Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
Article 1er

Adaptation au droit de l’Union européenne en diverses matières

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (projet n° 352, texte de la commission n° 402, rapport n° 401, avis nos 395, 392, 390, 389).

Demande de priorité

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande l’examen en priorité de l’article 35, afin que celui-ci soit examiné après les amendements portant articles additionnels à l’article 27.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. La commission y est favorable.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je consulte le Sénat sur la demande de priorité présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.

Il n’y a pas d’opposition ?…

La priorité est ordonnée.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue), que nous examinons cet après-midi, répond à un double impératif : adapter notre droit national aux normes européennes et garantir que ces évolutions servent pleinement notre ambition et nos priorités.

Ce texte vise à apporter à nos concitoyens les réponses qu’ils attendent et à traduire dans les faits notre engagement de construire une France plus forte dans une Europe plus souveraine.

À la fin de 2024, la France affichait une bonne performance en matière de transposition des directives, puisque notre pays n’avait pris du retard que pour 0,5 % d’entre elles. Ce résultat est cependant moins satisfaisant que celui de l’année 2023 : le déficit en matière de transposition des directives n’atteignait alors que 0,1 % de l’ensemble, ce qui nous permettait d’occuper la première place du classement européen.

Sans revenir dans le détail sur les divers sujets que ce projet de loi aborde et sans anticiper la discussion sur les amendements, je tiens à souligner plusieurs points particulièrement importants.

Dans les domaines économique et financier, le droit français est adapté à plusieurs règlements européens qui encadrent les services d’investissement et les activités des marchés financiers. La transparence des marchés financiers et l’accès aux données importent aussi bien aux investisseurs qu’à nos entreprises.

Confrontés à l’émergence de nouvelles formes de crédit – je pense au crédit fractionné, au paiement différé, aux mini-crédits ou aux crédits de moins de 300 euros – qui échappaient jusqu’alors au cadre réglementaire européen, les colégislateurs ont choisi d’encadrer ces nouvelles pratiques et de renforcer la protection des emprunteurs et des consommateurs.

Aussi, pour mener de concert la transposition de deux directives importantes en la matière, l’une en matière de contrats de crédit aux consommateurs, l’autre dans le domaine des services financiers à distance, le Gouvernement a sollicité dans le cadre de ce projet de loi plusieurs habilitations à légiférer par voie d’ordonnance. La seconde directive que je viens d’évoquer, adoptée le 22 novembre 2023, vise plus particulièrement à renforcer la protection des consommateurs, en exigeant davantage d’informations précontractuelles ou en encadrant les pratiques commerciales, ainsi que la publicité.

Dans ce Ddadue, plusieurs codes, dont le code de commerce, le code des assurances et le code monétaire et financier, font l’objet d’une harmonisation.

Par ailleurs, le présent projet de loi prévoit, à des fins de cohérence et de simplification, la modification de certaines dispositions issues de l’ordonnance du 6 décembre 2023 transposant la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

Plusieurs dispositions visent plus particulièrement à tenir compte de la proposition de directive dite omnibus, tout juste publiée par la Commission européenne, qui prévoit d’alléger et de simplifier un certain nombre d’obligations en matière de reporting et de responsabilité extrafinancière – autrement dit, elle tend à simplifier la directive CSRD.

S’agissant de cette directive, nous avons déposé deux amendements à l’article 7. L’un a pour objet de dépénaliser les sanctions actuellement prévues par l’ordonnance, en supprimant notamment la sanction pénale en cas d’absence de nomination d’un auditeur extrafinancier ; l’autre vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, pour transposer la directive omnibus, laquelle, je le redis, est en cours de négociation et viendra modifier la directive CSRD, ainsi que la directive Audit, et prévoir le report de leur application.

Nous avons également déposé un amendement à l’article 9, qui tend à exempter de la publication d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges) et d’un plan de transition climatique portant sur leurs activités nationales les entreprises qui publient ces informations au niveau international, et ce au titre de la directive CSRD.

J’en viens maintenant à l’article 14 du présent projet de loi, qui a trait au régime de l’action de groupe. Cet article a été réécrit par le rapporteur de la commission compétente au fond à l’Assemblée nationale, dont je salue l’implication.

Cependant, il faut noter que la version issue des travaux de la chambre basse va plus loin que la directive, en créant un régime juridique particulièrement souple, qui risque de fragiliser l’équilibre entre la protection des consommateurs et la sécurité juridique des entreprises.

Sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois, Christophe-André Frassa, le Sénat a souhaité en commission faire évoluer ledit article, en vue de garantir la robustesse juridique de l’action de groupe, tout en assurant une transposition fidèle de la directive.

Le Gouvernement soutient cette évolution, même s’il proposera quelques ajustements par amendement, afin de garantir l’efficacité du dispositif. Je salue à ce titre la qualité des échanges qui ont eu lieu entre le Gouvernement et le sénateur Frassa, ainsi qu’avec le député Gosselin.

Ce Ddadue nous donne également l’occasion d’approfondir nos efforts en matière de transition écologique. Il comporte en effet plusieurs dispositions en matière de droit de l’énergie.

Le volet transport de ce projet de loi est au cœur de notre engagement en faveur d’une mobilité plus durable, plus intelligente et mieux connectée. Avec sept articles dédiés aux transports, nous visons trois objectifs majeurs, qui tiennent en trois mots-clés : modernisation, numérique et sécurité.

Tout d’abord, nous souhaitons la modernisation en profondeur de notre secteur aérien. Nous voulons accélérer la transition environnementale via l’électrification des postes de stationnement des avions et la mise en œuvre d’objectifs plus ambitieux pour les carburants d’aviation durables. Le cadre de régulation économique de nos aéroports doit être amélioré, afin de favoriser la mise en œuvre des redevances prévues par les contrats de concession aéroportuaire.

Ensuite, nous voulons que nos transports accélèrent leur passage à l’ère du numérique, tout en conservant un cadre souverain commun.

Les nouveaux systèmes de transport intelligents et les services d’information sur les déplacements multimodaux permettront aux voyageurs d’accéder en temps réel à toutes les informations nécessaires à leurs voyages, ce qui contribuera à faire disparaître les spécificités nationales au profit d’un cadre européen harmonisé. Il s’agit d’une avancée majeure pour la mobilité quotidienne de nos concitoyens.

Enfin, nous voulons renforcer la sécurité de nos transports, ferroviaires en particulier, en harmonisant nos pratiques. Cela suppose la mise en place des standards européens les plus exigeants, notamment pour faciliter l’ouverture à la concurrence de nos réseaux. Ces mesures s’inscrivent pleinement dans notre stratégie nationale des mobilités et dans le cadre européen. Elles démontrent notre capacité à concilier innovation, durabilité et sécurité, au service des usagers.

Permettez-moi désormais d’aborder les enjeux de santé. Dans ce domaine, le présent projet de loi prévoit la reconnaissance des qualifications professionnelles des infirmiers responsables de soins généraux formés en Roumanie.

Ces diplômés pourront ainsi bénéficier de la reconnaissance automatique de leur diplôme après le suivi d’un programme spécial de mise à niveau ; il ne leur sera plus nécessaire de justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la date de l’attestation certifiant que l’infirmier a suivi ledit programme spécial.

Enfin, en matière de circulation des personnes, le texte modifie les dispositions relatives à la carte de séjour pluriannuelle Talent portant la mention Talent-carte bleue européenne, ainsi que celles qui portent sur la carte Talent-famille délivrée aux membres de la famille des travailleurs hautement qualifiés. Il étend également les conditions d’accès à la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-UE » aux titulaires d’une Carte bleue européenne ayant effectué une mobilité intra-européenne.

Sur tous ces sujets utiles à la vie de nos concitoyens et de nos entreprises, mesdames, messieurs les sénateurs, je me tiens à votre disposition pour échanger au cours de notre séance.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Dhersin applaudit également)

M. Damien Michallet, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat examine une fois encore un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, mais, pour moi, c’est une première à bien des égards.

Je remercie sincèrement la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de m’avoir fait confiance en me désignant comme rapporteur de ce texte certes technique, mais dont les implications sont concrètes pour de nombreuses personnes.

Les quarante-sept articles du texte adopté en commission traitent de sujets extrêmement divers, tels que les actions de groupe, les règles du marché de l’électricité ou encore l’aptitude médicale des personnels ferroviaires.

Si cet inventaire à la Prévert peut paraître aride, le présent projet de loi n’en reste pas moins indispensable, à un double titre : d’une part, il vise à assurer le respect de nos engagements européens ; d’autre part, il est l’occasion, pour les législateurs que nous sommes, de nous approprier la réglementation européenne en précisant ses modalités de déclinaison au niveau national, tout en exploitant les marges de manœuvre laissées aux États membres.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a examiné dix-sept de ces articles, qui embrassent un large spectre couvrant les principaux domaines d’expertise de la commission : énergies renouvelables, environnement et transports.

Les apports de la commission visent un double objectif : garantir une meilleure prise en compte des attentes des collectivités territoriales et s’assurer de l’appropriation par les entreprises des normes environnementales, de sorte que ces dernières soient créatrices d’emploi et de valeur.

Je commencerai par les dispositions relatives aux énergies renouvelables.

L’article 24 du présent projet de loi étend le dispositif des référents préfectoraux, que notre commission avait créé dans le cadre de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi Aper, en vue de simplifier l’instruction des projets, aux projets d’éolien en mer.

L’article 24 bis définit quant à lui une cartographie des zones propices aux énergies renouvelables : il s’appuie, pour ce faire, sur les zones d’accélération des énergies renouvelables, une innovation également à mettre au crédit de notre commission, qui vise à redonner la main aux élus locaux pour ce qui est de l’implantation des projets.

Au nom de la clarté du droit et pour maintenir un niveau élevé de protection de la biodiversité, la commission a rétabli l’article 25 : cet article, supprimé par nos collègues députés, prévoit de transposer la directive RED III de 2023 en élevant au niveau législatif les critères d’exonération de la demande de dérogation espèce protégée définis par la jurisprudence, tout en appliquant ces règles à l’ensemble des projets, et non aux seuls projets d’énergies renouvelables, conformément à une pratique jurisprudentielle établie.

La commission a en outre apporté plusieurs améliorations utiles à l’article 26, au bénéfice des collectivités territoriales et des entreprises. Bien qu’il figure dans un Ddadue, cet article relève cependant davantage d’un ajustement technique de la loi Aper que du présent texte. La commission déplore la prolifération de ces « cavaliers européens », qui n’ont aucun lien avec le droit de l’Union européenne.

Pour soutenir la filière française des panneaux photovoltaïques, la commission a aménagé, au même article 26, le calendrier d’obligation de couverture des parkings.

Afin de faciliter l’action des collectivités locales, elle a ensuite assoupli l’obligation de constitution d’une régie, qui freine aujourd’hui de nombreux projets.

Enfin, elle a uniformisé le critère de proximité géographique pour encourager l’autoconsommation collective : cet aménagement permettra à des structures publiques étendues, comme les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), de bénéficier de ce dispositif.

Ces clarifications sont essentielles pour favoriser le développement des énergies renouvelables, tout en garantissant un cadre juridique stable et lisible, en confortant nos entreprises nationales et en accompagnant nos collectivités territoriales.

J’en viens maintenant au volet environnemental de ce texte, qui regroupe des dispositions assez diverses.

L’article 9 procède à une simplification administrative bienvenue concernant les obligations de déclaration des émissions de gaz à effet de serre des entreprises, tandis que les articles 36 et 37 traitent de la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). La commission a souhaité mieux encadrer l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue pour l’application du mécanisme.

L’article 38, quant à lui, se contente de prévoir l’application du cadre européen de restriction des gaz fluorés et des substances appauvrissant la couche d’ozone.

Enfin, l’article 39 prévoit une simplification de la mise en œuvre de la directive Inondation de 2007, qui passe par la suppression de plusieurs cas de surtransposition de normes européennes dans notre droit national.

Notre commission a accordé une vigilance particulière à cet article, compte tenu de l’amplification des risques d’inondation que connaît notre pays. Elle a souhaité maintenir deux procédures de consultation essentielles : d’une part, celle du Comité national de l’eau (CNE) sur la stratégie nationale de gestion du risque d’inondation ; d’autre part, celle des collectivités territoriales compétentes en matière d’aménagement et de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) sur le projet de plan de gestion des risques d’inondation (PGRI), éventuellement modifié par le préfet à l’issue de la consultation du public.

Ce texte comporte un troisième volet, relatif aux transports.

S’agissant du transport aérien, une réforme de la régulation des tarifs des redevances aéroportuaires est prévue par l’article 28. Il prévoit que les contrats de régulation économique (CRE) signés entre l’État et le concessionnaire, qui définissent l’évolution de ces redevances sur cinq ans, puissent être étendus sur une période allant jusqu’à dix ans s’ils sont conclus à l’occasion du renouvellement d’une concession aéroportuaire, comme c’est le cas pour l’aéroport de Nantes-Atlantique.

Je ne reviendrai pas sur la méthode : une telle disposition, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’adaptation de notre droit interne au droit européen, aurait davantage sa place dans un autre véhicule législatif.

J’ai cependant fait le choix d’être pragmatique, eu égard notamment à la situation de l’aéroport de Nantes-Atlantique. La commission a donc enrichi cet article, en proposant d’allonger à dix ans au maximum la durée des CRE pour les aéroports ayant un projet industriel le justifiant, et cela sous le contrôle strict de l’Autorité de régulation des transports (ART).

Sur l’initiative de Didier Mandelli, la commission a également précisé que le cahier des charges des appels d’offres de concessions aéroportuaires devait être rendu public : pour des projets aussi structurants pour les territoires, il nous faut une transparence exemplaire.

Afin d’accélérer la décarbonation du secteur, les articles 29 et 34 comportent plusieurs mesures relatives aux opérations au sol du transport aérien et à la durabilité des carburants.

Là encore, la commission a complété les dispositifs existants en décidant notamment que le produit des amendes liées au non-respect des obligations d’incorporation de carburants d’aviation durables (CAD) soit reversé à l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN), afin de financer la recherche dans ce domaine stratégique.

Enfin, l’harmonisation européenne des règles relatives aux tâches critiques pour la sécurité ferroviaire et de la vérification de l’aptitude du personnel non conducteur appelle une adaptation de notre droit national, ce que prévoit l’article 33.

Lors de l’examen de cet article en commission, j’ai veillé à ce que cette disposition n’ait aucun effet négatif sur la sécurité ferroviaire et les droits des travailleurs. Seuls des médecins et psychologues maîtrisant les spécificités du secteur ferroviaire pourront ainsi être chargés de la vérification des aptitudes médicale et psychologique du personnel.

Par ailleurs, l’article 33, tel que l’Assemblée nationale l’a adopté, prévoit que les recours à l’encontre des décisions d’inaptitude relèveront désormais du juge administratif. J’ai décidé à l’inverse de pérenniser le rôle de la commission ferroviaire d’aptitudes, actuellement chargée d’examiner les recours avant un éventuel second recours devant le juge.

Cette commission nationale, dont l’expertise est reconnue aussi bien par les salariés que par leurs employeurs, rend ses décisions dans des délais plus courts et à l’issue d’une procédure plus fluide et moins coûteuse. Mon initiative a surtout pour mérite de contribuer à l’allégement de la charge de nos tribunaux.

S’agissant du transport routier, un certain nombre d’adaptations du code des transports sont prévues aux articles 30 et 31, afin de garantir la mise à disposition de données numériques relatives à la circulation et la sécurité routières, ainsi qu’aux déplacements multimodaux, en application d’une directive européenne de 2010, révisée en 2023.

L’objectif est de favoriser, de manière concrète, le déploiement de services d’informations en temps réel, au bénéfice des usagers, pour renforcer la fluidité du trafic et la sécurité routière et pour favoriser le report modal.

La commission a accueilli favorablement ces deux articles, en prévoyant simplement la consultation, d’une part, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et, d’autre part, de l’Autorité de régulation des transports (ART) sur les textes d’application que prendra le Gouvernement.

J’en arrive à l’article 35, qui visait initialement à modifier la loi d’orientation des mobilités pour y inscrire l’objectif de fin de vente des véhicules thermiques légers en 2035, au lieu de 2040, conformément à un règlement européen de 2023.

La commission n’a pas souhaité revenir sur la suppression de cet article par l’Assemblée nationale, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, l’article 35 est dépourvu de toute portée normative, dans la mesure où le règlement européen est d’application directe. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné dans son avis sur le présent projet de loi l’« inutilité » de la modification proposée.

En second lieu, une clause de rendez-vous est prévue par le règlement européen en 2026. J’ajoute que le commissaire européen aux transports vient d’annoncer qu’elle pourrait même être avancée au troisième ou au quatrième trimestre 2025. Dès lors, il ne serait pas opportun d’introduire dans la loi des dispositions qui pourraient être frappées d’obsolescence d’ici à quelques mois.

Je suis convaincu que l’examen de ce Ddadue permettra de conserver les apports de la commission et d’y ajouter de nouvelles améliorations, au bénéfice des collectivités territoriales et des entreprises françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Daniel Fargeot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au titre de son expertise sur le volet énergie du présent projet de loi, la commission des affaires économiques s’est vu déléguer cinq articles, les articles 20 à 23 puis 27, et s’est saisie pour avis de trois articles, les articles 26, 29 et 34.

J’en remercie sincèrement le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, ainsi que son rapporteur, Damien Michallet.

Le texte que nous examinons vise à transposer en droit français le paquet Ajustement à l’objectif 55 et la réforme du marché européen de l’électricité. Ce sont des sujets importants, sur lesquels notre commission et le Sénat dans son ensemble ont pris position au travers de deux résolutions européennes, en 2022 et 2023. Je salue à cet égard le travail collégial et précurseur qu’ont conduit notre présidente Dominique Estrosi Sassone et notre collègue Daniel Gremillet.

Dans le cadre de mes travaux préparatoires, je me suis attaché à recueillir le point de vue de l’ensemble des acteurs au travers d’une dizaine d’auditions et d’une vingtaine de contributions. Dans le cadre de ma réflexion, j’ai veillé à l’intelligibilité et à l’applicabilité des articles, en évitant toute surtransposition pour les entreprises et les collectivités. J’ai aussi recherché la complétude et la cohérence des différentes dispositions, car plusieurs d’entre elles, pourtant requises par le droit européen, avaient été supprimées par l’Assemblée nationale.

Tout ce travail m’a conduit à présenter plusieurs amendements, adoptés en commission, dont les dispositions s’articulent autour de quatre axes.

Le premier axe vise à réaffirmer les prérogatives du législateur.

En premier lieu, j’ai souhaité supprimer une disposition de l’article 23, qui permettrait au Gouvernement de lancer de nouveaux appels d’offres pour les projets d’électricité renouvelable, au-delà des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Je rappelle que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait la parution d’un décret fixant la PPE et que la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite loi Énergie-climat, a mis en place une loi de programmation quinquennale.

Le chantier de la révision de notre programmation énergétique a été lancé : le Sénat a adopté sa proposition de loi portant programmation énergétique en octobre 2024 et le Gouvernement a engagé la concertation sur la PPE en novembre de la même année. Aussi, la souplesse prévue par le dispositif, qui lèverait tout obstacle à l’action du Gouvernement, n’est pas nécessaire, car les prochains appels d’offres pourront être lancés sur cette nouvelle base programmatique.

En second lieu, j’ai ciblé plusieurs dispositions de l’article 27, en introduisant les seuils européens minimaux en deçà desquels l’évaluation environnementale et l’analyse coûts-avantages ne sont pas requis par la loi. Une telle mesure est plus protectrice et sécurisante pour les entreprises et les collectivités.

Le deuxième axe tend à mettre en place un cadre plus protecteur pour les consommateurs d’énergie.

À l’article 20, j’ai voulu préserver les compétences du Médiateur national de l’énergie (MNE) et des différents médiateurs de la consommation, afin de ne pas déstabiliser l’accès à ces médiateurs, ni perturber la résolution des litiges.

À l’article 22, j’ai veillé à consolider la surveillance par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) du marché de gros de l’énergie, en relevant les sanctions encourues en cas d’avantage financier à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires.

À l’article 34, la commission a également conforté les sanctions prévues pour les fournisseurs de carburants ou les exploitants d’aéronefs en cas de non-respect à répétition de l’obligation d’incorporation de carburants d’aviation durables, en portant ces sanctions à cinq fois le produit concerné.

Le troisième axe tend à alléger les contraintes pesant sur les entreprises.

J’ai notamment proposé, à l’article 20, de mieux définir les pratiques contractuelles restrictives pouvant être recherchées par la CRE.

À l’article 21, par souci de simplification, nous avons exclu du mécanisme d’ajustement les installations de production d’électricité inférieures à 10 mégawatts, pour ne pas pénaliser les petits producteurs.

À l’article 22, la commission a rétabli le principe de proportionnalité qui doit s’appliquer aux sanctions appliquées par la CRE.

Enfin, à l’article 27, un recours aux exemptions européennes a été prévu s’agissant des nouvelles obligations en matière d’efficacité et de rénovation énergétiques : audits énergétiques, systèmes de management de l’énergie, valorisation de la chaleur fatale.

Quant au quatrième et dernier axe, il consiste à alléger les contraintes des collectivités.

À l’article 26, nous avons souhaité consolider la contribution acquittée par les usagers pour l’extension du réseau public de distribution d’électricité.

À l’article 27, il m’a semblé important d’inscrire les exemptions prévues par le droit européen en termes de performance énergétique des bâtiments publics, plus particulièrement les bâtiments historiques ou cultuels. Je remercie à ce titre la sénatrice Sabine Drexler et la commission de la culture, avec lesquelles j’ai travaillé de concert.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à adopter ce projet de loi ainsi infléchi et enrichi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Khalifé Khalifé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a délégué à notre commission l’examen au fond des articles 40 et 41 relatifs à la santé.

Je commencerai par l’article 40, qui porte sur la reconnaissance des diplômes roumains d’infirmier.

Pour permettre l’application aux professions réglementées du principe de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union européenne, indispensable au marché unique, une directive européenne de 2005 a institué un régime de reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union, qui bénéficie aux ressortissants des États membres.

Cette directive permet notamment à cinq professions de santé, parmi lesquelles figurent les infirmiers, de profiter d’une reconnaissance automatique de leurs qualifications, sous réserve de disposer d’un diplôme délivré par l’un des États membres à l’issue d’une formation respectant les exigences minimales européennes.

Lors de l’intégration de la Roumanie à l’Union, la formation des infirmiers ne respectait pas les exigences définies par la directive européenne. Toutefois, cette dernière a permis aux titulaires de diplômes roumains de bénéficier de la reconnaissance automatique lorsqu’ils attestent également d’une expérience professionnelle en Roumanie, initialement fixée à cinq ans, et depuis lors ramenée à trois ans.

Une directive plus récente, de 2024, a complété cette dérogation en permettant la reconnaissance de diplômes roumains ne satisfaisant pas aux exigences européennes, lorsque le diplômé a suivi en sus un programme spécial de mise à niveau mis en place par la Roumanie entre 2014 et 2019.

L’article 40 vise à transposer cette dernière évolution en droit national. Jugeant qu’il est de l’intérêt de notre système de santé de faciliter la mobilité en France des professionnels formés au sein de l’Union, notre commission est favorable à son dispositif. Le nombre de ces professionnels demeure d’ailleurs limité : seuls 3 % des infirmiers exerçant dans notre pays ont été formés à l’étranger, dont, selon le ministère, 684 infirmiers titulaires d’un diplôme roumain, soit un peu plus de 1 pour 1 000.

J’espère, mes chers collègues, que les dispositions en cours d’examen à l’Assemblée nationale nous parviendront suffisamment tôt pour que cette profession soit mieux reconnue et que nous puissions à la fois favoriser son attractivité et réduire le taux d’abandon au cours ou juste après les études.

L’article 41 prévoit de sécuriser l’approvisionnement en dispositifs médicaux. En effet, selon les représentants de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) que nous avons auditionnés, le nombre de signalements de ruptures de dispositifs médicaux a considérablement augmenté ces dernières années : ils sont passés de 104 en 2023 à 149 en 2024, les tensions constatées touchant l’ensemble des aires thérapeutiques et, parfois, des dispositifs indispensables.

Face à ces difficultés, la France et l’Union européenne ont progressivement mis en place des outils de sécurisation de l’approvisionnement en dispositifs médicaux. L’ANSM a établi, depuis 2021, une procédure de gestion anticipée des ruptures, qui implique les opérateurs dans l’évaluation et la maîtrise des risques associés.

Sur l’initiative du Sénat, la loi a renforcé en 2023 les obligations des exploitants en matière d’anticipation et de déclaration des ruptures, sous peine de sanction financière.

Enfin, un règlement européen de 2024 oblige les fabricants qui anticipent une interruption ou une cessation d’approvisionnement à informer l’autorité nationale compétente, ainsi que les opérateurs économiques, les établissements et les professionnels de santé auxquels ils fournissent directement le dispositif concerné.

L’article 41 tire les conséquences de ce règlement dans notre droit national en imposant des sanctions financières aux fabricants qui ne respecteraient pas leurs obligations déclaratives. En outre, dans de telles circonstances, il permet à l’ANSM de prendre les mesures de police sanitaire nécessaires et proportionnées pour assurer la continuité des prises en charge.

De la sorte, l’article 41 confie à l’ANSM des outils de lutte contre les pénuries de dispositifs médicaux proches de ceux dont l’agence dispose déjà dans le secteur du médicament. Cette évolution correspond à une proposition ancienne de notre commission, qui a apporté un soutien sans réserve à ces dispositions.

En conclusion, les articles 40 et 41 nous semblent nécessaires pour adapter notre législation aux évolutions du droit de l’Union européenne ; surtout, ils font œuvre utile pour notre système de santé.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous invite à les adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)