M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a délégué à notre commission l’examen au fond des articles 40 et 41 relatifs à la santé.

Je commencerai par l’article 40, qui porte sur la reconnaissance des diplômes roumains d’infirmier.

Pour permettre l’application aux professions réglementées du principe de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne, indispensable au marché unique, une directive européenne de 2005 a institué un régime de reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union, qui bénéficie aux ressortissants des États membres.

Cette directive permet notamment à cinq professions de santé, parmi lesquelles figurent les infirmiers, de profiter d’une reconnaissance automatique de leurs qualifications, sous réserve de disposer d’un diplôme délivré par l’un des États membres à l’issue d’une formation respectant les exigences minimales européennes.

Lors de l’intégration de la Roumanie à l’Union, la formation des infirmiers ne respectait pas les exigences définies par la directive européenne. Toutefois, cette dernière a permis aux titulaires de diplômes roumains de bénéficier de la reconnaissance automatique lorsqu’ils attestent également d’une expérience professionnelle en Roumanie, initialement fixée à cinq ans, et depuis lors ramenée à trois ans.

Une directive plus récente, de 2024, a complété cette dérogation en permettant la reconnaissance de diplômes roumains ne satisfaisant pas aux exigences européennes, lorsque le diplômé a suivi en sus un programme spécial de mise à niveau mis en place par la Roumanie entre 2014 et 2019.

L’article 40 vise à transposer cette dernière évolution en droit national. Jugeant qu’il est de l’intérêt de notre système de santé de faciliter la mobilité en France des professionnels formés au sein de l’Union, notre commission est favorable à son dispositif. Le nombre de ces professionnels demeure d’ailleurs limité : seuls 3 % des infirmiers exerçant dans notre pays ont été formés à l’étranger, dont, selon le ministère, 684 infirmiers titulaires d’un diplôme roumain, soit un peu plus de 1 pour 1 000.

J’espère, mes chers collègues, que les dispositions en cours d’examen à l’Assemblée nationale nous parviendront suffisamment tôt pour que cette profession soit mieux reconnue et que nous puissions à la fois favoriser son attractivité et réduire le taux d’abandon au cours ou juste après les études.

L’article 41 prévoit de sécuriser l’approvisionnement en dispositifs médicaux. En effet, selon les représentants de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) que nous avons auditionnés, le nombre de signalements de ruptures de dispositifs médicaux a considérablement augmenté ces dernières années : ils sont passés de 104 en 2023 à 149 en 2024, les tensions constatées touchant l’ensemble des aires thérapeutiques et, parfois, des dispositifs indispensables.

Face à ces difficultés, la France et l’Union européenne ont progressivement mis en place des outils de sécurisation de l’approvisionnement en dispositifs médicaux. L’ANSM a établi, depuis 2021, une procédure de gestion anticipée des ruptures, qui implique les opérateurs dans l’évaluation et la maîtrise des risques associés.

Sur l’initiative du Sénat, la loi a renforcé en 2023 les obligations des exploitants en matière d’anticipation et de déclaration des ruptures, sous peine de sanction financière.

Enfin, un règlement européen de 2024 oblige les fabricants qui anticipent une interruption ou une cessation d’approvisionnement à informer l’autorité nationale compétente, ainsi que les opérateurs économiques, les établissements et les professionnels de santé auxquels ils fournissent directement le dispositif concerné.

L’article 41 tire les conséquences de ce règlement dans notre droit national en imposant des sanctions financières aux fabricants qui ne respecteraient pas leurs obligations déclaratives. En outre, dans de telles circonstances, il permet à l’ANSM de prendre les mesures de police sanitaire nécessaires et proportionnées pour assurer la continuité des prises en charge.

De la sorte, l’article 41 confie à l’ANSM des outils de lutte contre les pénuries de dispositifs médicaux proches de ceux dont l’agence dispose déjà dans le secteur du médicament. Cette évolution correspond à une proposition ancienne de notre commission, qui a apporté un soutien sans réserve à ces dispositions.

En conclusion, les articles 40 et 41 nous semblent nécessaires pour adapter notre législation aux évolutions du droit de l’Union européenne ; surtout, ils font œuvre utile pour notre système de santé.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous invite à les adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne a été renvoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, compte tenu des dispositions importantes qu’il comporte en matière de droit de l’environnement et des transports.

Cependant, comme il est de tradition pour un tel texte, la commission des finances a été saisie pour avis sur ce projet de loi et s’est vue déléguer au fond onze articles, auxquels se sont ajoutés deux articles additionnels introduits lors de son examen en commission.

La nécessité d’adapter notre droit national à la législation européenne en matière économique et financière résulte de plusieurs textes européens adoptés à la fin de la neuvième législature du Parlement européen, qui s’est achevée en 2024. On peut notamment évoquer le paquet législatif adopté en matière bancaire pour traduire le cadre prudentiel des accords Bâle III finalisés.

J’observe à ce propos que, en matière de textes européens, la nouvelle Commission ne semble pas avoir les mêmes priorités que la précédente, même si elle est toujours présidée par Mme von der Leyen.

Je pense notamment à la présentation faite le 26 février dernier du projet de directive omnibus ; ce train de mesures devrait revenir sur certaines dispositions de la directive CSRD que la France avait pourtant déjà transposées, à la différence de certains de ses partenaires.

Je rappelle que ladite directive définit un cadre commun, à l’échelle de l’Union européenne, en ce qui concerne l’obligation pour les entreprises de publier des informations relatives à la durabilité de leurs activités.

Au regard des inégalités qui existent entre les différentes entreprises quant à leur capacité à s’adapter à ces nouvelles exigences de transparence, un calendrier d’entrée en vigueur progressive, selon la taille des entreprises, a été prévu. Il pourrait être amené à évoluer dans le cadre du paquet omnibus.

Dans le champ des articles que notre commission a examinés, on peut notamment relever trois dispositifs concrets, qui n’épuisent pas les nombreuses dispositions du présent projet de loi, mais permettent d’illustrer les novations récentes du droit européen.

Premièrement, l’article 2 du projet de loi permet d’adapter notre droit national à la nouvelle obligation faite aux banques de ne pas discriminer les virements instantanés en euros. En effet, depuis le 9 janvier 2025, ces virements sont gratuits dans la quasi-totalité des cas, en application du règlement européen du 13 mars 2024.

Par conséquent, notre droit national est amené à évoluer : l’article 2 habilite ainsi les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à rechercher et à constater les manquements à cette obligation.

Deuxièmement, l’article 4 du projet de loi permet de tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). En effet, les dispositions de la cinquième directive anti-blanchiment permettant l’accès du grand public au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) ont été invalidées par un arrêt de la CJUE du 22 novembre 2022.

Dès lors, comme le prévoient les dispositions de la sixième directive anti-blanchiment, l’article 4 institue un régime déterminant quelles personnes disposent d’une présomption d’intérêt légitime pour accéder aux données de ce registre.

Troisièmement, le paquet législatif dit Esap (European Single Access Point) prévoit la création progressive d’un point d’accès unique européen pour les informations financières et extrafinancières publiées par les entreprises.

La création de cette base de données unique est un levier important d’intégration de l’Union pour l’épargne et l’investissement. Sa mise en place nécessite, notamment, d’habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance dans notre droit national ces modifications.

Pour terminer, je rappellerai que les travaux de la commission des finances ont permis d’enrichir le texte que nous examinons aujourd’hui. Parmi les différentes dispositions intégrées par voie d’amendements au texte de la commission, je relève trois catégories d’améliorations.

En premier lieu, la commission a complété le projet de loi en lui intégrant des mesures complémentaires de transposition de la directive AIFM (Alternative Investment Fund Manager), qui fixe les règles applicables aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (FIA).

En second lieu, la commission a adopté des mesures de simplification visant à limiter la charge réglementaire et normative qui pèse sur nos entreprises. Elle s’est notamment montrée favorable à une mesure reportant l’application des obligations de la directive CSRD pour certaines petites et moyennes entreprises.

En troisième et dernier lieu, la commission a resserré l’encadrement des habilitations à légiférer par ordonnances octroyées au Gouvernement.

Compte tenu de la nécessité de nous mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne, ainsi que des modifications apportées au texte par notre commission, celle-ci a émis un avis favorable sur l’adoption des articles qui lui ont été délégués, y compris naturellement les deux articles additionnels ajoutés au stade de l’examen en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a délégué à la commission des lois l’examen au fond de neuf articles du présent projet de loi Ddadue. Ceux-ci concernent aussi bien la commande publique et le régime juridique de l’action de groupe que certains titres de séjour destinés aux travailleurs qualifiés.

Je les évoquerai successivement, dans l’ordre de leur examen.

L’article 13, tout d’abord, traite de la commande publique, plus particulièrement du partenariat d’innovation, qui est un marché public spécifique : une innovation est nécessaire pour que l’acheteur puisse y recourir.

L’article 44 de la loi de finances pour 2024, en incluant les « jeunes entreprises innovantes », par nature, dans le champ d’application du partenariat d’innovation, a procédé à une révision de ce régime contraire au droit de l’Union européenne.

L’article 13 du présent texte supprime donc cette disposition, pour assurer la conformité du régime du partenariat d’innovation aux directives qui le régissent.

La commission des lois vous propose de l’adopter sans modification.

Les articles 14 à 19 ont pour objet l’action de groupe, dont les différents régimes méconnaissent depuis 2022 plusieurs dispositions de la directive relative aux actions représentatives. Ces articles, dans la rédaction initiale du texte, procédaient donc à la transposition stricte des exigences du droit de l’Union européenne au sein des sept cadres existants de l’action de groupe.

Un tel sujet n’est pas nouveau : le Sénat examinait il y a tout juste treize mois la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe, qui visait notamment à transposer cette directive.

Toutefois, la commission mixte paritaire sur ce texte n’a jamais été convoquée par le Gouvernement, du fait des désaccords entre les chambres. L’examen du présent texte en fera office. En effet, à l’Assemblée nationale, le rapporteur pour avis, Philippe Gosselin, a substitué au dispositif initial de l’article 14 le texte de cette proposition de loi et a fait procéder à la suppression des articles 15 à 19, rendue nécessaire pour des raisons de coordination.

Notre commission aurait pu s’en réjouir, mais l’Assemblée nationale a repris sa version de la proposition de loi, sans remédier aux nombreuses difficultés juridiques identifiées lors de nos travaux, dont je veux vous rappeler les principales, mes chers collègues.

Premièrement, le champ d’application de l’action de groupe serait universel. Or cela augmenterait le nombre d’acteurs économiques soumis au risque réputationnel entraîné par l’action de groupe. Surtout, un tel élargissement du champ matériel de ce régime détournerait les justiciables des voies de droit commun, pourtant plus efficaces et plus rapides.

Deuxièmement, la qualité pour agir serait attribuée au regard de critères excessivement souples. La directive vise pourtant à lutter contre les conflits d’intérêts et à assurer la lisibilité du droit. L’adoption d’un agrément similaire pour les actions de groupe nationales et transfrontalières, fondé sur les conditions exigeantes énumérées par la directive, paraît donc plus opportune : c’est la solution que nous avions adoptée l’an dernier.

Troisièmement, la sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels a été rétablie. Outre qu’elle ne paraît pas conforme au principe de proportionnalité des peines comme au principe de légalité des délits et des peines, elle s’oppose à la logique de la responsabilité civile, qui est compensatrice et non punitive.

Quatrièmement, l’attestation sur l’honneur a également été reprise. Ce dispositif déclaratif ne permettrait pas de prévenir les conflits d’intérêts. En revanche, il fournirait au défendeur le prétexte d’ajouter au contentieux civil un contentieux pénal, pour faux, de manière à retarder une procédure déjà pluriannuelle.

Enfin, l’article 14 néglige d’intégrer au régime juridique des actions de groupe plusieurs éléments que le Sénat avait ajoutés, tels que la mise en demeure préalable, la procédure d’action de groupe simplifiée, ou encore des dispositifs consacrés spécifiquement à la prévention des conflits d’intérêts.

La commission des lois tient à le souligner, pour faciliter l’identification d’un compromis, l’essentiel des modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale a été conservé. Nous proposons donc de remédier aux difficultés que soulève le régime adopté par l’Assemblée nationale, conformément à la position du Sénat et dans la perspective d’un compromis.

Les articles 42 et 43, enfin, sont relatifs à des titres de séjour relevant du dispositif « Talent », au bénéfice respectivement des travailleurs hautement qualifiés et des membres des professions médicales et de la pharmacie.

L’article 42 procède à la transposition de la directive du 20 octobre 2021, qui a refondu le régime du titre de séjour dit Carte bleue européenne. Partant du constat d’un recours encore limité à ce titre de séjour, la directive assouplit les conditions de sa délivrance, qu’il s’agisse de la qualification et de l’expérience professionnelles, de la durée minimale du contrat de travail ou de la rémunération.

Cette transposition est un exercice contraint, les dispositions de la directive étant, sur un grand nombre de points, très précises. Si elle est évidemment favorable à ce dispositif, qui participe de ce que l’on a pu nommer l’immigration choisie, la commission des lois a cherché à ménager un juste équilibre entre son attractivité et la fidélité à son objet : attirer les travailleurs hautement qualifiés.

C’est pourquoi elle a adopté un amendement tendant à préciser que le seuil salarial ne pourra être inférieur à 1,5 fois le salaire annuel brut moyen, considérant qu’un seuil trop bas pourrait mener à un dévoiement de ce dispositif. Elle a également transposé une disposition optionnelle permettant de lutter contre la fraude et les abus.

Quant à l’article 43, qui procède à des mesures de coordination relatives à la carte de séjour pluriannuelle Talent – profession médicale et de la pharmacie, créée par la loi du 26 janvier 2024, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, de l’adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Simon Uzenat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui trop embrasse mal étreint : telle pourrait être la devise de ces fameux projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.

Les gouvernements successifs ont en effet pris la fâcheuse habitude de soumettre au Parlement des textes de transposition du droit de l’Union européenne qui s’apparentent à de véritables fourre-tout, tant ils regroupent des dispositions nombreuses sans aucun lien entre elles.

Cette fois, ces dispositions concernent aussi bien le droit bancaire, monétaire et financier que la commande publique, le droit de la consommation, la santé, la transition écologique et le marché de l’électricité, que l’entrée et le séjour des étrangers.

Je vous ferai remarquer, monsieur le ministre, qu’associer cette soupe quelque peu indigeste à des délais d’examen restreints ne constitue assurément pas la meilleure méthode pour déboucher sur un travail parlementaire bien compris de nos concitoyens.

Recourir à l’excès aux habilitations à légiférer par ordonnance, même si la circulaire du 23 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes le permet, ne favorise pas la réalisation de ce travail dans de bonnes conditions.

En l’occurrence, de nombreuses dispositions auraient mérité des projets de loi spécifiques. C’est notamment le cas de celles qui concernent l’énergie et les transports, que mon collègue Gilbert-Luc Devinaz évoquera plus en détail tout à l’heure. Ce recours aux ordonnances prive le Parlement d’un examen approfondi de ces dispositions.

Monsieur le ministre, entre 2002 et 2018, le Parlement n’a été associé qu’à 14 % des transpositions : cette méthode ne concourt pas à valoriser l’échelon européen.

Nous avons assurément un problème de compréhension et de lisibilité du droit pour les acteurs économiques, qui se manifeste avec acuité dans ce projet de loi, examiné par le Sénat près de cinq mois après son dépôt. Certes, cela résulte des aléas de la vie politique, mais d’autres textes européens auraient mérité d’être transposés entre-temps. De surcroît, les transpositions au fil de l’eau d’actes d’exécution adoptés par la Commission européenne empêchent de disposer d’une vision d’ensemble des dispositifs transposés.

C’est d’autant plus vrai que, comme l’ont déjà rappelé plusieurs orateurs, l’agenda européen et, en particulier, le lancement par la Commission européenne d’un vaste chantier de simplification de la législation européenne pourraient aboutir à la remise en cause de certaines transpositions.

Or nous voyons chaque jour grandir le risque et la tentation d’utiliser le paravent de la simplification pour démonter, pièce par pièce, les acquis sociaux et environnementaux qui concourent à la compétitivité durable de l’économie française et européenne. Ce sont les acteurs économiques eux-mêmes qui le disent.

Certes, nous sommes, toutes et tous, favorables à la simplification, mais celle-ci ne doit pas être synonyme de dérégulation. Nous pensons notamment aux mesures liées à la responsabilité sociétale des entreprises, qui ont été péniblement acquises sous la précédente mandature européenne, à la fameuse directive CSRD ou encore au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Sur ce point, je tiens à vous redire, monsieur le ministre, que nous nous interrogeons sur les retards de transposition du règlement du 10 mai 2023. Les articles 36 et 37 contiennent bien un certain nombre de mesures relatives au MACF, mais nous aurions pu les anticiper pour améliorer leur acceptabilité et leur appréhension par les acteurs économiques.

Nous avons déjà eu l’occasion de débattre du MACF, qui représente très clairement une panoplie opérationnelle pour assumer un protectionnisme européen, écologique et social, contre la désindustrialisation et les délocalisations.

Telle est aussi la nature, d’une certaine manière, du Pacte vert et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Certes, ces textes n’entrent pas dans le champ du présent projet de loi, mais nous constatons bien, notamment à la droite de cet hémicycle, une volonté de revenir sur l’ensemble de ces acquis, voire, plus généralement, une tentation de remettre en cause la primauté du droit européen, alors même que – nous le relevons chaque jour – nous avons absolument besoin d’Europe : nous avons besoin de jouer collectif, et la France doit montrer l’exemple.

Je ferai remarquer à ce propos que l’Union européenne est bien un facteur de progrès pour nos concitoyens ; rien n’interdit pour autant à la France de proposer un mieux-disant national, qui ait pour corollaire l’accompagnement des TPE et des PME de notre pays.

Plusieurs articles de ce projet de loi illustrent ces apports européens.

Ainsi, l’article 3 vient faciliter la vérification de la situation assurantielle des véhicules ; c’est pratico-pratique, mais aussi très utile !

L’article 7 porte sur les obligations de reporting de durabilité imposées par la directive CSRD. Nous regrettons sur ce point le report de quatre ans de l’entrée en vigueur de ces dispositions adoptées en commission.

De la même façon, nous regrettons le recul que représente la suppression de la conditionnalité des aides du plan France 2030. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Un rapport de la délégation aux entreprises dont j’étais l’un des auteurs a pourtant bien montré qu’il fallait au contraire mettre en cohérence les aides à la décarbonation figurant dans ce plan avec la future stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc-3). Avec l’abolition de la conditionnalité des aides, nous allons complètement à rebours de cette approche.

L’article 9 ouvre la possibilité d’harmoniser les méthodes de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, de manière, une nouvelle fois, à valoriser la contribution effective des entreprises au respect de la trajectoire française de décarbonation. Faut-il rappeler que le coût de l’inaction serait beaucoup plus élevé ? En 2023, quelque 64 % des entreprises européennes étaient concernées par les effets du dérèglement climatique, contre 57 % en 2022. En l’espace d’un an, la situation s’est aggravée.

L’article 14 permet à des entités publiques ou privées agréées d’intenter une action de groupe. Nous regrettons la transposition a minima des dispositions européennes et nous défendrons des amendements visant à y réintroduire des mesures de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe des députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, en particulier pour ce qui concerne la qualité pour agir des associations.

L’article 21 élargit le périmètre des acteurs participant au mécanisme d’ajustement, de manière à renforcer les moyens de RTE (Réseau de transport d’électricité) et à accompagner le développement des énergies renouvelables.

Enfin, l’article 38 clarifie le régime des sanctions applicables en cas d’infraction à la réglementation sur les gaz à effet de serre fluorés et les substances appauvrissant la couche d’ozone.

Oui, l’Europe sait être au rendez-vous ! Malheureusement, nous observons que la France et votre gouvernement, monsieur le ministre, ne le sont pas toujours. Le vote des membres du groupe SER sur ce texte n’est pas encore arrêté. Il dépendra des résultats de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte géopolitique et économique dans lequel nous examinons ce nouveau projet de loi Ddadue est tout à fait singulier. L’unité de notre continent et la construction d’une vraie défense européenne sont plus que jamais essentielles. Renforcer la productivité de l’Union européenne est tout aussi prioritaire : il y va de notre souveraineté.

Du fait de leur technicité, les Ddadue ont, trop souvent, peu d’écho. Ils contiennent pourtant des modifications législatives majeures pour le quotidien des Français, des collectivités territoriales et des entreprises.

Le groupe Les Indépendants est profondément attaché au projet européen. La nécessaire transposition dans notre droit interne des normes européennes ne fait pas débat. En revanche, la surtransposition des normes est un sujet de préoccupation, auquel nous resterons vigilants.

Le présent projet de loi se divise en plusieurs titres portant sur des domaines variés : économie et finances, commande publique, actions de groupe, énergie, transition écologique, transports, santé, ou encore circulation des personnes.

En matière économique, monétaire et financière, de nombreuses mesures y figurent qui visent à renforcer la transparence des marchés financiers et à sécuriser les transactions. Parmi elles, je relève notamment l’encadrement des obligations vertes, l’instauration d’un point d’accès unique européen pour centraliser les informations sur les services financiers, ou encore l’encadrement des cryptoactifs.

Par ailleurs, la version du texte qui a été adoptée par l’Assemblée nationale comportait une surtransposition de la directive CSRD, qui imposait aux entreprises de se soumettre à des obligations aussi fastidieuses que complexes en matière de reporting extrafinancier pour bénéficier des fonds du plan France 2030.

Le groupe Les Indépendants est opposé à ces mesures de surtransposition, qui fragilisent nos entreprises et vont à contre-courant des objectifs de simplification adoptés par la Commission européenne dans le paquet législatif omnibus, qui prévoit justement d’alléger les contraintes découlant de la directive CSRD. Par conséquent, nous saluons l’adoption en commission d’amendements visant à revenir sur cette surtransposition.

Concernant les actions de groupe, il est nécessaire de dépasser les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour aboutir rapidement à un compromis, afin que la France puisse enfin être dotée d’un régime juridique efficace dans ce domaine.

Pour ce qui est de la transition écologique, le développement des énergies renouvelables constitue également un aspect majeur de ce projet de loi, avec la transposition partielle de la directive RED III. Le groupe Les Indépendants restera vigilant, afin que cela ne fragilise pas la filière nucléaire française.

Le nucléaire est nécessaire à la fois pour la décarbonation de notre économie et pour notre souveraineté énergétique. Nous appelons le Gouvernement à poursuivre sa mobilisation, afin qu’il soit pleinement reconnu comme tel à l’échelon européen.

Les articles 36 et 37 contiennent des dispositions essentielles pour la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Défendu de longue date par la France, le MACF n’est pas seulement un outil de transition écologique : c’est aussi et surtout un instrument visant à nous protéger du dumping environnemental et à favoriser la réindustrialisation de notre continent.

Pour ce qui est de la santé, le texte procède à l’adaptation de notre droit national au nouveau règlement européen instituant des obligations d’information en cas d’interruption ou de cessation d’approvisionnement de dispositifs médicaux. Nous soutenons bien sûr cette mesure, qui vise à éviter les pénuries.

En matière de circulation des personnes, le texte vise à faciliter les conditions d’octroi de la Carte bleue européenne. L’enjeu est d’attirer et de retenir les ressortissants de pays tiers dotés de compétences élevées. Pendant des années, les Américains ont attiré les meilleurs talents, souvent européens d’ailleurs, grâce à leur Green Card. À nous de développer la Carte bleue européenne pour renforcer notre attractivité, dans un contexte de concurrence économique internationale accrue !

En effet, mes chers collègues, le monde ne nous attendra pas. La « lente agonie » de l’économie européenne, pour reprendre l’expression employée par Mario Draghi dans son rapport sur la compétitivité de l’Union, doit prendre fin. Cela passe par des politiques ambitieuses et une simplification de nos normes.

La Commission européenne elle-même semble s’être enfin saisie de cet enjeu. Après avoir présenté sa « boussole pour la compétitivité », elle a publié la semaine dernière les premiers éléments du paquet législatif omnibus, dont les mesures de simplification devront soutenir nos entreprises, notamment les PME.

Mes chers collègues, ne soyons pas dupes : face aux États-Unis, face à la Chine, face aux puissances émergentes, l’heure n’est pas à une surtransposition des normes : l’heure est au réarmement économique de l’Europe !

Le groupe Les Indépendants soutient le présent projet de loi, mais reste vigilant vis-à-vis de toute volonté de surtransposition qui se ferait au détriment de nos entreprises et de nos collectivités territoriales.