M. Christophe Chaillou. Conformément à la position que nous avons exprimée lors de l’examen de la proposition de loi Vichnievsky-Gosselin au Sénat, en janvier 2024, et comme je l’ai indiqué en commission des lois, nous souhaitons vivement que soit rétablie la rédaction de l’article 14 votée par l’Assemblée nationale.
Dans la version adoptée par nos collègues députés, cet article reprenait précisément les termes de ladite proposition de loi, relative au régime juridique des actions de groupe, en créant un régime unique assorti d’exceptions limitées.
En effet, nous défendons : l’extension de la qualité pour agir dans une action de groupe aux associations régulièrement déclarées depuis au moins deux ans et aux associations ad hoc ; l’élargissement du champ matériel de l’action de groupe ; la suppression de la mise en demeure préalable obligatoire ; la possibilité pour le juge de prononcer l’irrecevabilité d’une action de groupe lorsque le demandeur se trouve en situation de conflit d’intérêts ou de rejeter de manière anticipée une action de groupe manifestement infondée ; la création d’une sanction civile en cas de comportement dolosif, à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires, car la peine doit être suffisamment dissuasive pour lutter contre de telles fautes ; ainsi que l’extension de l’obligation d’information et de publicité des associations habilitées à intenter une action de groupe.
Nous proposons également de rendre applicable la nouvelle procédure de l’action de groupe, quelle que soit la date du fait générateur de responsabilité, afin de garantir aux consommateurs l’application immédiate de la procédure aux faits antérieurs à la publication du présent texte. Les consommateurs bénéficieront ainsi de la pleine efficacité de l’action de groupe rénovée.
Toutes ces mesures représentent, à nos yeux, des progrès significatifs.
Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain font pleinement leur la volonté de contribuer à l’efficacité et à l’effectivité de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, je ne saurais résumer en deux minutes les heures de débats que nous avons consacrées à ces sujets, lesquels font aujourd’hui l’objet d’un article de quinze pages…
Vous proposez d’y substituer un simple copier-coller, en reprenant l’article dans sa rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale. Pour sa part, la commission des lois ne s’est pas contentée de reprendre les dispositions issues des débats de janvier et février 2024. Elle a tenu compte des changements apportés par nos collègues députés, tout en veillant au respect de ses quatre lignes rouges, par définition intangibles.
Je ne reprendrai pas non plus les débats qui ont eu lieu en commission des lois. Sur ce sujet, vous connaissez ma position en tant que rapporteur, celle de la commission et celle du Sénat tout entier, exprimée en février 2024.
Depuis lors, les difficultés juridiques restent les mêmes. Elles compromettent l’efficacité procédurale de l’action de groupe et la sécurité juridique du dispositif que nous nous apprêtons à adopter, ce au détriment des parties, qu’il s’agisse des demandeurs ou des défenseurs.
C’est particulièrement frappant au sujet de la sanction civile. Je n’y reviendrai pas : je me suis suffisamment étendu sur ce sujet en 2024, puis, la semaine dernière, lors de nos discussions en commission.
Je l’ai évoqué en 2024, en commission comme en séance, puis de nouveau cette année en commission : lors des débats du projet de loi Hamon, on avait évoqué la possibilité de créer un fonds dédié aux actions de groupe.
J’aurais aimé que les auteurs de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe saisissent l’occasion de créer un tel fonds au lieu de s’engouffrer dans une sanction civile qui, finalement, ne bénéficie qu’au Trésor public.
Je ne m’étendrai pas non plus sur l’attestation sur l’honneur. Tout le monde s’accorde à le dire, y compris les représentants des associations, quand on les interroge sur ce point : cette attestation créera immanquablement un contentieux pénal à l’intérieur d’un contentieux civil.
Vous êtes vous-même conscient de la fragilité juridique du dispositif que vous avez repris mot pour mot dans votre amendement. Vous n’avez, hélas ! pas fait preuve de plus d’imagination que nos collègues députés…
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. M. le rapporteur pour avis s’est montré parfaitement clair. Nous souhaitons nous aussi nous en tenir à la version issue des travaux du Sénat.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 52, présenté par M. Fernique, Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 31
Remplacer le mot :
met
par les mots :
peut mettre
III. – Alinéa 32
Supprimer cet alinéa.
IV. – Après l’alinéa 87
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les manquements reprochés portent sur des préjudices résultant d’un dommage à l’environnement, le juge peut statuer, lors du jugement sur la responsabilité en application de l’article 1er quinquies, sur la réparation du préjudice écologique dans les conditions fixées au chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil.
V. – Alinéa 146
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le présent article est applicable aux seules actions intentées après l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. La philosophie de cet amendement est la même que celle qu’a défendue le groupe écologiste par la voix de ma collègue Mélanie Vogel, lors de l’examen de la proposition de loi Vichnievsky-Gosselin, adoptée au Sénat le 6 février 2024 avec notre soutien. Nous proposons donc de modifier en ce sens l’article 14, issu de la proposition de loi de notre collègue Frassa.
Tout d’abord, nous nous opposons aux restrictions de la qualité pour agir dans le cadre des actions de groupe en matière de santé et de droit du travail. L’élargissement du champ des actions de groupe est souhaitable et nécessaire pour renforcer les droits des justiciables et protéger les personnes lésées dans l’ensemble des domaines, y compris dans celui de la santé, où de nombreuses affaires sanitaires ont révélé des dommages d’ampleur causés à très grande échelle, comme dans le cas du Mediator ou celui des prothèses mammaires PIP.
Ensuite, nous sommes défavorables à la réintroduction d’une obligation de mise en demeure préalable avant tout déclenchement d’une action de groupe, qui est d’ailleurs considérée par le Syndicat des avocats de France (SAF)comme une procédure inopérante en matière de discrimination.
Par ailleurs, cet amendement vise à améliorer la coordination entre la réparation des préjudices causés par des dommages à l’environnement et la réparation du dommage écologique lui-même.
Enfin, il vise à garantir aux consommateurs l’application immédiate de la procédure de l’action de groupe à des faits antérieurs à la publication de la présente loi, afin qu’ils bénéficient de la pleine efficacité de l’action de groupe rénovée par rapport à la procédure actuelle.
M. le président. L’amendement n° 120, présenté par Mme Linkenheld, MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 146
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le présent article est applicable aux seules actions intentées après la publication de la présente loi.
La parole est à M. Christophe Chaillou.
M. Christophe Chaillou. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Contrairement à M. Chaillou et ses collègues, qui souhaitaient, au travers de l’amendement n° 65, réécrire l’intégralité de l’article, vous procédez, monsieur Fernique, par petites touches, en quelque sorte de façon…
M. Yannick Jadot. Subtile !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. … impressionniste !
Toutefois, les modifications proposées réintroduiraient dans le régime de l’action de groupe les difficultés juridiques que nous avons déjà évoquées, et dans le détail desquelles je n’entrerai pas.
Je tiens à préciser que la commission souhaite non pas restreindre le champ d’application de l’action de groupe, comme je l’entends dire régulièrement, mais assurer sa stabilité, ce qui est tout à fait différent, et ce dans deux domaines : le droit du travail et la santé. Or la restriction – un mot trop souvent employé – et la stabilité ne sont pas la même chose, monsieur Fernique.
Vous citez en particulier le droit de la santé en faisant référence à des affaires sanitaires. Je tiens à vous rappeler que l’action de groupe est déjà applicable aux produits de santé et qu’elle le sera encore dans le cadre du nouveau régime adopté par la commission des lois.
Pour ce qui concerne la mise en demeure, vous la jugez inefficace en matière de discrimination et souhaitez donc sa suppression. Or elle sera applicable dans bien d’autres domaines, où elle sera utile. Ce n’est pas parce qu’elle est inutile dans un domaine qu’il faut la supprimer pour tous !
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 52.
La modalité d’entrée en vigueur prévue dans le dispositif de l’amendement n° 120 pourrait entraîner des difficultés opérationnelles majeures pour certains opérateurs économiques. En effet, les diverses particularités de ce régime et les risques qu’il emporte n’ont pas été intégrés aux primes d’assurance actuelles.
La commission a donc préféré retenir une modalité différente d’entrée en vigueur : le fait générateur devra être postérieur à la publication de cette loi pour qu’une action puisse être intentée sous ce régime.
Je vous rappelle, chers collègues, que cette mesure n’est ni une nouveauté ni une innovation. Elle avait déjà été adoptée dans le cadre de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour des dispositions portant – c’est d’ailleurs assez drôle – sur l’action de groupe.
L’avis est donc également défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. L’amendement n° 52 vise à supprimer en grande partie la rédaction issue des travaux du Sénat pour en revenir à celle de l’Assemblée nationale. Ce faisant, il tend à élargir grandement la qualité pour agir, ce qui fait peser un risque non négligeable sur la capacité de prospérer de l’action de groupe. En effet, lorsque la qualité pour agir est très large, le risque d’engorgement des tribunaux est élevé et les associations ad hoc qui se créeront n’auront plus à démontrer leur viabilité.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Si l’intention des auteurs de l’amendement n° 120 est tout à fait respectable, il n’en demeure pas moins que son adoption aurait pour conséquence de laisser subsister deux régimes d’entrée en vigueur, ce qui fragiliserait le dispositif.
L’avis est donc également défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.
M. Christophe Chaillou. Je tiens à insister, notamment pour ce qui concerne notre amendement n° 120, sur la protection des consommateurs.
Nous connaissons bien la position de M. Frassa, dont on ne peut pas dire qu’il soit un défenseur très enthousiaste de l’action de groupe… Notre préoccupation première, encore une fois, c’est que les consommateurs soient pleinement protégés.
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
En cas de contestation du respect de l’obligation prévue au premier alinéa du présent E par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices, le juge peut enjoindre à ce dernier de produire les pièces justifiant de l’absence de conflit d’intérêts. Lorsqu’il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l’obligation prévue au premier alinéa, il déclare l’action irrecevable et refuse l’homologation de tout accord entre les parties.
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à préciser le rôle et les pouvoirs du juge en donnant à ce dernier les outils nécessaires pour contrôler l’absence réelle de conflit d’intérêts en tant que condition de recevabilité de l’action de groupe.
Dans sa rédaction actuelle, l’article prévoit qu’en cas de doute le juge pourra enjoindre aux demandeurs de produire un aperçu financier de cette situation. C’est trop peu. Le Gouvernement souhaite que le juge puisse demander d’autres documents – statuts, conventions, pièces comptables.
Par ailleurs, l’article prévoit que le juge, lorsqu’il a un doute, peut vérifier la situation de conflit d’intérêts, ce qui est trop flou et incertain. Mieux vaut que cette vérification ait lieu en cas de réelle contestation, laquelle est généralement le fait du défendeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Je souhaite tout d’abord répondre à M. Chaillou : il s’agit ici non pas d’être enthousiaste, mais de faire la loi ! Et c’est ce à quoi je m’emploie avec rigueur et détermination.
Je laisse l’enthousiasme à ceux qui partent la fleur au fusil et qui échouent, faute d’avoir mis non pas une cartouche dans leur fusil, mais seulement une fleur… Tel est le cas de certains parlementaires, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, qui trouvent l’action de groupe tellement enthousiasmante qu’ils préfèrent l’insécurité juridique à un dispositif utilisable tant par les justiciables que par les magistrats. Je souhaite, pour ma part, que cet outil soit utilisable par tous.
J’en viens à l’amendement n° 94 du Gouvernement, qui vise à prévoir un dispositif spécifique pour le contrôle des conflits d’intérêts afin de clarifier le rôle du juge et les moyens dont il dispose.
La commission considère que l’imprécision de la notion d’aperçu financier pourrait, en effet, compromettre l’efficacité du dispositif : avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 31
Après la référence :
F. -
Insérer la référence :
1.
II. – Après l’alinéa 32
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
2. Par dérogation au 1 du F du présent article, préalablement à l’engagement de l’action de groupe fondée sur un manquement au code du travail, le demandeur à l’action demande à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser le manquement allégué.
Dans un délai d’un mois à compter de la réception de cette demande, l’employeur en informe le comité social et économique, si l’entreprise en dispose, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité social et économique ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement collective alléguée.
L’action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou de plusieurs salariés peut être introduite à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser le manquement ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande.
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à rétablir les dispositions relatives à la seule action de groupe fondée sur un manquement au code du travail.
Il s’agit d’un dispositif spécifique prévu en droit du travail, qui a pour objet le dialogue entre l’employeur et le demandeur à l’action de groupe. Ne pas le maintenir emporterait le risque de fragiliser le dialogue social en entreprise comme mécanisme de résolution des conflits par le dialogue, de la part d’associations extérieures à l’entreprise ou d’organisations syndicales ne jouant pas le jeu du dialogue social.
Maintenir un système de mise en demeure en cas d’action de groupe fondée sur une discrimination de l’employeur est indispensable afin de rester cohérent avec l’esprit du législateur de 2016, qui souhaitait favoriser la discussion et le règlement préalable des conflits avant toute action judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à réintroduire la mise en demeure spécifique prévue en droit du travail, qui figurait dans la proposition de loi Vichnievsky-Gosselin, et que le groupe socialiste aurait pu reprendre dans son amendement.
Cette mise en demeure avait été initialement retenue par les deux chambres, mais l’Assemblée nationale ne l’a pas intégrée dans sa nouvelle version du projet de loi, à partir de laquelle la commission des lois a élaboré la réécriture de l’article 14.
Cette mesure étant de nature à favoriser le dialogue social et à résoudre les litiges sans qu’il soit nécessaire d’intenter une action de groupe, l’avis de la commission est favorable.
M. le président. L’amendement n° 134, présenté par M. Michallet, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 46, deuxième phrase
Remplacer les mots :
l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par le juge
par les mots :
la notification du jugement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Damien Michallet, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l’article dispose que le juge fixe le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement au groupe peuvent y adhérer et que celui-ci court « à compter de l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par le juge ». Or, d’une part, il n’apparaît pas aisé de déterminer « l’achèvement » de ces mesures et, d’autre part, une telle précision permettrait à des demandeurs de retarder le point de départ du délai.
Cet amendement vise donc à fixer ce point de départ à la notification du jugement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Cet amendement, judicieux, vise à clarifier le point de départ du délai d’adhésion au groupe.
La solution actuelle, qui semble au premier regard tout à fait logique, présente deux défauts significatifs.
Premièrement, il n’est pas facile de déterminer en quoi consiste l’achèvement des mesures de publicité.
Deuxièmement, elle permet au demandeur de retarder le point de départ du délai dans la mesure où lui il suffirait, pour ce faire, de ne pas mettre en place les mesures de publicité ordonnées par le juge.
Il s’agit non pas, mes chers collègues, de restreindre la possibilité pour les personnes lésées de rejoindre le groupe, mais tout simplement d’évacuer ces deux incertitudes.
Je tiens à rappeler, à ce titre, que le juge détermine lui-même ce délai. Or il dispose à cet égard d’une grande liberté, puisque le délai doit s’inscrire dans un vaste intervalle allant de deux à cinq mois. Cela lui permet déjà, soyons-en certains, de fixer un délai suffisant au regard de l’affaire dont il est saisi et de la nécessité pour le demandeur d’accomplir les mesures de publicité. Cette précision n’empêche donc en rien les personnes lésées de rejoindre le groupe ; tout au contraire, elle évite les complications procédurales.
La commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre. Je vais prendre le contre-pied de M. le rapporteur.
Cet amendement vise à modifier la date à partir de laquelle court le délai durant lequel les personnes qui souhaitent rejoindre le groupe de consommateurs concernés peuvent le faire.
Le droit actuel dispose que ce délai court à partir de la fin des mesures de publicité ordonnées par le juge. L’amendement tend à ce que son point de départ soit la notification du jugement. Or cette notification n’intervient qu’entre les parties : le consommateur moyen n’en a aucune connaissance tant que le juge n’a pas ordonné d’en faire la publicité.
Il faut donc, au contraire, que le délai coure à partir de la fin des mesures de publicité. À défaut, cela reviendrait à rogner sur le temps dont disposeront les consommateurs pour apprendre l’existence du jugement et décider de rejoindre le groupe de consommateurs concernés : avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 62
Supprimer les mots :
et accepté par les membres du groupe concernés
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à accélérer la procédure d’action de groupe une fois qu’un accord est trouvé avec le défendeur.
Aujourd’hui, le juge doit d’abord vérifier auprès de chacun des membres du groupe concerné s’il est d’accord avec l’accord trouvé avant de pouvoir homologuer celui-ci. Il s’agit simplement de prévoir que le juge puisse se dispenser de ce tour de table long et inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. La disposition proposée permettrait d’éviter que l’absence d’un accord parmi les membres du groupe n’allonge d’un an supplémentaire une procédure qui est déjà pluriannuelle. Nous avons constaté durant nos travaux que la lenteur de cette procédure expliquait en partie son bilan décevant : avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 75
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’instauration devant l’ensemble des juridictions d’un registre public des actions de groupe en cours, tenu et mis à la disposition du public par le ministère de la justice.
L’instauration d’un tel registre est une faculté prévue par l’article 14 de la directive 2020/1828 et non pas une obligation. Le choix a été fait de pas retenir cette option dans le cadre du présent projet de loi, dans la mesure où : d’une part, des mesures de publicité sont déjà imposées par la directive s’agissant des actions de groupe en cours, ce qui permet une information suffisante du public et relativise l’intérêt de ce registre ; d’autre part, l’instauration d’un tel dispositif suppose des moyens humains et financiers supplémentaires pour le ministère de la justice, ce qui pose une difficulté dans le contexte budgétaire actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Je ne vous cache pas que la commission des lois est sensible aux inquiétudes exprimées par le ministère de la justice.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de retenir la version du registre public des actions de groupe issue de l’Assemblée nationale et non pas la précédente version, élaborée au Sénat, qui était beaucoup plus exigeante.
Cela étant, la commission a cependant précisé qu’un décret en Conseil d’État, qui n’est pas un modèle de souplesse, déterminerait les conditions dans lesquelles ce registre sera institué. Elle a donc modifié à deux égards sa conception de ce registre pour tenir compte de la situation particulière du ministère de la justice.
Il ne serait pas souhaitable de l’écarter en supprimant l’alinéa 75 : avis défavorable.
En lisant en creux ces remarques, monsieur le ministre, vous comprendrez qu’un décret en Conseil d’État permet bien des choses…
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 78 à 82
Remplacer ces alinéas par un paragraphe ainsi rédigé :
VII bis. – À la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire, l’article L. 211-15 est ainsi rétabli :
« Art. L. 211-15. – Des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent des actions de groupe engagées en toutes matières sur le fondement de l’article 14 de la loi n° du portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes. »
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer une redondance inutile dans le code de l’organisation judiciaire.
La spécialisation des tribunaux judiciaires en matière d’action de groupe a été demandée par la commission dès l’adoption du rapport des sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung il y a quinze ans, en 2010. Nous souhaitons toutefois rappeler au Gouvernement qu’il serait bienvenu de ne pas désigner un trop grand nombre de tribunaux.
Cette procédure requiert les compétences spécifiques, nous le savons tous et l’avons souligné dans le rapport. Les justiciables devraient donc bénéficier d’une spécialisation mesurée, avec deux à huit tribunaux désignés. Nous suggérons de spécialiser en priorité les tribunaux de Paris et de Marseille, du fait de leur pratique des procédures pénales complexes. Les huit tribunaux judiciaires compétents en matière de criminalité organisée devraient aussi être privilégiés.
En outre, la rédaction proposée a le mérite de rapprocher les rédactions du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.