Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Mme Mathilde Ollivier applaudit.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous étudions une mission dont le périmètre est plus lisible que les années précédentes, car il a été recentré sur les seuls programmes d’intervention. L’ancien programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » a été rattaché à une autre mission et nous gagnons en cohérence.
Cette mission essentiellement sociale est confrontée, malheureusement, à des besoins en augmentation et les crédits alloués, en particulier ceux qui sont attribués au programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », ne prennent pas la mesure des politiques publiques nécessaires pour répondre durablement aux problèmes posés.
C’est notamment le cas pour le Pacte des solidarités, lancé à la fin de 2023 pour remplacer la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le collectif Alerte qui rassemble trente-sept fédérations, associations nationales et collectifs interassociatifs locaux de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, l’avait qualifié l’année dernière de « pauvre plan contre la pauvreté ». Il déplore cette année que « le compte n’y soit toujours pas. »
Selon les derniers chiffres de l’Insee, le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans est plus élevé de six points que celui de l’ensemble de la population. Un enfant sur cinq est désormais concerné et 8 millions d’enfants vivent dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
Nous avons besoin de réformes structurelles pour endiguer la pauvreté, à tous les âges de la vie et ce, dès la naissance.
Nous approuvons l’augmentation des crédits alloués au programme Mieux manger pour tous, mais la dynamique des besoins la rend toujours insuffisante. Les associations d’aide alimentaire restent préoccupées quant à leur capacité à remplir leurs missions dans un contexte de forte hausse et d’intensification de la précarité, alors que certains approvisionnements diminuent et que les prix alimentaires sont durablement élevés. Nous souhaitons un changement, là encore structurel, du modèle alimentaire, qui concernera aussi l’aide alimentaire. Il nous faudrait pour cela soutenir plus fortement les expérimentations locales.
Victor Hugo, qui a siégé dans cet hémicycle, écrivait que « ceux qui ont faim ont droit ». Il est temps de constitutionnaliser le droit à l’alimentation et de le rendre effectif. C’est l’objet d’une proposition de loi que le groupe écologiste a déposée l’année dernière.
Par ailleurs, la généralisation progressive de la réforme de la solidarité à la source a permis de moindres dépenses, dégageant ainsi des crédits à hauteur d’environ 800 millions d’euros, qui doivent être consacrés à la lutte contre le non-recours, afin que nous puissions concourir ensemble au juste droit. Ils pourront par exemple servir à soutenir l’expérimentation « Territoires zéro non-recours » prévue dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS. C’était l’objet de la troisième proposition formulée dans le rapport de la mission d’information sur la mise en œuvre de la solidarité à la source dont j’ai été rapporteure avec René-Paul Savary.
En ce qui concerne le programme 157 « Handicap et dépendance », nous regrettons l’absence d’accompagnement financier d’une partie des Ésat, car ces établissements rencontrent de grandes difficultés pour appliquer les justes mesures votées dans la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Ainsi, la mise en place de la complémentaire santé obligatoire, compte tenu du modèle économique fragile de ces établissements, pourrait être accompagnée de façon ciblée.
Enfin, dans le cadre du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », nous saluons la mise en œuvre de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Pour donner toute son efficacité au dispositif, madame la ministre, il faudra soutenir les associations qui accompagnent ces victimes.
En conclusion, à défaut de mener des politiques structurelles qui s’attaquent aux inégalités et aux vulnérabilités de notre société, le Gouvernement est confronté à des besoins qui ne cessent de croître, de sorte que les moyens et les programmes de cette mission restent insuffisants, même s’ils sont en augmentation.
Aussi, les membres du groupe GEST ont formulé des propositions au travers de leurs amendements. Ils détermineront leur vote en fonction du déroulé des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, les augmentations de crédits prévues dans cette mission sont en trompe-l’œil.
En effet, le nombre des bénéficiaires des programmes de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances augmente de sorte que les dépenses devraient suivre. Mais le Gouvernement propose simplement le maintien des moyens qui, en plus d’être insuffisants, ont subi l’inflation.
Plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Ce sont souvent des femmes seules avec leurs enfants, des travailleurs pauvres, des retraités et des personnes en situation de handicap. En ce qui concerne le travail de ces dernières, la hausse des crédits prévus dans le programme 157 n’est rien d’autre que la conséquence de la déconjugalisation de l’AAH.
Quant aux conditions d’emploi des travailleurs des établissements et services d’aide par le travail, elles tendent vers celles du milieu ordinaire et c’est tant mieux. Toutefois, cette avancée s’accompagne de deux écueils que les amendements du groupe socialiste visent à corriger.
Premièrement, cette évolution crée davantage d’obligations pour les Ésat, mais n’est pas accompagnée de recettes supplémentaires. Les Ésat participent au financement des moyens de transport, des complémentaires santé et de la restauration des travailleurs et travailleuses, mais ces dépenses nouvelles ne doivent pas conduire à fragiliser leur budget.
Deuxièmement, cette transition vers le milieu ordinaire peut parfois cacher une évolution du profil des personnes en situation de handicap que les Ésat emploient, car les établissements risquent de privilégier des handicaps moins lourds en considérant davantage la productivité que les objectifs d’inclusion qu’ils s’étaient initialement fixés.
Enfin, dans le programme 157, il est important de rétablir le maintien de l’AAH pour les bénéficiaires qui exercent un travail à temps partiel, au-delà de 50 %.
Pour ce qui est du programme 137, les crédits pour l’égalité entre les femmes et les hommes augmentent. Malheureusement, le nombre de femmes victimes de violences qui doivent être accompagnées augmente aussi dans des proportions bien plus élevées. Le Gouvernement a enfin accédé aux demandes visant à étendre les revalorisations Ségur aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), rattachées à l’action n° 24 « Accès aux droits et égalité professionnelle ». Mais ces dépenses nouvelles n’ont pas été compensées par l’État.
Ainsi, aux quatre coins de la France, les CIDFF devront, malgré des budgets insuffisants, supprimer des postes et, donc, réduire le volume de leurs actions d’accompagnement, voire déposer le bilan. En Bretagne, 10 000 personnes, dont 2 500 victimes de violences, sont concernées. « Droits des femmes : quatre centres bretons en péril » titre aujourd’hui même la presse diffusée dans le département des Côtes-d’Armor. Alors, aidons-les !
Enfin, je souhaite évoquer l’aide financière à l’insertion sociale (Afis), perçue par les personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution. Proposer 343,20 euros par mois comme revenu alternatif est inefficace. Nous demandons que le montant de cette aide soit porté, au minimum, au niveau de celui du revenu de solidarité active.
Pour conclure, je vous appelle à faire mieux pour lutter contre la précarité et pour, enfin, rétablir la fraternité dans notre pays. Sous réserve de l’adoption de nos amendements, dont l’objet est d’accompagner les associations qui, elles-mêmes, accompagnent les plus fragiles, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élèvent à 30,37 milliards d’euros pour 2025, soit 2,13 % de plus qu’en 2024. Près de 80 % des crédits de cette mission sont consacrés à la prime d’activité – pour plus de 10 milliards d’euros – et à l’AAH – pour 15,9 milliards d’euros –, cette dernière bénéficiant d’une augmentation sensible, de 4,8 %, due essentiellement à sa déconjugalisation.
Je souhaite d’emblée revenir sur la question de l’extension des mesures salariales du Ségur. J’avais moi-même déposé plusieurs amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui visaient cet objectif. Je me réjouis par conséquent de l’accord de branche signé en juin 2024.
Toutefois, certaines associations, notamment celles qui accompagnent les victimes de violences conjugales, n’ont pas perçu de crédits pour financer la prime Ségur. En 2024, ces associations ont pourtant dû la verser, ce qui a aggravé leurs difficultés de trésorerie, d’autant qu’elles suivent de plus en plus de personnes.
Cette année, j’ai cosigné l’amendement de la sénatrice Agnès Evren qui tend à leur assurer cette compensation qui leur est due. Il nous faut préserver le financement de ces associations, afin de maintenir l’action en faveur des droits des femmes dans les territoires.
Je souhaite aborder un autre sujet : les difficultés des départements à prendre en charge les mineurs non accompagnés. Beaucoup d’entre eux sont totalement dépassés par la situation, et les 101 millions d’euros de crédits qui sont consacrés à cette politique en 2025 ne suffiront pas à accompagner l’augmentation constante des flux pris en charge depuis 2020. Il nous faudrait agir bien plus en amont.
Par ailleurs, l’année 2025 sera marquée par la mise en place du service public de la petite enfance, prévu par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Pour cette année, la compensation aux communes s’élèvera à 86 millions d’euros.
Dans une moindre mesure – 1,59 milliard d’euros –, une partie des crédits de la mission est consacrée aux Ésat : cette enveloppe sert à payer les rémunérations des travailleurs de ces établissements.
La situation financière de nombre d’Ésat est difficile, et les mesures de rapprochement des droits sociaux de leurs travailleurs de ceux des salariés en milieu ordinaire, si l’on peut s’en réjouir, pèsent sur l’équilibre financier fragile de ces établissements. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement, qui tend à assurer le cofinancement par l’État de l’obligation faite à ces établissements de mettre en place une complémentaire santé collective.
Enfin, il faut relativiser la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », qui s’explique par la création d’une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, aboutissement d’une proposition de loi d’origine sénatoriale. Cette aide, qu’il convient de saluer, a profité à 26 000 femmes depuis sa création et voit ses crédits augmenter de plus de 56 % en 2025.
La solidarité et l’égalité des chances sont des principes fondamentaux qui font la force de notre République et qui nous renvoient à l’une de nos valeurs essentielles : la fraternité. Il nous faut tout faire pour préserver notre système de solidarité sur le long terme, même si cela n’exclut pas de surveiller les dépenses et l’efficacité des mesures dans tous les domaines.
Je vous le redis, madame la ministre, je souhaiterais que l’on améliore la prise en charge des violences faites aux femmes grâce notamment à un meilleur financement des dispositifs existants et, surtout, à l’application des mesures du Ségur.
Les membres du groupe Les Indépendants voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme Patricia Demas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour de saluer le travail de nos rapporteurs qui ont repris au pied levé et avec beaucoup d’énergie le fil de notre discussion budgétaire.
Je me réjouis de la poursuite de nos travaux au stade où nous les avions laissés en fin d’année dernière. C’est une sage décision, prise dans l’intérêt de la France.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » regroupe près de 6 % des crédits du budget général de l’État. Elle est l’une des rares missions à connaître une augmentation de son budget. Ses crédits recouvrent de très nombreuses politiques publiques, essentiellement des dépenses d’intervention.
Si j’approuve totalement la ligne budgétaire stricte, fixée par le Gouvernement et soutenue par mon groupe, je suis également sensible à la protection des plus vulnérables et à la question cruciale de l’accès aux droits.
Dans cet esprit, je souhaite évoquer l’expérimentation en cours du préremplissage des déclarations trimestrielles de ressources pour les allocataires du RSA et les bénéficiaires de la prime d’activité, dans laquelle se sont engagés cinq départements, dont le département des Alpes-Maritimes.
Cette expérimentation vise plusieurs objectifs : fluidifier et faciliter les démarches administratives, réduire les tâches chronophages et les erreurs, sécuriser les données. Sa généralisation, comme l’indique le rapport de la commission des finances, permettrait de réduire de 1,5 % les crédits de l’insertion sociale, sans toucher aux prestations.
Selon les éléments que j’ai pu obtenir dans mon département, cette expérimentation a plusieurs effets positifs. Tout d’abord, c’est une réussite sur le plan technique, puisque le préremplissage s’est déroulé sans embûches par une connexion et un partage de données entre plus de 10 000 employeurs, auxquels s’ajoutent les partenaires associés et organismes sociaux. C’est aussi une réussite en matière de simplification et de sécurisation des démarches : l’expérimentation semble avoir été bien acceptée par le public.
Le taux de rectification des déclarations atteint 6 % seulement dans les Alpes-Maritimes, et bien que nous n’ayons encore que peu de recul, aucun recours n’a été enregistré.
Enfin, il est prévu, à terme, que le préremplissage des déclarations contribue à un allégement des tâches chronophages avec, pour corollaire, un repositionnement des équipes sur l’accompagnement des usagers les plus fragiles, ce qui est véritablement nécessaire.
Permettez-moi cependant de formuler quelques remarques.
La première, bien que temporaire, résulte de la date de généralisation du système : des difficultés peuvent en effet apparaître pour les allocataires qui déménagent et passent d’un département expérimentateur à un département qui ne le serait pas.
La seconde a trait au « porté à connaissance » de ce dispositif lorsqu’il sera généralisé à ceux qui, bien qu’ayant des droits à exercer, ne le sollicitent pas. Au niveau national, le taux de non-recours est de 34 % pour le RSA ; il est en outre estimé à 39 % pour la prime d’activité par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), bien que les statistiques demeurent imprécises.
Voilà qui me permet de faire le lien avec la question de l’accompagnement des Français en situation d’illectronisme, à l’heure où de nombreuses démarches sont dématérialisées et où, selon l’Insee, près de 17 % d’entre nous sont encore mal à l’aise avec les usages du numérique.
Particulièrement engagée sur ce sujet, je soutiens les dispositifs d’accompagnement en faveur de l’inclusion numérique. Je tiens à souligner l’intérêt que revêt pour moi l’adoption d’un amendement tendant à consolider le financement des conseillers numériques dans le cadre du présent projet de loi de finances, peu avant le vote de la motion de censure. Cela montre combien toutes nos actions sont complémentaires.
Enfin, je ferai une ultime observation. Il existe actuellement des bases de ressources différentes selon les prestations sociales versées, ce qui se traduit, pour une même famille, par des règles différentes de prise en compte des types de ressources, ou de périodicité des calculs, selon les prestations qu’elle perçoit.
Il semble par conséquent indispensable, pour s’inscrire dans une vision globale, de long terme, d’accompagner la réforme de la solidarité à la source, dans laquelle le dispositif de préremplissage s’inscrit, d’une harmonisation des bases de ressources entre toutes les prestations sociales, ce qui permettrait d’aboutir, idéalement, à une seule et unique déclaration. Cette dernière étape est fondamentale pour mener, avec succès, la simplification attendue, obtenir les économies espérées et réussir la prise en charge des plus fragiles d’entre nous.
Ensemble, nous nous sommes donné pour cap de soutenir nos services publics, tout en réduisant la dépense publique. Tenir ce cap relève de notre devoir, celui de sauvegarder notre modèle social français, auquel nous avons toutes les raisons d’être tant attachés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente à elle seule près de 6 % des crédits inscrits dans le présent projet de loi de finances.
Elle participe activement, en complément du projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la préservation de notre modèle social.
En 2025, ses crédits s’établiront à plus de 30 milliards d’euros, en hausse de 2,13 % à périmètre constant – cet effort doit être souligné dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Ils permettront de poursuivre les politiques menées ces dernières années en matière de lutte contre la pauvreté, d’inclusion des personnes vulnérables et de renforcement de l’égalité des droits.
Le programme 157 « Handicap et dépendance », dont les crédits s’établissent, pour 2025, à près de 16 milliards d’euros, en hausse de 4,22 %, promeut une société plus inclusive, garante de l’émancipation individuelle des personnes handicapées.
La quasi-totalité de ces crédits sont dédiés au financement de l’allocation aux adultes handicapés dont la forte augmentation s’explique par la hausse du nombre de bénéficiaires et les effets de la déconjugalisation pour quelque 120 000 bénéficiaires. Je me réjouis du succès de cette réforme que nous sommes nombreux à avoir soutenu sur ces travées.
En 2025, des mesures bienvenues d’harmonisation du calcul de l’AAH bénéficieront aux salariés travaillant dans les établissements et services d’aide par le travail ou en milieu ordinaire. Ces avancées s’inscrivent dans un contexte de rapprochement des droits sociaux de leurs travailleurs du droit des salariés en milieu ordinaire, même si cela soulève des inquiétudes sur la pérennité du financement de ces structures.
Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » connaît une relative stabilité de ses crédits qui s’élèvent, en 2025, à 14,26 milliards d’euros. Ce programme retrace les très nombreuses politiques menées par le Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté et de protection des personnes vulnérables.
Il assure principalement le financement de la prime d’activité, du revenu de solidarité active, en outre-mer et dans les départements où il a été recentralisé, et de la prime de fin d’année attribuée aux ménages les plus fragiles.
La baisse limitée des crédits de ce programme s’explique à la fois par la stagnation du nombre de bénéficiaires de la prime d’activité et par la mise en œuvre progressive de la réforme de la solidarité à la source, conformément à l’engagement du Président de la République.
Cette réforme, qui tend à lutter contre le non-recours aux prestations sociales, mais également contre les risques d’indus, se poursuivra en 2025.
En matière de protection de l’enfance, ce budget prévoit une hausse de la compensation aux départements de la mise à l’abri des mineurs non accompagnés et du financement des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance. Cette compensation demeure cependant limitée pour des départements qui font face à une hausse continue de leurs dépenses.
Je salue aussi la mise en place, dans le cadre de la mise en œuvre du service public de la petite enfance, d’un accompagnement financier des communes et des intercommunalités qui se sont vu confier le rôle d’autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.
Le programme 304 comporte également les crédits destinés à lutter contre la précarité alimentaire. Ils connaîtront en 2024 une hausse de près de 2 %. Au niveau national, le ralentissement de l’inflation devrait donner un peu d’oxygène aux banques alimentaires, mais la vie chère en outre-mer appelle plus que jamais la mise en œuvre de politiques spécifiques.
Enfin, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » retrace une partie des crédits destinés à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes. La hausse de près de 10 % de ses crédits par rapport à 2024 s’explique principalement par le recours à l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Rappelons que les crédits alloués à cette politique interministérielle atteignent 5,78 milliards d’euros, une enveloppe en nette augmentation depuis cinq ans.
Pour conclure, s’il convient d’aller plus loin, notamment pour l’outre-mer ou pour la compensation destinée aux collectivités territoriales, nous jugeons que les crédits de cette mission sont à la hauteur. C’est donc sans surprise que le groupe RDPI les votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » reflète l’engagement de notre République envers les plus vulnérables. Avec une enveloppe de 30,4 milliards d’euros pour 2025, cette mission est l’une des plus importantes du budget de l’État.
Les crises successives ont exacerbé les inégalités et rendu plus visibles encore les défis auxquels nous devons faire face. Dans un contexte budgétaire pourtant contraint, ce projet de loi de finances se caractérise par des évolutions positives dans différents domaines.
Tout d’abord, le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », avec une dotation de 14,26 milliards d’euros, demeure un levier essentiel pour soutenir les ménages modestes et encourager l’activité professionnelle. La prime d’activité, principal poste de ce programme, continue de jouer un rôle crucial, avec un budget d’un peu plus de 10 milliards d’euros. Toutefois, la légère baisse de ses crédits, bien que cohérente avec une diminution prévue du nombre de ses bénéficiaires, appelle une vigilance accrue face aux effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des travailleurs précaires, d’autant que le Gouvernement nous proposera tout à l’heure de diminuer les crédits de la mission de près de 92 millions d’euros…
Nous notons également une augmentation des crédits pour l’aide alimentaire, qui témoignent de la nécessité d’un engagement continu envers les personnes les plus vulnérables, même s’il faut s’inquiéter du profil émergent des personnes qui en bénéficient : de plus en plus de jeunes enfants et d’étudiants.
S’agissant du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », nous nous réjouissons de la progression de 10 % des crédits, une hausse essentiellement due au financement accru de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, dont le montant atteint un peu plus de 20 millions d’euros, en augmentation de 57 % par rapport à 2024.
Ce renforcement était indispensable, car, dès son lancement, cette mesure a rencontré un succès rapide : en décembre 2023, au cours du premier mois d’application du dispositif, le taux de recours a en effet atteint 30 %.
Depuis le début de l’année, six femmes – déjà ! – ont été victimes de féminicides en France. Six vies brisées, six drames qui rappellent tragiquement l’ampleur de ces violences. Derrière ces chiffres se cachent des histoires de souffrance, des appels à l’aide trop souvent restés sans réponse. Ces actes barbares constituent une atteinte intolérable à la dignité humaine et traduisent une faillite collective, alors même que nous avons un devoir de protection. Nous ne pouvons plus tolérer que des femmes meurent sous les coups de ceux qui prétendaient les aimer.
Face à cette urgence, il est impératif de renforcer les dispositifs de prévention, d’écoute et de protection des victimes, et de mobiliser tous les moyens nécessaires pour que ces femmes puissent se libérer de l’emprise de leurs bourreaux.
Enfin, le pacte des solidarités, outil stratégique pour lutter contre la pauvreté, voit son budget augmenter de 23,4 %. Les mesures phares telles que les petits-déjeuners à l’école, la tarification sociale des cantines, ou encore le fonds d’innovation pour la petite enfance témoignent d’une volonté claire d’agir dès le plus jeune âge pour prévenir les inégalités.
Cependant, des inquiétudes persistent. Nos collectivités locales, en première ligne de la mise en œuvre de ces politiques, connaissent des difficultés croissantes, notamment face à l’inflation qui pèse sur les coûts de la restauration scolaire.
Avant de conclure, je souhaiterais saluer l’engagement des associations et des bénévoles qui se battent au quotidien contre ces inégalités et apportent leur soutien aux plus vulnérables. Ces actions, souvent discrètes, contribuent à redonner de l’espoir et à renforcer le lien social, apportant ainsi des solutions concrètes aux situations de détresse humaine.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, notre groupe ne s’opposera pas au vote des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marion Canalès. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous célébrons cette année les cinquantième et vingtième anniversaires des lois en faveur du handicap, cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traite de nombreux sujets que les Français mettent aux premiers rangs de leurs préoccupations, et non des moindres : se nourrir et protéger les plus vulnérables et celles et ceux qui les accompagnent.
Je concentrerai mon propos sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». L’aide alimentaire d’abord : l’insécurité alimentaire et l’aggravation de la précarité alimentaire en France sont une réalité. La Fédération française des banques alimentaires constate une hausse de 20 % de ses bénéficiaires, qui sont au nombre de 2,4 millions dans notre pays.
Auparavant, une personne sur trois reconnaissait devoir se restreindre dans ses besoins alimentaires ; aujourd’hui, c’est une personne sur deux. J’ai eu l’honneur de recueillir le soutien du Sénat, l’an dernier, sur un amendement du groupe socialiste qui visait à augmenter de 2 millions d’euros le budget du Crédit national des épiceries sociales (Cnes). Nous nous félicitons que cette hausse ait été pérennisée.
Cela étant, nous devons, en matière budgétaire, non pas nous satisfaire d’hier, mais nous projeter sur demain et fixer des trajectoires. Le constat est sans appel : parmi celles et ceux qui viennent solliciter de l’aide alimentaire, on note une hausse préoccupante des actifs, y compris en CDI, et de très jeunes personnes, voire des bébés… On observe ainsi une hausse de plus de 15 % de la fréquentation des 0-3 ans depuis 2022. Il s’agit d’un signal plus qu’alarmant.
Concernant la protection des enfants et des jeunes vulnérables, je rappelle que le nombre d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance a augmenté de près d’un quart en six ans. Et pourtant, beaucoup ne sont pas encore protégés et les drames se succèdent.
Les départements sont en première ligne. Leurs efforts en faveur de ces enfants se sont élevés à hauteur de 9,7 milliards d’euros en 2023, et sont en hausse de plus de 10 % sur un an. Ce chiffre est en progression constante depuis 2021.
Si les dépenses des départements pour assurer l’accueil, le séjour et l’hébergement des enfants à protéger ont explosé ces trois dernières années, la solidarité nationale, elle, n’est pas à la hauteur, puisque les crédits sont en recul et, au mieux, stagnent.
Dans le même temps, le Gouvernement opère un prélèvement sur les finances départementales, certes amoindri, mais bien réel, au titre de l’ancien fonds de précaution.
Concernant les jeunes majeurs de moins de 21 ans sortant de l’ASE, la compensation qui sera accordée par l’État aux départements s’élève à 50 millions d’euros, soit le même montant cette année qu’en 2024, alors que les exécutifs départementaux nous signalent l’augmentation de ces dépenses et que, en parallèle, les crédits dédiés à la stratégie nationale de protection de l’enfance sont en baisse de 14 %.
Il n’y a donc aucune nouvelle réjouissante pour ces enfants et pour celles et ceux qui les accompagnent, ce qui n’est pas acceptable. Aussi, nous avons déposé un amendement visant à financer un plan d’urgence pour les pouponnières – l’urgence dans l’urgence ! La commission d’enquête de nos collègues députés est catégorique : la situation est plus qu’alarmante, elle est catastrophique.
Souvenons-nous du préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance […]. La France n’est pas assez riche de ses enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »
Pour conclure, je veux rappeler que le pessimiste voit dans toute opportunité une difficulté supplémentaire, quand l’optimiste voit dans toute difficulté une opportunité. Je veux faire le choix de l’optimisme : faisons de cette difficulté budgétaire – car, disons-le, le budget de cette mission n’est pas à la hauteur – une opportunité, celle de réaffirmer collectivement qu’il faut aller plus loin et ne pas fléchir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)