Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Je partage complètement votre ambition, mon cher collègue, d’autant que notre balance commerciale dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture est extrêmement dégradée.
Avec Laurent Duplomb, nous avons voulu repositionner à sa juste place la filière en la mentionnant aux articles 1er et 2 du projet de loi. Pour autant, je ne souhaite pas que nous fixions des objectifs chiffrés, car cela reviendrait à s’enfermer dans un cadre réglementaire trop rigide.
Au-delà de l’ambition programmatique contenue dans le présent texte, il conviendrait de donner aux porteurs de projet les moyens de s’installer et de reprendre des exploitations.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le terme « aquaculture » figure en tête de ce projet de loi, à l’article 1er ; cette activité est donc parfaitement reconnue. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car si nous commençons à faire une liste, il faudra la compléter…
Cela étant, je tiens à m’exprimer sur ce sujet. J’ai été conviée, il y a peu, à une remise de prix organisée par l’association nationale des industries agroalimentaires (Ania). L’une des récompenses a été accordée à une entreprise d’aquaculture qui promeut un produit magnifique. À cette occasion, le dirigeant de cette société m’a invitée à faire servir lors des réceptions ministérielles non plus du saumon étranger, mais de la truite fumée française élevée, comme dans sa structure, dans des conditions respectueuses de l’environnement. Mais peut-être existe-t-il aussi du saumon fumé français…
Mme Viviane Artigalas et M. Hervé Gillé. De la truite !
Mme Annie Genevard, ministre. Aussi, lorsque nous faisons des achats ou organisons des réceptions, soutenons la filière aquacole française, qui est de grande qualité !
M. Laurent Somon. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je vois sourire mon collègue Somon… Il frétille même ! (Sourires.)
La filière mérite d’être soutenue à condition, comme l’indiquait Mme la ministre – je suis d’accord avec elle –, de respecter l’environnement. Il faut se montrer très vigilant sur ce point. En effet, si certaines fermes aquacoles fonctionnent très bien, des projets ont toutefois sombré dans le gigantisme en Bretagne ; M. Bleunven est certainement au courant. Là où les eaux de surface sont déjà dégradées, il faut veiller à ne pas amoindrir encore leur qualité.
Je soutiens l’aquaculture, et je voterai pour cette raison en faveur de cet amendement. Mais il nous faut rester vigilants quant aux conditions de production.
Mme la présidente. Monsieur Bleunven, l’amendement n° 141 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Yves Bleunven. En effet, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 141 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 917, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 14, première phrase
Remplacer les mots :
fixe pour
par les mots :
donne comme
La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à rassurer Mme la ministre : nous envisageons les objectifs de la réforme de manière explicitement programmatique.
Mme la présidente. L’amendement n° 489, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 14, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, notamment en fixant une limite de la surface agricole utile qui peut être détenue, directement ou indirectement, quel que soit le mode de contrôle, par une personne physique
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a été rédigé en concertation avec Terre de Liens et l’association pour contribuer à l’amélioration de la gouvernance de la terre, de l’eau et des ressources naturelles (Agter).
Il s’agit de revenir au point central du débat sur l’installation et la transmission : l’agrandissement et l’accaparement. Comment éviter les disparitions de fermes ? Comment préserver l’accès à un foncier abordable pour celles et ceux qui veulent s’installer ? En dépit de son titre, le projet de loi répond fort peu à cette problématique.
Cet amendement a pour objet de poser un principe aussi simple que fort : le plafonnement de la surface agricole utile détenue par une personne physique. Aucune autre solution ne permettra de lutter efficacement contre l’agrandissement déraisonnable des fermes, voire contre l’accaparement des terres.
Je rappelle que sur le million d’hectares qui changent de main tous les ans, moins de la moitié sont destinés à des installations. Les terres restantes sont utilisées pour l’agrandissement d’exploitations existantes. Ainsi, en cinquante ans, la surface moyenne des fermes a augmenté de 50 hectares, avec pour résultat la spécialisation d’établissements toujours plus grands et fortement mécanisés. Hors de portée financièrement, ceux-ci correspondent trop rarement aux projets d’installation et aux demandes de la société. Le résultat est assez dramatique pour nos campagnes : les communes se dépeuplent ou se dévitalisent.
Une fois le seuil défini, ainsi que d’indispensables dérogations, le contrôle de ce plafond se ferait à l’occasion de toute acquisition ou location de nouvelles terres à exploiter, ou de toute acquisition de nouvelles parts sociales de société agricole. S’agissant des personnes ou sociétés qui dépasseraient déjà ce seuil, tout départ à la retraite, toute transmission, toute cessation d’activité ou tout transfert de parts sociales de société bénéficiant de droits d’usage agricole les mettrait dans l’obligation de revendre sur les marchés fonciers les hectares disponibles au-delà du plafond.
Il est urgent d’agir en ce sens en préparant une grande loi sur l’accès au foncier, une thématique, hélas ! absente de ce texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Sans vouloir être excessif, je suis très défavorable à cet amendement. Vous prenez le problème dans le mauvais sens. Ce qu’il faut faire, c’est faciliter l’accès au foncier et la transmission des exploitations entre cédant et repreneur. Ce projet de loi vise cet objectif, mais il ne saurait être question de plafonner le nombre d’hectares par actif : pour quelles productions ? Pour quels terroirs ?
Il n’y a pas deux terroirs qui ont la même capacité de production : songez aux différences entre le terroir de Mme la ministre, celui du lait à comté, et les zones intermédiaires comme la mienne. À cet égard, mon cher collègue, la disposition que vous proposez n’est pas vraiment opérante.
Par ailleurs – nous l’assumons –, ce texte ne porte pas stricto sensu sur la question foncière, qui mérite, Mme la ministre l’a dit tout à l’heure, une réflexion beaucoup plus approfondie. Notre fil conducteur, en l’espèce, c’est celui de la facilitation, de la simplification et des incitations, que nous préférons aux contraintes.
On peut se faire plaisir en fixant ce genre d’objectifs, mon cher collègue, mais, je le répète, cela ne me semble pas opérant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. J’ajoute un point aux raisons qui viennent d’être invoquées par le rapporteur : vous le savez, la régulation de l’accès au foncier a été l’objet de la loi dite Sempastous du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, entrée en vigueur en avril 2023.
Il est un peu tôt pour tirer des enseignements de son application. Je vous propose d’attendre la remise au Parlement du rapport relatif à la mise en œuvre de cette loi, à laquelle le Gouvernement devrait pourvoir dans les prochains mois.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. On voit bien, en effet, quel est le fil conducteur de ce projet de loi ! Il s’agit d’un vieux slogan : « Il est interdit d’interdire ». Soit on se donne les moyens d’assurer le renouvellement des générations d’agriculteurs, soit on laisse filer… Mais en laissant filer, on accepte que la tendance à l’agrandissement continu des exploitations se poursuive.
La loi Sempastous a fixé des seuils d’agrandissement significatifs qui peuvent aller, en Centre-Val de Loire, par exemple, jusqu’à 275 hectares pour une personne ou 550 hectares pour un couple, soit des tailles d’exploitation qui sont déjà plus que considérables.
Il faut bien finir par poser la question : laisse-t-on filer ? Accepte-t-on que les seuils puissent être fixés à 1 000 ou à 2 000 hectares, et pourquoi pas à 3 000 hectares ? Ou bien se donne-t-on des garanties en plafonnant ?
Soit on veut le maintien d’une agriculture familiale et paysanne dans ce pays, soit, et il faut le dire clairement, on va vers un modèle qui est celui des sociétés par actions, donc du salariat agricole – car de telles sociétés fonctionnent en employant énormément de salariés agricoles –, auquel cas on tire un trait à plus ou moins brève échéance sur l’exploitation agricole tenue par des entrepreneurs individuels.
Mme la présidente. L’amendement n° 359 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14, dernière phrase
Après le mot :
fin,
insérer les mots :
d’ici à 2027,
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement vise à préciser le principe de la réforme des instruments juridiques et financiers destinés à permettre une politique foncière rénovée et adaptée aux enjeux, réforme posée à l’alinéa 13 de l’article 8.
Nous souhaitons profiter de la présentation de cet amendement pour rappeler combien nous regrettons l’absence de mesures sur le foncier dans ce projet de loi. Comment peut-on concevoir une loi programmatique qui n’aborde pas cette thématique en profondeur ? Il s’agit pourtant d’un élément indispensable à l’installation.
Nous ne pourrons faire l’économie d’une grande loi foncière. En vingt-cinq ans, le prix des terres agricoles a doublé ; la taille moyenne des exploitations a augmenté de 30 % ; la spéculation explose. Il n’y aura pas de renouvellement des générations efficient tant que nous ne mettrons pas un terme à la spéculation foncière et à l’accaparement des terres, qui conduisent à une concentration toujours plus grande desdites terres entre les mains de quelques-uns.
À défaut de calendrier, nous devons nous contenter de belles paroles, dont ce texte est décidément coutumier.
Il s’agit donc, par cet amendement, de préciser que la réforme esquissée, qui est tout à fait nécessaire, doit être menée avant 2027. Pouvez-vous, madame la ministre, vous y engager ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Avis défavorable : l’objet de ce texte n’est pas le foncier.
Cela étant, il y a bien, en ce domaine, un enjeu auquel nous sommes particulièrement attentifs – nous y avons insisté, avec Laurent Duplomb, dans divers rapports faits au nom de la commission des affaires économiques –, à savoir la nécessité de réformer la fiscalité pour la rendre plus favorable aux jeunes agriculteurs et à l’aide à l’installation-transmission.
Quoi qu’il en soit, quand on parle de prix du foncier, il faut se montrer très prudent. En effet, celui-ci est en France beaucoup moins élevé que chez nos voisins européens, et en tout cas que chez nos voisins du nord et de l’est – Belges, Luxembourgeois, Allemands et Hollandais.
M. Guillaume Gontard. C’est bien pour cela qu’il faut agir !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Madame la ministre, nous demandons simplement un engagement gouvernemental d’ici à l’échéance de 2027.
En émettant un avis défavorable sur cet amendement, vous balayez la question que nous soulevons : cela veut dire que vous n’êtes pas favorable à ce que soit élaborée une grande loi sur le foncier d’ici à 2027 !
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Non !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est clair.
M. Hervé Gillé. Cette loi, nous l’attendons depuis des années. Le rapporteur indique que le prix des terres est moins important ici qu’ailleurs… Précisément, voilà ce qui rend l’achat de terres beaucoup plus attractif, ce qui nourrit des tensions croissantes ! Il faut donc mettre en place un périmètre de protection.
Si je comprends bien, madame la ministre, vous refusez de prendre l’engagement de présenter une loi foncière d’ici à 2027.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Oui.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, ne tirez pas de conclusions hâtives d’un avis défavorable. À ce stade, je ne peux tout simplement pas prendre l’engagement de présenter une loi foncière.
Il ne suffit pas d’un claquement de doigts pour résoudre le problème de l’accès au foncier ! Si vous vous satisfaisiez d’un simple engagement pris au banc par la ministre, qui se contenterait de vous donner raison et de dire : « je m’engage », ce ne serait pas très sérieux… (M. Roger Karoutchi opine.)
Quand on s’engage, cela veut dire que l’on a déjà une idée un peu précise de ce que l’on va faire, du contour de la loi que l’on imagine ; cela signifie, donc, que l’on a pris contact avec les organisations professionnelles, que l’on a vraiment travaillé le sujet. J’ai répondu à votre question en évoquant la loi Sempastous, dispositif foncier dont il faut faire l’évaluation avant de s’engager dans l’élaboration d’un nouveau texte.
Ne tirez donc de l’avis que j’ai émis sur votre amendement aucune conclusion quant à un éventuel désintérêt de ma part à l’égard de la question foncière : on ne saurait me soupçonner de ne pas la considérer comme fondamentale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 359 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 360 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
notamment par la mise en œuvre de politiques d’aides différenciées selon la taille des exploitations afin de préserver le modèle d’exploitation familiale
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à préciser que la réforme foncière évoquée à l’alinéa 14 doit être impérativement subordonnée à l’objectif consistant à pérenniser notre modèle d’agriculture familiale et à encourager les exploitations à taille humaine.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire : en vingt-cinq ans, la taille moyenne des exploitations a augmenté de 30 %. La course au gigantisme doit cesser ! Nous devons, au contraire, promouvoir une agriculture à taille humaine, car celle-ci est la seule qui permet tout à la fois d’assurer la souveraineté alimentaire, de garantir une alimentation sûre et saine, d’améliorer les moyens d’existence, de mieux gérer les ressources naturelles et de protéger l’environnement.
Le Cese affirme que les agricultures familiales jouent un rôle central pour ce qui est de maintenir et de créer des emplois, contrairement aux agricultures de firme qui remplacent le travail par du capital, et très souvent, in fine, par de l’emploi salarié.
Pour encourager les exploitations familiales à taille humaine, une seule solution efficace : revoir le mode d’attribution des aides de la politique agricole commune (PAC). Vous en avez tout à fait les moyens, madame la ministre, via le plan stratégique national (PSN).
Je me permets de rappeler une nouvelle fois que 25 % des agriculteurs captent les deux tiers des aides européennes à l’échelle française. Cette concentration absurde nuit au développement d’une agriculture raisonnée. Nous souhaitons que des paysans puissent de nouveau s’installer ? Donnons-leur les moyens de le faire !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Nous défendons une agriculture variée, diversifiée, présente sur l’ensemble du territoire, durable, viable, mais aussi – évidemment – compétitive.
Or, mon cher collègue, le genre de dispositif que vous proposez revient à faire abstraction de la diversité des territoires, et notamment de la diversité des handicaps naturels – zones de montagne, zones intermédiaires, etc. Le débat est très complexe : il ne saurait se résumer à l’instauration de soutiens différenciés par taille d’exploitation. J’ajoute que, pour ce qui est de traiter une telle question, le véhicule législatif choisi n’est pas le bon.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable également, pour plusieurs raisons.
Premièrement, nous avons et vous avez, par l’adoption à l’article 1er d’un amendement du Gouvernement, réaffirmé l’attachement de la France à une politique agricole faisant la part belle au modèle familial. Oui, cet attachement, nous l’avons clairement énoncé dans les articles principiels du projet de loi. Que signifie une agriculture « familiale » ? Cela veut dire des exploitations de taille restreinte ; ça veut dire ce que ça veut dire ! Entendons-nous : le terme « familial » employé en ce sens inclut les « hors cadre familial » et les « non issus du milieu agricole ».
Deuxièmement, dans le cadre des discussions en cours concernant la prochaine PAC, un certain nombre d’orientations ont été données. Parmi ces orientations, je citerai tout d’abord, sans hiérarchie aucune, l’importance accordée au dynamisme de la vie rurale, donc au maintien d’un nombre suffisant d’exploitants et d’exploitations.
Je citerai ensuite la défense du revenu des agriculteurs – c’est tout l’objet, vous le savez, du premier pilier de la PAC, qui est fondamental. L’attachement à l’aide organisée en deux piliers est donc réaffirmé.
Je citerai enfin la mise en avant de la notion de simplification, les aides PAC étant souvent compliquées d’accès.
Voilà quelques-uns des fondamentaux de la future PAC.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, vous avez raison sur un point : le PSN doit promouvoir ces orientations, lesquelles, du reste, ne sont pas disjointes de celles qui sont exprimées dans ce projet de loi. Nous voulons bel et bien fixer des objectifs en nombre d’exploitations et en nombre d’exploitants. Vous avez pu également examiner et adopter, dans le cadre du présent texte, des dispositions visant à limiter l’agrandissement.
Le projet de loi dont nous débattons contient donc d’ores et déjà beaucoup de mesures qui, me semble-t-il, répondent à l’objectif qui est le vôtre.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous pourrions presque tomber d’accord, madame la ministre, et je prends acte de vos déclarations. Mais ce que nous proposons, ce sont des mesures plus concrètes, allant jusqu’à la différenciation.
Quant au PSN, il s’agit sans doute du bon outil. Nous souhaitons simplement qu’il n’en aille pas du prochain plan stratégique national comme du précédent, que nous avons découvert très tardivement, sans que la moindre occasion nous soit offerte de faire valoir un certain nombre de points à propos desquels nous partageons vos orientations, madame la ministre, mais que nous aimerions voir traduits concrètement dans la loi. Il arrive en effet que les bons mots soient prononcés, mais que cela ne débouche pas sur les mesures dont nous souhaitons la mise en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. En effet, on ne peut qu’être d’accord avec ce que nous disent M. le rapporteur et Mme la ministre des exploitations familiales paysannes.
Mais, dans les faits, que va-t-il se passer ? On le sait très bien ! Les aides de la PAC demeurent des aides à l’hectare. Ainsi certains exploitants détenant plusieurs centaines d’hectares touchent-ils des aides plus que considérables. En maintenant ces politiques-là, on continue de favoriser l’agrandissement.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est l’agriculture extensive qui touche le plus d’aides : certains éleveurs d’alpage touchent des centaines de milliers d’euros d’aides PAC…
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, vous l’avez dit, tel n’est pas aujourd’hui le but de la politique agricole. Peut-être fera-t-on évoluer en conséquence le prochain plan stratégique national ?
Puisque l’on ne veut pas plafonner le nombre d’hectares, on pourrait plafonner les aides et les différencier en fonction de la taille de l’exploitation. Voilà ce qui est demandé par mes collègues socialistes, dont nous soutenons bien entendu l’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 360 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 361 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après le mot :
orientation
insérer les mots :
à toute personne qui exerce une activité agricole
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à revenir sur la suppression, opérée en commission des affaires économiques du Sénat, de la disposition prévoyant l’accueil et l’orientation par l’État de toute personne exerçant une activité agricole.
Revenons quelques instants sur l’objectif initial de ce guichet unique, quel que soit son nom – il faut demander à Mme Duplomb (Sourires.) –, « France Services agriculture » ou « France installations-transmissions ». N’est-il pas de favoriser l’installation et la transmission ? N’est-il pas de mieux accompagner les nouveaux paysans ?
Ceux-ci sont relativement rares : seuls deux départs sur trois seront remplacés. L’étude d’impact associée au projet de loi indique que ce déficit d’actifs agricoles est particulièrement marqué, 70 000 postes étant à pourvoir. L’agriculture française est en quête d’actifs !
Malgré ces alertes, les rapporteurs ont choisi de restreindre le dispositif d’accompagnement du guichet unique en le concentrant sur les seules personnes ayant un projet d’installation ou de cession ; nous le regrettons vivement.
Bien sûr, ces personnes devront être prioritairement accompagnées là où il s’agit de concrétiser le renouvellement – nous sommes bien d’accord. Il n’en reste pas moins qu’il nous semble regrettable, même d’un point de vue symbolique, de fermer ainsi la porte à tout autre actif agricole ; en effet, d’autres personnes que celles qui projettent de cesser leur activité ou de transmettre leur exploitation peuvent avoir besoin d’informations, et d’être reçues dans la perspective d’un projet futur.
Le présent amendement vise donc à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, qui ouvrait l’accueil et l’orientation visés à l’alinéa 16 à toute personne exerçant une activité agricole.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Mon cher collègue, je fais amende honorable si ma rédaction a pu paraître trop restrictive. À ce propos, et comme je l’ai dit tout à l’heure, je proposerai, à l’article 10, une rédaction qui, me semble-t-il, peut faire consensus.
Un accompagnement à deux niveaux est prévu.
D’une part, un accompagnement conçu comme le plus large possible sera destiné à ceux que le syndicat des Jeunes agriculteurs nomme les « porteurs d’idées », c’est-à-dire des jeunes et des moins jeunes qui se posent des questions, qui s’intéressent à l’agriculture, mais dont le projet n’est pas encore tout à fait mûr – il s’agit par cet accueil de les aider, précisément, à approfondir leur projet.
D’autre part, un autre outil d’accompagnement sera proposé, à visée plus opérationnelle.
Cette question sera traitée à l’article 10. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Tissot, l’amendement n° 361 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. À titre très exceptionnel, madame la présidente, et parce que je crois volontiers à la sincérité du rapporteur, je retire mon amendement. Mais que chacun soit rassuré : nous serons très attentifs lorsque l’article 10 sera appelé en discussion !
Mme la présidente. L’amendement n° 361 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 918, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 17, première phrase
Après le mot :
publics
insérer les mots :
et privés
La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement de précision vise à ne pas restreindre inutilement les sources de financement du portage des biens fonciers.
L’alinéa que nous souhaitons compléter est plein de bonnes intentions, mais il ne faut oublier aucune source de financement : la mobilisation de fonds privés est également envisageable. Cette précision n’est peut-être pas strictement rédactionnelle…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement, qui n’est pas rédactionnel de mon point de vue, mérite quelques minutes de débats et d’explications.
Vous le savez, à l’Assemblée nationale, un article du projet de loi a fait contre lui la quasi-unanimité : l’article 12 dédié à la promotion des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Tous les groupes politiques, ou presque, ont voté sa suppression, et, avec les députés de toutes obédiences, libéraux ou non, nous avons considéré qu’en effet il existait un risque de financiarisation des terres.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, vise à ouvrir aux fonds privés, et non pas seulement aux fonds publics, le portage des biens fonciers agricoles. Tout dépend de ce que l’on entend par « fonds privés ». À cet égard, monsieur le rapporteur, j’aurais besoin, avant d’émettre l’avis du Gouvernement, que vous précisiez les choses.
Que dit l’alinéa 17 ? « Afin de favoriser l’installation de nouveaux exploitants agricoles et l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique, l’État se donne comme objectif, aux côtés des collectivités territoriales volontaires, d’accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage des biens fonciers agricoles… » Vous proposez qu’à la mention de fonds publics soit ajoutée celle de fonds « privés ».
Avez-vous en vue des fonds « public-privé », auquel cas j’émettrais un avis favorable sur cet amendement, car ledit portage continuerait de se faire obligatoirement sous la tutelle de l’État ? Ou faut-il lire dans cet ajout une ouverture non régulée au privé, auquel cas on retomberait sur les GFAI, qui ont fait l’objet à l’Assemblée nationale d’une opposition assez unanime ? J’ai besoin d’une telle précision.
Aujourd’hui, des fonds sont d’ores et déjà mobilisables. En abondant le fonds Entrepreneurs du vivant, par exemple, l’État engage des fonds publics, aux côtés d’investisseurs privés, dans le portage de l’investissement ; nous y sommes favorables. S’il est question d’une privatisation totale du portage du foncier, en revanche, il faut y mettre des freins : à défaut, on risque de voir s’accélérer les phénomènes dénoncés par un certain nombre de sénateurs.