M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la politique de cohésion des territoires vise à renforcer l’équité et l’efficacité de l’aménagement du territoire, en tenant compte des spécificités locales, ainsi que des enjeux économiques, sociaux et territoriaux.
Les différents crédits de cette mission sont destinés à soutenir l’aide à l’accès au logement et à l’hébergement, la politique de la ville ou encore la politique d’aménagement du territoire. Ces dépenses doivent être comprises comme un outil d’efficacité économique et de performance collective.
Toutefois, le contexte budgétaire et notre déficit préoccupant nous invitent à réduire de manière urgente les dépenses de l’État. Depuis toujours, le groupe Les Indépendants – République et Territoires tient une ligne claire : faire des économies toutes les fois que cela est possible et à tous les échelons.
La mission « Cohésion des territoires » que nous examinons ce soir ne peut malheureusement y déroger. Nous devrons donc faire aussi bien avec moins. Nous saluons les efforts proposés aujourd’hui, mais nous resterons très vigilants quant à leur efficacité.
Avec ses six programmes, la mission couvre un champ très large. Je me contenterai donc de développer quelques points en particulier.
Les crédits de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) subissent une diminution significative, ce qui ralentira les projets de réhabilitation et de production de logements. Bien que temporaire, cette réduction contraindra cet organisme à prioriser ou à reporter certains chantiers. Il est crucial que cette baisse ne conduise pas à un arrêt complet des politiques en cours, d’autant que le contexte actuel est loin d’être satisfaisant en la matière. Le secteur connaît déjà de grandes difficultés.
En ce qui concerne le logement et l’hébergement, les crédits liés à la rénovation énergétique des logements, dont l’exécution passe par l’action de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), notamment via le programme MaPrimeRénov’, sont particulièrement touchés. Toutefois – c’est là que s’exercera notre vigilance –, la baisse des crédits liés à la rénovation, combinée à l’extinction progressive du dispositif fiscal Pinel, pourrait avoir un effet négatif sur l’artisanat et le bâtiment, secteurs déjà sinistrés. Nous devons donc être extrêmement attentifs.
L’objectif n’est pas de réduire pour le simple plaisir de réduire ; une réduction mal planifiée aujourd’hui pourrait engendrer des dépenses supplémentaires ou des surcoûts à l’avenir. Il est essentiel d’adopter une approche axée sur la performance des dépenses et non une vision purement comptable. C’est pourquoi nous soutenons également votre proposition, madame la ministre, consistant à étendre le prêt à taux zéro aux maisons individuelles neuves et à l’ensemble du territoire. Cette mesure permettrait de soutenir le marché de l’investissement locatif et l’accession à la propriété.
Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » est également marqué par une baisse de près de 39 % de ses crédits de paiement. Ce programme recouvre le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), mais également l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Je le répète, nous entendons le besoin de limiter les dépenses. Attention, toutefois, cela affectera inéluctablement les contrats entre l’État et les régions, ainsi que le développement territorial, et entraînera le report de plusieurs opérations.
Il est regrettable de devoir diminuer des crédits dont l’objectif même est de renforcer la cohésion et de réduire les inégalités territoriales, alors qu’il s’agit d’enjeux qui sont au cœur de la cohésion des territoires. Nous veillerons donc à ce que cette baisse ne soit que conjoncturelle.
Si l’effort demandé à l’ANCT semble mesuré, il est nécessaire de renforcer la clarté et la cohérence des dispositifs d’ingénierie locale, essentiels au développement des territoires. Il est primordial de renforcer les expertises de proximité et de ne pas ralentir le développement de cette agence. Celle-ci joue un rôle croissant en tant que partenaire privilégié des élus locaux et doit pouvoir continuer à assumer cette fonction.
Quant aux ponts, ouvrages d’art qui présentent un enjeu politique et financier, ils nécessitent régulièrement des travaux importants, qui perturbent la circulation et ont de nombreuses conséquences économiques et sociales. Les collectivités doivent être accompagnées sur ces sujets. Si les crédits du programme national Ponts (PNP) ne sont pas abondés cette année, ils devront l’être dès que possible : réduire les travaux et l’entretien des ponts ne ferait qu’accroître les risques et engendrer des coûts plus élevés à long terme…
Enfin, les arbitrages ne doivent pas se faire au détriment de nos usagers les plus isolés, notamment en milieu rural. Ainsi, dans un contexte de dématérialisation toujours croissante des services publics, les crédits relatifs à l’aménagement numérique du territoire, qui recouvre à la fois le déploiement de la fibre, le renforcement des raccordements, le développement d’antennes-relais et l’installation de centres de données de proximité, doivent continuer à permettre d’atteindre l’objectif d’inclusion numérique. Le maintien des crédits de France Services est nécessaire. Il ne faut pas que les usagers soient affectés.
Certes, les efforts demandés sont importants et le groupe Les Indépendants sera attentif à tous les engagements pris. Gardons néanmoins à l’esprit que cet effort exceptionnel doit être mesuré pour préserver la qualité de nos services essentiels et accompagner nos territoires les plus vulnérables. En cela, seule la recherche d’une performance de dépense reposant sur une approche réfléchie et stratégique permettra de maximiser l’efficacité des ressources allouées, tout en minimisant les gaspillages et les inefficacités.
Ainsi, mesdames les ministres, au lieu de simplement réduire les coûts, l’objectif doit être d’optimiser chaque euro dépensé pour qu’il engendre le maximum de valeur ajoutée, que ce soit du point de vue du service rendu ou de l’impact social, économique ou environnemental.
C’est dans cet état d’esprit que nous resterons vigilants et constructifs lors de nos discussions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, de nombreux orateurs l’ont déjà souligné, le logement est le premier poste de dépenses des Français : il représente 26,7 % de leur budget mensuel, soit 7 points de plus qu’il y a cinq ans. Il est donc, à juste titre, en première ligne de leurs préoccupations, loin même devant l’accès à l’emploi, la santé, la justice et la sécurité.
Néanmoins, le logement n’est pas qu’une question économique : je ne répéterai jamais assez qu’avec le logement on touche à l’essentiel. Au printemps dernier, le rapport d’information sur la crise du logement de la commission des affaires économiques, rédigé par Amel Gacquerre, Viviane Artigalas et moi-même, a dressé le diagnostic d’une crise du logement multisegment et multifactorielle, aux dimensions politiques et sociales durables.
Le blocage du parcours résidentiel provoque, chez ceux de nos concitoyens qui ne parviennent pas à accéder à la propriété, un sentiment de déclassement par rapport à la génération précédente. Il entrave aussi très concrètement des projets de vie : trouver un emploi ou en changer, agrandir sa famille, être libre de poursuivre des études, sont autant de choix qui dépendent de l’accès à un logement. Cela alimente l’idée d’une assignation à résidence, facteur de frustration, voire de ressentiment.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire la récente baisse des taux d’intérêt, réponse à tous nos maux selon certains, la crise du logement est toujours bien présente. La promotion privée et la construction de logements sociaux sont au plus bas. L’amélioration de la conjoncture n’efface pas sept années de politiques décourageant la construction…
Au mois d’octobre dernier, Michel Barnier plaçait enfin, dans sa déclaration de politique générale, le logement parmi les priorités gouvernementales.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Puis, au mois de novembre dernier, vous annonciez devant notre commission, madame la ministre Létard, plusieurs mesures constituant, à tout le moins aux yeux de la majorité sénatoriale, une véritable inflexion en faveur de la construction, de la primoaccession et du desserrement de l’étau financier des bailleurs sociaux.
Ce budget amorce donc un changement clair de cap en matière de politique du logement, en dépit des contraintes budgétaires dont ce gouvernement a hérité. C’est une très bonne nouvelle, car il est trop souvent oublié que les recettes fiscales du logement sont deux fois plus élevées que les aides versées. Cela fait des actions développées par cette mission de puissants leviers budgétaires !
Parmi ces leviers, il y a d’abord, l’élargissement du prêt à taux zéro, que nous souhaitons le plus important possible, afin d’envoyer un signal fort en faveur de la relance de l’accession à la propriété ; vous savez combien ce sujet nous tient à cœur, madame la ministre Létard. Le rapport d’information auquel j’ai fait référence préconise d’ailleurs de revenir sur le recentrage du dispositif aux zones tendues, décidé à l’issue du Conseil national de la refondation (CNR) Logement, car ce recentrage est préjudiciable à l’accession des classes moyennes à la propriété.
Là encore, il ne faut pas en sous-estimer les conséquences politiques : des urbanistes comme Joel Kotkin ont mis en évidence le lien entre inaccessibilité de l’immobilier, affaiblissement de la classe moyenne et fragilisation de la démocratie.
Ensuite, face à l’extinction du dispositif Pinel, nous saluons bien évidemment l’annonce d’une mesure exceptionnelle de donation exonérée aux enfants en faveur de la primoaccession dans le neuf.
J’en viens maintenant à la mesure qui incarne peut-être le plus ce changement de cap, ou du moins la fin d’un tabou : la baisse, à hauteur de 200 millions d’euros, de la fameuse réduction de loyer de solidarité (RLS). Depuis 2018, la commission des affaires économiques, à laquelle vous apparteniez, madame la ministre Létard, est fermement engagée contre ce dispositif, dont nous constatons les dégâts dans nos départements.
Sa réduction permettra de redonner des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux, alors que la demande de logements sociaux ne faiblit pas. En effet, à la fin du premier semestre 2024, les demandeurs représentaient 2,7 millions de ménages.
J’en viens à la rénovation urbaine, madame la ministre déléguée chargée de la ville, sujet cher à la commission des affaires économiques : dans nos villes, le logement s’inscrit dans un cadre de vie collectif, qui doit être synonyme de qualité de l’habitat et d’accès aux équipements publics. La commission des affaires économiques apporte donc son soutien aux amendements visant à donner à l’Anru les moyens de son action en 2025.
Enfin, le logement est aussi une source d’inquiétude quotidienne concrète pour les populations en grande détresse qui en sont privées. J’insiste sur la nécessité, rappelée par la rapporteure pour avis Amel Gacquerre, de mieux doter le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui finance l’hébergement d’urgence, et d’accompagner la montée en puissance du plan Logement d’abord.
Mes chers collègues, avec la censure du 4 décembre dernier, nous avons perdu beaucoup trop de temps pour le secteur de la construction et pour nos concitoyens qui souffrent du mal-logement. J’espère que nous n’en perdrons pas davantage.
Mesdames les ministres, vous nous trouverez à vos côtés dans vos actions, car nous connaissons vos combats et la confiance que place en vous l’ensemble du monde du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. André Reichardt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. Yves Bleunven. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » est un pilier central de la réponse aux fractures sociales et territoriales. Toutefois, la hausse apparente de 26,3 % du budget recèle plusieurs enjeux de fond.
Comment ne pas commencer par parler de la crise du logement, qui ne cesse de s’aggraver ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la construction de logements est au plus bas depuis vingt ans ; seulement 80 000 agréments pour le logement social ont été enregistrés cette année, alors que 2,7 millions demandes sont pendantes.
Les récentes avancées sont à souligner et je me félicite par exemple de l’extension du prêt à taux zéro et des différentes incitations à la primoaccession. Toutefois, je reste fortement préoccupé par l’absence de financement d’un opérateur de l’État qui a, à mon sens, toute sa place dans la résolution de cette crise protéiforme : le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). En 2025, ce fonds sera uniquement financé par sa propre trésorerie et par les reports de fonds de concours disponibles sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », mais son financement pour 2026 est plus qu’incertain. Que se passera-t-il alors ?
J’en suis convaincu, le parcours résidentiel doit être repensé en profondeur et doit rassembler tous les acteurs. Cela implique une simplification des procédures de construction, mais également une réflexion sur la mobilisation et la mutualisation du foncier.
Le Premier ministre l’a rappelé, il faut aider les maires bâtisseurs. Bien souvent, dans nos collectivités, le bailleur social est propriétaire d’un bout de terrain par-ci, la commune d’un bout de terrain par-là, l’État de quelques mètres carrés plus loin. Nous devons aider les collectivités à tirer parti de leurs propres ressources foncières et à travailler de concert avec les bailleurs sociaux. Cette mutualisation est cruciale pour relancer la construction.
Par ailleurs, il est nécessaire de s’adapter aux nouvelles attentes : la segmentation du parcours résidentiel doit être une priorité pour pouvoir proposer des logements adaptés à chaque étape de la vie. Plus que jamais, nous devons nous inspirer de ce qui fonctionne dans nos territoires.
Je me félicite donc de voir que le sujet des collectivités territoriales a été largement intégré dans les crédits de cette mission. Je pense au financement renouvelé d’initiatives réussies telles que France Services, qui encourage le rapprochement des services publics de nos territoires et le maintien du lien de proximité.
Je relève aussi l’augmentation des crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dont dépendent des dispositifs tels que le zonage de France Ruralités Revitalisation (FRR). Véritable levier de compétitivité et d’attractivité pour les territoires ruraux et périurbains, le système de bonification FRR est une incitation nécessaire au soutien de nos économies locales, qui a fait ses preuves dans le maintien de nos services publics.
En conclusion, je vous confirme les propos de ma collègue Annick Jacquemet : le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission, qui répondent à des enjeux cruciaux pour nos territoires.
Toutefois, si nous souhaitons véritablement redynamiser la construction et la rénovation, mesdames les ministres, j’appelle votre attention sur les motifs d’inquiétude évoqués précédemment, auxquels il nous faut répondre, par exemple au travers d’un grand projet de loi Logement, si l’agenda législatif nous le permet un jour…
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. Simon Uzenat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il faut le dire et le répéter, car on ne doit pas mentir aux Français : on ne peut pas faire plus avec moins. L’amendement n° II-2210 rectifié du Gouvernement, qui tend à supprimer 1 milliard d’euros de crédits de paiement, le démontre bien.
J’illustrerai cette réalité par trois exemples.
Le premier exemple concerne le fonds national d’aménagement et de développement du territoire. Les autorisations d’engagement de l’action n° 11 « FNADT section locale » du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » subissent une réduction de 66 %, ses crédits de paiement diminuant de 84 %.
Prenons un autre exemple très précis, les contrats de plan État-région (CPER). Les autorisations d’engagement diminuent de 70 % et les crédits de paiement s’élèvent à zéro euro. Pourtant, il était clairement indiqué dans la loi de finances initiale pour 2024 que, après 2024, il serait nécessaire de déployer 39,2 millions d’euros, ne serait-ce que pour honorer les engagements pris au titre de la contractualisation précédente. La parole de l’État est gravement discréditée. Sans vouloir trop insister, je relève que l’effet de levier que constituent ces CPER et l’engagement de l’État est majeur.
On nous assure que les opérations sont simplement reportées jusqu’à retour à meilleure fortune, en 2026. Je ne sais pas s’il y a des Madame Irma au Gouvernement (Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité sourit.), mais il est presque certain qu’au regard de la trajectoire budgétaire prévue une nouvelle saignée sera prescrite en 2026 ; l’État sera donc encore défaillant. On voit là le cynisme du Gouvernement : il diminue les engagements financiers de l’État, ce qui donne un prétexte aux collectivités pour faire des économies. Tout cela se fait au détriment de notre économie et de nos concitoyens.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera donc des amendements pour contrecarrer cette tendance.
Deuxième exemple, les petites communes, notamment dans les territoires ruraux – je pense en particulier aux 25 000 communes de moins de mille habitants –, ne pourront pas faire plus avec moins, puisque les crédits de l’ANCT diminuent de 21 % – M. le rapporteur spécial Delcros l’a souligné – et ceux des tiers lieux de 80 %, alors que 50 % des lieux financés par l’ANCT se trouvent en milieu rural. Pour répondre aux besoins des collectivités en la matière, le groupe SER a donc déposé des amendements.
Pour ce qui concerne France Services, on peut évidemment saluer l’effort du Gouvernement, mais nous estimons qu’il s’agit de missions régaliennes, dont le financement devrait incomber intégralement à l’État. À ce jour, pourtant, plus de la moitié de ces dépenses pèse pourtant sur les collectivités locales.
Troisième et dernier exemple, le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».
Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité, seule Bretonne au banc des ministres (Sourires.), y sera sensible : les crédits affectés à la lutte contre les algues vertes connaissent, après un premier recul de 5 % en 2024, une nouvelle diminution cette année, à hauteur de 8 %.
Les territoires ultramarins subissent aussi des baisses de ressources : les crédits consacrés au plan stratégique de lutte contre la pollution à la chlordécone 2021-2027 diminuent de 4 %, ceux de la transformation de la Guyane de 10 %, le plan Sargasses II de 13 %.
En sus de tout cela, l’amendement déposé il y a quelques heures tend à diminuer les crédits de ce programme de 9 millions d’euros supplémentaires.
Si le Sénat n’y prend pas garde, ces choix seront donc préjudiciables. Je fais confiance à nos collègues, quelle que soit leur sensibilité, pour être au rendez-vous de l’histoire et défendre nos collectivités.
Mesdames les ministres, je vous l’ai dit, nous ne pouvons pas faire plus avec moins. Vous allez sans doute essayer de nous démontrer le contraire ce soir, mais une telle position n’est pas tenable.
Nous sommes très loin du compte pour garantir aux élus le pouvoir d’agir qu’ils attendent et qu’ils sont en droit d’exercer. Oui, nous sommes comptables des équilibres budgétaires de la Nation. Nous avons fait des propositions en ce sens, mais vous n’avez pas voulu les entendre. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences…
Nous ne voterons donc pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » incarne une ambition essentielle : garantir l’égalité des chances et des conditions de vie dans l’ensemble de notre territoire.
Qu’il s’agisse de l’accès au logement, des mobilités, de l’inclusion numérique ou encore de la lutte contre les fractures territoriales, cette mission répond à des besoins fondamentaux pour nos concitoyens. Ces besoins sont immenses et doivent nécessairement s’adapter aux spécificités de chaque territoire et à sa population.
Le défi que nous devons désormais relever, non seulement lors de cet exercice budgétaire, mais très certainement aussi lors des suivants, est de taille : il nous faut réaliser ce qui semble a priori impossible, à savoir faire mieux avec moins.
Pour autant, cette formule ne doit pas se réduire aux moyens alloués. Si nous voulons faire mieux, nous devons commencer par diminuer le nombre de normes. Deux exemples sont emblématiques de ce combat que mène, de longue date, le Sénat.
Le premier exemple concerne le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités. Si un tel transfert peut être pertinent lorsque les circonstances locales le rendent utile et qu’un projet commun existe, l’uniformité imposée, sans prise en compte des réalités du terrain, peut avoir des conséquences néfastes sur les finances locales et la qualité du service. Le récent recul de cette volonté de centralisation, grâce à un vote du Sénat, constitue une victoire pour nos élus locaux, en particulier dans les zones rurales, où ces compétences sont souvent mieux gérées à l’échelle des communes.
Second exemple, le « zéro artificialisation nette » (ZAN). En l’état, il constitue l’une des plus grandes menaces pour la cohésion de nos territoires. Nos collectivités ne se ressemblent pas et n’évoluent pas toutes au même rythme. Certaines portent des projets fonciers importants, qui dynamiseront tout leur écosystème local, tandis que d’autres ont pour unique ambition de créer quelques logements supplémentaires, afin de permettre à leur population de se maintenir. Pourtant, toutes subissent aujourd’hui l’application uniforme d’une loi qui n’a pas été pensée pour elles.
Dès lors, une seule possibilité se présente à nous : suivre la Trace (trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux) laissée par le Sénat, à savoir la proposition de loi déposée par nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc que nous examinerons prochainement et qui vise à redonner aux élus locaux la possibilité de définir eux-mêmes la trajectoire de sobriété foncière à l’échelle départementale, en supprimant l’objectif intermédiaire contraignant de 2031. Nous comptons sur le soutien du Gouvernement lors de l’examen de ce texte.
Par son intérêt et son action sur ces deux sujets, le Sénat a démontré que, oui, une diminution des normes peut rimer avec une meilleure cohésion de nos territoires.
Pour autant, rationaliser ne signifie pas mettre fin aux investissements indispensables, en particulier pour nos infrastructures. Je souhaite à cet égard avoir une pensée particulière pour le département dont je suis élue, l’Ardèche, mais aussi pour tous les territoires touchés au cours des derniers mois par des catastrophes naturelles, malheureusement de plus en plus fréquentes.
L’entretien de nos infrastructures, notamment de nos ponts, et l’évaluation de leur état ne doivent pas être les victimes collatérales des économies à réaliser. Le programme national Ponts est une initiative salutaire, mais il reste insuffisant face à l’ampleur des besoins.
Les rapports successifs montrent qu’une grande partie de ces ouvrages sont dans un état préoccupant, surtout dans les territoires ruraux. Quand un pont s’effondre, c’est un lien entre deux réalités qui disparaît brutalement. Nous devons donc renforcer le PNP, en impliquant les collectivités dans la priorisation des travaux et en veillant à ce que ces investissements soient pérennes et équitables.
Mesdames les ministres, dans le contexte actuel, l’erreur consisterait à opposer frontalement rigueur budgétaire et ambition territoriale. Les collectivités locales, premiers acteurs de la cohésion des territoires, attendent de l’État un appui stratégique, ainsi qu’une plus grande liberté d’action pour adapter les dispositifs à leurs réalités.
Faire mieux avec moins nécessite des arbitrages courageux, mais surtout une vraie concertation avec les élus locaux. Investir dans nos territoires n’est pas une charge, c’est un devoir et c’est aussi le meilleur moyen de réconcilier nos concitoyens avec l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le contexte budgétaire dégradé nous impose des économies. Toutefois, la contribution des collectivités territoriales à l’effort budgétaire suscite de vives interrogations et protestations qui doivent être entendues.
La baisse de la contribution demandée aux collectivités, portée à 2,2 milliards d’euros, est sûrement louable par rapport à ce qui était prévu, mais j’exprime de fortes réserves quant au fait que les communes faiblement peuplées, notamment lorsqu’elles sont situées en zone FRR, comptent parmi les premières contributrices à cet effort, en leur nom propre ou au sein de leur EPCI. L’effort doit être juste et équilibré.
La stratégie d’aménagement du territoire doit être clarifiée pour assurer que les politiques de cohésion soient mieux articulées et plus efficaces.
La baisse du soutien de l’État au plan France Très Haut Débit compromet l’objectif de généralisation de la fibre optique d’ici à 2025. Cette baisse n’est-elle pas prématurée, dans la mesure où les collectivités sont confrontées aux problématiques les plus complexes de raccordement au dernier kilomètre, sachant que le réseau historique du cuivre va être progressivement abandonné ? Ce désengagement est préoccupant eu égard aux enjeux de continuité et d’égalité d’accès au service public des télécommunications.
De même, les manquements des opérateurs par rapport à la qualité des raccordements finals et à la protection des infrastructures dégradent les réseaux et soulignent la nécessité d’un contrôle renforcé pour garantir la qualité des raccordements.
La forte réduction des crédits du fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) suscite des inquiétudes en raison de ses conséquences sur la capacité des collectivités à mener leurs projets d’aménagement. Cette stratégie est une menace pour les politiques territoriales, particulièrement la politique de montagne, qui a montré son efficacité.
La marginalisation du FNADT envoie un signal négatif aux collectivités, car cet organisme sert précisément à réduire les disparités régionales. Nous devons revenir sur le sort qui lui est réservé pour ne pas sacrifier les politiques de montagne qui en dépendent. Alors que les CPIER des massifs visent à accompagner des expérimentations et des différenciations, afin de s’adapter aux spécificités territoriales, eux-mêmes seront durement affectés en 2025. Je le déplore.
La mission « Cohésion des territoires » tend à intégrer 2 168 communes à la politique FRR, conformément à la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) inscrite dans le projet de loi de finances pour 2024. Je salue cette incorporation a posteriori. À la suite de l’arrêté du 19 juin 2024, 17 700 communes ont déjà rejoint le dispositif, dont l’ensemble de celles de treize départements, comme l’Aveyron, en raison de critères démographiques et économiques. Cet outil a démontré au fil des ans son efficacité pour favoriser l’attractivité des territoires ruraux et pour assurer leur équilibre économique. Il faut le renforcer.
La diminution des crédits alloués à l’ANCT ne remet pas en cause la capacité de l’organisme à accompagner les collectivités territoriales. Plus encore, elle constitue une opportunité pour engager une transformation de la structure, en cohérence avec les orientations discutées récemment au sein de la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je pense à la clarification de l’offre d’ingénierie à destination des élus locaux.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2025 poursuit le verdissement des dotations aux collectivités territoriales en intégrant la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID) au budget vert de l’État.
Si l’effort en faveur de la transition écologique est notable, il convient de rester vigilant. Ces objectifs ne doivent pas entraver la capacité d’investissement des plus petites collectivités.
Quant à la logique de globalisation des fonds, elle me semble discutable. Elle s’oppose en effet à la nécessité de maintenir les dotations sous la responsabilité des préfets de département pour garantir une gestion de proximité.
Pour terminer, je reconnais que les abondements de crédits rencontrent des limites évidentes, toutefois dictées par le contexte budgétaire. À ce titre et en considération des améliorations que nous avons évoquées, la mission mérite un soutien responsable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)