M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je suis convaincue que rien n’obligera le maire à défricher une forêt publique, d’autant plus que le code forestier lui interdit de le faire.
Dans le fond, nous sommes complètement d’accord. Simplement, ce que vous venez d’évoquer est déjà autorisé par le code rural et de la pêche maritime et le code forestier.
J’y insiste, l’article L. 341-2 du code forestier précise que « ne constituent pas un défrichement », et ne sont donc pas soumises à autorisation, « les opérations ayant pour but de remettre en valeur » d’anciennes terres agricoles.
J’ajoute que, dans la version initiale de l’article 14 bis, que vous avez contribué à faire adopter, il n’est pas question d’accrus forestiers, mais de « boisements spontanés » et de régénération naturelle.
En outre, ces surfaces représentent non pas quelques centaines de milliers, mais 3,5 millions d’hectares de terres agricoles non cultivées, et entrent déjà dans le champ d’application des nombreuses dérogations prévues par le code rural et de la pêche maritime et le code forestier.
Madame la ministre, je vous invite vraiment à faire un peu de ménage – passez-moi l’expression – face à cet empilement de dérogations. Aujourd’hui, on ne sait plus quelles sont les dispositions opérationnelles, et on continue de multiplier les exemptions à des dispositifs existants.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, vous avez raison de parler d’empilement.
Ce dossier paraît certes simple et frappé au coin du bon sens – la forêt ou, plutôt, la friche, les broussailles non exploitables gagnent sur les terres agricoles, alors que nous voulons reconquérir notre souveraineté alimentaire –, mais vous n’imaginez pas depuis combien d’années je travaille sur le sujet, et à quel point il est difficile de faire évoluer les choses !
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, adopté en 2016, nous sommes d’abord parvenus à exonérer de compensation financière les défrichements en zone de montagne.
Dans celui de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, nous avons réussi à étendre le champ de cette exemption. Nous le devons à Marc Fesneau, qui a accepté de reprendre un amendement que j’avais déposé en tant que députée, et qui avait été déclaré irrecevable au motif qu’il créait une charge supplémentaire – alors qu’en réalité il visait à alléger une dépense de l’État. Je remercie l’ancien ministre de l’agriculture d’avoir repris cette mesure à son compte et de l’avoir fait adopter. Seul bémol, nous avons oublié au passage de traiter public et privé à égalité.
Lors de la visite de terrain que j’évoquais tout à l’heure, je me suis aperçu que, malgré l’exonération de compensation financière et la suppression des demandes d’autorisation, la réglementation et la puissance du droit ne baissaient pas les armes aussi facilement. Ainsi, le directeur départemental des territoires m’a soufflé à cette occasion qu’il fallait également prendre en compte la directive Habitats…
Devant la profusion des règles, je vous propose une mesure de simplification, qui vise à laisser à la main du maire une simple faculté, sans créer aucune obligation.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, vous nous avez remerciés d’avoir parlé des services environnementaux rendus par les agriculteurs.
Je vous remercie à mon tour de mentionner les spécificités de l’agriculture de montagne, très peu abordée dans le projet de loi. Ce modèle particulièrement résilient, dans lequel les surfaces exploitées sont souvent de petite taille, doit faire l’objet d’un accompagnement spécifique et se développer. Je vous remercie par conséquent de mettre les agriculteurs de montagne en avant.
Je suis globalement assez d’accord avec les propos que vous venez de tenir, à l’exception d’un point : vous nous dites que la forêt avance, mais, en fait, c’est plutôt l’agriculture qui a reculé. C’est à cet enjeu qu’il convient de réfléchir aujourd’hui.
Laurent Duplomb nous invite, à raison, à nous rendre sur le site Géoportail. Dans les années 1950, on voit bien que, dans les zones de montagne, les alpages étaient largement utilisés. Ces surfaces sont désormais en friche ou se sont refermées en raison du changement de notre modèle d’agriculture et de la mécanisation, mais aussi à cause de la baisse du nombre d’agriculteurs et de la déprise du foncier agricole – ces problèmes sont d’ailleurs liés au modèle d’agriculture qui a été privilégié.
Madame la ministre, vous avez raison : il faut donner aux collectivités la possibilité de défricher pour regagner des terrains agricoles, mais il faut derrière mener une politique foncière et d’accompagnement des installations. C’est précisément ce qui manque dans ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Membre du groupe d’études Forêt et filière bois, j’écoute toujours avec attention sa présidente Anne-Catherine Loisier. Cependant, j’ai également entendu les explications d’Annie Genevard.
Comme nous le disons régulièrement dans cet hémicycle, la France est diverse. Il ne faut pas passer tous les territoires sous la même toise, car les enjeux y sont très variés. Nous ne pouvons donc pas ignorer la voix des territoires de montagne.
Je sais combien, dans ses fonctions antérieures, Annie Genevard s’est engagée pour la défense de ces territoires et a travaillé à la mise en œuvre de dispositifs opérationnels. L’explication qu’elle vient de nous donner, mes chers collègues, me semble tout à fait satisfaisante et convaincante.
S’il doit y avoir des ajustements, au regard des craintes émises par Anne-Catherine Loisier et les cosignataires de cet amendement, nous disposons encore de quelques jours pour affiner le dispositif en vue de la réunion de la commission mixte paritaire.
À mon sens, il convient de conserver la rédaction actuelle de l’article 14 bis, qui apporte une vraie réponse aux maires des communes de montagne. Ceux-ci sont pour l’instant démunis, et nous devons leur donner les moyens d’agir sans pour autant imposer quoi que ce soit aux maires des autres communes de France.
Voilà la raison pour laquelle je ne voterai pas en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis cosignataire de cet amendement, mais, après vous avoir entendue, madame la ministre, je souhaite préciser deux choses.
Tout d’abord, vos propos résonnent de manière particulièrement juste dans le cadre de notre réflexion sur les choix stratégiques à opérer pour nos territoires. Cela étant, je ne comprends pas pourquoi votre raisonnement n’est pas le même sur ce sujet que lors de notre très long débat sur les haies. Pardonnez-moi de faire ce parallèle, madame la ministre, mais la plantation de haies participe bel et bien à la consommation des terres agricoles. Malgré un environnement de plus en plus complexe, il faut savoir tirer les conséquences de ses analyses.
Ensuite, je veux parler de ce régime de défrichement qui n’est aujourd’hui applicable qu’en montagne. À ce sujet, je n’oublie pas que la dotation jeunes agriculteurs (DJA) a en premier lieu bénéficié aux agriculteurs de montagne, avant de profiter aux agriculteurs de plaine.
Même si les interrogations de notre collègue Anne-Catherine Loisier sont légitimes, je ne souhaite plus soutenir son amendement que, je le redis, j’ai cosigné. Je considère néanmoins qu’il est nécessaire de travailler sur tous les sujets, et notamment sur celui de la haie.
Car, madame la ministre, vous n’avez pas voulu entendre ce que nous disions à ce propos, à savoir que des kilomètres de haies sont apparus aux dépens des terres agricoles, de même que des terres agricoles abandonnées sont devenues spontanément des accrus forestiers en montagne.
Tout cela manque de cohérence, mais je vous fais confiance, madame la ministre, et je ne voterai pas cet amendement.
M. Olivier Rietmann. Bravo !
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. L’inconvénient, quand on demande l’avis du Gouvernement, c’est qu’il finit toujours par le rendre… (Sourires.)
Après l’avoir écoutée, comment ne pas être d’accord avec Mme la ministre ? Elle défend l’idée qu’il faut redonner à l’agriculture des terrains agricoles « abandonnés », ce qui correspond tout à fait à l’ambition de ce projet de loi, qui vise à assurer notre pleine souveraineté alimentaire.
Nous ne parlons pas là de terres plantées d’arbres, ce qui ne serait pas tout à fait la même chose. N’oublions pas que, dans les années 1960 à 1970, une période marquée par la déprise agricole, beaucoup de terrains agricoles ont été recouverts de forêts par leurs propriétaires pour qu’ils puissent échapper à l’imposition. Ainsi, en Haute-Loire, sur 500 000 hectares, on compte plus de 230 000 hectares de forêt, qui ont été totalement pris sur l’agriculture.
L’article 14 bis ne concerne que les surfaces qui ont été abandonnées par l’agriculture et qui, demain, pourraient lui revenir.
Malgré toute l’amitié que je porte à la sénatrice Loisier et malgré la passion qui l’anime, il me semble plus judicieux de ne pas supprimer cet article. Le dispositif permettra en effet de ne pas infliger de contraintes supplémentaires à tous ceux qui rencontrent déjà des difficultés. Je pense à ces nombreux maires, dans mon département, qui défrichent ce que l’on appelle les « timbres-poste », des surfaces de petite dimension susceptibles d’améliorer les parcelles, sans pour autant vouloir en faire des parcelles de 100 hectares.
La logique et le bon sens imposent de ne pas supprimer cet article : la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Je me réjouis à mon tour des propos qu’a tenus Mme la ministre, qui prennent leur source à la montagne, mais qui conviennent aussi très bien à la Bretagne. (Sourires.)
Ma région est aussi une région d’élevage. Sans dresser de parallèle excessif avec les territoires de montagne, les productions étant sensiblement différentes, nous constatons également en Bretagne une déprise et une décapitalisation de l’élevage, pourtant caractéristique de l’agriculture bretonne. Au cours de l’année dernière, 120 têtes de bovins ont disparu en moyenne chaque jour : c’est énorme !
Madame la ministre, je vous remercie par ailleurs de vos propos sur la valorisation des activités de notre agriculture, qu’il s’agisse des prix rémunérateurs, du foncier ou des externalités positives.
Au fond, vous avez pointé les grandes questions autour desquelles le projet de loi aurait dû s’attarder. Nous le ferons peut-être une autre fois, mais je vous remercie déjà de les avoir mentionnées. En tout cas, nous sommes disponibles pour véritablement traiter l’ensemble des problématiques auxquelles l’agriculture est confrontée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 14 bis.
(L’article 14 bis est adopté.)
Article 14 ter
(Non modifié)
Au 3° de l’article L. 342-1 du code forestier, les mots : « du 1° » sont supprimés – (Adopté.)
Après l’article 14 ter
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, L. Vogel, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 14 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° du I de l’article L. 341-2 du code forestier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les opérations portant sur les vignes abandonnées ; ».
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Cet amendement vise à faciliter l’arrachage des vignes abandonnées, qui posent d’énormes problèmes sanitaires pour les exploitations voisines. Monsieur le rapporteur, j’imagine que vous allez encore m’expliquer en quoi cela ne va pas…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. La commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur Louault, votre demande est satisfaite. Les agents de l’État qui réalisent les contrôles disposent de différents leviers pour faire exécuter les mesures. Il existe déjà un délit pour sanctionner les propriétaires défaillants. Malheureusement, je vous l’accorde, ces procédures sont lourdes et n’aboutissent pas toujours.
Pour remédier à ce problème, le Gouvernement a défendu un amendement dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur des rapporteurs Duplomb et Menonville, lequel a été adopté par le Sénat.
Une ordonnance permettra d’adapter le régime de sanctions pénales pour le proportionner correctement et le rendre plus opérationnel. Il s’agira notamment d’instaurer des contraventions pour sanctionner la non-réalisation de certaines mesures de lutte, telles que le non-arrachage de vignes contaminées par la flavescence dorée, par exemple.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Louault, l’amendement n° 200 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Vincent Louault. J’ai obtenu la réponse que je souhaitais. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié quater est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 46 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, L. Vogel, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 14 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° du I de l’article L. 341-2 du code forestier, les mots : « depuis moins de trente ans » sont remplacés par les mots : « depuis moins de 50 ans ».
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. La culture du peuplier est aujourd’hui considérée comme une culture agricole, à l’instar de celle du maïs par exemple, mais seulement durant trente ans. Pendant trente ans, les surfaces sont considérées comme des cultures ; au-delà de cette période, on estime qu’il s’agit de bois forestier dont l’abattage doit être soumis à compensation environnementale.
Je connais un jeune agriculteur qui a acheté une propriété de 30 hectares plantés de peupliers. Or ces arbres ont 35 ans. Ils sont mûrs, mais s’il les coupe, il ne peut pas utiliser cette surface pour ses vaches, et est obligé de replanter des peupliers… Ma chère collègue Anne-Catherine Loisier, nous avons certes besoin de bois, mais nous avons aussi besoin de vaches ! C’est une aberration, d’autant que la monoculture de peupliers est très intensive et consomme bien plus d’eau qu’une prairie.
Mon amendement vise donc à ce que cette culture soit considérée comme une culture agricole pendant non plus trente, mais cinquante ans.
Il s’agit d’un point de détail, mais de nombreux agriculteurs sont affectés. Je pense aussi à tous ces maires, qui aménagent des espaces naturels sensibles autour de leurs communes et qui nettoient les peupleraies abandonnées, et qui sont soumis à cette obligation de replanter.
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, L. Vogel, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 14 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° du I de l’article L. 341-2 du code forestier, les mots : « depuis moins de trente ans » sont remplacés par les mots : « depuis moins de 40 ans ».
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Il s’agit d’un amendement de repli, qui tend à porter de trente à quarante ans la durée pendant laquelle la culture du peuplier doit être considérée comme culture agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Ces deux amendements visent à autoriser les opérations portant sur les taillis à courte rotation pendant cinquante ou quarante ans – selon les cas – au lieu des trente ans actuellement en vigueur.
Compte tenu de l’exemple qui vient d’être cité, de ce jeune agriculteur qui pourrait se faire rattraper par la patrouille, j’aurais tendance à émettre un avis favorable. Mais, dans le doute, je préfère solliciter l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement comprend votre préoccupation : entre les deux durées que vous proposez, je préfère celle de quarante ans par souci d’harmonisation avec le dispositif de l’article 14 bis, que nous venons de voter, et qui prévoit une durée similaire d’exemption dans les territoires de montagne.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié quater, et un avis favorable sur l’amendement n° 47 rectifié quater.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Je me rallie à cette position. La commission est favorable à l’amendement n° 47 rectifié quater et défavorable à l’amendement n° 46 rectifié quater.
M. Vincent Louault. Je retire l’amendement n° 46 rectifié ter, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 47 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14 ter.
L’amendement n° 199 rectifié quater, présenté par MM. V. Louault, Capus et Médevielle, Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chevalier, Rochette et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 14 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 342-1 du code forestier est abrogé.
La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. M. Salmon va être content, il va découvrir mon côté écolo ! (Sourires.)
Comme le rapporteur l’a indiqué, des défrichements abusifs ont parfois lieu, notamment pour remettre en culture des surfaces de forêts dont la superficie est comprise entre 0,5 hectare et 4 hectares. Je propose de rétablir une demande d’autorisation préalable pour le défrichage des toutes petites parcelles de bois, qui sont malheureusement lourdement attaquées, et ce de manière pas toujours justifiée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Mon collègue Franck Menonville et moi-même nous sommes donnés pour principe de privilégier en toutes circonstances la souplesse. Pour le coup, mon cher collègue, vous proposez d’ajouter une contrainte, ce qui ne correspond pas à notre manière de voir les choses.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, même si notre position pourrait évoluer à l’écoute de l’avis rendu par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Je souhaite laisser la place à une discussion à l’échelon local, le préfet étant en mesure de décider du meilleur seuil. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Cela ne répond pas au problème : au niveau local, aujourd’hui, la réglementation ne laisse aucune souplesse. Quoi qu’il arrive, n’importe quel agriculteur qui achète une parcelle d’une superficie comprise entre 0,5 et 4 hectares peut décider demain de la défricher et de la remettre en culture sans demander d’autorisation au préfet.
Je suis prêt à retirer mon amendement, mais je pourrais citer de nombreux exemples d’abus, partout en France. Je suis moi-même agriculteur : j’estime que, pour rester crédible, la profession doit aussi faire des efforts.
D’un côté, on protège les haies, de l’autre, on laisse impunément bousiller 4 hectares de forêt en un claquement de doigts : c’est le grand écart !
Mme Anne-Catherine Loisier. Et parfois même plus que 4 hectares !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je ne peux qu’encourager le côté écolo de Vincent Louault (Sourires.), dont je soutiendrai l’amendement. Défricher une parcelle boisée sans autorisation est problématique, même si, comme Anne-Catherine Loisier l’indiquait, des exceptions existent pour les boisements les plus récents.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. J’espère qu’un examen juridique approfondi de nos échanges sera mené : nous réécrivons des choses qui existent déjà dans le code forestier et le code rural et de la pêche maritime. C’est l’illustration parfaite de ce que l’on appelle le « bavardage législatif » !
Mon cher collègue, vous proposez de contrôler les défrichements pour des surfaces inférieures à 4 hectares, alors que nous les autorisons sur des terres beaucoup plus étendues et renouvelées par régénération naturelle…
Le code forestier est déjà très chargé et compliqué, en particulier les dispositions consacrées au défrichement. Nous sommes en train d’y ajouter de nouvelles mesures, au risque de le rendre totalement illisible !
M. Vincent Louault. Allez, je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié quater est retiré.
Article 14 quater (nouveau)
Avant le dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Par dérogation au a, non artificialisée une surface occupée par des constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l’exploitation agricole. »
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l’article.
M. Vincent Louault. Historiquement, pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes, on ne prenait pas en compte la surface occupée par les constructions dédiées à l’exploitation agricole dans le calcul de l’artificialisation des sols.
Ce projet de loi vise à assurer notre souveraineté alimentaire, ce qui suppose de construire des bâtiments pour l’élevage, comme des poulaillers ou des systèmes de plein air. Or, dans le même temps, on prévoit de déduire la surface de chaque bâtiment agricole des enveloppes d’artificialisation, comme s’il s’agissait de logements.
En faisant entrer ces surfaces en concurrence avec celles que la rurbanisation exige, nous créons un conflit inédit entre les agriculteurs et les maires.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas prendre en compte les poulaillers et les bâtiments d’élevage dans le calcul de l’artificialisation des sols. Je dis simplement qu’il ne faut pas que ces surfaces soient déduites des enveloppes attribuées aux collectivités. Si on ajoute les surfaces consacrées à l’agriculture à l’objectif de réduction de 50 % d’artificialisation nette, on va aboutir à une réduction de 70 % des droits à construire des maires et des présidents d’EPCI.
Mes chers collègues, je vous invite à adopter cet article dans sa rédaction actuelle, et à ne surtout pas adopter l’amendement du Gouvernement. Pas touche au texte de la commission !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 14 quater crée une exception très problématique au principe du zéro artificialisation nette, en cherchant à exempter les bâtiments agricoles de son calcul.
J’interviens plus particulièrement sur cet article, car nous avions déposé un amendement, avec le soutien de la fédération de l’habitat réversible, qui a été qualifié de cavalier législatif, alors qu’il avait justement pour objet d’apporter un début de réponse aux enjeux soulevés par cette disposition.
Cet amendement visait à autoriser les agriculteurs et agricultrices à vivre directement sur leurs exploitations en y installant des logements de fonction réversibles, sans fondation ni artificialisation des terres, qu’il s’agisse d’habitats légers de loisir (HLL), de mobil-homes ou de yourtes.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. Nous parlons des bâtiments agricoles et non du logement !
M. Guillaume Gontard. La difficulté à trouver un logement en bon état, peu coûteux, peu énergivore et proche de l’exploitation freine de nombreux candidats à l’installation, en particulier les « non-issus du milieu agricole », qui constituent le principal vivier de ces candidats.
La mesure que nous défendons contribuerait à la transition vers des systèmes de production diversifiés et viables économiquement, ainsi qu’à la diversification des profils que ce projet de loi vise à favoriser.
Économiques, ces résidences démontables correspondent à une forme d’installation progressive, une dynamique qu’encourage le texte à l’article 8.
De plus, en permettant aux exploitants agricoles de réduire leurs dépenses en matière de logement, cette disposition concourt à l’amélioration de leur revenu et à l’attractivité du métier.
Enfin, comme elles ne favorisent pas l’imperméabilisation des sols et comme ces bâtiments peuvent être désinstallés en cas d’arrêt de l’activité agricole, ces résidences démontables et habitats réversibles participent bien à l’objectif de transition vers des modèles agricoles plus résilients sur les plans économique, social et environnemental.
Madame la ministre, vous connaissez évidemment les problèmes de logement que rencontrent les agriculteurs. Alors que notre amendement s’inscrivait dans la droite ligne de ce projet de loi, nous regrettons de ne pas avoir pu défendre nos arguments. Nous vous invitons à agir pour autoriser les agriculteurs, sous condition évidemment, à habiter sur leurs terres sans pour autant contribuer à l’artificialisation des sols.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 488 est présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.
L’amendement n° 859 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 488.