M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs perturbations de l’agenda parlementaire, nous finissons par examiner aujourd’hui le présent projet de loi Ddadue.
Ce texte particulièrement hétéroclite, foisonnant et technique comporte de nombreux enjeux politiques. Je tiens donc à saluer le travail de nos rapporteurs, qui témoigne de la qualité des travaux du Sénat et de la rigueur avec laquelle nous abordons des textes aussi variés et denses que les Ddadue.
Ce projet de loi, divisé en quatre titres, assure la transposition dans la loi de dispositions européennes et garantit ainsi une cohérence entre les normes communautaires et nationales.
Le texte ayant été adopté par l’Assemblée nationale le 17 février dernier, après l’examen de 245 amendements, il revient maintenant à la Haute Assemblée d’apporter sa contribution.
Je me concentrerai, pour ma part, sur les apports de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Toutefois, je souligne l’importance des précisions apportées par nos collègues d’autres commissions en matière d’énergie, de santé ou encore de consommation.
Les articles dont l’examen au fond est revenu à notre commission ont pour objet les énergies renouvelables, les transports, la lutte contre les gaz à effet de serre et le droit de l’environnement – en somme, un vaste programme… Cette entreprise a été menée par notre rapporteur Damien Michallet, qui a cherché à améliorer les dispositifs proposés.
Concernant le volet énergies renouvelables, je relève en particulier le rétablissement, par un amendement du rapporteur, de l’article 25 supprimé par l’Assemblée nationale. Cet article étend à l’ensemble des projets industriels le bénéfice des exemptions aux demandes de dérogations « espèces protégées », ce qui offre une plus grande sécurité juridique aux industriels sans pour autant diminuer le contrôle nécessaire à la préservation de ces espèces.
Je me réjouis également de la réintroduction, dans une version renforcée, de l’article 26, qui adapte les dispositifs législatifs visant à favoriser le développement des énergies renouvelables.
Ainsi, la commission a accentué le soutien apporté à la filière photovoltaïque en prorogeant d’un an le délai de présentation d’un contrat d’engagement, afin d’encourager les propriétaires de parcs de stationnement à commander des panneaux photovoltaïques de seconde génération, qui seront produits par deux usines implantées en France dont la production commencera en 2026. C’est un point positif pour l’environnement comme pour notre souveraineté, ce qui prouve bien leur compatibilité.
De plus, afin de soutenir nos élus locaux, le rapporteur a exclu du texte toute mesure restreignant leurs compétences en matière d’urbanisme et leur a réservé la pleine capacité d’agir concernant l’installation de panneaux photovoltaïques sur les parcs de stationnement.
Enfin, animés par le besoin de simplification exprimé par les collectivités, nous avons fait évoluer les règles de virement entre budgets annexes et budget principal dans le cas d’installations de production d’électricité renouvelable non dédiées à de l’autoconsommation.
Pour ce qui est du volet transports, je salue l’adoption d’amendements du rapporteur dont l’objet est d’inciter les acteurs de ce secteur à adopter des comportements plus efficaces de décarbonation, via un rehaussement des sanctions. Sont notamment concernées les obligations de fourniture d’électricité et d’air conditionné aux aéronefs au sol.
Je me félicite de la systématisation de l’amende en cas de manquement constaté par l’administration en la matière, mais également le fléchage du produit de ces amendes en faveur de l’utilisation de carburants d’aviation durables (CAD) ; cette approche cohérente est propre à encourager la recherche et l’innovation dans ce domaine.
Sans entrer dans le débat relatif au caractère de cavalier législatif de l’article 28, je ne puis que me satisfaire, en tant qu’élu de la région des Pays de la Loire, de l’introduction dans ce texte de dispositions permettant de rendre plus attractifs les appels d’offres de concessions aéroportuaires et offrant plus de visibilité aux candidats.
Couplées aux amendements fort opportunément adoptés en commission, ces mesures vont permettre d’éviter un nouvel échec du renouvellement de la concession de l’aéroport Nantes-Atlantique, comme cela a été le cas en septembre 2023. Je tiens à en remercier notre rapporteur, ainsi que mon collègue Didier Mandelli, qui ont œuvré par leurs amendements à une meilleure garantie contre toute procédure opaque.
La suppression de l’article 35 par les députés, confirmée par notre commission, est une bonne chose. En effet, cet article prévoyait d’aligner l’objectif national de fin de vente des véhicules légers neufs à moteur thermique, fixé en 2040 dans la loi d’orientation des mobilités, sur celui qui figure dans la réglementation européenne, à savoir 2035.
Cette disposition soulevait des questions non seulement politiques, relatives à la défense de notre filière automobile et à la défense du pouvoir d’achat, mais aussi juridiques. Notons que des clauses de rendez-vous sont prévues pour 2026 ; la date de 2035 sera alors très certainement repoussée à l’échelle européenne. Son inscription dans la loi n’est donc plus pertinente.
Concernant la gestion des inondations, un sujet de plus en plus actuel dans les territoires qui a fait l’objet de la proposition de loi de nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, adoptée jeudi dernier, ce projet de loi Ddadue prévoyait la simplification de la transposition de la directive Inondation.
Notre rapporteur a veillé à ce que la consultation des acteurs soit assurée. Ainsi, le Comité national de l’eau sera interrogé à propos de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation, avant l’approbation de celle-ci par l’État, et les collectivités le seront au sujet du projet de plan de gestion des risques d’inondation.
Sur le volet reporting des entreprises, je soutiens le calendrier plus rationnel proposé par notre rapporteur, qui permet à celles-ci, évidemment désireuses de s’inscrire dans une démarche environnementale et de durabilité, de s’adapter.
Pour conclure, à l’image de notre institution, ce texte, consolidé par nos travaux, se préoccupe de nos élus locaux et d’enjeux économiques et sociétaux, ainsi que de l’articulation entre la préservation de la biodiversité et le développement de nos territoires. C’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour ambition de mettre notre droit national en conformité avec la législation européenne.
Nous n’en sommes pas à notre première transposition ; très régulièrement, les parlementaires sont invités à harmoniser notre droit face à la constante évolution des textes européens. Grâce à ce travail essentiel, la France ne figure plus parmi les mauvais élèves en matière de délais de transposition des directives.
Pour autant, les législateurs que nous sommes ont à chaque fois le devoir de veiller à ce que les adaptations demandées respectent les principes fondamentaux qui régissent notre République, tout en protégeant nos intérêts nationaux.
Il n’est certainement pas nécessaire de rappeler ici que les domaines sur lesquels porte ce texte impliquent des mesures très concrètes, qui emportent des conséquences importantes sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Les Français ne comprendraient pas que ces transpositions donnent naissance à des sources d’incertitude quant aux règles applicables, nuisant ainsi au fonctionnement de notre administration.
Avant d’en venir au fond, permettez-moi de saluer le travail des rapporteurs et de toutes les commissions saisies, qui ont permis d’assurer, entre autres, une meilleure prise en compte des attentes des collectivités territoriales et d’éviter des surtranspositions néfastes. Nos collègues ont œuvré pour améliorer ou rétablir des articles qui avaient été substantiellement modifiés à l’Assemblée nationale, avec parfois des suppressions de dispositions importantes.
En tant qu’élue ultramarine, je tiens à saluer l’effort des députés pour renforcer l’autonomie énergétique de nos territoires non interconnectés. Ils ont ainsi validé le principe selon lequel tous les projets d’énergies renouvelables dépassant les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie locale soient coélaborés avec les acteurs locaux.
Le groupe RDPI salue la transposition de la directive européenne du 13 septembre 2023, avec l’objectif ambitieux de réduire la consommation d’énergie de 30 % d’ici à 2030. Aussi, les entreprises les plus énergivores devront adopter des systèmes de management de l’énergie ou réaliser des audits. Ces mesures répondent aux engagements pris par l’Union européenne en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique.
Le texte qui nous occupe aujourd’hui contient nombre de mesures favorables au droit des consommateurs, comme la transposition de la directive de 2020 qui complète le régime des clauses d’action collective, facilitant l’accès à la justice pour les consommateurs victimes de dommages collectifs en permettant à une seule association de représenter les intérêts de plusieurs victimes. Dans le même temps, ce projet de loi renforce la protection des consommateurs pour les crédits à la consommation, ainsi que pour des achats en ligne ou à distance.
Une autre avancée de ce texte est l’amélioration de l’accès à l’information pour les passagers dans les transports. La mise en conformité du droit français avec la réglementation européenne leur permettra d’obtenir des informations fiables en temps réel sur les retards ou sur la disponibilité d’autres moyens de transport en cas d’annulations.
Les détenteurs de données, incluant les autorités de transport, les opérateurs et les gestionnaires d’infrastructures, sont ainsi désormais tenus de rendre accessibles des données essentielles pour les voyageurs, incluant des informations statiques, dynamiques, historiques et observées.
Le groupe RDPI salue ces mesures, qui permettront une meilleure gestion des déplacements et davantage de transparence dans la gestion des perturbations.
Enfin, le projet de loi adapte également notre code de la commande publique. Actuellement, certaines jeunes entreprises rencontrent des difficultés pour accéder à des marchés publics en raison de leur manque de références. Cette mise en conformité favorise la diversité et l’innovation dans les appels d’offres, afin que les entreprises nouvellement créées ne soient plus pénalisées.
Avant de conclure, je tiens à rappeler que nous abordons l’examen de ce texte dans un contexte géopolitique particulièrement complexe et inquiétant. Face à ces enjeux, l’Union européenne est plus que jamais un acteur incontournable pour garantir la stabilité économique, la sécurité et la cohésion régionale.
Ce texte n’est qu’une transposition de directives comme nous en adoptons chaque année, mais, dans la période actuelle, toute décision nous permettant de renforcer notre unité et notre capacité à répondre collectivement et en Européens aux défis du monde est importante.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.
Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en vertu de l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la France se doit de transposer les directives européennes dans son droit national.
En la matière, notre pays fait figure de bon élève, et c’est heureux. Selon les chiffres de la Commission, le défaut de transposition des directives s’élève à 0,5 % pour la France, en dessous de la moyenne européenne de 0,8 %. La situation est donc satisfaisante au regard de l’objectif annuel d’un défaut de conformité inférieur à 1 %, que nous avons presque toujours respecté ces quinze dernières années.
La France reste néanmoins légèrement en retard pour la transposition de cinq directives, dont certaines sont justement incluses dans le projet de loi examiné aujourd’hui. Pour autant, son délai de transposition est, là encore, inférieur à la moyenne européenne : sept mois, contre environ un an pour le reste de l’Union.
Ces bonnes performances en matière de transposition des directives s’expliquent en grande partie par les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, les fameux Ddadue. Celui qui est à l’ordre du jour fait suite aux très nombreux autres textes du même type que cette chambre a déjà examinés ces dernières années, dont le dernier a été voté il y a un peu moins d’un an.
Ce Ddadue n’en est pas moins important et transpose en droit national des dispositions majeures pour certains secteurs. Au vu de la grande diversité thématique du projet de loi, je n’en aborderai que quelques-unes.
L’article 13, par exemple, met en conformité le code de la commande publique, afin que les jeunes entreprises innovantes ne soient plus considérées comme étant, par principe, éligibles au regard du partenariat d’innovation. Cette mesure, qui avait été instaurée dans la loi de finances pour 2024, était en effet quelque peu étrange, et d’ailleurs contraire au droit européen.
Par ailleurs, l’article 20 finalise la transposition de la directive sur le marché intérieur de l’électricité de 2019, permettant de renforcer l’intégration des marchés, de favoriser la concurrence et d’accroître la transparence. Cette transposition est d’autant plus importante que la France avait été mise en demeure par la Commission européenne sur ce point.
Je souhaite aborder l’action de groupe, une invention récente en droit français, restée très peu utilisée par les justiciables : seules trente-cinq actions ont été intentées, avec 20 % seulement de réussite. Cet échec relatif vient sans doute de l’extrême atomisation des régimes juridiques en la matière : on dénombre sept fondements juridiques différents, éparpillés dans diverses dispositions, au sein de plusieurs codes. Cet éclatement est peu compréhensible pour nos concitoyens.
La transposition de la directive suscitée offrait ainsi l’occasion idéale pour uniformiser le régime juridique de l’action de groupe. L’article 14 du Ddadue reprend donc en très grande partie une proposition de loi récente sur laquelle le Parlement a beaucoup travaillé, qui uniformise le régime de l’action de groupe et remédie à l’incompatibilité de notre droit national avec la directive de 2020.
Le travail du Sénat en commission a remédié à certains problèmes posés par le texte adopté à l’Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne la sanction civile ou l’attestation sur l’honneur.
Je terminerai en évoquant la forme de ce Ddadue. Bien sûr, la France a l’obligation de transposer les directives européennes, mais le travail législatif est rendu particulièrement compliqué par un texte fourre-tout qui s’éparpille dans un nombre impressionnant de thématiques, allant du marché de l’électricité au séjour des étrangers.
Le groupe du RDSE votera ce texte, mais il souhaite qu’une réflexion soit engagée sur la procédure parlementaire à adopter pour l’examen des futurs Ddadue, tout en conservant l’efficacité qui les caractérise. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Dhersin. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Franck Dhersin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner un projet de loi technique et épars, mais utile pour préciser plusieurs dispositions européennes en droit français.
Ce texte portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne touche à des domaines essentiels de notre vie collective : l’économie, la finance, l’environnement, l’énergie, les transports, la santé et la circulation des personnes.
Il a été adopté, largement modifié, par l’Assemblée nationale le 17 février dernier. Il est désormais de notre responsabilité de l’examiner avec rigueur et discernement, en gardant à l’esprit que les règles que nous votons et souhaitons voir appliquer par nos entreprises et nos administrations ne sauraient s’apprécier hors de tout contexte international.
Je tiens à préciser d’emblée que notre groupe votera ce projet de loi sans réserve, car celui-ci est indispensable pour assurer le respect de nos engagements européens et pour harmoniser notre législation nationale avec les directives de l’Union.
Cependant, notre soutien ne nous empêche pas de soulever une préoccupation majeure et croissante : la surtransposition des directives européennes en droit français.
Depuis trop longtemps, nous évoquons cette problématique sans agir suffisamment. Or la surtransposition, c’est-à-dire l’ajout de contraintes supplémentaires non prévues par les textes européens, pèse lourdement sur nos entreprises, nos collectivités territoriales et nos citoyens ; elle crée des obstacles inutiles, freine l’innovation, complique la mise en œuvre des politiques publiques.
Je ne citerai qu’un seul chiffre, avancé par deux de nos anciens Premiers ministres ces derniers mois : la perte en pourcentage de PIB estimée du fait du poids des normes et des contraintes administratives dans notre pays atteint 4 %.
Il est impératif que nous mettions fin à cette pratique. Nous devons transposer des directives européennes de manière fidèle et proportionnée, sans ajouter de lourdeurs ou de contraintes superflues. C’est une question de compétitivité, de simplification et de respect des engagements que nous avons pris au niveau européen. Le contexte international requiert de nous un soutien sans faille à nos industries et à nos entreprises en général.
Le diable se cachant souvent dans les détails, comment tolérer, par exemple, ce simple fait : l’ordonnance de transposition dispose que le reporting extrafinancier se fait dans chacune des filiales d’un groupe, alors que la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) prévoit explicitement qu’il est possible de ne le mettre en œuvre qu’au niveau de la société mère ? Nous ajoutons de la complexité de manière tout à fait inutile, sans le moindre bénéfice.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a fait un travail positif en adoptant 34 amendements visant à simplifier les normes environnementales applicables aux entreprises et à mieux prendre en compte les attentes des collectivités territoriales. Ces amendements vont dans le bon sens, mais nous devons aller beaucoup plus loin. Tel est le sens de mon discours.
La surtransposition est un véritable frein à notre compétitivité et à notre réindustrialisation. Elle complique la vie de nos entreprises, lesquelles doivent déjà faire face à une situation internationale difficile, intense, notamment pour celles d’entre elles qui sont tournées vers l’exportation.
Il est tout de même cocasse que la Commission européenne soit contrainte à présenter un texte omnibus de simplification législative pour corriger les excès qu’elle a elle-même largement contribué à produire !
Les exécutifs nationaux au sein du Conseil de l’Union européenne doivent être beaucoup plus exigeants vis-à-vis de cette bureaucratie bruxelloise, qui contribue, par les excès réglementaires que je viens d’évoquer, à alimenter les critiques et les suspicions à l’égard du projet européen.
Nous voulons être une Europe puissance, un continent qui produit et qui innove, et non imposer un enfer juridique et réglementaire à tous les acteurs qui tentent tant bien que mal de produire de la richesse sur notre sol. Au vu de la difficulté que nous subissons déjà en la matière, je suggère humblement, pour ce qui nous concerne, en France, de ne pas ajouter de la difficulté à la difficulté.
Pour conclure, le groupe Union Centriste votera ce texte, mais appelle à une plus grande vigilance en matière de transposition du droit européen, afin que les promesses des exécutifs successifs se transforment enfin en réalité pour les entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin.
M. Alexandre Basquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que ce projet de loi ne suscite guère l’enthousiasme, et je ne serais pas loin de la vérité en affirmant que ce sentiment est partagé sur l’ensemble de ces travées. Il s’agit d’un projet de loi fourre-tout, souvent très technique, aux thématiques extrêmement variées. Nous aurons l’occasion d’y revenir tout au long de son examen.
Pour autant, sur le fond, nous regrettons une fois de plus qu’il aborde très peu les difficultés du quotidien de nos concitoyens, nous laissant encore une fois cet amer sentiment d’une Union européenne bien éloignée de leurs besoins et de leurs attentes légitimes, d’une Union européenne technocratique et opaque, dont les dirigeants ne sont tournés que vers eux-mêmes.
De plus, par les temps qui courent, ce texte, qui me semble bien éloigné de l’esprit des pères fondateurs d’une Europe de la paix, aurait gagné à se traduire par des articles plus audacieux et plus attendus – en termes non pas d’économie de guerre, mais de dialogue et d’intérêt commun des peuples. Cela aurait été d’autant plus nécessaire en cette période particulièrement troublée, durant laquelle les esprits les plus belliqueux sont aussi, malheureusement, les plus écoutés.
Ne nous y trompons pas : sous ses airs techniques, le projet de loi qui nous est soumis s’inscrit, malgré quelques avancées, dans cette ligne libérale qui gouverne l’Union européenne depuis bien trop longtemps.
Monsieur le ministre, reconnaissez que certaines propositions transposées l’ont été de manière partiale, notamment pour ce qui concerne les questions énergétiques. Reconnaissez également que ce texte souffre de nombreux manques, comme sur la directive relative aux travailleurs de plateformes.
De Ddadue en Ddadue, année après année, la même ritournelle revient et nous nous éloignons toujours plus de politiques publiques essentielles à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
Les mesures en matière climatique apparaissent bien trop faibles et sont loin de répondre aux recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
En matière de justice sociale, que dire ? Rien, puisque rien n’est proposé ! Ce texte ne contient aucune mesure de lutte contre les inégalités et les discriminations ou même d’harmonisation sociale, rien sur l’égalité femmes-hommes, pas un mot sur la question fondamentale de l’harmonisation fiscale et sur la lutte contre l’évasion fiscale, si chère à mon ami Éric Bocquet. À ce titre, comme pour les salaires, le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales et des banques pourrait avoir du sens et serait une mesure particulièrement efficace.
Nous sommes bien loin de la recherche du bonheur commun, qui reste malheureusement chimérique, bien loin d’une réelle vision progressiste. Ce projet en est encore la démonstration : nous restons enfermés dans le carcan des textes européens, pourtant rejetés par les peuples, dans cette sacro-sainte logique de la règle d’or, les marchés financiers gardant encore et toujours la main.
Permettez-moi d’exprimer de nouveau notre regret de n’avoir pas réussi à convaincre, par notre proposition de résolution, de transposer la directive sur les travailleurs des plateformes, afin que soit enfin accordé à ces derniers un véritable statut, plus protecteur, et que leur travail soit autre chose qu’une exploitation. Il y a encore beaucoup à faire pour que l’Union et ses États membres œuvrent pour une Europe plus juste et plus humaine.
Enfin, il est regrettable de ne pas nous être donné un temps de débat plus long pour un examen approfondi et attentif, thématique par thématique ; il est également regrettable que, au vu des délais courts, le Gouvernement ait recours de manière excessive, selon nous, aux ordonnances.
Notre groupe sera évidemment attentif aux points qui seront présentés, ainsi qu’à l’évolution du texte, sur lequel, pour l’heure, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi hétéroclite et très dense contrecarre pour le moins l’exigence d’intelligibilité du travail parlementaire !
Manifestement, le Gouvernement ne prend pas tout à fait en considération notre demande de réserver ces projets d’adaptation aux seules urgences et d’y garantir, autant que cela soit possible, une certaine cohérence thématique – avec quatre titres concernant au total une trentaine de textes européens, celle-ci s’efface quelque peu.
En outre, le Gouvernement abuse des habilitations à légiférer par ordonnance. Ce qui devrait rester exceptionnel devient un mode chronique de dessaisissement du Parlement par l’exécutif.
Face à cette somme de quelque quarante-trois articles, un inventaire digne de Prévert, mais sans ratons laveurs (Sourires.), je salue le considérable travail de notre rapporteur, ainsi que des rapporteurs pour avis.
Nombre d’adaptations de cette cuvée 2025 des Ddadue – oui, il s’agit bien d’un pluriel ! – correspondent à des évolutions européennes positives, que le groupe écologiste approuve.
Il en va ainsi des dispositions visant à renforcer la transparence des marchés financiers européens, des déclinaisons pratiques nécessaires à l’efficience du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, encore plus utiles dans cette période où le renforcement européen par des ressources propres est si crucial, alors que notre capacité à tenir nos responsabilités pour le climat et à changer la donne au-delà de notre seul marché intérieur sera déterminante. Un recul sur cet enjeu ouvrirait les vannes au dumping environnemental.
Il en va de même, enfin, des obligations à déployer pour que les données d’un système de transport routier intelligent permettent l’intermodalité et l’optimisation des reports modaux.
Il est cependant regrettable que l’examen de ce texte offre à certains l’occasion de remettre en cause les trajectoires du Pacte vert européen, faisant écho au paquet omnibus par lequel certains entendent concrétiser l’affaiblissement politique européen de la transition écologique résultant des élections et de la nouvelle Commission.
Cela concerne, tout d’abord, l’une des mesures du paquet climat européen dont l’impact est le plus fort : la fin de vente des voitures neuves à moteur thermique en 2035, un objectif européen fixé par un règlement d’application directe.
Si nous n’y mettons pas bon ordre en ramenant, en Européens, ce texte à la raison, sa remise en question serait perçue comme un encouragement pour les climatosceptiques accros aux carburants fossiles et pour ceux, pas nécessairement les mêmes, qui misent à tort, pour nos constructeurs et assembleurs automobiles, sur des calculs à courte vue de report et de dilution de l’objectif, plutôt que sur la nécessaire visibilité d’une trajectoire stable et sécurisante pour les investissements des mobilités décarbonées, lesquelles sont l’avenir de notre compétitivité et de nos emplois.
Quoi, le fait que la Chine et les États-Unis auraient dix à quinze ans d’avance en matière de technologie et de maturité offrirait paradoxalement une raison pour retarder encore notre mutation industrielle ? Je comprends mal que l’on argue à cette fin de la fameuse clause de rendez-vous : cela reviendrait à délivrer d’ores et déjà le message qu’un tel recul, voulu par une bonne part du groupe du Parti populaire européen, serait acquis.
Je forme le vœu que notre groupe ne soit pas seul à défendre son amendement visant à ce que soit tenue cette ambition européenne.
Un autre affaiblissement du Pacte vert serait de reculer sur la directive CSRD, sur l’engagement de durabilité des entreprises au travers du reporting extrafinancier, sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, sur les ressources, sur l’économie circulaire et sur la biodiversité.
D’aucuns souhaitent un report de quatre ans de cette mesure et la suppression du conditionnement des aides de la mission France 2030. Cela reviendrait, en clair, à détricoter cette volonté européenne au cœur des stratégies de modernisation et d’innovation de nos entreprises.
Ne reculons pas non plus sur la transition énergétique. Alors que l’Union européenne vise, pour les énergies renouvelables, l’objectif de 42,5 % de consommation brute d’énergie d’ici à 2030, ralentir la trajectoire de couverture photovoltaïque des parkings serait contre-productif.
Nous déplorons, par ailleurs, la suppression de dispenses de demandes de dérogations « espèces protégées » votées en commission. Il s’agit d’un affaiblissement indéniable de la protection de la biodiversité qui va bien au-delà de l’article 19 de la loi Aper, laquelle avait déjà facilité la reconnaissance de l’intérêt public majeur pour certains projets.
Enfin, il nous paraît incohérent et contraire à nos ambitions de vouloir plafonner strictement le développement des énergies renouvelables.
Je dirai un mot également sur les actions de groupe, c’est-à-dire sur la capacité pour les défenseurs des consommateurs d’intervenir avec un régime juridique jusqu’au niveau transnational. Alors que mon groupe était en faveur de l’écriture proposée par l’Assemblée nationale, nous regrettons, dans la rédaction privilégiée en commission au Sénat, la suppression de la sanction civile et l’alourdissement des obligations des associations ayant qualité pour agir.
Pour conclure, comment résumer par un vote unique nos positions sur ces multiples articles d’un texte sans équilibre ni cohérence ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nos désaccords et nos réserves sont fort sérieux. Mon groupe pourrait cependant, si la majorité du Sénat sait faire preuve de mesure, s’orienter vers un vote globalement favorable, au regard des dispositions positives qui ont un impact fort sur des avancées européennes majeures. Nous en avons particulièrement besoin dans cette phase si cruciale de notre histoire.
Que cet examen par le Sénat ne compromette pas nos trajectoires européennes essentielles, tel est le vœu que je forme. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)