M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. L’ensemble de ces amendements répondent à une finalité commune : compléter l’objectif d’accroissement des compétences des personnes formées aux métiers agricoles dans les domaines de l’agroécologie, de l’agriculture biologique ou encore de la transition climatique et environnementale, pour reprendre le dispositif de l’amendement du Gouvernement.
Je rappelle que la rédaction actuelle vise notamment à accroître les connaissances des personnes formées dans le domaine de l’adaptation au changement climatique.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 820 du Gouvernement, sur lequel elle émet un avis favorable, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement n° 904.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Grâce à l’amendement du Gouvernement, l’effort de renforcement des connaissances devra également porter sur les domaines et techniques liés aux transitions climatiques et environnementales.
De même, l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances inclura l’identification de solutions techniques et scientifiques relatives à ces transitions.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 319 rectifié, 113 rectifié bis, 618 rectifié ter, 469, 530 rectifié et 320 rectifié ter, au profit de l’amendement du Gouvernement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
De même, je demande le retrait des amendements nos 321 rectifié, 324 rectifié et 327 rectifié, et émets un avis défavorable sur les amendements nos 470 et 323 rectifié.
S’agissant du sous-amendement n° 904 de la commission, j’ai expliqué pourquoi le terme « transition » me paraissait de loin préférable à celui d’« adaptation ». Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, si votre sous-amendement n’était pas adopté, vous seriez défavorable à l’amendement du Gouvernement, n’est-ce pas ?
M. Franck Menonville, rapporteur. En effet !
Mme Annie Genevard, ministre. Je n’y suis pas favorable, le Sénat décidera donc du sort de ce sous-amendement.
Monsieur le rapporteur, votre position est tout de même compliquée : vous avez, je l’admets, fait l’effort d’intégrer les termes « climatique » et « environnemental » dans le texte ; vous voudriez que, en regard, je fasse de même concernant le mot « adaptation ». Pour autant, vous voyez bien que cela trahit quelque peu l’idée que nous entendons défendre.
Je vais donc m’en remettre à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement et au vote des sénateurs sur l’amendement du Gouvernement, qui me paraît très important.
Il me semble d’ailleurs qu’il s’agira là d’un point dur en commission mixte paritaire : la disparition éventuelle des mots « climatique » et « environnemental » y constituerait véritablement un élément bloquant.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je ne suis pas convaincu par les arguments de M. le rapporteur.
Le texte de la commission fait effectivement référence à l’« adaptation au changement climatique ». Voilà qui est parfaitement réducteur ! Adaptation au changement climatique, ce n’est pas du tout synonyme de transition agroécologique.
La transition agroécologique, c’est un changement de modèle qui promeut de nouvelles pratiques agronomiques, qui prend en compte la biodiversité et qui lutte contre le réchauffement climatique.
L’adaptation, nous y serons de toute manière contraints, parce que l’on a procrastiné pendant des décennies et que rien n’a été fait.
Pour autant, il faut continuer de lutter contre le réchauffement climatique. Tout n’est pas encore perdu ; rien n’est inéluctable à ce stade ! Battons-nous pour éviter d’avoir une France à +4 degrés ! Il faut donc une transition agroécologique, et pas simplement une adaptation au changement climatique.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Nous avons besoin de connaissances. Si « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », je serais tenté d’ajouter : Science sans connaissance n’est que démagogie et parti pris a priori.
Dans mon esprit, il ne saurait être question de défendre des positions partisanes ou d’opposer un mode de production à un autre. Donnons aux personnes concernées la possibilité de choisir eux-mêmes.
« On ne fait pas pousser les fleurs en tirant dessus », dit un adage de chez moi. En l’occurrence, les incantations sont inutiles. Il faut des connaissances. Les techniques de valorisation du bio ou la situation des sols font partie des connaissances de base indispensables, y compris pour celles et ceux qui font le choix de rester dans l’agriculture conventionnelle. Encore une fois, ne stigmatisons personne.
Je voterai en faveur des amendements qui visent à favoriser la connaissance.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Gérard Lahellec a parfaitement résumé ce que je souhaitais dire. Je n’ai de cesse de le répéter : n’opposons pas les modèles ; laissons à chacun le soin de choisir le sien.
Cher Daniel Salmon, nous n’allons pas lutter contre le changement climatique.
M. Daniel Salmon. Si !
M. Henri Cabanel. Nous allons devoir nous adapter au changement climatique.
M. Daniel Salmon. Non ! Pas seulement « nous adapter » !
M. Henri Cabanel. Il est clair que certains modèles ne permettront pas cette adaptation. Mais laissons chacun faire avec le modèle qu’il aura choisi.
Pour autant, nous voyons bien quelles arrière-pensées peuvent inciter de manière sournoise à retirer certains termes du projet de loi. À la droite de l’hémicycle, il est des collègues dont les poils se hérissent dès que l’on parle d’environnement.
Soyons cohérents et laissons chacun valoriser le type d’agriculture qu’il a choisi.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Je le rappelle, nous avons une batterie de lois destinées à lutter contre le dérèglement climatique et nous agissons en faveur de la planification écologique – un secrétariat général y est même consacré. Que je sache, tout cela n’a pas fait disparaître l’agriculture !
Dans notre pays, celle-ci est l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Elle doit donc absolument prendre sa part dans la lutte contre le dérèglement climatique.
À entendre certains, on a parfois le sentiment qu’il y avait le climat avant le dérèglement, qu’il y a aujourd’hui le climat avec le dérèglement et que, tout étant désormais figé, il n’y aurait plus qu’à s’adapter. Mais ce n’est pas du tout ainsi que les choses se passent.
Nous savons – tous les scientifiques le disent – qu’il faut mener la lutte contre chaque dixième de degré supplémentaire lié au réchauffement climatique si nous ne voulons pas que notre agriculture soit anéantie.
Nous avons besoin d’éléments de connaissance, comme cela vient d’être rappelé. Et nous savons bien que les transitions agroécologiques nécessitent d’autres types de connaissances. Dans le monde réel, l’agroécologie, c’est compliqué : elle demande de la réactivité, de l’agilité, des connaissances du sol et des plantes. Cela implique surtout que le système ne soit pas totalement organisé, pour ne pas dire orchestré, par l’agrochimie.
Attention, mes chers collègues : le rôle de l’agriculture ne saurait se réduire à l’adaptation au changement climatique : ce serait contraire à notre arsenal législatif.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. J’entends tout ce qui est dit, mais soyons sérieux !
Chez M. Duplomb, en raison du changement climatique, il y a désormais plus d’herbe. Ailleurs, il y en a moins. Jadis, je faisais du maïs le 1er mai, voire le 15 mai. Aujourd’hui, j’en fais le 30 mars.
Nous nous sommes toujours adaptés. Les agriculteurs s’adaptent en permanence ; ils ne vont pas du tout disparaître !
M. Daniel Salmon. Ils seront inondés ou souffriront de la sécheresse, comme dans les Pyrénées-Orientales !
M. Vincent Louault. Quand il y a trop d’eau, ils font des réserves, et ils essaient d’en tirer parti. Je sais bien que nous n’arriverons pas à nous mettre d’accord, monsieur Salmon.
Nous pouvons nous disputer sur des termes, mais tout cela, c’est du verbiage. Ce sont des querelles qui passent totalement au-dessus de la tête de nos agriculteurs.
En revanche, il est des mots que l’on ne supporte plus en agriculture. Le terme « transition », on ne le supporte plus ; quant à celui d’« accompagnement », mieux vaut le réserver à l’accompagnement des enfants ou des personnes en fin de vie – mais c’est peut-être ce que veulent certains de nos collègues pour l’agriculture aujourd’hui…
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je suis toujours stupéfait d’entendre ceux qui ne pratiquent pas l’agriculture nous expliquer comment il faut procéder. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et RDSE.)
M. Guillaume Gontard. Si vous voulez, nous pouvons partir !
M. Laurent Duplomb. C’est la vérité, mes chers collègues. !
M. Yannick Jadot. C’est trop facile !
M. Laurent Duplomb. J’entends M. Jadot, mais peut-on véritablement s’appuyer sur son expertise professionnelle en matière agricole ? (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur s’exprimer, s’il vous plaît.
M. Laurent Duplomb. Nous voyons bien la différence de vision entre les deux côtés de l’hémicycle.
M. Daniel Salmon. Ça, c’est sûr !
M. Laurent Duplomb. De notre côté de l’hémicycle, nous ne disons pas aux agriculteurs que tout ce qu’ils font est mal. Nous leur faisons confiance : ils ont été capables de s’adapter pendant des décennies, ils le seront encore cette fois-ci.
De l’autre côté de l’hémicycle, on considère que les agriculteurs sont trop bêtes pour comprendre tout seuls et qu’il faut leur imposer de changer de modèle. (Vives protestations sur les travées des groupes GEST, RDSE et SER.)
M. Guillaume Gontard. Scandaleux !
M. Michaël Weber. Inacceptable !
M. Laurent Duplomb. Ce discours-là, les agriculteurs ne peuvent plus l’entendre.
Vous voulez que les paysans changent de modèle ? Eh bien, allez donc les voir et expliquez-leur qu’ils font tout mal ! Nous verrons bien comment ils vous accueilleront ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. Je m’étonne de la teneur de ce débat.
Nous sommes des parlementaires. Dans cet hémicycle, nous pouvons débattre de tous les sujets. Ce n’est pas parce que je n’habite pas à Mayotte que je ne peux pas m’exprimer sur la situation de l’archipel. Et ce n’est pas parce que je ne suis pas agricultrice que je ne peux pas prendre la parole sur un projet de loi d’orientation agricole.
Il y a, dites-vous, des mots que vous ne supportez plus. Mais nous aussi, à gauche, il y a des mots que nous ne supportons plus. Nous ne supportons plus que vous caricaturiez nos positions.
Lorsque nous réclamons des mesures de lutte contre le réchauffement climatique, c’est pour éviter les fameux 4 degrés supplémentaires, même si nous sommes déjà dans ce scénario. La différence entre vous et nous, c’est que nous, nous pensons qu’il y a encore des solutions, à condition de faire des efforts. Vous, vous considérez que l’on ne peut rien faire et qu’il n’y a plus qu’à s’adapter. En effet, nous ne sommes pas du tout d’accord sur le fond.
Refuser, comme vous le faites, les termes d’« agroécologie » ou d’« agriculture biologique », c’est de la cancel culture ! Vous êtes en train de tomber, intellectuellement parlant, dans le wokisme ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous rejetez un certain nombre de mots qui, selon vous, démontreraient que nous vous prenons pour des gens bêtes. Mais ce n’est pas du tout le cas ! Au contraire !
Il y a un modèle que nous voulons collectivement sauver. Et, pour le sauver, il ne faut pas reproduire les erreurs qui ont été commises. Nous devons donc trouver des solutions ensemble.
C’est le sens du présent projet de loi d’orientation : penser le futur, à partir des constats qui sont dressés aujourd’hui. Que chacun fasse un pas et, surtout, que cessent les insultes systématiques !
M. Michaël Weber. Exactement !
M. Laurent Duplomb. Ce ne sont pas des insultes !
M. Michaël Weber. Bien sûr que si ! Nous ne sommes pas sourds !
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je m’interroge sur le statut des prises de parole de M. Duplomb, qui s’exprime tantôt depuis le banc des commissions, tantôt depuis le fond de l’hémicycle, en l’occurrence pour nous invectiver.
Je respecte le fait que notre collègue soit agriculteur. Je connais moi-même très bien ce milieu, étant élu d’un territoire très rural et issu d’une famille d’agriculteurs. Je côtoie des agriculteurs quasiment tous les jours.
Mais je ne peux pas entendre que seuls ceux qui pratiquent l’agriculture apporteraient la bonne parole ! Je pense d’ailleurs que c’est ce discours-là qui a fait beaucoup de mal à l’agriculture. Au lieu de nous dire que nous ne comprenons rien, expliquez-nous ; argumentez, cher collègue ! Je suis prêt à vous écouter. Il m’arrive même parfois d’être d’accord avec vous.
M. Laurent Duplomb. Pas souvent !
M. Christian Redon-Sarrazy. À d’autres moments, nous sommes en désaccord ; c’est le débat.
Quoi qu’il en soit, il y a un besoin d’explications, en particulier pour montrer à nos concitoyens comment il est possible de concilier l’agriculture avec d’autres activités, par exemple de services, dans nos territoires.
Mais, franchement, l’attitude qui consiste à pousser un coup de gueule pour dire : « Écoutez-moi, je suis celui qui porte la bonne parole ! » est particulièrement désagréable !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. Dans ce projet de loi, il n’y a aucune exclusivité, pas plus sur le productivisme que sur l’agroécologie et le bio.
Nous voulons bâtir un texte solide, qui s’inscrive dans le temps long. Il s’agit de répondre à un certain nombre d’objectifs que nous aurons définis collectivement.
Je plaide pour le terme d’« adaptation », pour deux raisons.
D’une part, c’est une notion à caractère entrepreneurial, qui renvoie à l’initiative et à la responsabilité de chacun, dans un environnement changeant. Le débat n’est donc pas seulement sémantique.
D’autre part, et nous devrions y être particulièrement sensibles dans cet hémicycle, c’est une expression respectueuse de la diversité des territoires. Les contraintes que notre collègue Laurent Duplomb subit en Haute-Loire sont différentes de celles auxquelles je suis confronté chez moi, en Lorraine. Mais tous, nous nous adaptons.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. L’agriculture a effectivement évolué au cours des siècles en fonction de plusieurs éléments, à commencer par les conditions d’exercice du métier.
L’enjeu essentiel est moins de savoir si l’on est paysan ou non que de connaître le vécu des professionnels sur le terrain.
Des cultures qui étaient impossibles voilà un demi-siècle dans certains territoires du fait des conditions climatiques s’y sont développées, parce qu’il y a eu des évolutions, par exemple sur la sélection des plantes. Tout cela s’est fait naturellement. Des femmes et des hommes ont entrepris et travaillé avec enthousiasme.
Il est dommage que nous nous déchirions ainsi. Pour ma part, j’ai toujours fait confiance aux femmes et aux hommes animés d’un tel esprit d’entreprise – et ce dernier terme n’est pas un gros mot.
Semer des graines, faire naître un animal, travailler au quotidien avec du vivant… Tout cela, nous l’avons fait, et nous le ferons encore.
Mais disons la vérité au monde paysan, aux consommateurs et aux citoyens. Ce n’est pas parce que nous inscrirons certains termes dans un texte législatif – qui n’est pas une loi d’orientation, soit dit en passant – que nous empêcherons le changement climatique, surtout si les autres n’appliquent pas les mêmes normes. Ayons le courage de les imposer aussi ailleurs en Europe et dans le monde, faute de quoi nos paysans se retrouveront en situation de concurrence déloyale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour explication de vote.
M. Philippe Grosvalet. Voilà un peu plus d’un an que je siège dans cet hémicycle. Il m’avait semblé que c’était un espace de respect et de tempérance.
Les propos de notre collègue Duplomb ne servent pas, tant s’en faut, la cause qu’il défend. Au demeurant, les résultats des élections au sein des chambres sont en train de tomber ; inutile donc de s’agacer.
Cher collègue, à opposer comme vous le faites le monde agricole au reste de la société, ne vous étonnez pas de la progression du vote extrême dans nos campagnes.
Ici, nous sommes des élus du peuple français. Nous représentons tous les citoyens, y compris les agriculteurs, quel que soit le mode de production.
Essayez de comprendre le monde dans lequel nous vivons et cessez de parler, comme vous le faites depuis des années, d’agri-bashing pour instiller l’idée que le reste de la société serait contre les agriculteurs. C’est parce que vous leur adressez ce type de messages que les agriculteurs choisissent aujourd’hui le repli sur eux-mêmes.
Nous avons au contraire besoin d’un dialogue entre le monde agricole, qui produit, et le reste de la société, qui consomme. Et ce dialogue doit pouvoir se faire dans la transparence, pas dans l’excès ou la caricature.
Je ne suis pas médecin ; cela ne m’empêche pas de parler de santé publique. Je ne suis pas issu du monde industriel ; cela ne m’empêche pas de parler de politique industrielle. De la même manière, je revendique la possibilité de parler de politique agricole et des différents modes de culture.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai écouté nos collègues Cabanel et Lahellec. Il me paraît en effet normal d’inclure l’agroécologie dans les programmes des établissements d’enseignement agricole.
Certes, nous ne sommes pas les plus gros pollueurs : 0,8 % chez nous, contre 33 % en Chine. Mais si nous pouvons éviter une augmentation ne serait-ce que d’un demi-degré, c’est déjà ça.
Cela étant, revenons à certaines réalités. Pour un jeune agriculteur qui sort de l’école et qui lance son activité, l’important, c’est la rentabilité.
L’agroécologie peut avoir un intérêt à proximité des grandes villes, mais gardons à l’esprit que, dans les supermarchés, les consommateurs n’achètent pas forcément en priorité les produits les plus écologiques. En général, ils vont plutôt vers ce qu’il y a de moins cher. Or produire de manière écologique coûte cher et les prix de vente s’en ressentent.
J’appelle donc à la prudence. Jadis, l’objectif était de 25 % ; aujourd’hui, nous sommes plutôt à 10 %. Et certains professionnels qui s’étaient engagés dans l’agriculture écologique ont dû faire marche arrière, sachant que notre agriculture est, de toute manière, déjà saine.
Mais rien n’empêche, il est vrai, d’enseigner à la fois l’agroécologie et l’agriculture traditionnelle dans les écoles d’agriculture.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Le moment de tension que nous vivons est, me semble-t-il, intéressant. Il nous amène à nous interroger sur notre rôle de parlementaires.
Nous devons, en échangeant de manière si possible respectueuse, rationnelle et argumentée, donner un contenu à la notion d’intérêt général, qui figure d’ailleurs dans ce texte.
J’en profite pour rappeler qu’il n’y a pas un intérêt général spécifique à chaque domaine d’activité économique. L’intérêt général doit, comme son nom l’indique, être général. On ne devrait donc pas lui accoler d’adjectif : « intérêt général agricole », « intérêt général culturel », etc. Il y a simplement l’intérêt général de la Nation.
Nous sommes justement là pour donner un contenu à cette notion, qui inclut les différents registres d’action et modes de pensée de notre société. Cet intérêt général, il nous appartient de le construire. Nous ne le ferons pas, monsieur Duplomb, en nous jetant des anathèmes à la figure.
M. Laurent Duplomb. Ce ne sont pas des anathèmes !
M. Franck Montaugé. Je rappelle en outre qu’ici, nous ne sommes pas censés être – je ne vous en accuse pas – les représentants d’intérêts particuliers. (M. Laurent Duplomb, rapporteur, s’exclame.) Libre à vous de penser différemment, cher collègue.
Ce moment de tension est intéressant, mais, de grâce, respectons-nous et essayons de trouver ensemble les voies de cet intérêt général qu’il nous appartient de construire pour nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Je ne suis pas étonnée que nous passions autant de temps sur l’alinéa 9. Il est important. Permettez-moi d’en rappeler le contenu.
L’alinéa enjoint d’« augmenter significativement le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, en accroissant leurs compétences entrepreneuriales et de gestion d’entreprise ». En effet, un exploitant agricole est un chef d’entreprise qui se doit d’avoir une activité économiquement viable – il est important de le souligner.
Il fait également référence au « management ». Quand on a des salariés agricoles, par exemple dans un groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), il faut tout de même connaître les règles en matière de gestion du personnel. Nous savons que les Gaec rencontrent aujourd’hui des difficultés.
Il mentionne aussi le « numérique ». Le métier s’est numérisé, modernisé. C’est une source de simplification.
Et il aborde le renforcement du « socle de connaissances dans les domaines des techniques agronomiques, zootechniques ». À propos des techniques agronomiques, j’observe qu’il a beaucoup été question des sols au cours de nos débats. Et j’insiste sur les zootechniques : face aux attaques de type sanitaire, les éleveurs savent qu’ils doivent pratiquer une autre forme d’élevage.
Je terminerai en évoquant les transitions climatique et environnementale. Ce qui est demandé aux agriculteurs pour faire face au changement climatique est considérable et n’a rien à voir avec la révolution de la mécanisation agricole. Cela requiert une élévation du niveau de connaissances, de compétences et implique de savoir comment ils pourront exercer un métier que la transition climatique et environnementale va très profondément affecter et faire évoluer. Le niveau de connaissances doit donc s’adapter aux mutations considérables qui seront demandées aux agriculteurs.
L’alinéa 9 est très important. Il a connu des modifications depuis l’examen du texte par l’Assemblée nationale, mais la version du Sénat couvre à peu près tous les champs de la formation. En revanche, il faut vraiment y ajouter une référence aux transitions climatique et environnementale. Je note que vous préférez parler des « adaptations » ; au fond, c’est un peu la même idée. (M. Franck Menonville, rapporteur, acquiesce.)
Nous avons une différence d’appréciation sur les termes, mais j’attire l’attention de la Haute Assemblée sur cet alinéa : il est fondamental, car il vise à élever le niveau de connaissances que nous exigerons, demain, de nos jeunes agriculteurs.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 319 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 113 rectifié bis et 618 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 320 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 470, 321 rectifié ter et 322 rectifié ter n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 323 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 324 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 327 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l’avancement de nos travaux, nous pourrions, en accord avec la commission et le Gouvernement, lever la séance cette après-midi à dix-neuf heures et la reprendre lundi 10 février à seize heures.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 2 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 821, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
compétences
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en particulier dans les domaines mentionnés au 2°
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Le présent amendement a pour objet d’indiquer, de façon générique, les principaux blocs de compétences que les actifs de l’agriculture et de l’agroalimentaire doivent développer grâce à la formation tout au long de la vie, pour être armés face aux enjeux de leur métier.
Cet amendement est dicté par le souci de lisibilité de l’article programmatique. Nous préférons mentionner ces blocs de compétences à un seul endroit, qui concerne le niveau de formation.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Pla, Mérillou, Michau et Stanzione, Mme Bélim, M. Bourgi et Mmes Canalès, Conway-Mouret, Espagnac, G. Jourda, Lubin et Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
en diffusant aussi ces connaissances aux travailleurs saisonniers
La parole est à M. Lucien Stanzione.
M. Lucien Stanzione. Le présent amendement vise à donner de la visibilité aux travailleurs saisonniers en les intégrant dans les dispositifs de formation.
Le travail saisonnier est au cœur de la réflexion à mener pour assurer le renouvellement des générations. Il est regrettable qu’il ne soit jamais mentionné dans le projet de loi.
L’activité agricole est, par nature, cyclique, les productions étant organisées en fonction des saisons. Ainsi, pour répondre aux besoins lors des récoltes, tailles et traitements, les exploitants agricoles ont recours aux travailleurs saisonniers. Ces derniers font partie intégrante du modèle agricole.
Afin de fidéliser cette main-d’œuvre dans un secteur identifié parmi les secteurs en tension, nous souhaitons que les travailleurs saisonniers soient davantage incités à suivre des dispositifs de formation, d’autant qu’ils peuvent devenir de potentiels repreneurs d’exploitation.