Et ce n'est pas tout, puisqu'en revenant sur l'interdiction des rabais, remises et ristournes, vous revenez sur le conseil stratégique phytosanitaire. Il faut croire que la mise en place du plan Écophyto, sous la pression du mouvement agricole, à la hâte et sans étude d'impact, ne vous suffit plus, mes chers collègues.

Que souhaitez-vous donc ? Arrêter tout contrôle sur les pesticides épandus sur nos sols ? Déverser des pesticides sur nos sols jusqu'à l'épuisement des stocks et des sols ? Faire croire à nos exploitants qu'il n'y aura plus de contrôle du tout ? Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Croyez-vous vraiment que c'est ce que veulent nos agriculteurs ?

Savez-vous qu'avec leur famille, ils sont les premières victimes des pesticides ? J'en veux pour preuve la création, en 2018, par le Sénat – c'est du reste son honneur –, du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, que le Gouvernement a intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Un tel renoncement est-il à la hauteur du défi d'une agriculture durable ? Est-il à la hauteur du défi de santé publique et de santé environnementale que représente la pollution de nos cours d'eau et de nos nappes phréatiques par les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) et les métabolites ? Les rapports sur ce sujet sont accablants.

Pour ma part, je ne puis me résigner à ce qu'en matière agricole, le législateur en soit réduit à se renier ou à se soumettre à des intérêts économiques de court terme, et qui plus est dangereux pour les générations futures.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l'article.

M. Laurent Duplomb. L'article 1er de la présente proposition de loi, dont mon collègue Franck Menonville et moi-même sommes les auteurs, revient uniquement – je le rappelle une fois de plus – sur des surtranspositions qui nous distinguent des pays voisins.

Je rappelle également que le même ministre qui a fait voter dans cet hémicycle la séparation du conseil et de la vente a depuis lors indiqué dans un rapport qu'il s'agissait d'une usine à gaz sur laquelle il fallait revenir.

Existe-t-il par ailleurs un levier plus stigmatisant que l'interdiction des remises, rabais et ristournes, ma chère collègue ? Les agriculteurs achètent des produits phytosanitaires, non pas pour les admirer en bas de leur lit, non pas pour se doucher tous les matins avec, mais parce qu'ils ont besoin de traiter certaines maladies dont leurs cultures sont atteintes, de la même manière que les humains prennent des médicaments pour se soigner lorsqu'ils sont malades.

Les agriculteurs sont à vos yeux si bêtes qu'il ne suffit pas de contraindre leurs capacités de production en les empêchant d'utiliser certains produits, les plaçant dans un corner, mais qu'il faut en plus leur interdire de négocier le prix de ces derniers. Décidément, tous les moyens sont bons pour punir ces pauvres agriculteurs !

M. Jean-Claude Tissot. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb. C'est exactement ce que vous dites !

J'estime au contraire qu'il convient de se poser de nouveau les bonnes questions, de revenir sur certaines dispositions, d'éviter de faire de la surtransposition, d'arrêter d'accabler et de condamner nos agriculteurs avant même d'avoir tenté de comprendre leur situation. C'est de la démagogie !

Les CMR – cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – de catégorie 1 sont en effet les plus dangereux, madame Bonnefoy. Vous oubliez toutefois de dire qu'en dix ou quinze ans, les agriculteurs ont cessé d'utiliser 95 % de ces molécules. Pourquoi n'avez-vous pas l'honnêteté de saluer, en toute objectivité, ce progrès fondamental accompli par nos agriculteurs ? (Mme Nicole Bonnefoy proteste.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, sur l'article.

M. Franck Menonville. La séparation de la vente et du conseil a été instaurée par la loi Égalim du 30 octobre 2018. À l'époque, un certain nombre d'entre nous étaient partagés, pour ne pas dire sceptiques, mes chers collègues.

Force est de constater que, depuis 2018-2019, nous assistons dans nos territoires à une déstructuration du conseil. S'il est utile et s'il permet de se projeter, le conseil stratégique qui s'est déployé du fait de la séparation des activités de vente et de conseil ne permet pas de répondre aux difficultés quotidiennes que nos agriculteurs rencontrent sur leur exploitation.

En réponse à la déstructuration du conseil que cette séparation a emportée, j'estime qu'il nous faut garantir que l'activité de conseil ne puisse être exercée que dans le cadre d'un agrément, gage de son exigence.

Au quotidien, lorsque, au bout de leur champ, les agriculteurs sont confrontés à une problématique, celle-ci doit trouver une réponse immédiate et pertinente. Le véritable enjeu est donc non pas la séparation de la vente et du conseil, mais l'agrément, qui permet aux structures de vente et de conseil de justifier de la qualité du conseil délivré.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 9 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Daniel Salmon. L'article 1er revenant sur certains dispositifs adoptés dans la loi Égalim en matière de lutte contre les pesticides, j'en propose la suppression. Permettez-moi de revenir sur ces dispositifs.

En ce qui concerne la séparation de l'activité de vente de produits phytopharmaceutiques et de celle de conseil, vous réinterprétez le rapport de Dominique Potier et Stéphane Travert intitulé Bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, publié en 2023, mes chers collègues.

Les auteurs dressent en effet le constat d'un échec relatif dans la mise en œuvre de la séparation de la vente et du conseil, et ils estiment que la réforme a produit des effets contre-productifs en matière de transition agroécologique.

Nous entendons que le dispositif actuel comporte des failles et sommes ouverts au dialogue pour le rendre plus efficace, dans l'intérêt des agriculteurs. Pour autant, les auteurs de ce rapport, du moins M. Potier, ne soutiennent aucunement la présente proposition de loi, en particulier son article 1er, qui prévoit de mettre un terme à toute régulation. MM. Potier et Travert n'ont en effet jamais considéré qu'il fallait revenir sur la séparation des activités de vente et de conseil.

Par ailleurs, soyons sérieux, mes chers collègues : un vendeur vante son produit, car il souhaite le vendre. Il n'a pas vocation à conseiller. Il faut regarder les choses en face : c'est le b.a-ba du commerce ! (Mme Nicole Bonnefoy renchérit.)

Vous entendez par ailleurs rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, mes chers collègues. Le dispositif est certes perfectible. Il pourrait en particulier être davantage adapté aux besoins des agriculteurs.

Le rendre facultatif serait toutefois une erreur. Il convient au contraire de bâtir un véritable conseil stratégique, car nos agriculteurs ont besoin de conseils qui, pour être indépendants, doivent être réellement séparés de la vente – c'est, encore une fois, le b.a-ba.

En remettant en cause une séparation qui demeure utile, bien qu'il convienne de l'améliorer, cet article ne va assurément pas dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Jean-Claude Tissot. Comme l'amendement présenté à l'instant par mon collègue Salmon, le présent amendement vise à supprimer l'article 1er, qui acte un certain nombre de reculs en matière d'encadrement des pesticides.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposent sans équivoque aux trois objectifs de cet article.

Concernant la séparation des activités de vente et de conseil, depuis la publication, en 2012, du rapport susvisé de notre collègue Nicole Bonnefoy sur les pesticides, et en dépit de tout ce qui vient d'être dit, nous estimons que, dès lors que les mêmes personnes ou les mêmes entités exercent à la fois les activités de conseil et de vente de produits insecticides, il existe un risque de conflit d'intérêts.

Lorsque la rémunération d'un conseiller dépend du volume de ses ventes, celui-ci peut en effet être tenté d'encourager son client à acheter davantage que nécessaire.

Si nous pouvons entendre que le modèle actuel n'est pas parfait, nous refusons sa suppression pure et simple, dès lors qu'aucun système de substitution n'est proposé.

Or cette proposition de loi ne propose rien, si ce n'est de supprimer, en sus, l'interdiction des remises, rabais et ristournes – les « 3R ».

Ces produits potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement ne doivent pas, selon nous, être considérés comme un bien de consommation lambda pouvant faire l'objet de promotions commerciales. Nous estimons de plus que de telles promotions vont à rebours de la volonté affichée, politiquement tout du moins, de réduire la consommation des pesticides en France.

Enfin, cet article prévoit de rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire. Dans le cadre de nos engagements en matière de réduction du recours aux pesticides, il nous faut au contraire sensibiliser davantage les acteurs à ces objectifs. Or ce n'est pas le pompeusement nommé « conseil stratégique global », purement facultatif, qui y contribuera.

Pour amorcer un réel virage agroécologique, nous estimons au contraire nécessaire de préserver le caractère obligatoire du conseil, quelle que soit sa forme.

Il n'est qu'à parcourir l'article 1er pour constater que les termes « abrogation » et « suppression » y sont légion. Les propositions concrètes, elles, se font beaucoup plus discrètes.

Or, à défaut d'une réelle alternative, comment réduire l'utilisation des pesticides dans notre pays et atteindre les objectifs que nous nous sommes – je le rappelle – collectivement fixés dans le cadre du plan Écophyto, mes chers collègues ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Gérard Lahellec. Personne n'utilise les pesticides par plaisir.

M. Laurent Duplomb. Évidemment !

M. Gérard Lahellec. Dans mon entourage, plusieurs agriculteurs qui ont transmis leur exploitation à leur fils persistent pourtant à leur interdire l'accès aux produits phytosanitaires. Ils continuent en effet de s'en occuper, estimant que la dangerosité qu'emporte la manipulation de ces pesticides requiert une forme de maturité paysanne. (M. Daniel Salmon renchérit.)

Le présent article remet en cause des dispositions de précaution qui avaient été votées dans le cadre de la loi Égalim.

S'il convient assurément de renforcer le conseil, de sorte que les agriculteurs disposent des connaissances exactes et précises, il nous faut être prudents s'agissant de dispositions qui auront pour effet d'accroître l'utilisation de ces produits. Le renforcement du conseil et la suppression desdites dispositions constituent deux voies d'action totalement différentes, mes chers collègues.

Telle est la raison d'être de cet amendement, identique aux deux amendements présentés à l'instant par mes collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. J'aimerais beaucoup vous convaincre de notre démarche, y compris au regard de nos objectifs respectifs, mes chers collègues. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)

Nous sommes unanimement attachés à notre environnement, peut-être davantage que d'autres parce que nous le vivons au quotidien.

Permettez-moi de citer à mon tour quelques éléments du bilan réalisé par MM. Potier et Travert : « L'effet de la séparation des activités de conseil et de vente du point de vue de l'usage des produits phytosanitaires ne peut précisément être évalué, mais les auditions conduites par vos rapporteurs laissent penser qu'il est faible, notamment en raison des effets contre-productifs que la réforme a pu produire, mais aussi de sa faible application. » Ils rajoutent que « le passage d'un conseil formalisé formulé par les vendeurs à une absence de conseil ou à un conseil oral et informel paraît avoir diminué la qualité du conseil délivré et laissé un certain nombre d'agriculteurs “orphelins” ».

Le diagnostic me paraissant sans appel, l'avis est défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Ces amendements identiques visent à supprimer l'article 1er de la présente proposition de loi, notamment les dispositions relatives à la séparation des activités de vente et de conseil.

Vous relevez honnêtement que le retour d'expérience montre que des évolutions sont nécessaires, messieurs les sénateurs. Les éléments du rapport de MM. Potier et Travert que M. le rapporteur citait à l'instant soulignent que ça ne fonctionne pas.

J'estime que, dans notre pays, nous n'avons pas suffisamment la culture de la reconnaissance de l'erreur. On tente, on essaie avec de bonnes intentions, mais si l'on s'est trompé dans les modalités de réalisation d'un objectif, il faut le reconnaître et le faire évoluer.

Mme Annie Genevard, ministre. Le dispositif actuel est beaucoup trop complexe : difficultés de renouvellement du certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto), insuffisance du nombre de conseillers, difficulté à définir les limites entre le conseil et les recommandations d'utilisation qui découlent de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), etc.

Mme Annie Genevard, ministre. Finalement, cela aboutit à réduire l'activité même de conseil. C'est l'inverse du projet que nous voulions mettre en œuvre et qui bénéficiait d'un soutien plutôt large.

En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement entend bien respecter la trajectoire de réduction des produits phytosanitaires. C'est le sens de l'Histoire et c'est ce que nos concitoyens attendent de nous.

D'ailleurs, le jour où les agriculteurs pourront produire sans avoir recours aux produits phytosanitaires – dont je rappelle qu'ils sont coûteux – ou en en utilisant moins, ils le feront, car ils ont toujours répondu aux attentes de la société.

Ces amendements de suppression ne contribuent pas à résoudre les difficultés et c'est la raison pour laquelle nous devons plutôt faire évoluer le dispositif.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis d'accord avec vous sur le fait que la séparation entre la vente et le conseil ne doit pas être entièrement abrogée. Il faut conserver des mesures pour garantir la qualité du conseil, pour limiter les risques de conflits d'intérêts et pour encourager le développement de l'activité de conseil, ce dernier point étant capital.

C'est pourquoi je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements au profit de l'amendement n° 89 du Gouvernement, qui vise à mettre en œuvre des mesures correspondant à ces grands principes. Permettez-moi de les rappeler.

Nous souhaitons donner aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques la possibilité d'exercer une activité de conseil, mais à certaines conditions. Tout d'abord, nous supprimerons la notion de conseil spécifique et nous leur permettrons de pratiquer une activité de conseil stratégique. Cette faculté sera conditionnée au respect de certaines exigences, qui seront précisées par décret, pour prévenir les conflits d'intérêts. Ensuite, l'activité de conseil restera interdite aux fabricants de produits phytopharmaceutiques pour éviter précisément tout conflit d'intérêts. Ainsi, les règles de séparation capitalistique continueront de s'appliquer. Enfin, l'amendement du Gouvernement – et j'assume notre différence avec la position défendue par les auteurs de la proposition de loi – vise à rétablir les interdictions de rabais, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale.

En réponse aux propos qui ont été tenus sur une agriculture qui serait productiviste et destructrice de la nature, je précise que toutes les propositions que je vous ferai – à l'exception de celles qui concernent les néonicotinoïdes, car il s'agit d'un cas particulier sur lequel je reviendrai – ont été travaillées avec les ministères concernés, de sorte qu'il s'agira de propositions interministérielles. Je vous les présenterai donc au nom du Gouvernement. J'y insiste, car je ne crois pas qu'opposer environnement et agriculture soit une voie féconde.

M. Guillaume Gontard. C'est pourtant ce que fait ce texte !

Mme Annie Genevard, ministre. Au contraire, c'est un argument que l'on avance un peu trop facilement.

Monsieur le sénateur, dans vos propos, vous opposez toujours l'un à l'autre ; or je considère que c'est une erreur. En effet, les agriculteurs sont bien plus attachés au respect de l'environnement que vous ne le laissez entendre. (Exclamations sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. Guillaume Gontard. Nous n'avons jamais dit le contraire !

Mme Annie Genevard, ministre. L'amendement du Gouvernement que je vous présenterai, je le crois fermement, devrait satisfaire vos demandes.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Séparer la vente et le conseil part indéniablement d'une bonne intention, mais ce n'est que dans un monde idéal que la personne qui distille le conseil serait totalement désintéressée. En réalité, c'est rarement le cas.

Madame la ministre, vous avez dit que ce dispositif ne fonctionnait pas. Pourquoi cela ? J'habite une région où la frontière, la chaîne des Pyrénées, est assez poreuse – Jean-Jacques Michau, sénateur de l'Ariège, ne me contredira pas. Que constate-t-on en réalité ? Certains produits, parfois interdits en France, traversent les Pyrénées pour y être vendus. Et ils le sont sans qu'aucun conseil soit donné. Or les Pyrénées ne sont pas la seule frontière poreuse. Tenons-en nous donc à la réalité.

De plus, dans le même ordre d'idées, pourquoi ne pas interdire aux vétérinaires de vendre des produits vétérinaires s'il faut séparer la vente du conseil ? (M. Laurent Somon approuve.) Or on ne le fait pas.

Certes, il faut exercer un contrôle, mais imposer une interdiction totale ne fonctionnera pas. C'est de l'idéologie.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je souhaite revenir sur la séparation de la vente et du conseil. En effet, notre méthode politique se résume malheureusement à proposer des textes que nous examinons sans évaluer l'impact qu'ils auront.

Le dispositif n'a pas fonctionné : sur ce point, personne dans cet hémicycle n'est de mauvaise foi, puisque vous en convenez vous aussi, madame la ministre. Pourquoi n'a-t-il pas fonctionné ? Parce que, avant que la loi ne soit votée, les fournisseurs de produits phytosanitaires faisaient déjà du conseil. Donc, quand elle a été votée, ils se sont posé la question de savoir comment ils pourraient faire à la fois du conseil et de la vente. Et, constatant qu'il n'était pas possible de faire les deux, ils ont arrêté de faire du conseil. Mais l'activité de conseil existait bel et bien avant la loi Égalim.

Il faut que nos agriculteurs assument davantage leurs responsabilités et soient mieux sensibilisés à la dangerosité des produits phytosanitaires, mais nous devons, surtout, revoir le Certiphyto, qui est un enjeu majeur.

Pour ce qui est de la remise et des rabais sur le prix des produits phytosanitaires, vous partez du principe que plus il y en aura, plus les agriculteurs y auront recours. Mais rappelez-vous ce que j'ai dit dans la discussion générale : parfois, les agriculteurs n'arrivent à dégager un revenu qu'en réduisant leurs coûts de production. En général, les vendeurs de produits phytosanitaires font des remises et des rabais sur ceux qu'ils veulent déstocker. Les agriculteurs bénéficient de ces remises et font des économies sans pour autant employer davantage ces produits. Il serait assez stupide de vouloir empêcher les agriculteurs de faire des économies.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous ne retirerons pas notre amendement. De plus, au sein de notre groupe, nous n'opposons jamais agriculture et environnement, car il est clair que sans l'environnement, il n'y a pas d'agriculture possible.

Les substances dont nous parlons sont tout sauf anodines. En effet, les pesticides « soignent » – j'entends souvent ce mot – les plantes et sont souvent désignés comme les « médicaments » des plantes. Mais ils ne font pas que cela et « soignent » aussi la biodiversité, qui s'effondre, si vous me permettez d'employer le terme dans un autre sens. En outre, ils altèrent la santé humaine. Ce n'est donc pas par dogmatisme que nous nous penchons sur le problème des pesticides, mais parce que les études s'empilent qui étayent clairement leur rôle dans l'altération de la santé humaine.

Je prendrai trois exemples de pesticides pour préciser mon propos.

Le flufénacet fait partie des PFAS. C'est donc un polluant éternel qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA). Or on le retrouve dans tous les sols en France, en particulier dans mon territoire en Bretagne. Son autorisation d'utilisation a expiré en 2013 et il y a déjà eu neuf procédures de prolongation. On dit souvent que l'on surtranspose, mais l'on est parfois aussi dans une lenteur incroyable. D'autant qu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien.

Le S-métolachlore est présent dans toutes les eaux de surface, en Bretagne. Dans mon département, seuls 2 % des eaux de surface sont en bon état écologique.

Enfin, le prosulfocarbe est un pesticide qui est utilisé sur les céréales et qui a contaminé de nombreux lots d'agriculteurs biologiques.

Ces pesticides sont donc tout sauf anodins. Nous devrons un jour examiner le problème de plus près. En la matière, la séparation entre le conseil et la vente est essentielle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Nous maintenons notre amendement. Notre collègue Daniel Salmon vient de le défendre sur le fond avec de très bons arguments. Et sur la forme, mieux vaut voter maintenant ces amendements, car rien ne prouve que l'amendement n° 89 que la ministre s'apprête à nous présenter sera adopté.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Je suis surpris par cette volonté de différencier absolument la vente et le conseil.

En effet, pour reprendre l'exemple des vétérinaires, à la suite de M. Médevielle, le plan Écoantibio repose exactement sur le même système dans lequel interviennent des fabricants et des distributeurs – en l'occurrence les vétérinaires –, qui exercent une activité de conseil auprès des consommateurs, à savoir les éleveurs – et leur donnent le traitement nécessaire. Or il a permis une diminution globale de 52 % de l'exposition des animaux aux antibiotiques, ce qui a eu des conséquences appréciables sur les phénomènes d'antibiorésistance.

Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait absolument dissocier le conseil et la vente. Comme vient de le dire Mme la ministre, il faut surtout veiller à ce que la vente et le conseil ne se fassent pas directement entre le fabricant et l'utilisateur, mais par l'intermédiaire du distributeur.

Personne n'a intérêt à ce que l'on utilise davantage de produits phytosanitaires, l'agriculteur encore moins que quiconque, puisque de toute façon cela lui coûte cher.

Pour prendre un exemple bien connu des agriculteurs qui siègent dans cet hémicycle, auparavant, on utilisait les antibiotiques dans le cadre de traitements assez généralistes : on traitait ainsi les mammites chez tous les animaux sans distinction. Aujourd'hui, on cible ceux qu'il faut traiter, au moment du tarissement. On pourrait de la même manière cibler les parcelles de territoire qui doivent être traitées avec des produits phytosanitaires parce qu'elles sont malades.

Arrêtons donc de vouloir séparer le conseil de la vente. Encore une fois, tout le monde a intérêt à ce que l'on recoure moins aux produits phytosanitaires et à ce qu'on les utilise mieux.

Je vous rappelle qu'il existe aussi des organismes de formation. On voudrait nous faire croire que les agriculteurs utilisent ces produits sans aucune formation, mais celle-ci est désormais plus poussée qu'elle ne l'était hier, de sorte que l'utilisation des produits phytosanitaires est moins massive et plus ciblée. Il existe ainsi dix-neuf organismes techniques et les chambres d'agriculture forment les agriculteurs en leur montrant comment utiliser ces produits en les économisant, afin d'avoir un prix de revient intéressant et donc un revenu plus élevé.

De grâce, ne faisons pas le procès aux agriculteurs de vouloir consommer des produits phytosanitaires larga manu.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Le seul effet qu'a eu l'interdiction des rabais pour les agriculteurs, c'est une augmentation de 15 % du prix des phytosanitaires. Les firmes que vous dénoncez se sont fait des cojones en titane ! (Rires.)

Vous parlez encore et encore, mais, en réalité, les groupements d'intérêt économique (GIE) et les groupements d'agriculteurs obtenaient de meilleurs prix garantis en négociant : quand on achète trois palettes de produit, cela revient moins cher que de l'acheter bidon par bidon. N'importe quel simplet – je vais être gentil – comprendrait cela !

C'est la même chose pour les produits vétérinaires. Mon collègue Médevielle, qui est pharmacien, me disait que les produits vétérinaires pour la prophylaxie des ovins coûtaient auparavant 50 % de moins. Croyez-vous en effet que, il y a vingt ans, les éleveurs ovins gagnaient assez bien leur vie pour se permettre de payer très cher des produits phytosanitaires ?

Cette mesure est d'une inefficacité totale.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je voudrais revenir sur un exemple tout à fait symptomatique de ce que nous dénonçons.

Pour réduire l'utilisation, en volume, des produits phytosanitaires, on a eu recours à un système qui ne pouvait que fonctionner puisqu'il consistait à diminuer les quantités de produits phytosanitaires appliquées : c'est ce qu'on appelle l'application « à bas dosage ». Au lieu d'appliquer sur une culture une quantité importante de produit en un seul traitement, on préfère procéder en deux applications, en utilisant par exemple seulement 10 % de la dose qui était appliquée auparavant. Cela signifie donc que la réduction peut atteindre 90 % du volume dans certains cas.

M. Jean-Claude Tissot. Nous ne le remettons pas en cause !

M. Laurent Duplomb. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que, quand vous traitez une culture deux fois plutôt qu'une seule fois, l'indice de fréquence de traitement (IFT) passe d'un à deux. Or, il y a quelques jours de cela, des ONG ont publié une carte de France marquant d'une couleur verte les zones où l'indice de fréquence de traitement est faible et d'une couleur rouge les endroits où il est plus élevé – vous savez que le rouge fait davantage peur aux gens que le vert.

M. Daniel Salmon. C'est justifié.

M. Laurent Duplomb. Cette carte inverse donc la tendance.

Comme je l'ai expliqué précédemment au sujet de la diminution des substances CMR de catégorie 1, les plus dangereuses, on ne reconnaît pas non plus le travail réalisé pour réduire, en volume, l'utilisation de produits phytosanitaires. Et les ONG font peur aux gens en leur montrant une carte signalant les zones où il y a le plus fort indice de fréquence de traitement, alors que c'est précisément là que le volume diminue !

M. Jean-Claude Tissot. Le volume n'a jamais diminué !

M. Laurent Duplomb. C'est comme si l'on ne pouvait jamais sortir de l'instruction à charge ! Je dis simplement : stop !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 9 et 44.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)