La confiance dans l'alimentation reste capitale pour nos agriculteurs. Nombreux sont ceux qui veulent laver plus blanc que blanc et la France, cherchant sûrement à bien faire, a très largement surtransposé les directives européennes. Les parlementaires et la représentation nationale l'ont fait avec la certitude que nos partenaires européens partageaient cette croyance.
Surtransposition, interdiction arbitraire de produits phytosanitaires, définition trop contraignante des zones humides, impossibilité de préserver la ressource en eau : nous ne pouvons plus laisser autant de distorsions de concurrence à l'intérieur même de l'espace européen qui, je le rappelle, est la zone la plus écologique du monde.
Alors, mes chers collègues, je remercie publiquement les sénateurs Duplomb et Menonville. Oui, vraiment, sincèrement : merci ! Cette proposition de loi est la première et la seule à répondre aux attentes des agriculteurs et des producteurs français.
Je vous le dis le plus sérieusement du monde : oui, tous les agriculteurs français sont convaincus par la nécessité d'effectuer des efforts sur les enjeux écologiques. Ils sont attachés, ancrés à leur sol, à leur territoire, à la nature environnante : ils y vivent.
C'est bien pour cela que l'agriculture européenne est la plus saine, la plus sûre et la plus respectueuse du bien-être animal de la planète.
Nous avons déjà baissé de 95 % l'utilisation des pesticides cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR 1), c'est-à-dire les plus dangereux, et de 60 % l'administration d'antibiotiques dans nos élevages. Mais on ne peut pas tout supprimer si l'on veut lutter contre les maladies animales.
Dans le même temps, nous subissons une augmentation massive des importations de produits agricoles ne répondant pas aux mêmes contraintes de production : 60 % pour les fruits, 40 % pour les légumes. Je ne vous parle même pas de l'emblème des importations : le poulet. Madame la ministre l'a déjà évoqué de nombreuses fois.
La France garde sa place de sixième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires ; elle était deuxième il y a vingt ans. Bientôt, nous aurons fini de stagner et nous ne pourrons plus enrayer la chute. Notre balance commerciale de produits agricoles, excédentaire de 5 milliards d'euros, s'est déjà repliée de 43 %.
Depuis plus d'un an, les agriculteurs manifestent, mais ils sont en souffrance depuis bien plus longtemps encore et nous disent systématiquement : « Laissez nous faire notre travail, notre métier, et bien vous nourrir durablement avec des produits sains et de qualité. Nous n'avons pas besoin que l'on nous explique le fonctionnement de la nature, des animaux, des végétaux, des biotopes, et de la biodiversité qui composent nos campagnes. Nous y sommes nés, nous y vivons. » Voyez, monsieur Jadot, j'ai bien cité la biodiversité.
Aucun agriculteur ne prétend que toutes ses pratiques sont parfaites et que rien ne doit évoluer, ils affirment tous vouloir faire des efforts et en font déjà énormément.
Comme Rome, l'agriculture de demain ne se fera pas en un jour. Tout le monde est prêt à applaudir les grandes déclarations en vue de changer les choses entendues lors des crises, mais, hélas ! nous attendons encore les actes.
Les agriculteurs patientent, nous leur avons fait beaucoup de promesses, nous avons suscité beaucoup d'espoirs, mais depuis un an, nous avons subi une dissolution et quatre Premiers ministres. Le désespoir est insondable. Nous avons connu encore un suicide ces derniers jours dans mon canton, deux en Indre-et-Loire. Je ne supporte plus, nous ne supportons plus ce décompte macabre !
Le projet de loi d'orientation agricole, bien qu'incomplet, est toujours en discussion ; les simplifications promises par le Gouvernement Attal attendent que l'administration accepte enfin de réduire le réglementaire et de pondre arrêtés et décrets. Madame la ministre, nous ne produisons que du rien et, à cause de cela, l'agriculture part dans le décor.
Notre ambition paraît tellement légitime, tellement simple à mettre en œuvre, et pourtant, le constat est terrible : les gouvernements sont tétanisés par la peur des attentes sociétales, par la peur des sondages.
Seulement voilà, tout le monde est coincé dans une temporalité qui nous échappe. Le salon de l'agriculture arrive et la mauvaise volonté va finir par se remarquer. Pour nous, parlementaires, elle est déjà bien visible : pas de marche arrière, vous crantez la ceinture qui étrangle l'agriculture, et cela commence à se voir.
Tout est excuse pour favoriser la décroissance et la sanctuarisation d'une France placée sous le joug de la protection des protections, pour détruire l'agriculture ! Le moment du courage est venu, le moment pour nous, parlementaires, de sortir de l'émotion théâtrale simpliste qui nous est imposée. Cela commence ici et devra se poursuivre à l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, les agriculteurs nous observent, mais ils ne sont pas seuls, c'est aussi le cas des maires, des entreprises, du secteur du bâtiment, car si nous échouons sur l'agriculture, nous échouerons demain sur toutes les autres simplifications dont le pays a besoin.
Pendant les débats, je serai sans concession avec les marchands de peur et avec les administrations, d'autant que certaines d'entre elles nous ont caché des éléments pendant les auditions.
Madame la ministre, je sais que je peux vous faire confiance, mais je vous demanderai tout de même quelques explications et j'attendrai des réponses.
Les agriculteurs savent que nous leur mentons, il est temps d'arrêter d'avoir peur, peur des drones, peur des nouvelles techniques génomiques, peur de stocker l'eau. Nous avons peur de notre ombre ! Nous sommes devenus des Gaulois effrayés que le ciel ne leur tombe sur la tête.
M. Daniel Salmon. Il tombe un peu, tout de même !
M. Vincent Louault. Or nos ambitions doivent être immenses pour que nous restions dans la course des grands équilibres mondiaux.
Je vous le demande avec force, mes chers collègues : soyons courageux, gardons un cap ambitieux face aux changements climatiques, mais rectifions les excès.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien sûr ce texte, en fonction des débats. C'est aujourd'hui le moment de vérité pour nos agriculteurs et pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'exaspération des agriculteurs et des éleveurs est constante face à la complexité et à la profusion des normes, un serpent de mer auquel il faut avoir le courage de s'attaquer.
L'agriculture est aujourd'hui confrontée à une crise sans précédent, qui accentue encore le déclin qu'il nous revient d'enrayer : année après année, le nombre d'exploitations diminue, nos campagnes se vident et la balance commerciale agroalimentaire française est en perte de vitesse. Elle est structurellement déficitaire depuis 2014.
Face à ces constats, il est impératif de redonner de l'air à nos agriculteurs pour leur permettre de vivre dignement de leur travail, de produire et de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays.
Le secteur de l'élevage est particulièrement touché, confronté à l'apparition de nouvelles épizooties qui emportent des conséquences sur l'ensemble de la chaîne ; il souffre tout autant des procédures environnementales complexes et coûteuses.
Or il est un pilier essentiel de notre agriculture et recèle un savoir-faire important en France. Au cœur de l'économie agroalimentaire, de ses filières et des divers emplois qu'elles induisent, il est le poumon de nos campagnes. Il assure une production de qualité et un approvisionnement local, il contribue à l'entretien de l'espace, au maintien de l'ouverture des paysages et à la préservation de la biodiversité. Laisser l'élevage français s'effondrer serait renoncer à une part de notre identité, de notre patrimoine et de notre avenir.
La simplification est une nécessité pour ne pas désespérer des acteurs qui savent faire preuve de bon sens et qui ont déjà bien assez de travail, jour et nuit, au champ ou à l'étable.
Ceux qui travaillent la terre, les éleveurs et les agriculteurs, ne sauraient être considérés comme suspects par idéologie. Ils ne doivent pas être les victimes d'une diminution du lien entre la société et ses agriculteurs. Au contraire, faisons leur confiance.
La présente proposition de loi apporte des solutions concrètes et pragmatiques aux difficultés rencontrées par les éleveurs et permettra de libérer l'activité agricole de normes lourdes et contradictoires.
Elle est aussi complémentaire du projet de loi d'orientation agricole que nous allons examiner dans les prochaines semaines : les deux textes ont pour objectif de consolider la souveraineté alimentaire et agricole de la France en affichant une ambition programmatique, tout en apportant des réponses immédiates pour promouvoir une agriculture compétitive et durable.
La présente proposition de loi s'inscrit dans un contexte critique.
Tout d'abord, les agriculteurs subissent une crise persistante, confrontés à une baisse continue de leurs revenus, à une augmentation des charges et à un sentiment de dévalorisation de leur profession.
Ils souffrent, ensuite, d'injonctions paradoxales : on leur demande de produire plus pour assurer la souveraineté alimentaire tout en s'adaptant au changement climatique.
Ils sont confrontés à une concurrence internationale déloyale et se sentent pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers, qui produisent souvent avec des normes moins strictes.
Enfin, on leur impose des surtranspositions : la France va au-delà des exigences européennes en matière de normes environnementales et sanitaires, ce qui pénalise ses agriculteurs.
Sur ces quatre sujets, cette proposition de loi apporte des solutions.
Elle met fin aux normes françaises excessives qui pénalisent certaines filières par rapport à leurs concurrents européens.
Elle simplifie certaines démarches administratives, notamment pour les projets agricoles, et améliore les procédures, en permettant les contre-expertises sur le terrain en complément des évaluations de pertes en prairie réalisées par satellites.
Elle garantit un accès sécurisé à l'eau pour l'agriculture avec l'inscription dans la loi d'un principe de non-régression du potentiel agricole par la politique de l'eau. Il s'agit de prendre en compte la place de l'usage agricole dans la hiérarchie des usages de la ressource et de traiter les projets de stockage d'eau à usage partagé, facilitant ainsi la mise en place de solutions visant à améliorer l'accès à l'eau pour l'agriculture.
Enfin, elle promeut une relation plus apaisée avec les services de contrôle par un dialogue et des solutions amiables.
Ce texte apporte des évolutions nécessaires et a le mérite de traiter les sujets qui concernent l'activité quotidienne des agriculteurs, d'améliorer la « vivabilité » ressentie par les agriculteurs.
En conclusion, ce texte contribue, à mes yeux, à améliorer notre modèle de souveraineté agricole et à soutenir une agriculture compétitive, durable et économiquement viable, présente sur tout le territoire, montagnes, plaines, vallées, bref, en milieu rural.
Comme vous, madame la ministre, je défends l'idée qu'il ne peut y avoir de pays sans paysans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. ((Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer mes collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville pour cette proposition de loi qui revient sur un certain nombre de dispositifs législatifs que nous savons aujourd'hui préjudiciables à notre économie rurale et à notre souveraineté agricole.
Je le dis d'autant plus aisément que j'ai été rapporteure de l'ensemble des lois Égalim depuis 2018. Avec mon collègue Daniel Gremillet, nous avons été mobilisés dans le comité de suivi et nous avons maintes fois pointé l'absence d'une étude d'impact qui aurait pu nous éclairer quant aux conséquences prévisibles des dispositions proposées, notamment les charges supplémentaires qui réduisent à néant les efforts pour augmenter les revenus des agriculteurs. Nous avons insisté sur la nécessité d'évaluer ces expérimentations afin de les adapter.
Ce texte vient répondre aux dysfonctionnements et aux incohérences pointés par les agriculteurs afin de rendre à l'agriculture française des marges de compétitivité au nom de la souveraineté alimentaire.
Ses auteurs préconisent une approche plus progressive, essentiellement au travers de mesures de « désurtransposition », qui visent à s'aligner sur le niveau européen.
En ce qui concerne l'usage des produits phytopharmaceutiques, cette proposition de loi vise plus précisément l'acétamipride, une substance autorisée par l'Union européenne jusqu'en 2033. Les mesures issues d'Égalim n'ont pas débouché sur des solutions de substitution réalistes, notamment pour faire face aux mauvaises conditions climatiques.
M. Vincent Louault. Bravo !
Mme Anne-Catherine Loisier. Face à ces impasses techniques, l'interdiction met en difficulté les producteurs français de betterave, ce qui explique la dérogation encadrée de 2020 et 2023.
Les producteurs de noisettes, de pommes de terre et bien d'autres se trouvent également en grande difficulté, alors même que la France importe de plus en plus de produits cultivés à l'aide d'acétamipride et les propose à ses consommateurs. Les Français doivent le savoir.
Il est temps de lever cette hypocrisie qui ruine notre agriculture : le consommateur français consomme et consommera de l'acétamipride, que cette proposition de loi soit adoptée ou pas. En outre, l'Union européenne, si elle a validé l'usage de l'acétamipride jusqu'en 2033, a abaissé les doses de référence au moment de renouveler son autorisation en 2018.
La survie de notre agriculture, sa compétitivité au regard de ses concurrents à la fois internationaux et européens, le principe de « non-interdiction sans solution » sont autant de motifs qui doivent nous amener à desserrer les contraintes franco-françaises pesant sur nos agriculteurs.
En ce sens, notre groupe proposera, sur l'initiative d'Anne-Sophie Romagny, deux amendements sur le modèle de ce qui a été fait pour les betteraves, afin de rassurer sur cette mesure, d'encadrer l'usage et, enfin, de s'aligner sur la réglementation européenne.
De la même manière, la séparation entre vente et conseil ainsi que l'obligation d'un conseil stratégique indépendant n'ont pas conduit à une diminution des volumes de produits utilisés en France. Il est donc légitime de revenir sur ces dispositions qui engendrent des surcoûts, alors que le projet de loi d'orientation agricole préconisera un diagnostic modulaire qui permettra de mieux évaluer la viabilité économique et écologique d'une exploitation agricole.
La proposition de loi revient également sur l'usage des drones, lequel n'est pas remis en cause par l'Anses. Je présenterai pour ma part un amendement visant à mieux répondre aux difficultés auxquelles sont confrontés nos viticulteurs.
En matière de nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, notre groupe défendra quelques amendements tendant à éviter toute surtransposition.
Enfin, la France fait également preuve de zèle ou d'excès concernant les zones humides. Nous comptons à ce jour 4 millions d'hectares classés en zones humides, contre 1,2 million au Royaume-Uni et à peine 900 000 en Norvège ou aux Pays-Bas. Cela pose question quant à la pertinence de ces zonages. Veillons à ne pas nous singulariser au niveau européen par nos excès en la matière.
Ces apports nous semblent nécessaires, le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption de certains des amendements que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui ne me paraît pas contenir de solutions pertinentes pour la défense de notre agriculture et de nos agriculteurs.
Si bon nombre d'entre eux sont en grande difficulté – personne ne le nie –, ce n'est pas en dérégulant et en libéralisant à tout va que nous améliorerons leur situation.
Les agriculteurs en difficulté ont avant tout un problème de revenus.
Il faut assurer des prix rémunérateurs en mettant en place un véritable encadrement des marges dans la chaîne de valeur afin de garantir des prix équitables, de lutter contre les abus de certains intermédiaires et d'encourager les circuits courts et locaux, bien que ces derniers – j'en suis conscient – ne soient pas la solution unique.
Il faut également alléger les démarches administratives et rendre les contrôles moins tatillons.
Il est impératif de soutenir la transition énergétique en garantissant la rémunération de ceux qui adoptent des pratiques durables – préservation des sols, gestion des haies, agroforesterie et toute autre aménité positive.
Il convient par ailleurs d'encourager les agriculteurs à réorienter leurs modes culturaux, tout comme il est souhaitable d'investir massivement dans des filières biologiques et de qualité pour capter de nouveaux marchés.
Le récent vote du Sénat supprimant l'Agence bio va totalement à rebours de ce qu'il faut faire et provoque, à raison, l'incompréhension des acteurs de la filière. Ce n'est pas en affaiblissant ou en supprimant des structures de recherche que nous rendrons service à notre agriculture.
L'utilisation de produits dangereux affecte en premier lieu la santé des agriculteurs eux-mêmes. C'est pourquoi je m'oppose à l'article 2 de la présente proposition de loi, qui remet en cause le cadre existant en matière d'autorisation et d'usage des pesticides. Il affaiblit la position de l'Anses tout en revenant sur des interdictions actées.
En tant qu'apiculteur amateur, je m'inquiète de la réautorisation de l'usage des néonicotinoïdes, reconnus tueurs d'abeilles. Au cours des trente dernières années, 80 % des insectes volants, en particulier pollinisateurs, ont disparu en Europe. Cette éventuelle réautorisation constitue une menace pour notre apiculture déjà très fragilisée et provoquerait l'effondrement de la biodiversité.
Les agriculteurs ont fait et font d'énormes efforts. Leurs techniques doivent encore évoluer, notamment pour éviter l'épuisement des sols – je vous renvoie sur ce point à la proposition de loi visant à préserver des sols vivants de notre collègue Nicole Bonnefoy, mes chers collègues. Ces évolutions se feront grâce à la science, grâce aux recherches menées par les différents organismes qui accompagnent nos agriculteurs et par les agences dont les auteurs de la présente proposition de loi veulent démagogiquement limiter l'influence. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait baisser la température !
M. Franck Menonville. Ce n'est pas ce que nous voulons faire !
M. Jean-Jacques Michau. Il est un combat primordial, celui que la France doit mener également au niveau européen, afin de garantir que les produits agricoles importés respectent les mêmes normes environnementales, sanitaires et sociales que celles qui sont imposées aux agriculteurs français. La France doit être intraitable : tout produit ne respectant pas nos règles sanitaires et sociales ne doit pas être commercialisé en France. C'est ce que l'on appelle les clauses miroirs.
Je suis convaincu que les recettes que contient cette proposition de loi ne permettront pas d'améliorer la situation de nos agriculteurs. La dérégulation, le libéralisme économique à tout va sont, au contraire, à l'origine des difficultés que traverse l'agriculture française depuis des années.
L'examen de ce texte s'inscrivant de plus dans un contexte politique et syndical particulier, un débat apaisé sur les difficultés rencontrées par nos agriculteurs n'est pas possible. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une profonde conviction et un sentiment d'urgence que je prends aujourd'hui la parole pour soutenir la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, un texte essentiel qui vise à répondre aux défis critiques auxquels est confrontée l'agriculture de notre pays.
Cette proposition de loi emporte un engagement fort en faveur de nos agriculteurs, de nos territoires et, au-delà, de la souveraineté alimentaire de notre pays.
En Lot-et-Garonne, département agricole par excellence, cette crise est particulièrement perceptible. Les exploitants spécialisés dans les fruits, les légumes ou l'élevage font face à des pressions insoutenables : tandis que leurs marges s'amenuisent et que leurs charges explosent, ils sont en effet confrontés à une concurrence internationale déloyale.
Parmi les filières en danger, je citerai la filière de la noisette, emblématique du territoire dont je suis élue. Confrontés à une urgence phytosanitaire liée à des ravageurs, nos producteurs se retrouvent dans une impasse absurde du fait de l'interdiction en France de l'acétamipride, un produit pourtant autorisé dans d'autres pays européens. Cette absurdité met en péril la viabilité économique de cette filière et aggrave une concurrence déjà inéquitable.
L'article 2 du présent texte, qui permettrait au Gouvernement de suspendre une décision de l'Anses et d'accorder des dérogations encadrées, constitue une solution pragmatique et indispensable à une telle difficulté. Cette disposition permettrait de garantir à nos agriculteurs qu'ils disposeront des outils nécessaires pour préserver leur production et faire face à des situations exceptionnelles.
Un autre combat auquel cette proposition de loi apporte indirectement, mais aussi directement, des éléments de résolution a trait aux accords commerciaux internationaux tels que l'accord signé par l'Union européenne avec le Mercosur.
En laissant entrer sur notre marché des produits issus de pratiques agricoles interdites en France, nous exposons nos agriculteurs à une concurrence déloyale. Ce modèle d'importation massive est tout simplement incompatible avec nos valeurs. Alors même que, depuis la crise de la covid, le terme de souveraineté s'est imposé dans le débat public, un tel modèle met en péril la souveraineté alimentaire de notre pays.
L'un des leviers clés de cette souveraineté est la gestion de l'eau, un enjeu crucial dans un contexte de changement climatique. Aujourd'hui, trop de projets de retenue d'eau et de lac collinaire sont retardés ou bloqués par une administration lourde et complexe. En simplifiant les démarches administratives pour ces infrastructures vitales, l'article 5 apporte des solutions concrètes à de telles difficultés.
En facilitant ces projets, nous faisons le choix de sécuriser l'irrigation, de pérenniser les exploitations agricoles et de préparer notre pays aux défis climatiques à venir.
Le modèle agricole français repose sur trois piliers essentiels : la diversité des productions, la qualité des produits et le lien étroit avec le territoire, car nos agriculteurs façonnent nos paysages, maintiennent la vie rurale et préservent nos traditions.
La crise agricole dépasse les clivages politiques, mes chers collègues. Elle concerne notre économie, notre environnement et, surtout, notre avenir collectif.
En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons que la France protège ses agriculteurs et ses filières stratégiques, que la concurrence internationale doit être équitable et reposer sur des normes communes respectées par tous, et que la souveraineté alimentaire de la France n'est pas négociable.
En adoptant ce texte, nous envoyons un signal clair à nos agriculteurs : nous avons entendu leur appel. Bien plus qu'une réponse législative, ce texte est un acte de foi en notre agriculture et un acte de courage politique, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. Vincent Louault. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je remercie, offre une opportunité inédite au législateur que nous sommes d'envoyer un signal fort à nos agriculteurs. Ces derniers nourrissent les Français, ils magnifient notre terre et nos paysages, ils perpétuent un savoir-faire et ils font la fierté de tout un peuple.
Oui, mes chers collègues, la ferme France est en danger. Oui, la ferme France est en souffrance. Plus que jamais, nous devons nous tenir au côté des agriculteurs.
Au cours des dix dernières années, la France a perdu environ 100 000 exploitations agricoles, ce qui reflète l'inquiétante tendance au déclin de ce secteur. En 1988, la France comptait plus de 1 million d'exploitations, contre 400 000 aujourd'hui. Près d'un quart des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, un taux bien plus élevé que dans toutes les autres catégories socioprofessionnelles. Un agriculteur sur cinq ne parvient pas à dégager un revenu suffisant pour se rémunérer à la fin du mois. Et chaque année, ce sont près de 300 agriculteurs qui se suicident de désarroi.
Derrière ces chiffres, derrière ces statistiques parfois tragiques, il y a des femmes et des hommes, ces héros de nos territoires, véritables piliers de nos communes, qui se trouvent confrontés à des contraintes de plus en plus lourdes qui entravent leur capacité à exercer le métier le plus noble du monde. Il est de notre devoir, au Sénat, de leur apporter les réponses qu'ils attendent.
Défendre nos agriculteurs, c'est d'abord reconnaître la complexité de leur quotidien. Ils sont soumis à des normes, notamment européennes, qui, bien que parfois inspirées par de bonnes intentions, ne tiennent pas compte des réalités.
Dans le cadre de leur transposition en droit français, ces normes sont souvent inutilement durcies. Nous devons nous engager à transposer le droit européen de manière bien plus intelligente et bien plus pragmatique. Il nous faut protéger ces exploitations sans les étouffer ni tuer leur compétitivité.
Il est ensuite urgent de réduire le poids de la charge administrative qui pèse sur les agriculteurs. Combien de fois avons-nous entendu des exploitants se plaindre de passer plus de temps derrière leur bureau qu'à travailler dans leur champ ou dans leur étable ? Ces heures perdues sont des heures volées à leur passion, à leur production et, finalement, à notre souveraineté alimentaire.
Il est de notre responsabilité de réaffirmer la place stratégique de l'agriculture dans notre pays, mes chers collègues. Face à la concurrence européenne, parfois déloyale, face aux crises économiques et climatiques, nous devons offrir à nos agriculteurs des outils pour rester compétitifs.
Défendre nos agriculteurs, c'est enfin défendre nos territoires ruraux, nos paysages et notre patrimoine. Chaque exploitation qui disparaît, c'est une parcelle de France qui s'éteint. Nous ne pouvons pas accepter ce déclin silencieux, car lorsque la flamme de l'agriculture vacille, c'est une part de l'âme française qui risque l'extinction.
Mes chers collègues, en votant ce texte, après des débats sans doute nourris, nous affirmerons notre soutien à celles et à ceux qui travaillent sans relâche pour garantir notre souveraineté alimentaire. Nous leur montrerons que la République est à leur côté.
Il est grand temps d'alléger le fardeau de nos agriculteurs et de leur redonner les moyens de réussir. Leur survie et la nôtre en dépendent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à l'examen du texte de la commission.
proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
TITRE Ier
METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS ET SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES
Article 1er
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La section 4 bis du chapitre III est abrogée ;
2° Le VI de l'article L. 254-1 est abrogé ;
3° Les articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 sont abrogés ;
4° Au 2° du I de l'article L. 254-2, après le mot : « administrative », le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » et, à la fin, les mots : « et qu'elle respecte les dispositions des articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 » sont supprimés ;
5° L'article L. 254-6-2 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est supprimé ;
b) Le II est ainsi modifié :
– la seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
– le deuxième alinéa est supprimé ;
– au dernier alinéa, les mots : « et le délai entre deux conseils augmenté » sont supprimés ;
c) Le III est abrogé ;
6° À la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 254-7-1, après la référence : « L. 254-6-2 », la fin de la phrase est supprimée ;
7° (nouveau) Avant le titre Ier du livre V, il est inséré un titre préliminaire ainsi rédigé :
« TITRE PRÉLIMINAIRE
« DU CONSEIL STRATÉGIQUE GLOBAL
« Art. L. 510-0. – I. – Les exploitants agricoles peuvent bénéficier d'un conseil stratégique global, formalisé par écrit, fourni par des conseillers certifiés, notamment pour leurs connaissances en agronomie, en protection des végétaux, en gestion économe des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière, afin d'améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation.
« Le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques mentionné à l'article L. 254-6-2 constitue un volet de ce conseil stratégique global.
« II. – Un décret définit les modalités de certification des conseillers mentionnés au I du présent article. Il précise notamment leurs obligations de volume horaire annuel de formation ainsi que le contenu minimal obligatoire de cette formation, qui comprend nécessairement un volet spécifique aux enjeux déontologiques. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet article reprend peu ou prou l'article 18 d'un précédent texte du sénateur Duplomb, la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.
Cet article me choque d'autant plus qu'il va à l'encontre d'une recommandation issue d'un rapport intitulé Pesticides : vers le risque zéro, adopté par le Sénat à l'unanimité en 2012. S'il vous faut une coupable, je suis toute désignée, mes chers collègues : j'assume en effet être à l'origine de cette disposition imposant la séparation des activités de conseil et de vente de pesticides.
Pourquoi, me direz-vous ? Le constat est très simple : qui conseille ne peut vendre, et inversement, au risque d'un conflit d'intérêts manifeste et prévisible. Encore une fois, telle était l'une des conclusions du rapport d'information susvisé, que nous avons adopté à l'unanimité.