M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Grand. Ma question porte sur l’augmentation, envisagée par les États-Unis, des droits de douane sur le vin français.
Comme vous le savez, la région Occitanie, en particulier sa composante languedocienne, possède le plus grand vignoble de France. Sa production annuelle est de 16 millions d’hectolitres, ce qui représente près de 30 % de la production nationale. La viticulture est le deuxième secteur économique de la région, derrière le tourisme.
En 2022, les États-Unis représentaient 19 % des exportations en valeur ; ils représentent, plus que les autres pays importateurs de vin languedocien, un marché de valeur.
L’augmentation des droits de douane annoncée par le président des États-Unis comporterait notamment une taxation à 200 % des importations de vins et spiritueux français. Cela aurait des conséquences dramatiques pour notre région.
Cette nouvelle difficulté viendrait s’agréger à la pression déjà subie par ce marché en raison de la déconsommation de vin en France, mais aussi dans le monde. La Chine était venue compenser les pertes consécutives à la baisse de la consommation des pays du Nord, mais sa consommation de vin a à son tour baissé de 50 %.
Des droits de douane de 200 % causeraient l’arrêt immédiat des expéditions de vin vers le premier marché mondial, pour lequel il n’existe aucun marché de substitution. Cela causerait une perte de 4 milliards d’euros. L’impact de ce choc sur notre filière serait brutal, immédiat et irréversible.
Nous savons combien nos produits viticoles sont, dans le monde entier, un emblème fort de notre Nation. Aussi, il est compréhensible que vienne à l’esprit de certains dirigeants l’idée de faire peser des mesures de rétorsion précisément sur les vins français. Dans ce contexte, cibler le whisky, le bourbon ou les vins américains non seulement ne contribuerait pas à atteindre l’objectif fixé, mais placerait au contraire notre filière dans une plus grande fragilité encore.
Seule la diplomatie française, qui s’efforce d’apaiser les tensions internationales, peut contribuer à une révision de la politique douanière américaine, en particulier pour le vin.
Je remercie donc le Gouvernement de nous faire connaître l’état actuel des négociations avec l’administration américaine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Grand, je connais votre engagement de longue date en faveur de la filière viticole et, en particulier, le soutien que vous apportez aux vignerons de l’Hérault.
L’action du Gouvernement en la matière obéit à trois principes clairs et simples.
En premier lieu, nous devons répondre fermement et de façon proportionnée aux droits de douane supplémentaires qui ont été mis en œuvre de manière injustifiée par les États-Unis contre l’Europe sur l’acier et l’aluminium.
En deuxième lieu, il est indispensable que nous restions unis, au sein de l’Union européenne, pour soutenir la Commission dans sa réponse ferme et déterminée.
En troisième lieu, enfin, notre objectif est bien sûr la désescalade : nous devons faire comprendre de façon très claire aux États-Unis que recourir à une guerre commerciale et au protectionnisme ne serait dans l’intérêt de personne.
Je le rappelle, la proposition de la Commission européenne consiste en fait à reprendre les contre-mesures mises en œuvre en 2018 ; celles-ci incluaient plusieurs secteurs, de l’acier aux vêtements, aux motos, ou encore au bourbon. Nous avons demandé à la Commission d’adapter ces mesures de manière à tenir compte de la situation des vins et des spiritueux, dont vous avez souligné la spécificité.
Je relève que, pour l’instant, l’administration américaine n’a mis en place aucun droit de douane sur les vins et spiritueux ; la Commission européenne continue son dialogue avec les États-Unis.
Je voudrais enfin vous informer que le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est en ce moment même en Asie. Ce déplacement vise notamment à défendre les intérêts de la filière viticole française face aux mesures antidumping chinoises, parfaitement injustifiées, qu’elle subit. De ce côté-là aussi, nous cherchons des voies de désescalade. Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement en la matière. (MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et Claude Malhuret applaudissent.)
quatrième année d’internat en médecine générale
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, la loi du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 a instauré une quatrième année d’études spécialisées pour les médecins généralistes. Néanmoins, deux ans après, le flou persiste quant à l’opérationnalité de cette mesure. Comment l’expliquer ?
La nouvelle maquette de formation du diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été publiée au Journal officiel du 9 août 2023. Elle s’applique aux étudiants commençant leur cursus à compter de la rentrée 2023 ; les premiers concernés entreront donc en quatrième année à la rentrée 2026.
Depuis lors, il y a eu peu d’avancées concrètes, et des questions demeurent : quel statut pour ces docteurs juniors ? Quelle rémunération ? Quel accompagnement ?
Ces interrogations ont été fortement relayées par plusieurs parlementaires, monsieur le ministre, mais il est important d’acter votre réponse devant la Haute Assemblée.
Rappelons que l’objectif initial était de mieux former les médecins, mais aussi de les inciter à s’installer là où ils sont le plus nécessaires. Cette mesure doit constituer un levier essentiel de notre lutte contre les déserts médicaux, grâce à laquelle nous pourrons garantir l’accès aux soins de nos concitoyens, même dans les territoires sous-dotés. C’est donc un enjeu prioritaire.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement publiera-t-il les arrêtés permettant l’application de cette réforme essentielle pour l’accès aux soins de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nicole Duranton et MM. Bernard Buis et Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins. Monsieur le sénateur Cabanel, la quatrième année d’études spécialisées en médecine générale représente effectivement un sujet très important. Nous sommes pleinement engagés pour assurer la réussite de cette réforme.
Vous le savez, ce ne sont ainsi pas moins de 3 700 médecins généralistes supplémentaires qui pourront venir exercer dans nos territoires à partir du 2 novembre 2026. Nous avons eu ce matin encore une réunion sur ce sujet avec le Premier ministre. Il faudra naturellement évaluer l’opportunité de cette présence médicale dans les territoires quant aux soins supplémentaires qui pourront y être prodigués.
Naturellement, l’organisation territoriale est définie en lien avec les médecins auprès desquels ces étudiants effectueront leur quatrième année de spécialité de médecine générale. Cette année supplémentaire permettra à ces jeunes médecins de se familiariser avec l’exercice libéral, afin qu’ils puissent ensuite plus aisément s’installer dans ces territoires, en tant que médecins libéraux ou que médecins-assistants territoriaux.
Nous y travaillons avec l’ensemble des élus locaux, au travers notamment de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et de l’association Départements de France. Ainsi, pourront être offerts à ces stagiaires des logements et de bonnes conditions de vie dans ces territoires qu’il est important de leur faire connaître, car on ne s’installe pas là où l’on n’a jamais exercé.
Je précise que la rémunération des stagiaires sera modulée en fonction de leur participation à l’offre de soins et du niveau de sous-dotation des territoires. Certes, 87 % du territoire national peut être considéré comme un désert médical, mais certains territoires particulièrement sous-dotés requièrent une attention spécifique.
Enfin, nous espérons que cette année supplémentaire de formation contribuera, au sein de cette nouvelle génération de médecins, à une prise de conscience qui les conduira à s’organiser, comme cela se fait dans d’autres pays européens, pour assurer une meilleure prise en charge des patients dans tous les territoires.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je vous remercie, mais vous n’avez pas répondu à ma question précise : quand prendrez-vous les arrêtés organisant cette année supplémentaire de formation ?
Il est urgent de clarifier la situation, car l’inquiétude grandit dans les territoires, malgré une dynamique universitaire très forte. Tous nos élus ont des attentes légitimes en la matière.
L’énergie déployée par les collèges locaux de généralistes enseignants a ainsi permis de recruter massivement et rapidement les praticiens agréés maîtres de stage des universités (Pamsu). En 2024, ils ont été 13 800, soit un quart des médecins généralistes en exercice ; cela représente une progression de plus de 1 000 nouveaux praticiens agréés par an depuis 2021, selon le Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Les perspectives de recrutement des futurs Pamsu sont intimement liées aux arbitrages attendus pour le futur diplôme d’études spécialisées, ainsi qu’au futur statut des médecins maîtres de stage de ces docteurs juniors.
gouvernance d’edf (i)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre de l’économie, nous savions déjà que le gouvernement actuel, dans le prolongement de ses prédécesseurs et malgré nos demandes, ne voulait pas d’un débat parlementaire sur une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui traduirait la politique énergétique de la France.
Nous savons désormais que le Gouvernement ne veut pas non plus, ou ne peut pas, travailler avec le PDG d’EDF, Luc Rémont.
Pourtant, dans un contexte énergétique rendu très problématique par l’agression russe contre l’Ukraine et les difficultés du nucléaire historique, le PDG d’EDF a su mobiliser les personnels de l’entreprise pour la redresser et lancer les projets d’avenir attendus, qu’il s’agisse de la filière émergente du nouveau nucléaire ou du développement des énergies renouvelables non pilotables.
M. Rémont a souligné de façon abrupte – c’est inhabituel à ce niveau – l’impossibilité du dialogue sur le fond avec l’État. Visiblement, le différend est profond ! Il porte sur des questions aussi stratégiques que les niveaux d’objectifs ou la planification de trajectoires. Plus inquiétant, on relève des divergences sur les moyens financiers nécessaires à l’action.
Le PDG d’EDF a aussi évoqué les niveaux de prix trop bas demandés à EDF par certaines entreprises dans le cadre des contrats d’approvisionnement en électricité d’origine nucléaire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des explications sur ce profond différend stratégique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. Mickaël Vallet. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, je veux vous répondre sur plusieurs points.
Tout d’abord, la PPE a fait l’objet, depuis plusieurs années, d’un très grand nombre de consultations,… (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
MM. Fabien Gay et Yannick Jadot. Et le Parlement ?
M. Éric Lombard, ministre. … conformément à la loi qui a été votée par le Parlement, loi que nous appliquons et que nous continuerons d’appliquer.
Cette programmation, vous le savez déjà, prévoit que, pour atteindre notre objectif central, à savoir une économie décarbonée en 2050, nous développions à la fois le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Fabien Gay. On veut en débattre ici !
M. Éric Lombard, ministre. Ce cadre étant fixé, pour ce qui concerne EDF, la prochaine séquence s’appuiera, d’une part, sur la construction de six EPR (réacteurs pressurisés européens), suivant la décision du Président de la République et du Gouvernement, et, d’autre part, sur la mise en place d’une nouvelle politique commerciale en faveur des Françaises et des Français, mais aussi de notre secteur industriel.
À notre sens, Bernard Fontana, qui a été au cœur de ce projet industriel en tant que patron de Framatome – l’entreprise qui a construit les chaudières grâce auxquelles ces centrales vont fonctionner –, est idéalement placé pour poursuivre ce chantier à la tête d’EDF.
J’ai par ailleurs rendu hommage à Luc Rémont, qui a su remettre en fonctionnement l’ensemble des réacteurs, déployer une stratégie et organiser le financement des centrales, point sur lequel nous sommes en réalité tout proches d’un accord.
Il n’y a pas de divergence stratégique, et il ne peut pas y en avoir, entre EDF et l’État, qui détient 100 % de son capital. Nous avons simplement considéré, dans notre responsabilité, qu’après Luc Rémont, dont je salue une nouvelle fois le très bon bilan (Rires sur les travées du groupe SER.), Bernard Fontana pourra mener à bien la suite des travaux engagés ; naturellement, sa candidature devra être validée, aux termes de l’article 13 de la Constitution, par les commissions spécialisées de l’Assemblée nationale et du Sénat. (M. François Patriat applaudit.)
M. Fabien Gay. Il faut un débat !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Merci, monsieur le ministre, mais votre réponse nous laisse sur notre faim.
Cette situation inédite renforce l’intérêt, et même la nécessité, pour le Gouvernement de soumettre au débat parlementaire un projet de loi de programmation énergétique et climatique, comme vous le prévoyiez initialement.
Dans ce cadre, nous pourrions revenir sur les points de différend rendus publics par Luc Rémont et débattre de ces deux visions divergentes. Le Parlement ne peut pas être exclu de la définition de notre stratégie énergétique, cruciale pour notre pays dans un contexte de tensions géopolitiques extrêmes. La troisième version de la PPE que nous pourrions ainsi adopter n’en serait que plus robuste ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Philippe Grosvalet, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)
conflit israélo-palestinien
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, je rentre d’une visite en Israël et en Cisjordanie, accomplie en ma qualité de président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de représentant spécial de cette assemblée pour les affaires méditerranéennes.
Notre délégation a pu y rencontrer nombre de décideurs israéliens et palestiniens, ainsi que le patriarche orthodoxe grec de Jérusalem et des représentants de la société civile.
Sur le terrain, la situation demeure particulièrement tendue et bloquée. Israéliens et Palestiniens continuent de vivre dans un climat de grande insécurité et de défiance, alors que tous les otages n’ont pas été libérés.
L’Égypte a préparé une contre-proposition, soutenue par les dirigeants arabes, en réponse au projet du président Trump.
Monsieur le ministre, dans ce contexte, la France est-elle encore une voix audible au Proche-Orient ? Soutiendra-t-elle ce plan arabe et, si tel est le cas, de quelle manière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti et Daniel Chasseing, Mme Nicole Duranton et M. Akli Mellouli applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Monsieur le sénateur Allizard, je vous remercie de votre question. Vous connaissez l’engagement historique de la France dans la région.
Depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, la position de la France est très claire : nous défendons le respect du droit international humanitaire, la protection des civils, la libération inconditionnelle de tous les otages et un cessez-le-feu permanent pour retrouver les conditions d’un dialogue menant à deux États et assurant la souveraineté des Palestiniens aux côtés d’un État d’Israël vivant en sécurité.
C’est pourquoi nous soutenons les initiatives des médiateurs américains, qataris ou encore égyptiens visant à remettre les parties autour de la table après la rupture récente du cessez-le-feu, mais aussi le plan arabe dont l’objectif est de préparer le jour d’après et la gouvernance à plus long terme de la bande de Gaza. Nous nous employons, avec nos partenaires européens, à contribuer à cette perspective.
Cette gouvernance devra se faire sans le Hamas, mouvement terroriste ennemi d’Israël, mais aussi, bien sûr, ennemi du peuple palestinien.
Vous connaissez l’engagement de notre diplomatie à Gaza, au Liban et dans toute la région. C’est la voix indépendante de la France, une voix singulière de respect et de défense du droit international et de la paix. Vous pouvez compter sur notre engagement pour continuer à la faire entendre.
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
On voit ce qu’il reste de Gaza, que l’administration Trump rêve de transformer en Palm Beach sur les bords de la Méditerranée ou en Riviera, quitter à vider le territoire de sa population palestinienne. C’est bien entendu inacceptable !
Les habitants de la région aspirent à la paix, à la stabilité et à une vie normale.
Il me semble que la politique arabe de la France, sa parole singulière, héritée du général de Gaulle, doit redevenir notre boussole diplomatique. Il nous faut contribuer à créer les conditions d’une paix juste et durable pour les deux parties.
C’est, je le crois, cette voix équilibrée que le Président de la République doit faire entendre lors de son prochain déplacement en Égypte.
Nous ne pouvons plus assister en spectateurs aux événements mondiaux, comme c’est, hélas ! le cas pour les négociations en cours sur l’Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, GEST et CRCE-K.)
enseignement supérieur
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, à la Sorbonne, les chercheurs vous interpellent par ce témoignage : « nous n’avons plus les moyens d’assurer nos missions d’université publique. »
L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’est vu imposer une réduction drastique de 13 millions d’euros de ses budgets de fonctionnement et d’investissement, soit une chute de près de 50 %.
La non-compensation de charges par l’État, croissante ces dernières années, prend les universités à la gorge, alors que le nombre d’étudiants qu’elles doivent accueillir a explosé.
Cet abandon de l’université publique a pour conséquence de favoriser l’essor du secteur privé.
Surfant sur l’anxiété générée par Parcoursup et profitant de la manne financière offerte par la réforme de l’apprentissage de 2018, de nombreux acteurs tirent parti de la faible régulation du secteur pour maximiser leurs profits.
C’est le cas de Galileo, dont le système de maximisation des rendements, digne de celui d’Orpea, vient d’être révélé par la journaliste Claire Marchal : des étudiants traités comme de la marchandise, entassés dans des classes surchargées, quelquefois au mépris des normes de sécurité ; des frais de scolarité exorbitants pour des diplômes en carton et des enseignements parfois délivrés entièrement en ligne, ou par des intervenants sous-payés ; un accompagnement inexistant ; des taux d’insertion mensongers ; enfin des modifications unilatérales des prix.
Ces boîtes à fric exploitent l’angoisse ressentie par les jeunes et leurs familles face à des choix d’orientation cruciaux pour leur avenir.
Monsieur le ministre, vous avez missionné une inspection sur la transparence du fonctionnement de ces établissements. Ce n’est qu’un évident préalable, mais nous attendons des actions fortes : des contrôles a priori, une meilleure labellisation de ces formations, et des sanctions pour mettre fin aux pratiques commerciales abusives de ces boîtes à fric. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Chantrel, il est vrai que l’enseignement supérieur privé s’est développé de manière spectaculaire ces dernières années, en lien avec la réforme de l’apprentissage.
Les entreprises d’enseignement supérieur privé permettent de répondre aux besoins et aux désirs des familles, en offrant des formations très professionnalisantes.
La qualité est souvent au rendez-vous, mais elle ne l’est pas tout le temps. C’est pourquoi, dès notre entrée en fonctions au Gouvernement, la ministre d’État Élisabeth Borne et moi-même avons été extraordinairement attentifs à ce sujet.
Nous avons ainsi pris un arrêté de déréférencement permettant de retirer de Parcoursup un certain nombre de formations qui n’en respectaient pas la charte.
Par ailleurs, comme vous l’avez relevé, une inspection a été lancée pour s’assurer de la transparence des différentes entreprises du secteur de l’enseignement supérieur privé.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, nous travaillons, avec la ministre chargée du travail et de l’emploi, à une amélioration du label Qualiopi, marque de qualité essentielle pour les prestataires de formations. On intégrera à ce label des critères de qualité de la formation offerte, de manière à réguler efficacement le système qui s’est développé ces dernières années. Une telle régulation est absolument essentielle ; nous la devons aux jeunes qui s’engagent dans ces formations.
Je voudrais aussi rappeler que le coût, parfois très élevé, d’une formation n’est en aucun cas un gage de sa qualité.
Enfin, il faut bien entendu expliquer aux familles que les établissements du secteur public proposent aussi très souvent des formations répondant à leurs besoins.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vendredi dernier, l’Élysée a décidé de mettre fin – assez brutalement, il faut le dire – aux fonctions de Luc Rémont, président-directeur général d’EDF.
Sous sa direction, la situation financière d’EDF avait pourtant été assainie, et sa production rétablie. M. Rémont évoque des désaccords stratégiques sur le financement du nouveau nucléaire et la politique des prix.
Pouvez-vous préciser les raisons de ce choix, qui suscite de nombreuses interrogations ?
Pourquoi une décision aussi déterminante pour l’avenir énergétique de la France a-t-elle été prise sans concertation, sans explication de Matignon et sans débat devant la représentation nationale ? Cette méthode ne contredit-elle pas les articles 20 et 21 de la Constitution ?
Le rapport du député Antoine Armand avait pourtant identifié les erreurs passées et formulé des recommandations claires. Le Gouvernement envisage-t-il de s’en écarter, au risque de fragiliser le financement du nouveau nucléaire ?
Plus largement, la non-reconduction de M. Rémont semble mettre au jour des désaccords plus profonds que ceux qui portent sur le seul pilotage des futurs chantiers nucléaires.
Comment l’État entend-il donner à EDF un cadre stable et soutenable ? L’entreprise subit depuis deux décennies des injonctions contradictoires : d’abord, on exerce une pression à la baisse sur certains tarifs industriels, au risque d’être en deçà des coûts ; ensuite, on lui impose des prélèvements spécifiques, alors que l’entreprise reste soumise à la concurrence et à la nécessité d’investir ; enfin, elle devrait relancer le nucléaire malgré une dette dépassant 50 milliards d’euros.
Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que le projet Hercule, dont l’objet était un éventuel démantèlement d’EDF, mais qui a été abandonné il y a deux ans, ne sera pas remis sur la table ?
En conclusion, monsieur le ministre, quelle feuille de route entendez-vous confier à Bernard Fontana et en quoi diffère-t-elle de celle que Luc Rémont aurait refusée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, votre question me donne l’occasion de compléter les éléments que j’ai exposés en réponse à Mme Artigalas.
Oui, nous avons effectivement un certain nombre de désaccords avec Luc Rémont. Je n’en réitère pas moins l’hommage sincère que je lui ai rendu pour avoir remis en ordre la capacité de production d’EDF et avoir entamé la réorganisation de l’entreprise.
Cependant, nous aurions souhaité, conformément au cahier des charges qui lui avait été remis et à l’accord de novembre 2023, qu’EDF fasse montre de plus de réactivité dans la signature de contrats de long terme avec nos grandes entreprises industrielles consommatrices d’énergie. C’est un élément tout à fait substantiel du mandat qui avait été donné à M. Rémont.
Un autre désaccord portait sur le financement du nouveau programme nucléaire. Avec mon collègue Marc Ferracci, chargé de ce dossier, j’ai considéré que nous étions arrivés au terme de la négociation ; ce n’était pas l’avis du président-directeur général d’EDF.
Voilà, monsieur le sénateur, deux raisons de ne pas renouveler le mandat d’administrateur de M. Rémont. Cela, me semble-t-il, relève bien des pouvoirs du Gouvernement, étant naturellement entendu que la décision a été prise en accord total avec le Président de la République et le Premier ministre.
Pour la suite, le Parlement sera saisi, puisque la nomination à ce poste s’effectue selon la procédure définie à l’article 13 de la Constitution. Le mandat du nouveau PDG restera inchangé.
Nous souhaitons que celui-ci, si sa nomination est confirmée par les commissions spécialisées des deux assemblées, poursuive les discussions avec les industriels et nous espérons qu’elles soient alors plus propices à un accord que les précédentes.
Nous souhaitons aussi qu’il parachève l’organisation que Luc Rémont a commencé de mettre en place.
Enfin, nous souhaitons finaliser l’accord financier qui permettra de lancer la fabrication des six EPR, dont la réalisation est importante pour notre équilibre énergétique.
Il me semble donc que les règles ont été fixées. L’explication que je vous ai donnée justifie à mes yeux la décision que nous avons prise, dans l’intérêt d’EDF, de nos entreprises et du pays. (M. François Patriat applaudit.)