieuse : aide aux maires bâtisseurs, soutien à la réhabilitation du bâti rural, logements étudiants, rénovation urbaine.

En actant ces coupes budgétaires, on sacrifie la politique de solidarité d’accès universel à un logement décent, on abandonne des millions de ménages modestes face à des difficultés croissantes et dégradantes. Cela traduit un manque de considération du Gouvernement pour nos concitoyens les plus précaires.

C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)