Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, Jonathan Sandler, Samuel Paty, Dominique Bernard : trois professeurs, trois assassinats qui ont choqué la France entière et révélé au grand jour les pressions, menaces et agressions dont les enseignants et les personnels de nos écoles sont victimes au quotidien. J’ai pour eux trois une pensée émue : ne les oublions jamais.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a une histoire qui honore le Sénat. Elle témoigne de la capacité de la Haute Assemblée à réfléchir à froid, en surmontant le choc et le drame absolu qu’est l’assassinat d’un professeur. Tel était tout l’enjeu de la mission conjointe de contrôle : étudier, analyser, comprendre et proposer des solutions pour résorber les failles qui ont permis de tels drames.

Pilotée par François-Noël Buffet et Laurent Lafon, que je salue pour la qualité de leur travail, elle a été le théâtre de fortes émotions, comme celle que nous avons ressentie lors de l’audition de Mickaëlle Paty, qui nous a tous profondément marqués. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Les témoignages que nous avons recueillis nous ont permis de prendre la pleine mesure du climat de violence dans lequel officient au quotidien de nombreux professeurs, trop souvent mis sous pression, trop souvent menacés. Ils ont nourri des recommandations aussi utiles que nécessaires, qu’il nous fallait traduire et incarner dans des mesures concrètes et opérationnelles.

Je tiens donc à remercier Laurent Lafon, auteur de cette proposition de loi, et Annick Billon, rapporteure, pour le travail remarquable qu’ils ont effectué. Ils nous proposent aujourd’hui une réponse mature qu’il convient de saluer.

Il nous appartient en effet de soutenir ce texte, car il est crucial de rassurer nos professeurs et de nous doter d’outils pour les protéger efficacement.

Il nous appartient de soutenir ce texte, car nous ne pouvons accepter que des milliers d’entre eux exercent leur métier dans un état de qui-vive permanent, au prix d’un épuisement chaque jour un peu plus profond.

Il nous appartient de soutenir ce texte, car il n’y aura pas de retour à l’attractivité du métier sans réponse durable au mal-être des professeurs.

Le constat est là, en effet, sans appel : la France est le pays de l’Union européenne où les actes de violence à l’école sont les plus nombreux. Parmi les pays de l’OCDE, seuls l’Argentine, le Brésil et le Mexique font pire.

Le texte qui nous est présenté est un début de réponse législative à cette violence. Il cherche à mieux armer l’institution afin qu’elle puisse protéger ses professeurs.

Il est nécessaire, mais il ne suffira pas : l’essentiel de la réponse réside dans l’action réglementaire. C’est pourquoi, madame la ministre d’État, nous vous remercions d’avoir dit tout à l’heure votre volonté de vous saisir au plus vite des nombreuses préconisations du rapport d’information sénatorial. Ce rapport est une véritable mine de propositions en matière de prévention, de sanction et de réparation, ces trois axes ayant vocation à constituer le trépied d’une politique ambitieuse de protection des professeurs.

Un point de vigilance, toutefois : nous ne devons surtout pas diluer la protection des professeurs dans une protection générale des fonctionnaires, tant leurs missions sont spécifiques et leur exposition à la violence particulière.

Mme Annick Billon, rapporteure. Très bien !

M. Max Brisson. Le ministère de l’intérieur a le réflexe de protéger ses policiers et ses gendarmes. Il est temps que le ministère de l’éducation nationale adopte le même réflexe ; nous en sommes encore loin.

M. Max Brisson. Il n’en demeure pas moins que ce texte pose un certain nombre d’avancées qui me paraissent nécessaires.

Oui, nous devons étendre la neutralité religieuse à toutes les activités de l’institution scolaire.

Oui, nous devons renforcer la responsabilisation des parents, même si je regrette que la jurisprudence ne permette pas d’instaurer des contrats d’engagement.

Oui, nous devons octroyer automatiquement la protection fonctionnelle au personnel scolaire. Il serait même opportun de renforcer les sanctions pénales applicables aux auteurs de violences ; j’ai en ce sens déposé deux amendements.

Oui, nous devons donner des droits nouveaux aux chefs d’établissement, à condition néanmoins que le pouvoir réglementaire les complète habilement. Les prérogatives d’autorité des chefs d’établissement, tout comme celles des conseils de classe et des conseils de discipline, n’ont en effet cessé d’être réduites, limées et rabotées : il est urgent de les rétablir.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Nous formons le vœu qu’elle soit la première pierre d’une action plus forte que seul le ministère est apte à diligenter, pour protéger nos professeurs et pour protéger notre école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi quau banc des commissions. – Mme Anne-Sophie Romagny et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important visant à répondre à un problème qui se pose de façon cruciale dans nos établissements, à savoir la protection des enseignants et des personnels de l’école de la République.

Par cette proposition de loi, il est donné suite aux travaux d’une mission conjointe de contrôle de la commission des lois et de celle de l’éducation, qui avait notamment pour but de comprendre les mécanismes ayant abouti à l’assassinat terroriste de Samuel Paty en octobre 2020. L’assassinat de Dominique Bernard est venu confirmer qu’il fallait que nous développions notre arsenal législatif afin de protéger l’école de la République.

Je tiens ici à rendre hommage à l’ensemble des enseignants, des directeurs d’établissement, des personnels éducatifs et administratifs qui chaque jour font vivre l’école républicaine, que ce soit en France ou dans notre réseau d’enseignement français à l’étranger. Il est de notre devoir de leur offrir les conditions de travail les plus sûres et les plus sereines possible.

Je le sais, tous ceux qui siègent au sein de cet hémicycle partagent le même idéal, qui est de faire de l’école de la République un sanctuaire. Je remercie le président de notre commission, Laurent Lafon, ainsi que notre rapporteure, Annick Billon, pour leur travail sur ce texte qui traduit des recommandations législatives issues de la mission conjointe de contrôle.

Celle-ci faisait le triste constat d’une violence endémique dans les établissements scolaires, violence dont les personnels de l’éducation nationale sont les premières victimes. Cette violence n’est pas nouvelle, mais elle a pris depuis quelques années une tout autre ampleur et s’est généralisée. Fait nouveau, elle touche désormais aussi le primaire.

Ainsi, au nom du groupe RDPI, je salue l’examen de cette proposition de loi, et ce à plusieurs égards.

Tout d’abord, la réécriture de l’article du code de l’éducation relatif à l’enseignement moral et civique est bienvenue : elle en recentre le contenu et affiche des objectifs clairs, à savoir la connaissance des valeurs et principes de la République, dont la laïcité, ainsi que la connaissance du fonctionnement de nos institutions et la compréhension des enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. Faire société, c’est aussi s’assurer de la maîtrise de ces fondamentaux.

En tant que sénatrice des Français établis hors de France, j’ai déposé un amendement dont l’objet est de ne pas oublier les élèves et leurs familles qui, partout dans le monde, font le choix des établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger.

L’article 2 de la proposition de loi permet quant à lui de clarifier l’article du code de l’éducation encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées. Des zones grises persistaient en effet pour ce qui est des activités organisées en dehors du temps scolaire. Cette nouvelle rédaction apportera davantage de sécurité aux professeurs.

Ce texte exprime également la volonté de responsabiliser les élèves et leurs familles dans le bon fonctionnement de l’école et la prévention de tout acte de violence.

L’article 3 de cette proposition de loi inscrit ainsi dans la loi le principe de l’accompagnement et de la responsabilité des élèves perturbateurs et de leurs parents.

En outre, l’octroi automatique de la protection fonctionnelle et la possibilité pour l’administration de déposer plainte en lieu et place d’un agent vont évidemment dans le bon sens, celui d’une protection accrue de nos enseignants et des personnels de l’éducation nationale. C’est là l’objet principal de ce texte, et je m’en réjouis.

J’ai déposé à cet égard un amendement visant à permettre aux agents consulaires de déposer plainte pour les agents du réseau d’enseignement français à l’étranger lorsque le droit local l’autorise.

J’appelle également votre attention, madame la ministre, sur la nécessité d’ouvrir une réflexion autour de la protection fonctionnelle des agents du réseau d’enseignement français à l’étranger, car, à l’heure actuelle, tous n’en bénéficient pas – j’ai déposé un amendement d’appel en ce sens.

Le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ce texte, qui va incontestablement dans le bon sens. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, cette semaine, à Nîmes, un jeune de 17 ans a agressé un élève de 13 ans devant un collège en le poignardant à trois reprises. Cet épisode atroce et glaçant n’est pas un fait divers : c’est un fait de société.

Chaque semaine, l’école de la République est le théâtre d’une violence inouïe. À Paris, il y a deux mois, un jeune de 16 ans a été assassiné au couteau dans une rixe entre bandes rivales. Combien de temps allons-nous tolérer ce niveau de décivilisation ?

L’école est pourtant le socle de notre civilisation. Comment peut-elle rester un lieu de civilisation si elle vacille sous les coups de la violence, du communautarisme et de la déconstruction ?

Aujourd’hui, un principe de réalité nous a rattrapés, tous autant que nous sommes, politiques, éducation nationale, associations : c’est à l’affaiblissement de l’école, à l’affaiblissement de l’autorité de l’école, que nous assistons.

Pourtant, un indicateur aurait dû nous alerter : on comptait près de 3 000 démissions d’enseignant en 2021, soit six fois plus qu’il y a quinze ans, selon les chiffres les plus récents émanant du ministère.

Cette réalité est corroborée par le rapport de la mission de contrôle rendu en mars 2024 par François-Noël Buffet et Laurent Lafon : nos collègues y décrivent, à l’issue de leurs travaux, une école où la promesse d’émancipation est menacée.

Qu’est devenue la promesse de liberté quand plus d’un enseignant sur deux dit s’être déjà autocensuré pour éviter des contestations ? Les enseignants sont harcelés. Plus de 37 000 d’entre eux ont été menacés en 2022 ; 900 l’ont été avec une arme. En France, en moyenne, chaque jour, deux à trois enseignants sont agressés avec une arme.

Qu’est devenue la promesse d’égalité quand les violences sont concentrées dans certains établissements difficiles ? Tout enseignant et tout élève a le droit de vivre dans un climat scolaire apaisé. Pourtant, selon une étude d’Odoxa pour l’observatoire Hexagone publiée en janvier 2025, 42 % des parents d’élève rapportent au moins un fait de violence concernant leur enfant, et ce taux atteint 69 % dans les établissements situés en REP.

Enfin, qu’est devenue la promesse de fraternité lorsque, face à ces dangers, 28 % des enseignants se voient refuser la protection fonctionnelle ? On pense évidemment, à cet instant, à Samuel Paty. Pis, la moitié de ces refus sont implicites, ce qui constitue un abandon lâche et scandaleux.

Face à ce constat implacable, nous avons, madame la ministre, le devoir d’agir. Lorsque la loi ne protège plus, il faut changer la loi ! Je salue donc le président Laurent Lafon et la rapporteure Annick Billon pour cette proposition de loi salutaire et courageuse, qui pose un premier jalon vers le rétablissement de l’ordre à l’école, et cela à quatre égards.

Face aux délinquants et aux voyous, ce texte responsabilise les élèves et leurs parents via des sanctions prévues en cas de perturbations répétées. Fini les élèves multirécidivistes qui pourrissent la vie de la majorité !

Face au besoin de protéger la communauté éducative, il rend automatique l’octroi de la protection fonctionnelle et impose à l’administration de porter plainte en cas d’agression.

Face au communautarisme, il clarifie l’interdiction des signes religieux pour l’étendre à toutes les activités scolaires, y compris hors temps scolaire. Fini les discussions interminables sur les signes religieux ! Désormais s’appliquera la même règle pour tous.

Face à la décivilisation, il recentre l’enseignement moral et civique sur la connaissance des institutions et des valeurs républicaines.

L’avenir de notre pays ne peut se concevoir sans un redressement de l’école. Un redressement de notre école ne peut se concevoir sans sécurité et sans protection. Si nous laissons notre école s’effondrer, c’est notre société qui s’effondrera. Nous devons avoir le courage de refuser cette fatalité, pour nos enseignants et pour nos élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger l’école de la république et les personnels qui y travaillent

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent
Après l’article 1er

Article 1er

L’article L. 312-15 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-15. – Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l’article L. 131-1-1, l’enseignement moral et civique a pour objet d’amener les élèves à devenir des citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

« Il comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République et aux principes de la République mentionnés au premier alinéa de l’article 1er de la Constitution dont celui de laïcité.

« Son objectif est de permettre aux futurs citoyens de connaître le fonctionnement des institutions françaises et européennes. Il vise également à leur faire comprendre les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

des citoyens responsables

insérer le mot :

, libres

II. – Alinéa 4

Après les mots :

Il vise également

insérer les mots :

à développer leur esprit critique et

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je l’ai indiqué tout à l’heure, je partage tout à fait la proposition qui est faite à l’article 1er, qui est de clarifier les objectifs de l’enseignement moral et civique et de recentrer la définition de son contenu en vue d’apporter aux élèves un socle commun de connaissances sur les valeurs, principes et institutions de la République et sur les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain, ainsi que de former de futurs citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

Il me semble souhaitable d’ajouter à cet article deux notions : premièrement, ce sont des citoyens « libres » que nous voulons former ; deuxièmement, à l’alinéa 4, il me semble important de mentionner l’objectif consistant à « développer leur esprit critique ». Voilà qui apparaît plus que jamais nécessaire dans les temps actuels.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

responsables

insérer le mot :

, libres

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Cet amendement des élus du groupe socialiste vise à rappeler que l’école est un lieu d’émancipation individuelle et collective et qu’à cet égard la notion de liberté est en effet une notion importante à faire figurer dans cet article du code de l’éducation. Si un citoyen est libre, ce n’est pas par principe : cela se construit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission a souhaité faire preuve de concision ; néanmoins, l’ajout du mot « libres » et de la mention du développement de l’esprit critique a été accepté. J’émets donc un avis de sagesse sur l’amendement n° 27 et propose à Mmes Monier et Brossel, dont l’amendement n° 7 répond en réalité au même objectif, de le rendre identique à celui du Gouvernement ou, à défaut, de le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Cet amendement sera voté ; comme Mme la ministre, je me réjouis du recentrage de l’enseignement moral et civique auquel il est procédé dans ce texte.

Il n’empêche que je m’interroge : il me semblait que les idées dont il est question étaient inscrites par définition dans la notion de citoyen. Tout citoyen, parce qu’il est citoyen, est à la fois libre, responsable et doté de l’esprit critique, tous ces principes étant au fondement de notre République ! Il arrive qu’en ajoutant des mots on affaiblisse le sens des textes de loi…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Oui, ça ne sert à rien !

M. Max Brisson. Rédigeant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les constituants se sont montrés particulièrement justes dans le choix des mots. Et c’est pour cette raison même, parce qu’ils n’ont pas abusé des formules, que ce texte est passé à la postérité. Essayons d’écrire la loi avec justesse, et ainsi nous serons à la hauteur de nos prédécesseurs, des enjeux que nous essayons de traiter par ce texte et de cet enseignement moral et civique : un citoyen, par définition, est libre ; c’est ce qui fait la République !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je vais exprimer, à l’égard de ces deux amendements, les mêmes réserves que celles que j’ai émises en commission. Je partage évidemment l’intégralité des propos de Max Brisson sur la notion de liberté. Je ne sais pas si la liberté se construit et si l’on doit être éduqué à la liberté ; je ne sais pas non plus si cette question a vraiment sa place au sein de l’enseignement moral et civique, dont on alourdit la charge, par des amendements superfétatoires, là même où l’on prétend l’alléger.

Se pose par ailleurs, selon moi – déformation professionnelle oblige ! –, un problème de logique : je ne comprends pas pourquoi un avis défavorable est émis sur l’amendement n° 7, qui a pour seul objet de préciser que les citoyens ainsi formés sont « libres », quand l’amendement du Gouvernement, qui contient la même exacte disposition, recueille un avis plutôt favorable – faut-il y voir un traitement de faveur ?

Conformément à la logique cartésienne qui est la mienne, et dont je ne me départis jamais, je m’abstiendrai sur l’amendement n° 27.

Mme la présidente. La commission n’a pas émis d’avis défavorable sur l’amendement n° 7 ; elle a invité ses auteures à le retirer, dans la mesure où l’adoption de l’amendement du Gouvernement le rendrait sans objet.

Je mets donc aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 7 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il comporte également une sensibilisation à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et les autres formes de discrimination et de haine.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. J’ai rectifié l’amendement que j’avais déposé en commission, qui a trait aux cours d’enseignement moral et civique. L’article du code de l’éducation qui régit le contenu de ces cours est singulièrement bavard, cela a été dit. Il est donc pertinent d’en proposer une réécriture.

Toutefois, et eu égard notamment à l’adoption récente par le Sénat de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, il apparaît fondamental, dès le collège et le lycée, d’éduquer les élèves à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et de les sensibiliser aux formes particulières et insidieuses propres à chacune de ces formes de discrimination.

Aussi le présent amendement vise-t-il à enrichir la vision de l’EMC inscrite à l’article 1er en y ajoutant une mention relative à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et autres formes de discrimination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. L’esprit critique qui nous anime n’empêche pas l’esprit de concision et d’efficacité : il nous semble important d’en rester à la rédaction synthétique posée à l’article 1er.

Par ailleurs, le code de l’éducation prévoit déjà, de manière transversale, une éducation aux médias et à l’information, une formation à la lutte contre le racisme, ainsi qu’une familiarisation avec la notion de réchauffement climatique, via notamment l’éducation à l’environnement et au développement durable. Du reste, ces thématiques ne doivent pas être l’apanage de l’EMC.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Le Café pédagogique, site qui n’est jamais avare de critiques, évoque de manière, donc, critique, à propos de ce texte, un « retour à l’instruction civique ». Pour ce qui me concerne, je suis très heureux que cette proposition de loi permette le retour à l’instruction civique.

À multiplier les injonctions à l’éducation morale et civique et à vouloir tout apprendre aux enfants, on ne leur apprend plus rien ! Le recentrage ici proposé permettra, sur le temps limité qui est consacré à cette éducation morale et civique, d’apprendre réellement ce que sont les principes, les valeurs et les institutions de la République. Si cet enseignement y pourvoit, on pourra considérer à bon droit que, par les temps qui courent, le résultat ainsi obtenu est déjà formidable. Alors, en effet, cet enseignement sera bel et bien à la hauteur de nos ambitions : oui, recentrons-le pour qu’il soit efficace !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. J’ai rectifié, en vue de la séance, l’amendement que j’avais déposé en commission ; je rejoins donc notre collègue Max Brisson. Je propose simplement d’ajouter à l’article 1er la mention de la sensibilisation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais mentionner ici le rapport qui fut présenté par Claude Nicolet au ministre de l’éducation nationale le 1er novembre 1984, intitulé Pour une restauration de léducation et de linstruction civiques. Le texte en est d’une actualité criante, absolue, et il serait très intéressant, me semble-t-il, que nous nous en inspirions pour donner une ligne de conduite aux enseignants en la matière.

Je ne saurais, dans le temps qui m’est imparti, vous en donner un résumé, mes chers collègues, mais je partage l’essentiel du projet de Claude Nicolet : l’école de la République sert à former des républicains !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annick Billon, rapporteure. Je confirme, à l’attention de notre collègue Monique de Marco – j’en suis fortement désolée – l’avis défavorable de la commission, malgré la modification apportée : la formation à la lutte contre le racisme est déjà prévue dans le code de l’éducation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cet enseignement sensibilise les élèves aux dangers de l’Internet et de la manipulation de l’information ainsi qu’aux droits et devoirs des enfants et à toute forme de maltraitance et de harcèlement les concernant.

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. L’objet de cette PPL n’est pas l’EMC, et ce n’est à l’évidence pas le rôle des parlementaires que de rédiger les programmes : ce rôle incombe au Conseil supérieur des programmes. À chacun son travail et ses compétences !

Pour autant, je suis assez persuadée – je le dis y compris compte tenu de l’échange que nous venons d’avoir, mes chers collègues – qu’il est de notre responsabilité de fixer les grandes lignes directrices – disons-le ainsi – que doit suivre l’EMC. Au passage, je précise que le recentrage auquel il est procédé ne nous disconvient pas, mais que le monde change, évolue : nous devons aussi faire en sorte que notre école soit l’école du XXIe siècle, celle de 2025, et non l’école fantasmée d’avant – bien avant ! – ma naissance.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de ce recentrage, nous proposons, par cet amendement, que demeure du ressort de l’EMC la question de la sensibilisation des élèves aux dangers d’internet et à la manipulation de l’information, ainsi qu’aux droits et devoirs des enfants et à toute forme de maltraitance et de harcèlement les concernant.

Ces précisions ne me paraissent pas en dehors des réalités de 2025, même si, en soi, je le redis, recentrer l’article du code de l’éducation dont il est question ne nous disconvient pas.