Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. Très favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Comme vous le savez, à la suite d’une recommandation d’un rapport sénatorial, le Haut-Commissariat au plan et France Stratégie se sont rapprochés pour travailler à leur fusion. Dans le projet de loi de finances pour 2025 qui vous a été soumis à l’automne dernier, 500 000 euros avaient déjà été retirés du budget du Haut-Commissariat au plan en raison des synergies permises par cette fusion.
La suppression pure et simple du budget du HCP, soit 1,9 million d’euros de crédits, entraverait toutefois les investissements et le financement de toute synergie. Il paraît donc sage de s’en tenir à l’effort initialement proposé, qui porte ce budget à 1,4 million d’euros. La dépense publique s’en trouve substantiellement réduite, mais la prospective et la stratégie continuent d’être financées.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° II-34, présenté par M. Szczurek, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
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462 146 |
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462 146 |
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
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|
|
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TOTAL |
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462 146 |
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462 146 |
SOLDE |
-462 146 |
-462 146 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une hausse de 462 146 euros de la dotation de l’ordre de la Légion d’honneur.
En commission des finances, des collègues des groupes écologistes et communistes – à tout seigneur tout honneur – ont fait valoir que, dans le contexte actuel, une telle hausse n’était pas bienvenue.
Cet amendement vise donc à geler la dotation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Comme tout autre organisme, la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur (GCLH) a subi les effets de l’inflation sur ses dépenses. En outre, elle gère un certain nombre de maisons d’éducation et celles-ci accueillent mille élèves internes à l’année.
La rémunération des personnels de la Grande Chancellerie étant par ailleurs soumise au glissement vieillesse technicité (GVT), sa dotation doit évoluer en fonction de cette charge.
Dans le cadre des mesures visant à réduire le déficit public, le Gouvernement a toutefois proposé par amendement de minorer les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », ce qui aurait emporté, à due proportion, une baisse de la dotation de la GCLH, toutefois bien moindre que celle que vous proposez, monsieur le rapporteur spécial.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serais défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-342 rectifié bis, présenté par M. Chaize, Mme Jacques, MM. Savin, Brisson, Pellevat, Pointereau et Rietmann, Mme Gruny, M. Bouchet, Mmes Demas et Belrhiti, M. Sido et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental |
8 000 000 |
|
8 000 000 |
|
dont titre 2 |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
|
8 000 000 |
|
8 000 000 |
TOTAL |
8 000 000 |
8 000 000 |
8 000 000 |
8 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement tend à doter l’Anssi de moyens supplémentaires.
L’Agence a fait la preuve de son efficacité, notamment lors des jeux Olympiques de 2024. Dans le cadre de la transposition de la directive européenne NIS 2 (Network and Information Security), il lui reviendra de gérer plus de quinze mille entités, contre seulement six cents aujourd’hui, ce qui nécessite des moyens supplémentaires.
Cette augmentation des moyens de l’Anssi est certes une dépense supplémentaire, mes chers collègues, mais en l’occurrence, cette dépense consentie pour la sécurité intérieure de notre pays permettra à long terme de faire des économies.
Mme Audrey Linkenheld. C’est aussi le cas de l’écologie !
Mme la présidente. L’amendement n° II-1605, présenté par Mme Linkenheld, MM. Temal et M. Vallet, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron, Mme Conway-Mouret, M. Vayssouze-Faure, Mme Carlotti, MM. Darras et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental dont titre 2 |
4 500 000 |
|
4 500 000 |
|
Protection des droits et libertés dont titre 2 |
|
4 500 000 |
|
4 500 000 |
TOTAL |
4 500 000 |
4 500 000 |
4 500 000 |
4 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Mickaël Vallet.
M. Mickaël Vallet. Si le montant proposé diffère, l’idée est bien la même que celle que vient de présenter M. Chaize. Dans le contexte de montée de la menace que nous avons évoqué ce matin lors de l’examen du programme 129, ne pas augmenter les moyens de l’Anssi reviendrait à reculer.
Ce matin, un certain nombre de collègues et de groupes ont bien compris la nécessité de doter le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) de moyens suffisants.
Je vous invite, mes chers collègues, à en faire autant pour l’Anssi et à voter ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. La commission – à titre personnel, je ne partage pas cet avis – souscrit à l’objectif d’assurer la cybersécurité de notre nation et elle se félicite de l’action de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information face aux menaces cyber dans le contexte des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
Les deux amendements présentés par la commission des finances visaient toutefois à geler les dotations globales des deux programmes de la mission, équilibre que l’adoption des présents amendements conduirait à rompre.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour explication de vote.
M. Ronan Le Gleut. Seul le budget de l’Anssi est visé par les présents amendements. Avec plusieurs collègues issus de différents groupes politiques, nous sommes favorables au renforcement des moyens non seulement de l’Anssi, mais aussi de Viginium et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
Tel est du reste l’objet de l’amendement n° II-2077, cosigné par Cédric Perrin, Pascal Allizard et moi-même, que nous examinerons dans un instant et qui satisfait les amendements nos II-219 rectifié bis de notre collègue Annick Billon et II-1835 de notre collègue Rachid Temal, qui concernent respectivement l’IHEDN et Viginum.
Plus largement, il importe de réaffirmer le caractère interministériel des missions de l’Anssi, de Viginum et de l’IHEDN, dont les fonctions doivent être coordonnées et la culture diffusée au sein de tous les services de l’État, hospitaliers et territoriaux, mais aussi dans l’ensemble de la société, chez les particuliers comme dans les entreprises.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-342 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Nous sommes arrivés au terme du temps imparti pour cette mission. Il nous reste onze amendements à examiner.
La suite de l’examen de cette mission est reportée à ce soir, à l’issue de l’examen des autres missions de la journée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures seize.)
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est seul que j’ai l’honneur d’ouvrir cette année l’examen en séance publique de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Éric Bocquet, avec qui j’avais commencé l’examen de ce budget et dont je tiens à saluer les travaux, a quitté le Sénat le 1er novembre 2024. Pierre Barros, qui l’a remplacé pour achever cet examen, est absent pour motif familial impérieux, et nous lui adressons une pensée amicale.
Je serai donc bref. Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2025 s’élèvent à 30,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Au premier abord, il s’agit d’une légère diminution, de 2,3 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cette baisse résulte toutefois d’une mesure de périmètre, le programme support des ministères sociaux ayant été transféré de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » à la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». Les crédits alloués à chacun des trois autres programmes augmentent en réalité de 2,12 % par rapport à 2024.
Cette hausse des dépenses s’explique par le fort dynamisme de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour laquelle les crédits s’élèvent à 14,4 milliards d’euros, en augmentation de 4,8 %, principalement pour financer l’allocation aux adultes handicapés au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, dite « AAH-2 ».
En revanche, à rebours de la tendance récente à la mobilisation de la prime d’activité pour soutenir le pouvoir d’achat, les crédits qui sont dédiés à la prime d’activité diminueraient en 2025 de 1,5 %, à hauteur de 10,3 milliards d’euros. Le Gouvernement a déposé un amendement visant à diminuer les crédits de la prime d’activité de 91 millions d’euros supplémentaires. La commission a rendu un avis de sagesse, qui pourra être bienveillante, madame la ministre, si vous nous expliquez ce que vous comptez faire exactement. Quelle sera la part de l’effet volume, dès lors que nous pouvons craindre une probable baisse de l’activité économique qui entraînera une hausse du chômage et une diminution du nombre des bénéficiaires de la prime d’activité ? Et quelle sera la part liée à la partie valeur, si je puis le dire ainsi ? Quelles modifications envisagez-vous dans le calcul de la mesure ? Comment fixerez-vous les paramètres ? Et quelle sera votre philosophie en la matière ? Nous avons besoin d’être éclairés sur ces points.
Le contexte dans lequel s’inscrit ce budget a incité la commission à se montrer défavorable à la grande majorité des initiatives visant à augmenter les crédits de la mission, d’autant plus qu’il s’agit de l’une des missions les mieux préservées par les efforts de redressement des comptes publics.
À titre d’exemple, les crédits pour l’aide alimentaire augmentent dans le projet de loi de finances pour 2025 de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Les nouveaux moyens alloués en 2025 permettront notamment la mise en œuvre d’actions portant sur l’alimentation des très jeunes enfants ou encore la montée en charge du programme Mieux manger pour tous (MMPT), qui cherche à faire rimer aide alimentaire et qualité nutritionnelle, et qui est très apprécié par les associations.
De même, les crédits destinés à financer la politique d’égalité entre les femmes et les hommes augmentent de 10 % entre la loi de finances initiale pour 2024 et le projet de loi de finances pour 2025. Comme l’année précédente, l’augmentation des crédits constatée est entièrement absorbée par la mise en œuvre de l’aide exceptionnelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, versée en une fois dans un délai de trois à cinq jours aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. La budgétisation initiale de cette prestation pour 2024, fixée à 13 millions d’euros, s’est révélée largement insuffisante, comme nous le prévoyions l’an dernier, puisque l’exécution de 2024 s’est établie à 26 millions d’euros, soit le double. Cette année, le projet de loi de finances prévoit 20 millions d’euros pour cette aide, dans l’hypothèse d’un taux de recours stabilisé.
Compte tenu des contraintes budgétaires et de la relative préservation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », la commission des finances a rendu une majorité d’avis défavorables et de demandes de retrait sur les amendements présentés. Quelques sujets échappent toutefois à cette règle, au premier rang desquels le financement, rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2025, de la complémentaire santé dans les établissements et services d’aide par le travail (Ésat). En effet, ces structures médico-sociales, qui sont déjà largement en déficit, ne pourront pas dans leur grande majorité absorber cette nouvelle dépense. Plusieurs amendements visent à faire financer par l’État une partie de la part de l’employeur. La commission y est favorable et appellera à les voter.
Nous aurons également un débat sur la prise en charge de la prime Ségur dans les organismes de la branche sanitaire et sociale, ce qui nous donnera l’occasion de demander au Gouvernement de préciser ses intentions, son chiffrage du besoin et son appréciation de la situation financière des associations qui mettent en œuvre ces politiques.
Je vous inviterai donc, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission ainsi modifiés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traduisent une ambition forte en faveur de l’inclusion sociale et de l’égalité, et sont le reflet d’un engagement politique au service des plus vulnérables. À ce titre, il faut souligner qu’il s’agit de l’une des rares missions qui, dans un contexte budgétaire plus contraint que jamais, connaît une augmentation de ses moyens de plus de 2 % par rapport à l’année 2024.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales a soutenu, dans son ensemble, la répartition des crédits de la mission. Cependant, lors de son examen des nombreuses politiques publiques financées par cette mission, la commission a soulevé deux points d’attention sur lesquels je voudrais revenir.
Avant cela, il me faut souligner un motif de satisfaction concernant l’avancée du chantier de la réforme de la solidarité à la source. En effet, le préremplissage des déclarations trimestrielles de ressources pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) devrait être généralisé au premier trimestre de 2025. Ce déploiement doit faciliter les démarches administratives des bénéficiaires et réduire le risque d’indus pour les caisses d’allocations familiales (CAF), qui représentent encore près de 6 % des prestations versées.
En ce qui concerne les crédits alloués au programme 157 « Handicap et dépendance », nous tenons à saluer les mesures prises depuis plusieurs années en faveur d’un rapprochement des droits des travailleurs protégés et des travailleurs en milieu ordinaire, notamment dans les Ésat. Cependant ce rapprochement ne peut se faire indéfiniment au prix de la stabilité financière de ces établissements. C’est pourquoi nous proposerons de compenser la moitié du coût de l’obligation de mise en place d’une complémentaire santé dans les Ésat, soit 18 millions d’euros, afin de les soutenir dans l’attente d’une réforme structurelle de leur modèle de financement. Cela nous semble d’autant plus nécessaire que l’État s’y était engagé.
Enfin, sur un enjeu qui concerne l’ensemble des programmes de la mission, la commission s’inquiète des conséquences pour le secteur associatif et les collectivités territoriales de l’extension, en juin dernier, par la ministre du travail, de deux accords de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (BASSMS). Ces accords permettent à l’ensemble des salariés de la branche de bénéficier des mesures du Ségur – soit 238 euros brut mensuels – et s’appliquent de manière rétroactive au 1er janvier 2024. Il faut se féliciter de cette avancée au profit du pouvoir d’achat des salariés. Cependant, cette mesure n’a fait l’objet d’aucun abondement des dotations dont bénéficient associations et collectivités, conduisant à des situations financières dégradées pour ces dernières. Il nous semble qu’il y a, là encore, une réflexion à mener dans les mois à venir afin de pérenniser les acteurs de la solidarité dans nos territoires.
Sous réserve de ces observations et de cet amendement, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la crise est l’occasion de se rappeler l’importance de la solidarité et de l’entraide » : ces mots de Nelson Mandela résonnent avec force en ce moment, dans un contexte instable, incertain et tempétueux. Cette crise nous confronte surtout à une réalité incontournable : la solidarité ne doit pas devenir une variable d’ajustement budgétaire et encore moins la victime de l’instabilité gouvernementale, mais doit plutôt en être le pilier.
Le contexte particulier qui nous occupe, marqué par l’absence de budget adopté au 1er janvier, est particulièrement inquiétant. Cette mission, qui totalise près de 6 % des crédits de paiement du budget général, est cruciale pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables pour lesquelles les errances budgétaires peuvent avoir des effets majeurs. Ces populations méritent au moins la stabilité et au mieux un soutien accru. La loi spéciale permet déjà la stabilité, c’est un moindre mal.
Pour 2025, l’effort en faveur de la mission semble maintenu, ce qui est à saluer. Toutefois, plusieurs points d’alerte persistent et je souhaite les aborder aujourd’hui après avoir remercié nos collègues rapporteurs Arnaud Bazin et Laurent Burgoa pour leurs travaux sur les crédits de la mission.
Cette mission représente en 2025 un montant total de 30,37 milliards d’euros, soit une hausse des crédits à périmètre constant de 2,13 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. L’augmentation permet de compenser, dans une certaine mesure, l’inflation et les revalorisations successives des prestations, notamment pour la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés, qui représentent désormais 81 % des crédits de la mission. Mais derrière cette stabilité, se cachent des difficultés, en particulier pour les départements, et c’est là un point majeur de notre préoccupation quant à cette mission. En effet, malgré les avertissements que nous avions lancés l’année dernière, force est de constater que la situation des départements reste particulièrement fragile.
Nous avions notamment lancé l’alerte sur la compensation des frais relatifs à la mise à l’abri et à l’évaluation des mineurs non accompagnés (MNA), or nous craignons que la situation ne persiste en 2025. Cette question est loin d’être secondaire, car elle a un effet direct sur l’équilibre financier des départements, qui voient leur situation se dégrader au fur et à mesure de la montée en charge du problème. En outre, ils doivent se soumettre à l’obligation d’accompagner les jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE), mais la compensation de cette obligation est restée identique en 2025, à hauteur de 50 millions d’euros, alors même que les coûts augmentent.
Cette absence de compensation intégrale des dépenses est par ailleurs alourdie, cette année, par les coûts liés à l’extension des mesures du Ségur. En effet, les accords signés le 18 juin dernier pour étendre les mesures du Ségur à l’ensemble des salariés du secteur médico-social prévoient une revalorisation salariale de 238 euros brut mensuels, rétroactive au 1er janvier 2024. Cette mesure représente un coût supplémentaire de 600 millions d’euros, répartis entre la sécurité sociale, l’État et les départements. Si cette avancée a été largement saluée par les acteurs du secteur, nous regrettons qu’aucun abondement des dotations n’ait été prévu pour compenser cette charge. Les départements se voient là encore contraints d’assumer cette revalorisation salariale sans soutien financier de l’État.
La mission comprend aussi le programme 157 « Handicap et dépendance ». Avant d’y venir, je veux saluer les 20 ans de la loi fondatrice du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Force est de constater que ce texte a marqué un tournant historique pour les droits des personnes en situation de handicap. Il a permis des progrès notables, notamment en posant les bases d’une accessibilité universelle, en instituant le droit à compensation pour les surcoûts liés au handicap et en renforçant l’inclusion scolaire. Ces avancées méritent d’être saluées, et nous nous félicitons notamment de voir désormais quatre fois plus d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire par rapport à 2006.
Cependant, le bilan reste encore largement perfectible et nos travaux sur le budget pour 2025 doivent y contribuer. Aujourd’hui, seuls 900 000 établissements sur près de deux millions d’établissements recevant du public sont conformes aux normes d’accessibilité. Dans le domaine de l’éducation, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) souffrent d’un manque de formation et de la précarité de leur contrat. Nous regrettons que de nombreuses avancées obtenues il y a vingt ans dans la loi ne se concrétisent pas aujourd’hui dans les faits. Ce constat, mes chers collègues, nous rappelle l’importance de notre mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.
Pour en revenir au programme 157 « Handicap et dépendance », nous nous réjouissons de l’harmonisation des modalités de calcul de l’AAH pour les travailleurs en situation de handicap qui sont en Ésat ou en milieu ordinaire. Ces structures jouent un rôle fondamental dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, mais leur situation devient de plus en plus incertaine. Les crédits alloués à ces établissements connaissent une légère baisse en 2025, alors que les coûts d’adaptation, notamment la mise en place d’une complémentaire santé pour les travailleurs handicapés, continuent d’augmenter à hauteur de 338 euros par travailleur. Cette situation met en péril la pérennité des Ésat et leur capacité à remplir leur mission d’insertion.
La mission couvre également des enjeux essentiels tels que la petite enfance. La réforme du service public de la petite enfance (SPPE) est une ambition légitime pour améliorer l’accès à l’accueil des jeunes enfants. Toutefois, la mise en place de cette réforme soulève des interrogations concernant sa compensation financière, notamment pour les intercommunalités. Le financement de 86 millions d’euros prévu pour 2025 ne devrait pas suffire à compenser les coûts réels liés à cette réforme, et la lisibilité de son application reste incertaine pour de nombreuses collectivités.
Madame la ministre, mes chers collègues, face à ces défis et malgré leurs alertes, les élus du groupe Union Centriste s’engagent à soutenir ce projet de loi de finances, en espérant vivement que les questions soulevées dans le cadre de nos débats seront prises en compte, en particulier pour ce qui est des départements et du soutien renforcé aux structures d’insertion. Pour conclure, j’insiste sur le fait que, face à l’instabilité, la solidarité est notre force. (Mmes Annick Billon et Solanges Nadille applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se déroule dans un contexte très particulier. En effet, nous retrouvons au Gouvernement la même Mme Vautrin qui était au banc des ministres, lors de la discussion de cette mission, l’an dernier, alors qu’elle faisait partie du gouvernement de Gabriel Attal.
Cette situation saugrenue, voire ubuesque, ferait presque oublier que, entre-temps, le Président de la République Emmanuel Macron a perdu les élections européennes et les élections législatives, et que le gouvernement de Michel Barnier est tombé à défaut d’une majorité à l’Assemblée nationale.
J’ai le sentiment aujourd’hui de reprendre mon intervention du 5 décembre 2023, quand je dénonçais l’insuffisance des crédits destinés aux actions de cette mission.
Malheureusement, rien n’a changé en matière de politique sociale depuis un an. Quelque 2 000 enfants dorment toujours dans la rue. Les inégalités sociales entre les plus riches et les plus précaires n’ont jamais été aussi criantes. Les étudiantes et les étudiants font la queue devant les banques alimentaires. Et des millions de familles peuvent basculer dans la précarité ou la grande précarité du jour au lendemain.
De plus, à l’heure de célébrer les 20 ans de la loi de 2005 sur le handicap, de nombreuses entreprises continuent de préférer payer une amende plutôt que d’embaucher des personnes en situation de handicap et l’obligation d’accessibilité des espaces publics n’est toujours pas entièrement respectée. Pis encore, le Gouvernement ponctionne 50 millions d’euros sur le budget de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), sous prétexte d’en améliorer la gestion.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » comprend également les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Or leur montant n’est toujours pas à la hauteur. Le Gouvernement se félicite de la hausse des crédits en faveur de lutte contre les violences faites aux femmes, mais les chiffres sont têtus. Le PLF pour 2025 prévoit 85 millions d’euros quand il en faudrait au moins 2,6 milliards et que le coût total des inégalités entre les femmes et les hommes est évalué à 118 milliards d’euros par an… Nous ne sommes clairement pas sur la bonne échelle d’investissement.
Ce PLF prévoit également la montée en charge du dispositif de l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales. Je rappelle que ma collègue Michelle Gréaume a été à l’initiative de cette proposition. Nous pouvons nous réjouir que le dispositif soit abondé de 7 millions d’euros supplémentaires, mais nous sommes encore bien loin du compte ! En effet, selon les associations de défense des droits des femmes, 244 000 plaintes pour violences conjugales ont été recensées en 2022 et dans 59 % des cas les appels au numéro de l’association Violences Femmes Info indiquent que la victime souhaite quitter le domicile conjugal.
L’État doit tendre la main à ces victimes et les aider à franchir le cap, mais le montant moyen des aides universelles d’urgence versé jusqu’à présent ne dépasse pas 864 euros, permettant à peine de financer quinze jours d’hôtel. Or cela ne suffit pas pour trouver une solution d’hébergement pérenne.
Notre vision de la solidarité et de l’insertion semble radicalement différente de la vôtre, pour ne pas dire qu’elle s’y oppose.
Pour l’ensemble de ces raisons, les élus du groupe CRCE-K voteront contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)