M. Daniel Salmon. L’artificialisation, qu’il s’agisse d’un bâtiment agricole ou d’un bâtiment destiné à un autre usage, empêche le sol de conserver sa fonction.

Par cet amendement, je demande la suppression de l’article 14 quater, qui prévoit d’exclure les bâtiments agricoles du décompte des surfaces artificialisées.

Aujourd’hui, les friches agricoles sont nombreuses. Dans ma région, en Bretagne, de nombreux poulaillers sont abandonnés, laissant de l’amiante un peu partout. Il faut des fonds pour renaturer ces zones, car beaucoup d’agriculteurs n’ont pas les moyens d’engager des travaux.

Une telle renaturation pourrait servir de surcroît à compenser la consommation de sols artificialisés aux alentours. Il y a un véritable effort à faire sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 859.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 14 quater, qui a été introduit dans ce projet de loi par la commission des affaires économiques.

Sachez tout d’abord que les contraintes du dispositif zéro artificialisation nette (ZAN) ont déjà été allégées pour le bâti agricole…

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme Annie Genevard, ministre. … grâce à la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, un texte d’initiative sénatoriale, et grâce aux décrets d’application de celle-ci.

Ainsi, « une autorisation d’urbanisme relative à une construction ou installation nécessaire à une exploitation agricole ne saurait être refusée au seul motif que sa délivrance serait de nature à compromettre de tels objectifs ». Actuellement, le ZAN n’est donc pas une contrainte pour le bâti agricole.

Par ailleurs, une part d’artificialisation des sols peut être réservée, à l’échelle régionale, aux projets de bâtiment agricole permettant de contribuer aux objectifs du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Néanmoins, il s’agit d’enrayer la consommation de terres consacrées à l’agriculture. Comme je l’ai indiqué, il s’agit non pas d’interdire les constructions agricoles, mais de prendre en compte l’artificialisation réelle qu’elles entraînent. J’en veux pour preuve le rapport publié en 2023 par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) : il y était indiqué que plus du tiers de la consommation d’espaces agricoles résultait de l’emprise des bâtiments.

De plus, il convient d’éviter que le bâti agricole ne serve d’alibi à d’autres constructions. N’ouvrons pas la boîte de Pandore !

Enfin, le rôle du législateur est de légiférer, certes pour le moment présent, mais aussi pour l’avenir. Il existe un risque de voir s’accélérer le phénomène de démembrement des parcelles à la revente, étant entendu que le bâti agricole est davantage exposé que les terres. La séparation des parcelles, selon qu’elles sont bâties ou non, est déjà visible à l’heure actuelle. Il en résulterait un retour à des parcelles sans constructions agricoles, mais d’une superficie réduite.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques.

Prenons quelques minutes pour démontrer la monstruosité du ZAN.

La réalité est simple. Le premier objectif de ce dispositif est la baisse de 50 % de la consommation d’espaces artificialisés d’ici à 2031 par rapport à la décennie précédente. En somme, si vous avez consommé 600 hectares entre 2011 et 2021, vous ne pourrez consommer que 300 hectares entre 2021 et 2031, voire un peu moins, car il arrive qu’une partie de l’enveloppe soit régionalisée.

Si rien ne change, la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme devra être achevée au 1er février 2027. Tous les territoires qui auront réduit de moitié leur consommation de foncier à cette date seront déjà dans le dispositif ZAN. Aussi, comme M. Salmon l’a bien précisé, pour construire dans ces territoires, il faudra déconstruire et renaturer.

Nous avons créé un tel monstre que, désormais, pour l’empêcher de grandir, nous essayons de cacher sous le tapis tous les problèmes qu’il pourrait causer, tel celui du contingentement des constructions agricoles.

Moi qui suis un petit paysan doté d’un peu de bon sens, je me demande à quoi peut bien servir le ZAN. Si ce dispositif a pour seule vocation de protéger les terres agricoles, quel intérêt aura-t-on à le maintenir quand il aura dévoré les agriculteurs eux-mêmes ? Il n’y aura plus de paysans ! En réalité, à travers cet article, nous tentons de sauver le dispositif et de trouver des solutions.

On nous rétorque qu’il est nécessaire de contingenter le bâti agricole, car il existerait un risque de démembrement des parcelles. Je vous crois !

Je le redis, à partir de 2031, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols s’appliquera ; il s’appliquera même à partir du 1er février 2027 dans tous les territoires qui auront consommé la totalité de la surface autorisée. À compter de cette date, pour construire, il faudra, j’y insiste, déconstruire et renaturer. Dès lors, que croyez-vous que feront les promoteurs immobiliers ?

Ceux qui voudront construire à Montpellier, à Paris ou à Lyon par exemple, afin de satisfaire une forte demande, verront la France comme un vaste marché, puisque rien ne les empêchera, en l’état actuel de notre législation, d’exporter des droits à construire d’un territoire rural vers un territoire urbain.

À cause du monstre que l’on aura créé, les promoteurs achèteront des bâtiments agricoles en nombre, car, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, ceux-ci sont très consommateurs de foncier.

Personnellement, je possède une construction de 6 000 mètres carrés, mais ce n’est pas vraiment un choix : c’est simplement que j’avais besoin d’une grande surface pour élever le nombre de vaches suffisant pour faire vivre ma femme, mon fils et mon neveu.

Dans quelques années, il est possible qu’un promoteur se présente chez moi pour m’offrir, en échange de ce bâtiment agricole de 6 000 mètres carrés, 3 millions ou 4 millions d’euros. Il aurait raison, cela lui permettra d’exporter une surface équivalente à un endroit où elle en vaudra plusieurs dizaines de millions ; et cette surface accueillera ensuite le projet d’installation d’un bâtiment d’une valeur de plusieurs centaines de millions d’euros… Ce mécanisme de valorisation permettra de rémunérer grassement tout vendeur de foncier agricole ! Croyez-vous qu’un agriculteur y réfléchira à deux fois avant de se saisir d’une telle opportunité ?

Voilà pourquoi le ZAN est un monstre ! Cet article ne vise qu’un seul objectif : offrir l’occasion d’arrêter cette folie. Si nous n’adoptons pas cette mesure, je l’affirme publiquement : le ZAN sera ruralicide ! Il tuera la campagne !

L’objectif derrière le ZAN, tout le monde le connaît : c’est de continuer à construire en ville pour amplifier la concentration urbaine et faire en sorte que la ruralité se vide de plus en plus ! Cela donnera l’occasion aux citadins d’aller prendre l’air, tranquilles, pendant les vacances et les week-ends… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bleunven applaudit également.)

Voilà la réalité ! Quand on aura supprimé tous les paysans, on aura beau jeu de s’en émouvoir ! Et nos petits-enfants ne comprendront pas pourquoi nous aurons mis en œuvre ce ZAN, un dispositif qui devait protéger les terres agricoles, mais qui n’aura d’autre conséquence que de faire disparaître tous les agriculteurs. Arrêtons cette folie, ouvrons la porte et votons cet article !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 488 ?

Mme Annie Genevard, ministre. J’ai moi-même de fortes préventions contre le zéro artificialisation nette : mon amendement ne vaut d’ailleurs pas validation du dispositif.

Accordons-nous sur un point : les bâtiments agricoles consomment du foncier agricole en quantité, ZAN ou pas.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Et alors ? Nous cultivons !

Mme Annie Genevard, ministre. Je vois comment les choses se passent chez moi : quand les générations se succèdent sur une même exploitation, chacune a à cœur de construire sa propre maison ou d’apporter ses propres améliorations au bâti existant. L’idée est de veiller à contenir ces pratiques.

Lorsque vous démembrez une exploitation, vous pouvez très bien vendre la maison de l’exploitant, voire une partie du bâti agricole à d’autres fins, pour peu qu’il y ait un changement de destination.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ce sera démoli et renaturé…

Mme Annie Genevard, ministre. C’est ainsi que se créent des hameaux. Face au risque que les terres échappent à leur vocation d’origine, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement du Gouvernement vise à prévenir les changements d’usage qui pourraient résulter de l’article 14 quater, et voilà tout.

Pour autant, si vous voulez parler du ZAN, parlons-en : je ne suis pas du tout favorable à la façon dont on a abordé les choses. La concentration des droits à construire sur les centres-bourg au détriment du reste des communes ne me convient absolument pas, la congélation de l’espace rural non plus.

Or ce n’est pas de cela qu’il est question avec cet amendement du Gouvernement. L’objectif est de protéger l’avenir des bâtiments agricoles en en conservant leur finalité d’origine. C’est tout !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, ne refaisons pas le débat sur le ZAN ce soir. Ce serait un peu long, n’est-ce pas, monsieur Gremillet ! (Sourires.)

Depuis tout à l’heure, nous sommes en pleine caricature en opposant ainsi méchants urbains, préempteurs de terres, et agriculteurs. Restons sérieux !

Accueillir un habitant en zone urbaine permet de consommer deux fois moins de surface qu’en zone rurale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est l’exemple typique : empiler toujours plus !

M. Daniel Salmon. En effet, les formes d’habitat diffèrent, mais c’est un fait : à surface équivalente, beaucoup plus de personnes sont accueillies en ville. J’y insiste, le problème est plus complexe que la simple opposition entre gentils et méchants.

Aussi, le dispositif du ZAN a tout son intérêt, même s’il est peut-être nécessaire de le faire évoluer.

Je ne vous comprends pas, monsieur le rapporteur : vous allez de contradiction en contradiction. Vous prétendez préserver les terres agricoles, mais vous voulez y établir des bâtiments pour l’agriculture, ce qui revient, que vous le vouliez ou non, à artificialiser. On ne peut pas dire le contraire !

De fait, en zone rurale, je vois bien souvent fleurir de grands hangars agricoles qui n’ont d’autre finalité que d’accueillir des panneaux solaires, avec trois balles de paille par-dessous… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agit là encore d’une artificialisation des sols !

Le modèle que nous privilégions depuis des années a entraîné la disparition de 100 000 fermes en dix ans. Il existe donc certainement un grand nombre de friches, constituées de bâtiments agricoles abandonnés, qu’il conviendra de réutiliser au mieux.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je remercie Laurent Duplomb : il a l’honnêteté de dire qu’il considère que le ZAN est une connerie.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ça, c’est vrai ! Je ne l’ai pas dit comme ça, mais je le pense vraiment.

M. Guillaume Gontard. Ce n’est pas le discours qui est tenu d’habitude. J’entends plutôt : « il faut tenir les objectifs, mais pas de cette manière, pas maintenant, même s’ils sont essentiels, parce qu’il faut préserver les terres agricoles »…

Laurent Duplomb, lui, assume qu’il faudrait arrêter tout de suite. Pour le coup, c’est franc ! Ces propos nous changent du discours classique de la droite. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)

Daniel Salmon vient de le dire, environ 100 000 fermes ont disparu en dix ans. Mais le ZAN n’y est pour rien, mes chers collègues, il n’est pas encore appliqué ! De fait, ce qui vide nos communes, c’est cette disparition de 200 fermes par semaine. Quand une exploitation agricole disparaît, c’est en effet une famille qui s’en va et des bâtiments qui restent inutilisés. Il faudrait s’interroger sur les causes de ce phénomène. Une réflexion en termes d’urbanisme et d’aménagement du territoire mériterait de s’engager.

Malgré les difficultés qu’emporte ce dispositif, nous devons garder cet objectif de zéro artificialisation nette en 2050. En réalité, la question ne se pose même pas : nous ne pouvons pas continuer de la même manière. À l’heure actuelle, nous artificialisons à un rythme de 40 000 à 90 000 hectares chaque année. En trois ans, nous bouffons l’équivalent des terres agricoles du département de l’Isère ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Inutile de protester : c’est ce qui se passe actuellement ! C’est la réalité !

Le même raisonnement vaut pour toutes les ressources, notamment l’eau. La terre est un bien commun…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. La terre n’est pas un bien commun !

M. Guillaume Gontard. Refusons de la considérer ainsi, continuons de maugréer comme vous le faites sur ces travées et attendons : à un moment donné, nous n’aurons plus nulle part où construire. Il sera alors bien vain de parler de souveraineté alimentaire…

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Anglars. Nous refaisons ce soir le débat sur le ZAN : en 2023, nous discutions déjà de ce qui se passerait en 2031. Comme l’a très bien expliqué Laurent Duplomb, en l’état actuel du texte, les bâtiments agricoles seront concernés par l’objectif de réduction de l’artificialisation, d’autant que le premier objectif du dispositif est de diviser l’enveloppe des surfaces utilisées par les communes par deux.

En 2031, les mairies devront donc débattre de l’application du mécanisme si le texte n’était pas amélioré auparavant, notamment par la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace. Il y aura là un vrai sujet.

Pour en revenir aux constructions agricoles, nous savons que ces bâtiments ne peuvent pas être cantonnés dans des zones d’activité : ils doivent toujours être à proximité d’une ferme, car ils sont nécessaires à l’exploitation et souvent conçus pour le bien-être animal. Il faut rappeler ces quelques faits à chaque fois.

En 2023, nous nous étions prononcés sur le sujet. Madame la ministre, j’ai bien lu l’objet de votre amendement de suppression. Vous reprenez à votre compte les propos de M. Béchu, qui nous avait alors invités à ne pas nous inquiéter, dans la mesure où les régions pourraient, nous disait-il, prévoir une réserve dédiée aux surfaces agricoles.

Or nous constatons, depuis 2023, que certaines régions – je peux les citer ! – n’en prévoient pas dans leur Sraddet. Nous ne voulons pas que les communes, en 2031, du fait du ZAN, aient à choisir entre un bâtiment agricole et deux maisons ! Pour faire simple, le débat se posera en ces termes.

Il faut faire preuve de responsabilité et se rappeler les faits : lorsque nous échangions du ZAN dans cet hémicycle, le ministère de l’environnement était au banc du Gouvernement et c’est le ministère de l’agriculture qui regrettait de ne pas avoir été associé à l’élaboration du dispositif.

Ce que nous affirmons relève du bon sens.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Anglars. Le décret du 27 novembre 2023 relatif à l’évaluation et au suivi de l’artificialisation des sols traduisait la volonté de M. Béchu qu’une part d’artificialisation des sols soit réservée à l’échelon régional. Pourtant, prenons l’Occitanie : rien n’est prévu pour les bâtiments agricoles.

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Le ZAN, dispositif issu de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, a suscité une levée de boucliers de l’ensemble des maires sur le territoire national.

M. Christian Redon-Sarrazy. C’est la loi que vous avez votée !

M. Jean-Marc Boyer. En effet, à la suite des propositions de la Convention citoyenne pour le climat dont vous êtes à l’initiative !

M. Jean-Marc Boyer. Si !

Ce mécanisme contraint désormais l’ensemble des collectivités à réduire leur surface à artificialiser entre 2031 et 2050, échéance à laquelle l’artificialisation devra être à zéro. Résultat des courses : les maires se rendent compte que le ZAN freine sérieusement tout développement à l’échelle de leur territoire. Nous le voyons déjà à travers l’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) : des réductions de l’ordre de 50 % à 60 % de l’artificialisation sont proposées aux différentes communes.

Les effets de ce dispositif commencent à se faire sentir chez les particuliers. Je peux vous dire que, lorsqu’un maire annonce à ses administrés que leur terrain, qui était constructible, ne le sera bientôt plus, le changement est perceptible !

Nos collègues Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc ont déposé cette proposition de loi Trace. Son prochain examen sera l’occasion de tout mettre à plat et de réintroduire du bon sens.

Je partage tout à fait les arguments de Jean-Claude Anglars et de Laurent Duplomb : ce mécanisme entrave toute liberté d’action. Les bâtiments agricoles font partie des solutions qui doivent permettre aux agriculteurs de continuer d’exercer leur activité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiens totalement les propos de notre rapporteur.

En premier lieu, il serait avisé de prendre en compte, dans ce débat – madame la ministre, vous avez oublié de le signaler –, la succession des décisions européennes et franco-françaises concernant le bien-être animal. Mon propos n’est pas de dire qu’il ne fallait pas agir en ce sens ! Toutefois, cette politique se traduit mécaniquement par une augmentation du nombre de mètres carrés dont ont besoin les agriculteurs.

D’ailleurs, ce sujet vaut pour la montagne. Normalement, les vaches doivent être non plus attachées, mais en liberté. Or bon nombre d’exploitations en zone de montagne sont dans l’incapacité de disposer des bâtiments nécessaires.

En second lieu, la mise aux normes environnementales des fermes – nous l’oublions trop facilement – a été énormément consommatrice de surface foncière, pourtant nécessaire à l’agriculture. Les travaux devaient de surcroît être achevés en moins de cinq ans, une mise en conformité qui concernait – et concerne toujours – les jeunes qui s’installent. Cette politique s’est traduite par des audits rendus impératifs.

J’espère que nous en débattrons, cher Jean-Marc Boyer, lors de l’examen de la proposition de loi Trace. En l’état actuel des textes, je pense qu’il est nécessaire de suivre notre rapporteur de manière à ne pas hypothéquer l’avenir.

Pour conclure, madame la ministre, j’attire votre attention sur le fait qu’il faudra résoudre la problématique des anciens corps de ferme qui n’ont plus de vocation agricole, et qui sont dépourvus de solution fiscale facilitant leur transition en logement. Le sujet, par sa complexité, excède certes le périmètre de ce seul article.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Au risque d’être un peu redondant, je vais évoquer à mon tour quelques souvenirs.

Vétérinaire en milieu rural, j’étais aux premières loges pour observer les mutations qu’ont connues toutes nos campagnes. Je confirme que ce sont les obligations liées au bien-être animal et aux mises aux normes environnementales qui ont poussé les agriculteurs à sortir des villages.

M. Jean-Marc Boyer. Exactement !

M. Laurent Somon. En effet, il faut consacrer de nombreux mètres carrés à l’installation de bâtiments d’élevage et au stockage des aliments.

Les exploitants agricoles qui n’ont pas pu le faire, s’apercevant en outre que l’élevage n’était plus rentable, se sont tournés vers d’autres cultures, notamment les céréales. Ces productions posaient problème dans les villages, car elles supposaient un transport de marchandises considérable, de nuit parfois, des outils et des machines plus volumineux. Nous avons donc aussi contraint ces agriculteurs à construire des hangars à l’extérieur des villages.

Monsieur Salmon, cher Daniel, vous avez affirmé que les paysans construisaient des hangars dans la campagne pour y poser des panneaux photovoltaïques : c’est faux, ils le font pour stocker leurs céréales afin que ces dernières soient emportées, de nuit comme de jour, par des transporteurs ! Ceux qui, à l’époque, ont justement voulu installer des panneaux en ont d’ailleurs été empêchés, parce qu’il leur était interdit d’affecter leur exploitation à deux usages différents, celle d’une coopérative, au travers de la location pour le stockage, et celle de producteur d’énergie photovoltaïque.

La dispersion des agriculteurs en zone rurale a par ailleurs résulté, non seulement de l’essor de la production de céréales, mais aussi du développement des élevages hors sol. En effet, comment les éleveurs auraient-ils pu se livrer à cette pratique dans des bâtiments situés en plein village – je pense aux poulaillers de plein air –, et d’autant plus avec la réglementation en vigueur en faveur du bien-être animal ?

C’est ce qui explique que les installations se situent aujourd’hui à l’extérieur des bourgs, et c’est pourquoi je suis favorable à ce qu’on les exclue du décompte des surfaces artificialisées. Nous le faisons bien pour les maisons situées en zone inondable, dès lors que les normes en vigueur imposent de les déplacer du littoral vers l’arrière-pays.

Dernière remarque, comme Daniel Gremillet l’a fait observer, la diversification se constate parfois au sein même des corps de ferme. Il est pourtant interdit de transformer ne serait-ce qu’une parcelle de bâtiment existant pour créer, par exemple, une salle destinée à l’accueil de séminaires. En cas de changement d’usage, le permis de construire n’est jamais accordé !

Nous voulons aider les agriculteurs à se diversifier et, pourtant, aujourd’hui, nous les empêchons d’élargir leurs activités, en se tournant par exemple vers le tourisme. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. La reconquête de notre souveraineté passe par un recalibrage du ZAN. Cette exigence a toute son importance dans ce texte. Il ne faut pas lâcher sur ce point !

Comme je l’indiquais tout à l’heure, madame la ministre, il y a aussi un problème de méthode. Ainsi, le Cerema, qui a procédé aux mêmes calculs que M. Duplomb, n’a pas pris en compte les constructions agricoles. Alors président d’une communauté de communes, j’ai voulu traîner cet organisme devant le tribunal administratif : il a finalement fallu attaquer le fameux volume du Sraddet consacré aux terrains constructibles pour se faire entendre. Ce fonctionnement des services de l’État est inacceptable !

Nous n’avons d’ailleurs jamais pu nous mettre d’accord sur le nombre d’hectares consommés : il y a une différence entre les 600 hectares de M. Duplomb et les 700 hectares qui ont été réellement consommés. Diviser par deux ces surfaces ne produit pas tout à fait le même résultat…

Monsieur Gontard, vous vous en êtes plaint : c’est vrai, je proteste quand vous parlez. Il faut dire que vous avez affirmé tout à l’heure que nous artificialisons chaque année l’équivalent de la superficie de l’Isère. Or ce département représente 74 000 hectares quand seuls 22 000 hectares sont consommés tous les ans… Le rythme est donc trois fois moins soutenu que ce que vous indiquez.

M. Guillaume Gontard. Je parlais des terres agricoles utiles !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 488 et 859.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 14 quater.

(Larticle 14 quater est adopté.)

Article 14 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Après l’article 14 quinquies (début)

Article 14 quinquies (nouveau)

I. – La section 3 du chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 151-6-2, il est inséré un article L. 151-6-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 151-6-3. – Les orientations d’aménagement et de programmation définissent, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les conditions dans lesquelles les projets de construction et d’aménagement situés en limite d’un espace agricole, quel que soit son classement, intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser, à la charge de l’aménageur. La zone de transition est projetée de préférence en dehors des zones dévolues à l’agriculture. Il peut exceptionnellement être dérogé à cette mesure après avis favorable de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces espaces de transition végétalisée respectent les obligations définies au III de l’article L. 253-8 du même code. » ;

2° Le 7° du I de l’article L. 151-7 est abrogé.

II. – Le dernier alinéa du III de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il détermine notamment les zones non résidentielles qui, en raison de la faiblesse des risques sanitaires induits par la brièveté de leur fréquentation, peuvent être exemptées des obligations prévues au présent III. »

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, sur l’article.

Mme Anne-Sophie Romagny. L’article 14 quinquies est issu de l’adoption en commission des affaires économiques de plusieurs amendements identiques cosignés par de nombreux collègues.

Il prévoit la création obligatoire, à la charge de l’aménageur, d’un espace végétalisé « au sein de la zone urbaine ou à urbaniser ». L’objectif est d’éviter de grignoter des terres agricoles face à l’urbanisation.

Il est également prévu que cet espace fasse office de zone de non-traitement, exigence qui ne s’imposera plus aux agriculteurs.

Je me réjouis que cet article ait été introduit dans le présent projet de loi d’orientation agricole. En effet, il reprend les termes de la proposition de loi visant à protéger les terres agricoles et à créer des zones végétalisées intégrant des zones de non-traitement, que j’ai déposée le 17 novembre 2023. Ce texte reprend les conclusions des travaux de celle qui m’a précédée comme sénatrice de la Marne, notre très chère Françoise Férat.

Cette mesure de bon sens et simple à mettre en œuvre permet de ne pas imposer à l’agriculteur ou au viticulteur des contraintes liées à ce nouvel urbanisme. Elle permettra d’anticiper d’éventuels conflits de voisinage et en facilitera la résolution par les maires ruraux.

Lors du congrès de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin (Anev), réunie au Palais du Luxembourg le 9 novembre dernier sous la présidence de notre collègue Christian Klinger, j’ai présenté ce dispositif aux élus présents. Sachez qu’il a été accueilli très favorablement. Je remercie d’autant plus mes collègues de la commission des affaires économiques de l’avoir inclus dans le présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)