Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 262 rectifié bis est présenté par M. Bleunven, Mme Billon, M. Levi, Mmes Gacquerre et Jacquemet et MM. de Nicolaÿ et Kern.

L’amendement n° 533 rectifié sexies est présenté par MM. Favreau, Sautarel et Brisson, Mme Dumont, M. Bouchet, Mme Belrhiti, M. Klinger, Mme Josende, MM. Chevrollier, de Legge, Burgoa et Panunzi, Mme P. Martin, M. Khalifé, Mmes Garnier et Joseph, MM. Belin et H. Leroy et Mmes Goy-Chavent et Canayer.

L’amendement n° 787 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet, Rietmann et Sol, Mmes Berthet, Malet, Micouleau, Demas et Ventalon, MM. Chatillon, Genet, Somon et Bacci, Mmes Gruny et Drexler, M. Sido, Mmes Bonfanti-Dossat et Imbert, MM. Reynaud et Cuypers, Mme Richer et MM. Lefèvre, D. Laurent, Milon et P. Vidal.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le premier alinéa de l’article L. 411-2-1 est complété par les mots : «, ainsi que les projets de destruction et les travaux d’entretien d’une haie mentionnée à l’article L. 412-21 du présent code » ;

La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l’amendement n° 262 rectifié bis.

M. Yves Bleunven. Cet amendement vise à introduire une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur pour les travaux d’entretien de haies, afin de faciliter l’accès à la dérogation d’interdiction de destruction d’espèces protégées.

En effet, les travaux réalisés sur les haies peuvent, dans certains cas, imposer l’obtention d’une dérogation au régime de protection des espèces. Une telle dérogation est soumise à des conditions strictes, puisqu’il convient notamment de démontrer que le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur. Ce dernier point, qui se révèle délicat à démontrer pour des travaux d’une faible ampleur, est source de fragilité juridique.

Afin de garantir la possibilité de réaliser des travaux d’entretien des haies selon un mode de gestion durable, et compte tenu de la nouvelle obligation générale de compensation instaurée par le projet de loi, qui contribuera à atteindre l’objectif d’augmentation du linéaire de haies d’ici à 2030, il convient de sécuriser l’obtention, le cas échéant, d’une dérogation au régime de protection des espèces.

Par cet amendement, nous proposons donc d’étendre aux projets de destruction et aux travaux d’entretien des haies le mécanisme déjà instauré au bénéfice des projets de production d’énergie renouvelable, c’est-à-dire la création d’une présomption légale qu’un tel projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur. On voit en effet venir l’usine à gaz…

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 533 rectifié sexies.

M. Gilbert Favreau. Le pacte en faveur de la haie, présenté par le Gouvernement en septembre 2023, a pour ambition d’atteindre un gain net du linéaire de haies de 50 000 kilomètres d’ici à 2030.

Dans cette perspective, l’article 14 du projet de loi permet aux bénéficiaires d’une décision de non-opposition à déclaration unique ou d’une autorisation unique tenant lieu de législation applicable de sécuriser juridiquement la réalisation des projets d’entretien ou la destruction des haies.

Toutefois, le mécanisme proposé n’apporte pas de véritable simplification. Il doit encore être amélioré pour lever les freins à la conservation des haies existantes et à la restauration des linéaires disparus.

Afin de garantir la possibilité de réaliser des travaux d’entretien selon un mode de gestion durable et compte tenu de la nouvelle obligation générale de compensation instaurée par le projet de loi, qui contribuera à atteindre l’objectif d’augmentation du linéaire de haies d’ici à 2030, il convient de sécuriser l’obtention, le cas échéant, d’une dérogation au régime de protection des espèces.

C’est la raison pour laquelle nous proposons, au travers de cet amendement, d’étendre aux projets de destruction ou aux travaux d’entretien des haies le mécanisme déjà instauré au bénéfice des projets de production d’énergie renouvelable, c’est-à-dire la création d’une présomption légale qu’un tel projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 787 rectifié bis.

M. Daniel Gremillet. Il a été très bien défendu par mes collègues, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il semblerait que les mesures proposées dans ces trois amendements ne soient pas conformes au droit européen. La commission sollicite donc l’avis du Gouvernement.

Monsieur Louault, laissez-moi tenter de répondre à vos questions, même si je ne le fais pas de manière exhaustive. Qu’avons-nous voulu faire au travers de l’article 14 ? Tout d’abord, nous avons souhaité donner une définition de la haie – mais les définitions, par essence, ne sont jamais parfaites – en veillant à ce qu’elle corresponde à ce que tous les agriculteurs connaissent. Nous avons donc repris celle de la politique agricole commune, pour qu’elle soit la plus simple et la plus lisible possible et pour que les agriculteurs y reconnaissent ce qu’ils pratiquent déjà.

Ensuite, nous avons voulu défendre un principe de territorialisation. Il n’y a rien de plus différent qu’une haie d’un endroit à l’autre. Les haies ne sont pas du tout les mêmes dans le bocage normand et en Saône-et-Loire, non plus que dans mon territoire de la Haute-Loire, où jamais personne n’a considéré qu’un alignement de buissons pouvait être une haie, dès lors qu’il n’a pas été exploité comme tel pour délimiter une parcelle.

Ce principe de territorialisation nous a permis de traiter plusieurs sujets, au premier rang desquels l’entretien usuel des haies, car il faut que nous puissions les entretenir sans risquer de condamnation.

Nous avons également traité la problématique de la compensation : d’un territoire à l’autre, la réalité a pu varier depuis 1950 ou depuis 1900, et les kilomètres de haies se sont parfois multipliés.

Nous avons aussi essayé d’être le plus précis possible en ce qui concerne les dates d’intervention, qui ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve à 100 mètres d’altitude ou à 1 200 mètres d’altitude, la végétation poussant plus vite dans un cas que dans l’autre.

Enfin, nous avons souhaité montrer qu’il était nécessaire d’établir une cartographie pour que les agriculteurs ne soient pas soumis à un système dont ils n’auraient aucun moyen de connaître la logique avant d’intervenir. Il faut donc définir, dans le cadre des réunions départementales qui se tiennent sous l’égide du préfet, une organisation dont chaque élément sera clairement défini.

Monsieur Louault, cet article est sans doute loin d’être parfait. J’y ai longuement réfléchi, mais je ne prétends pas avoir résolu le problème, car nous sommes dans un cadre assez particulier. Cet article 14 avait initialement pour objet de simplifier la multitude de règlements et de normes qui s’appliquent à la haie ; or je ne suis pas certain que nous y soyons parvenus.

Mais que fallait-il faire ? Devions-nous conserver les quatorze règlements et supprimer l’article 14, ou bien le conserver en le rapprochant le plus possible de la réalité des territoires ? J’ai choisi de privilégier ce lien direct avec les territoires, l’avenir nous dira si je me suis trompé ou non.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la présidente, permettez-moi, comme je l’ai fait précédemment sur la dépénalisation, de prendre le temps d’un préambule sur cet article important, qui a donné lieu au dépôt de nombreux amendements.

Le présent article vise à instaurer et un régime juridique et un guichet uniques de la haie. La situation actuelle est compliquée pour les agriculteurs et constitue une source d’insécurité. Je veux donc illustrer par des exemples les effets du dispositif proposé, en comparant l’avant et l’après.

Cette loi d’orientation agricole intervient alors que les réglementations sur la haie sont nombreuses. Les agriculteurs doivent vérifier eux-mêmes lesquelles s’appliquent à leur cas. Ils doivent également faire les déclarations ou les demandes d’autorisation nécessaires pour chacune des réglementations auxquelles ils sont soumis.

En outre, il y a de fait une inégalité dans l’application de la loi, qui ne cible aujourd’hui que les agriculteurs, alors que les haies ne se trouvent pas uniquement sur des terres agricoles, mais partout sur le territoire.

Enfin, les agriculteurs peuvent être verbalisés dans le cadre d’une réglementation même contradictoire, comme nous l’avons vu lors de nos débats sur la dépénalisation.

Avec le régime unique de la haie, les agriculteurs, ainsi que tous les propriétaires gestionnaires de haies, sauf les particuliers, s’adresseront dorénavant à un guichet unique, celui de la direction départementale des territoires. L’administration vérifiera elle-même, au regard de l’ensemble des réglementations, celles qui s’appliquent ou non au cas d’espèce.

De plus, elle délivrera un document unique, soit un récépissé s’il s’agit d’une déclaration, ou bien une autorisation. Il y aura donc une présomption de bonne foi, conformément à l’article 13. Le récépissé, ou l’autorisation, sera opposable en cas de contrôle et permettra de prouver la bonne foi. Aucune poursuite pénale ne sera donc possible.

En outre, tous les propriétaires gestionnaires de haies, sauf les particuliers, seront soumis au régime unique de la haie fondé sur sa protection, sur son caractère dynamique – on pourra déplacer la haie s’il y a compensation – et sur sa multifonctionnalité, qu’il s’agisse de la biodiversité, de l’eau, du carbone ou de la biomasse.

J’ajoute que le régime de base consistera en une simple déclaration à un guichet unique, qui pourra toutefois basculer vers une demande d’autorisation, dans le cas où la destruction de haies à haute valeur écologique est envisagée.

Les dates des travaux seront départementalisées pour prendre en compte les conditions pédoclimatiques dans chaque territoire, ce qui permettra de réduire la période de non-intervention.

Enfin, des travaux d’urgence seront possibles, sous réserve d’une régularisation a posteriori, dès lors qu’ils seront justifiés par un impératif de sécurité des biens et des personnes ou de continuité des réseaux. Vous avez été nombreux à déposer des amendements sur les réseaux ferroviaires, routiers et d’électricité. La sécurité est un argument qui s’impose.

Pour conclure, ce travail sur les haies, dont je rappelle qu’il a été réalisé par mon prédécesseur, s’est attaché à résoudre les difficultés rencontrées par les agriculteurs tout en mettant l’accent sur la nécessité de reconnaître l’intérêt écologique de la haie. Il en propose une définition simple et large, qui inclut les haies constituées d’arbres et d’arbustes, mais exclut les alignements d’arbres. Il s’agit avant tout d’une sécurisation, mais aussi d’une simplification par la création d’un dispositif unique. Nous ne souhaitons pas supprimer les dix réglementations, mais fusionner leur application en un dispositif unique, qui les rendra invisibles pour l’administré.

J’y insiste, la simplification des démarches se fera grâce à l’instruction d’un seul dossier dans un guichet unique, ce qui permettra de concentrer les procédures administratives en une seule. Quant à la sécurisation, elle sera garantie par le récépissé, ou l’autorisation, opposable à l’administration. Le dispositif fonctionnera aussi sur l’incitation, grâce à la reconnaissance du caractère dynamique de la haie dans le temps et dans l’espace, ainsi que de ses différentes fonctions, la biodiversité ne l’emportant pas sur la biomasse.

Au sujet de la compensation, il faut bien préciser que son obligation dans une proportion au moins égale à celle du linéaire détruit sera adaptée en fonction des territoires. M. le rapporteur vous l’a dit : l’obligation de compensation ne s’appliquera pas de la même manière dans les territoires où il y a beaucoup de haies et dans ceux où il y en a très peu.

Cette déclaration liminaire et générale me conduit donc à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements identiques, notamment parce que le dispositif proposé est inconventionnel.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Monsieur Duplomb, je suis d’accord avec tout le déroulé de votre raisonnement. D’ailleurs, depuis le début de l’examen de ce texte, de l’article 1er jusqu’à celui-ci, je me suis toujours rangé à votre avis – j’ai certes légèrement chicané sur l’article 1er, mais sans jamais vous embêter réellement. Nous faisons, en somme, tout ce que vous nous demandez. (Exclamations amusées sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Les groupes Union Centriste et Les Indépendants – République et Territoires vous suivent, même contre l’avis du Gouvernement.

Laissez-moi vous lire la définition de la haie, telle qu’elle figure dans la PAC. Tous les agriculteurs la connaissent, mais il semble que vous n’ayez pas été capable de relire correctement ces trois lignes, de sorte que j’ai de sérieux doutes sur la qualité de votre travail… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Une haie est « une unité linéaire de végétation ligneuse implantée ». « Implantée », monsieur le rapporteur ! « Implantée », « implantée », « implantée » ! Je le répète, car c’est là le mot important ! Si nous le supprimons, nous risquons de créer des kilomètres et des kilomètres de haies en bord de rivière que nous ne serons pas capables d’entretenir !

Mes chers collègues, je vous prie d’excuser mon discours passionné, mais le sujet est d’importance !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je voulais rappeler à mon collègue, qui l’a sans doute déjà très bien compris, que lorsque nous votons des textes ou des amendements, nous ne le faisons pas pour être d’accord avec le rapporteur ni pour lui faire plaisir, mais par conviction. Et nous le faisons dans le cadre d’une stratégie législative réfléchie, qui tient compte des discussions qui ont lieu au Sénat et de la commission mixte paritaire qui suivra. (M. Laurent Duplomb, rapporteur, le confirme.)

Monsieur Louault, vous vous êtes emporté un peu fort sur un sujet qui nous passionne tous. Il faut savoir raison garder dans ce débat qui est long et qui se poursuivra tard dans la nuit.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît, comme notre rapporteur l’a laissé entendre. Je suis d’ailleurs surpris de son avis défavorable sur nos amendements.

Si vous compariez la photographie d’une région, d’un département ou d’un canton aujourd’hui avec celle d’il y a cinquante ans et d’il y a un siècle, vous seriez surpris : tous ceux qui affirment que les haies ont été largement détruites seraient étonnés de constater que, dans certains secteurs, de nombreuses haies sont apparues.

M. Christian Redon-Sarrazy. Ce n’est pas partout pareil…

M. Daniel Gremillet. Je n’ai pas dit qu’il s’agissait d’un phénomène uniforme. Je dis simplement que nous sommes en train d’établir une règle générale qui pénalisera certains territoires, alors qu’il y a bien plus de haies qu’on ne le pense.

De plus, comme notre collègue vient de le souligner et comme je l’avais moi-même dit lors de nos travaux en commission, on finit par appeler « haie » ce qui ne l’était pas auparavant. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre.

Ce qui n’était au début que des champs abandonnés a fini par devenir forêt. De la même manière, sur les bordures de certains chemins où il n’y a plus de circulation, la végétation s’est soudainement développée et on appelle cela une haie. Pourtant, il ne s’agit pas d’une haie qui a été implantée : c’est une simple friche, qui s’est développée au fil des années.

Tout l’intérêt de mon amendement était d’établir cette distinction. Je le retire pour répondre à la demande de notre rapporteur, mais j’ai le sentiment de ne pas faire correctement mon travail de sénateur dans la défense de la diversité de nos territoires. Le problème est réel et nous choisissons de ne pas le prendre en compte. La situation est différente selon les territoires. Regardez les photographies et vous serez surpris : c’est aussi ça, la vraie vie !

Mme la présidente. L’amendement n° 787 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pourquoi ce débat est-il si passionnel ? Parce que, dans certains territoires, les condamnations apparaissent comme une totale injustice. Dans les journaux et les médias, on a expliqué que les agriculteurs arrachaient les haies à tour de bras. Or c’est là tout le problème : certains parlent de l’agriculture sans véritablement la connaître !

Je vous invite tous à vous rendre sur le site www.geoportail.gouv.fr, qui est accessible à tous. Vous pourrez entrer un code postal, par exemple celui de votre commune, et vous obtiendrez la photo de l’endroit concerné en 2022 ou en 2023. Je vous invite alors à enlever le masque cadastral pour garder uniquement la photo, puis à utiliser la barre d’outils qui permet de changer le fond de carte. Vous y trouverez la photo aérienne du même endroit, prise entre 1950 et 1960. Amusez-vous à faire cet exercice : à chaque fois que vous cliquerez sur la barre d’outils, vous passerez d’une photo à l’autre, de celle de 2022 à celle de 1950.

Je suis quasiment certain que, dans une très grande majorité de cas, vous constaterez qu’il y a plus de haies aujourd’hui qu’à l’époque. C’est qu’en 1950, il y avait des troupeaux et des pâturages partout. Les chèvres et les moutons mangeaient dans les chemins et dans les fossés. Mais tout cela a disparu, parce que le nombre d’agriculteurs a fortement baissé.

Dès lors qu’ils sont moins nombreux, les agriculteurs ont moins le temps de s’occuper du bord de la parcelle. Ils ont donc laissé pousser ce qui voulait bien pousser, la nature reprenant ses droits, c’est-à-dire des buissons et des arbres. Ils n’ont pas pu entretenir le territoire comme leurs prédécesseurs le faisaient longtemps avant eux. Les plus anciennes photos, qui datent d’avant 1900, montrent qu’il n’y avait pas un arbre et pas un buisson, quasiment rien : on s’en servait pour se chauffer et on faisait pâturer les troupeaux.

Ce sujet est passionnel, parce que nous n’acceptons pas le constat objectif qui consiste à dire que, dans les territoires où il y a beaucoup de haies, quand l’entretien est bien fait, il ne faut pas verbaliser. Dans certains cas, la verbalisation est allée trop loin, en frappant des agriculteurs qui entretenaient leur parcelle en veillant à repousser les buissons sur le bord. Car pour un agriculteur, entretenir correctement sa parcelle, c’est tenir les buissons en respect pour éviter qu’ils gagnent le milieu. Il doit les repousser régulièrement, à quelques années d’intervalle, pour les ramener au bord de la parcelle. S’il ne le fait pas, il n’y aura plus de parcelle, mais seulement des buissons. Voilà quelle est la réalité !

Et quand on verbalise un agriculteur qui fait ce travail d’entretien et qui s’y pique les doigts, parce que couper les aubépines, ce n’est pas facile ni très intéressant – certains croient que les agriculteurs passent l’épareuse, mais ce n’est pas vrai et chez moi on continue de couper les buissons à la main –, il y a un vrai sentiment d’injustice.

Ce qui est certain, c’est que la rédaction de l’article 14, comme vous le soulignez, monsieur Louault, ne permettra pas de régler ce problème passionnel. En réalité, nous n’aurions jamais dû en parler.

M. Vincent Louault. Et voilà !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La haie a fait couler beaucoup d’encre. Au centre de nombreux débats, elle cristallise les attentes et a parfois été instrumentalisée. Au Sénat, nous devons donc prendre de la hauteur sur cette question.

Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, qui pose un constat à l’échelle nationale, la seule qui soit pertinente. Celui qui regarde devant chez lui ne verra pas le même paysage que celui qui regarde dix kilomètres, cent kilomètres ou mille kilomètres plus loin. Or les chiffres qui figurent dans le rapport du CGAAER montrent une très large érosion de la haie dans notre pays.

Certes, il y a eu des évolutions. Il est sans doute vrai que des haies ont disparu dans les années 1950 et même auparavant, du fait d’une mauvaise gestion. La haie a besoin d’être entretenue, elle est un patrimoine et une infrastructure écologique de première importance.

Voilà sur quoi portent l’article 14 et les articles additionnels après l’article 14, qui visent à reprendre les dispositions de ma proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, que nous avions votée à l’unanimité.

Il nous faut considérer le sujet avec raison. La haie ne doit être ni vilipendée ni adorée. Elle fait partie de l’agriculture et du monde rural. Nous en avons besoin, nous devons trouver une manière de la gérer qui soit la plus durable possible. Tel est l’objet de ce débat, dont j’espère qu’il se tiendra sans trop de passion, mais avec de la raison.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cadec, pour explication de vote.

M. Alain Cadec. Je veux saluer le travail qui a été réalisé par le Sénat sur la haie, non seulement en commission, mais également plus en amont. Je félicite tous ceux qui ont travaillé sur ce dossier et je rappelle que nous avions voté le rapport de notre collègue Daniel Salmon à l’unanimité : il faut en tenir compte.

Je considère que la renaturation des haies dans nos campagnes est un acte particulièrement responsable et nécessaire pour corriger leur destruction pendant de trop nombreuses années. Je prendrai l’exemple de la Bretagne, même s’il est vrai, comme le soulignent certains de nos collègues, que la situation n’est pas comparable dans tous les départements.

En Bretagne, le conseil régional a mis en place, voilà quelques années, le dispositif Breizh bocage, qui a donné d’excellents résultats avec la participation active des agriculteurs. Que l’on ne vienne donc pas nous dire que ce type de mesure est contre les agriculteurs et contre l’agriculture.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Monsieur le rapporteur, il est un sujet de fond que nous devrions nous efforcer d’approfondir : celui de la différenciation. Cette question est fondamentale dans un grand nombre de politiques publiques.

Ainsi, pour prendre l’exemple de l’eau, il est logique qu’une différenciation territoriale intervienne selon la nature des projets à mettre en place. Aucun dogme national ne devrait s’imposer, tout simplement parce que les territoires sont différents, de sorte que certains projets sont réalistes quand d’autres ne le sont pas selon l’endroit où l’on se trouve.

La différenciation est importante, mais l’on a beaucoup de mal à avancer politiquement dans cette direction, à donner du sens et à parvenir à une formulation juridique claire. Pour autant, nous devrions nous efforcer de pousser ce sujet.

Dans certains territoires, on trouve peut-être plus de haies aujourd’hui qu’en 1950, mais il faudrait considérer chaque pas de temps : les années 1950, 1960, 1970, etc. Monsieur le rapporteur, sauf erreur de ma part, malgré les encouragements et les dispositifs incitatifs, il y a globalement moins de haies aujourd’hui qu’il y a une dizaine ou une vingtaine d’années.

Vous contestez cette réalité en opposant un principe d’objectivation. Toutefois, jusqu’à maintenant, nous en étions restés à ce constat que le rapport de notre collègue Salmon me semble bien confirmer : il y a quand même moins de haies qu’auparavant. Et cela n’empêche pas que nous soyons tous d’accord pour reconnaître l’apport de la haie en matière de biodiversité.

Faisons de la différenciation territoriale, mais n’oublions pas de prendre en considération l’enjeu de la haie, qui est bénéfique pour nous tous.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 262 bis et 533 sexies.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 45 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, L. Vogel, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 412-21. – La haie régie par la présente section s’entend de toute unité linéaire implantée à plat, sur talus ou sur creux, avec présence d’arbustes et, le cas échéant, présence d’arbres ou d’autres ligneux tels que les ronces, les genêts ou les ajoncs. Ne sont pas inclus dans les haies les alignements d’arbres caractérisés par la présence d’une unité linéaire de végétation ligneuse composée uniquement d’arbres, à l’exclusion des allées d’arbres et des alignements d’arbres mentionnés à l’article L. 350-3 et des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenant à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte. »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. J’avais rédigé cet amendement pour les députés du groupe Horizons, qui l’ont défendu à l’Assemblée nationale.

Le mot « implantée » figure dans la définition proposée, car il a tout son sens et fait écho à la définition retenue par la PAC.

Si j’ai une seule demande à vous faire, monsieur le rapporteur, c’est de bien vouloir réécrire, avec l’accord bienveillant du Gouvernement, la définition de la haie en réintroduisant ce terme. Je sais que le ministère de la transition écologique n’y est pas favorable, car il souhaite faire glisser dans cette définition des arbres qui poussent en bord de rivière pour créer ainsi plusieurs milliers de kilomètres de haies. Que dire de plus ? J’ai déjà tout donné sur ce sujet.

J’ai planté dix kilomètres de haies chez moi. En Indre-et-Loire, avec le conseil départemental de l’époque, nous avions même planté des centaines de kilomètres, en 1994. Je souscris complètement à l’analyse qu’a faite M. Duplomb. J’ai une photo satellite qui date de 1950 : il n’y avait pas une haie, rien du tout. Les moutons mangeaient tout. On en comptait des milliers en Touraine et dans d’autres départements. Le bocage n’était pas le monde des Bisounours de l’arrière-temps que certains veulent dépeindre.

Sur ce point précis et technique de la haie « implantée », je vous conjure, mes chers collègues, de retrouver la raison. À défaut, il faudra assumer de dire aux agriculteurs que des milliers de kilomètres en bord de rivière sont devenus des haies, qu’ils devront entretenir pour la seule raison qu’un marsaule et un frêne se succèdent à intervalles réguliers. Le problème est qu’ils n’arriveront même plus entretenir les zones relevant du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), dont vous savez tous que la mise en œuvre est difficile.

Pour ma part, je vous aurai averti et m’endormirai ce soir la conscience tranquille.