Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à rétablir la version du contrôle coercitif votée à l’Assemblée nationale. J’ai parfaitement conscience des difficultés et de la complexité de ce texte. Mais deux éléments me paraissent importants par rapport à la version de l’article 3 adoptée en commission.

Le premier avantage de la rédaction de l’Assemblée nationale est de faire du contrôle coercitif une infraction autonome, et pas simplement une circonstance aggravante du harcèlement sur conjoint.

Le second intérêt est de reconnaître pleinement les effets du contrôle coercitif sur l’ensemble des victimes, y compris sur les enfants, et de donner à la justice les outils nécessaires pour reconnaître, sanctionner et prévenir les comportements de contrôle.

Ce n’est pas un sujet facile et nous ne sommes pas au bout du travail. Mais il est important que le parlement français, après d’autres parlements dans le monde, parvienne à mieux articuler juridiquement les différents mécanismes qui permettent, encore aujourd’hui, aux hommes de dominer les femmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Ma chère collègue, vous connaissez les raisons pour lesquelles mon avis sera défavorable. En effet, vous rétablissez la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, avec le risque de censure constitutionnelle que nous avons déjà évoqué. Je pense notamment à l’emploi de termes qui ne sont pas juridiques : la « peur » ou la « crainte » de la victime, ou « la situation de handicap temporaire ».

On voit bien toute la difficulté d’inscrire dans la loi ce qui est au départ un concept sociologique. Pour autant, le travail que nous avons mené à la suite des auditions nous a permis de trouver, à notre sens, la bonne formule, qui fait du contrôle coercitif non pas une circonstance aggravante du harcèlement, mais bien l’un de ses éléments de caractérisation. L’article vise des « propos ou comportements répétés ». C’est le système du contrôle coercitif mis en place par les auteurs qu’il nous faut pouvoir dénoncer.

Faire entrer le contrôle coercitif dans notre législation est une avancée majeure : nous caractérisons juridiquement la notion, tout en laissant de la souplesse aux magistrats, qui auront la possibilité de l’interpréter, notamment sur le plan civil.

C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas réintroduit les dispositions en matière civile, notamment sur la question du retrait de l’autorité parentale, afin de laisser une latitude au juge aux affaires familiales (JAF). Les arrêts de la cour d’appel de Poitiers démontrent que le juge civil fait de plus en plus application du concept de contrôle coercitif ; on ne peut que s’en féliciter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Je suis l’avis des rapporteures. Je préfère que l’on s’en tienne à la rédaction trouvée en commission des lois, car elle est équilibrée : elle garantit une juste application de la loi.

Je serai défavorable aux amendements qui visent à réécrire l’article 3. Je demande le retrait de l’amendement n° 35 ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

familiale

insérer les mots :

ou professionnelle

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, nous voulons inclure dans la définition de l’infraction prévue à l’article 222-33-2-1 du code pénal les comportements ou les propos répétés ayant pour objet ou pour effet de restreindre gravement la vie professionnelle des victimes.

En effet, le contrôle peut aussi passer par le fait de contraindre une personne à ne pas travailler, à l’obliger à arrêter de travailler ou à quitter une formation. On lit malheureusement dans les colonnes des faits divers des journaux que la résistance des personnes à ce contrôle et à ces contraintes conduit souvent à des violences, voire à des féminicides.

Les conjoints violents cherchent fréquemment à nuire à la vie professionnelle de leurs compagnes. Cela leur permet de maintenir leurs victimes dans une situation d’emprise, de dépendance économique et matérielle.

Or c’est justement grâce à l’autonomie financière permise par la vie professionnelle qu’une victime pourra facilement, ou plus facilement, s’émanciper de son conjoint violent, et trouver de l’aide. Entraver sa vie professionnelle, c’est entraver son indépendance, sa possibilité de fuir, et de se reconstruire en cas de violence.

Pour mieux protéger les victimes des violences, il me semble donc opportun d’inclure l’entrave à la vie professionnelle dans l’ensemble des faits harcelants qui restreignent leur liberté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement. Il n’y a pas de divergence de fond entre nos collègues auteurs de cet amendement et la commission : nous souhaitons tous et toutes que les pressions destinées à empêcher une personne d’exercer normalement son métier, voire de l’exercer tout court, soient réprimées.

Je veux vous rassurer, ma chère collègue : la définition retenue couvre bien la vie professionnelle de la victime. Il va de soi que les hypothèses que vous avez décrites correspondent bien à un cas où l’auteur a entravé sur ce plan la vie quotidienne de la victime.

Au demeurant, notre code pénal ne connaît pas la notion de « vie professionnelle ». Pour reprendre les termes employés par la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre sociale du 19 octobre 2011, celle-ci est un concept qui ne tient pas au rapport entre deux personnes dans un couple, mais qui « comprend l’ensemble des faits dont la relation de travail constitue la cause ».

Une nouvelle fois, évitons d’inclure dans notre droit des notions étrangères qui, sous couvert de protection des victimes, auront pour effet de compliquer la mission des enquêteurs et des magistrats, d’autant que, je le répète, la définition que nous avons prévue prend en compte les cas que vous évoquez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Comme pour l’amendement précédent, je préfère que nous nous en tenions à la rédaction, adoptée par la commission des lois, qui sécurise le texte et permet de faire entrer dans la loi la caractérisation du contrôle coercitif. Cette notion est devenue un point de consensus, ce qui n’était pas forcément évident il y a encore quelques semaines ou quelques mois. C’est une avancée qu’il faut saluer.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Corbière Naminzo, l’amendement n° 23 est-il maintenu ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

psychologiques

insérer le mot :

, physiques

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous souhaitons inclure dans la définition de l’infraction les menaces ou les pressions physiques. Nous savons que la loi prévoit déjà de condamner les violences physiques. Cependant, il nous semble utile d’y ajouter les pressions et les menaces physiques.

En effet, une menace physique permet à un conjoint de maintenir sa victime dans la peur, menaçant ainsi sa liberté et sa vie personnelle. Une femme qui vit sous la menace d’être de nouveau violentée est, de ce fait, placée dans une situation de contrôle et de captivité. Le contrôle coercitif peut s’exercer au travers de ces pressions ou de ces menaces physiques. Ces pressions permettent aux conjoints de contrôler, d’asservir la victime, au même titre que des pressions ou des menaces psychologiques ou financières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’avis est défavorable.

Non seulement la notion de pressions physiques n’existe pas en droit, mais surtout je ne vois pas comment en pratique elle serait distinguée des violences de toute nature. Je précise que le contrôle coercitif a été placé sous le chapitre relatif au harcèlement, car il peut se cumuler avec des violences.

Ne mélangeons pas les choses, nous risquerions d’aboutir à un dispositif trop limitatif ! Laissons le contrôle coercitif tel que nous l’avons défini, dans le chapitre que j’ai mentionné : je le redis, il n’est pas nécessaire de prévoir la notion de « pressions physiques », car elle pourrait venir en concurrence avec des violences de toute nature qui sont déjà prévues par le code.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

Psychologiques

insérer le mot :

, numériques

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement nous permet de compléter la définition du contrôle coercitif en prenant en considération les menaces ou les pressions numériques sur les victimes.

En effet, le contrôle coercitif s’exerce également par les détournements de technologies pour organiser ou intensifier le contrôle, au travers d’une surveillance numérique avec des GPS, des logiciels espions, mais aussi du cyberharcèlement, de la manipulation d’objets connectés, de la création de fausses identités ou réalités, et de la diffusion non consentie d’informations privées. Le but est de renforcer l’isolement et la peur des victimes.

Mais les agresseurs détournent aussi les outils à des fins de chantage ou de manipulation psychologique, ou encore pour perturber les relations des victimes avec leurs proches ou entraver leur vie professionnelle.

Ces comportements ont pour conséquence d’aggraver l’impact psychosocial du contrôle coercitif. Le Centre Hubertine Auclert révèle que 42 % des femmes victimes de violences conjugales restreignent leur activité numérique pour échapper à la surveillance, ce qui a des conséquences sur leur travail et leur liberté d’expression.

Nous vous proposons donc de renforcer la définition du contrôle coercitif afin qu’elle protège mieux les victimes face aux enjeux du numérique. J’ajoute qu’il est difficile d’apporter des preuves d’une fraude aux prestations sociales, d’un détournement d’allocations familiales ou d’un usage frauduleux des polices d’assurance, même lorsque ces actes sont constatés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. L’objectif de l’amendement est parfaitement légitime sur le fond, mais il est satisfait par la rédaction adoptée par la commission des lois.

Je ne voudrais pas qu’il y ait une confusion : les pressions psychologiques visées par le texte de la commission peuvent être exercées par tous moyens. Qu’elles soient numériques, écrites ou verbales, elles pourront être réprimées, quelle que soit la forme qu’elles prendront. Prévoir des cas limitatifs présente le risque d’en exclure certaines situations.

Par ailleurs, ma chère collègue, l’objet de votre amendement vise des faits déjà réprimés au titre d’infractions existantes dans le code pénal, qui sont d’ailleurs sanctionnés avec des quantums de peine plus élevés.

Pour ces différentes raisons, l’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous avez justement décrit ce qu’est le contrôle coercitif. Mais il faut éviter de tomber dans l’écueil de dresser une liste, car il y a toujours le risque d’oublier un critère.

La rédaction de la commission prévoit une caractérisation plus générale qui englobe l’ensemble des critères. Ce que vous avez évoqué, c’est bien l’un de ces critères manifestes du contrôle coercitif. J’y insiste, je crains qu’avec une liste nous n’oubliions des critères pertinents.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, sinon l’avis sera défavorable.

M. le président. L’amendement n° 26 est retiré.

L’amendement n° 24, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

financières

par le mot :

économiques

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, nous souhaitons remplacer la mention de pressions et menaces « financières » par celle de pressions et menaces « économiques », dont la définition me semble plus large.

La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, dite convention d’Istanbul, ratifiée par la France en 2014, intègre la violence économique dans la définition des violences conjugales.

Les pressions économiques du conjoint peuvent prendre diverses formes. Concrètement, elles peuvent se traduire par une mainmise administrative du conjoint, qui aurait, par exemple, la gestion exclusive des comptes bancaires, par le contrôle total des ressources du couple, ou par la privation de ressources plaçant la femme en situation de demande, même pour les achats quotidiens de la famille. Ces pressions économiques peuvent également passer par la mise en danger du patrimoine familial et personnel de la femme.

Nous savons que ces situations sont, hélas ! trop nombreuses. Le terme de « pressions et menaces économiques » présente un double intérêt. En premier lieu, il se rattache à une notion juridique déjà définie en droit international. En second lieu, il englobe davantage de situations pratiques, y compris les pressions financières.

Remplacer le terme « financières » par le terme « économiques » permettra donc, selon nous, de mieux protéger les victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Ma chère collègue, le même raisonnement que pour l’amendement précédent me conduit à vous demander de retirer votre amendement, sinon l’avis sera défavorable.

La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation ne connaît pas la notion de pressions économiques. Par conséquent, il ne serait pas judicieux d’insérer cette notion dans le code pénal, car il n’y a pas, dans cette matière, de définition établie par les praticiens.

Sur le fond, je ne peux que vous rassurer une nouvelle fois : contrairement à la notion de pressions économiques, la jurisprudence connaît celle de pressions financières. Elle en a déjà donné une définition large. Je prendrai un exemple : la pression financière peut être caractérisée lorsque l’auteur exploite la situation de dépendance économique de la victime. La substitution entre les deux notions semble donc inutile.

Enfin, je vous rappelle que l’infraction de harcèlement sur conjoint, telle qu’elle est précisée par l’article 3, aura pour objet ou pour effet de « contraindre la vie quotidienne de la victime ». La formulation que nous avons choisie permet de couvrir ces différents cas, notamment celui où la victime est empêchée d’utiliser normalement ses comptes bancaires, ce qui est malheureusement une réalité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Autant sur les amendements précédents de notre collègue j’ai pu comprendre la logique de la commission et suivre les explications et les avis de la rapporteure, autant là je pense que c’est Mme Corbière Naminzo, l’auteure de l’amendement, qui a raison.

En effet, elle souligne, à juste titre, que le terme « économique » est plus large que « financier ». En matière de violences faites aux femmes, on parle d’ailleurs de « violences économiques ». Ce mot est beaucoup plus efficace que le terme « financier ».

Mesdames les rapporteures, ce n’est pas parce que la ministre est d’accord avec votre rédaction, qui a fait l’objet d’un consensus et a été votée en commission, qu’il ne faut pas en changer. Ce ne serait pas du bon travail parlementaire.

Soit vous modifiez votre texte pour prévoir les pressions à la fois économiques et financières, soit nous adoptons l’amendement n° 24. Car c’est notre collègue qui a prévu la rédaction la plus large, et la vôtre qui est la plus restreinte. Or il faut retenir la version la plus étendue.

Vous avez évoqué le fait que ni la jurisprudence ni le code pénal ne connaissaient la notion de pressions économiques. Mais nous votons dans l’hémicycle des dispositions que la jurisprudence ne connaît nullement et qui n’ont jamais figuré dans le code pénal. Faisons preuve de créativité et adaptons le code pénal napoléonien, qui n’est tout de même pas le meilleur outil pour lutter contre les violences faites aux femmes – on en conviendra ! (Mmes Mélanie Vogel et Laure Darcos sen amusent.) Voyons la situation avec nos yeux de 2025.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’irai dans le même sens que ma collègue Laurence Rossignol. Cet amendement est, je le crois, juste : la situation financière et la situation économique sont deux choses différentes, tout comme les pressions financières et les pressions économiques.

Je suggère que l’auteure de l’amendement rectifie son amendement pour prévoir, à la fois, les pressions économiques et financières.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je suis contente d’avoir pu ouvrir le débat et de constater que nous voulons faire au mieux dans l’intérêt des victimes.

Monsieur le président, je souhaite donc rectifier mon amendement pour prévoir les deux notions : « économiques et financières ».

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Si l’on écrit « et », on restreint encore plus le champ. Pour que les deux notions soient prises en compte, il faut que ce soit : « économiques ou financières ».

M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Varaillas et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, et ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

ou financières

par les mots :

, économiques ou financières

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ainsi rectifié ?

Mme Elsa Schalck, rapporteure. Au vu du débat que nous venons d’avoir, il est évident que les termes ne sont en effet pas similaires. La notion de « pressions économiques » est plus large : elle est d’ailleurs utilisée par d’autres chambres de la Cour de cassation, même si elle ne figure pas dans le code pénal, ce qui représente tout de même une difficulté.

J’émets donc un avis de sagesse sur l’amendement n° 24 rectifié : la modification permet d’éviter une condition cumulative qui serait limitative.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Je remercie Mme de La Gontrie pour son intervention.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Bazin, Mmes Bellurot et Lassarade, MM. Bouchet, Milon et Panunzi, Mmes O. Richard, Ventalon et Dumas, M. Rapin, Mme Billon, MM. Cambon et Belin, Mmes de La Provôté, Carrère-Gée et Goy-Chavent, M. Paccaud, Mmes Muller-Bronn, Micouleau et Eustache-Brinio, M. Henno, Mmes Vermeillet, Guidez et Jacquemet et M. Longeot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est constitutif d’une pression psychologique, au sens du présent texte, les propos ou les actes visant à induire la crainte pour une personne, de maltraitances exercées sur un animal avec lequel elle entretient un lien affectif.

La parole est à M. Arnaud Bazin.

M. Arnaud Bazin. Un animal domestique, chien ou chat, est présent dans 50 % des foyers français, et donc dans 50 % des foyers où il y a des violences. Le concept d’« une seule violence » montre qu’une personne violente l’est dans toutes les dimensions, envers tous les êtres vulnérables de son foyer – la conjointe, les enfants et donc, accessoirement, les animaux domestiques –, comme l’ont largement prouvé des études statistiques anglo-saxonnes.

Nous en avons d’ailleurs pris acte : dans la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale, nous avons prévu que, lorsqu’il y a des maltraitances constatées par une association de protection animale à l’égard d’un animal d’un foyer où vivent des mineurs, une information est obligatoirement transmise à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (Crip) du département. On craint, en effet, des violences sur les enfants.

Dans le cadre de l’article sur ce qui était d’abord le contrôle coercitif, j’ai souhaité que soient prises en compte, en tant qu’élément de pression, les menaces de maltraitance sur les animaux domestiques, qui sont une forme de pression sur la victime. Mais j’ai bien compris que la commission avait souhaité prendre en compte cette question dans le cadre du harcèlement, en me renvoyant à la notion de menaces, de pressions psychologiques.

Néanmoins, comme ces questions ne sont pas du tout passées dans les mœurs et les habitudes des magistrats, il me paraît intéressant de préciser les choses. Je propose donc d’insérer l’alinéa suivant : « Est constitutif d’une pression psychologique, au sens du présent texte, les propos ou les actes visant à induire la crainte pour une personne, de maltraitances exercées sur un animal avec lequel elle entretient un lien affectif. » Cela permettra aux juges de prendre plus facilement en compte cette problématique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Mon cher collègue, nous vous avions accompagné dans votre démarche lorsqu’il s’était agi de faire décider par le juge, en cas d’ordonnance de protection, qui aurait la garde des animaux. Là, il s’agit de tout autre chose : on intégrerait dans les pressions psychologiques un type très spécifique de pressions.

Premièrement, sur le fond, l’amendement est satisfait : je vous confirme que la menace de maltraitance sur un animal est bien constitutive d’une pression psychologique. En témoigne, par exemple, un arrêt de la cour d’appel de Rouen, dont la chambre sociale a établi, en 2017, qu’étaient constitutives de pressions les manœuvres tendant à faire croire à une salariée qu’elle obtiendrait la restitution de son animal de compagnie si elle démissionnait d’une entreprise.

Deuxièmement, le mieux est l’ennemi du bien : la rédaction proposée risque de poser davantage de difficultés qu’elle n’apportera de solutions, ce qui irait à rebours de l’objectif, ô combien légitime, que vous recherchez.

En effet, la notion de pressions psychologiques est appréciée de manière large et plastique par les magistrats. Ceux-ci ont par exemple considéré, dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en septembre 2020, comme un acte d’humiliation – cet exemple va peut-être faire rire certains d’entre vous, mes chers collègues – le fait, entre autres, de convier des go-go dancers à l’anniversaire de son épouse. (Mme Laure Darcos éclate de rire.) Dans une décision du 8 mars 2010, le tribunal judiciaire de Paris a estimé que le fait de faire croire à la victime que l’auteur possédait des dons divinatoires relevait de pressions psychologiques.

Comme pour la notion de contrôle coercitif, on lierait les mains des juges du fond si l’on adoptait une définition trop précise des pressions psychologiques. On pourrait d’ailleurs s’étonner que soient cités dans la loi les animaux, mais pas les enfants ou les autres proches de la victime. Il vaut donc mieux faire confiance au juge pour avoir une acception assez large de la notion de pressions psychologiques.

Troisièmement, l’amendement tel qu’il est rédigé vient ajouter une charge probatoire qui n’a pas lieu d’être puisque, avec une telle précision, on pourrait débattre du lien affectif entre la victime et l’animal, ce qui serait source de complexité et rendrait la répression plus incertaine.

Quatrièmement, enfin, l’amendement comporte, comme l’article 3 tel qu’il avait été rédigé initialement, des termes inconnus du code pénal comme « crainte » et « lien affectif », qui ne pourront donc pas valablement être utilisés.

Je demande donc le retrait de l’amendement. Il est néanmoins important que notre débat figure dans le compte rendu de nos travaux, car cela me permet de préciser de nouveau qu’exercer des menaces sur un animal constitue une pression psychologique, laquelle doit être poursuivie à ce titre. Mais laissons les magistrats juger de ce qui constitue des pressions psychologiques, dont je vous ai déjà donné un aperçu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Bazin, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?

M. Arnaud Bazin. Je vais me rendre à votre avis, madame la rapporteure, mais je signale qu’il s’agit d’une pression psychologique particulièrement répandue. Des études montrent que, dans 50 % des cas, l’épouse a retardé son départ du foyer familial en raison de menaces sur l’animal. Cette situation est extrêmement dangereuse, vous le savez bien, car plus longtemps la victime restera au domicile familial, plus elle sera en danger et plus le risque de féminicide augmentera.

J’ai entendu vos arguments, mais il est essentiel que, à chaque fois que nous aurons à débattre de ces questions, on pense à prendre en compte les animaux domestiques. Il faut que ce point figure dans le compte rendu de nos travaux et que ce genre de situations soit enseigné aux magistrats pour qu’ils puissent prendre en compte cette problématique le moment venu.

L’animal est une très bonne sentinelle du climat de violence dans la famille, qui peut s’exercer d’ailleurs vis-à-vis tant de l’épouse que des enfants. Cette question n’est pas du tout anecdotique ; 50 % des foyers sont concernés, et les conséquences peuvent être extrêmement graves. Il faut donc la marteler pour la faire entrer dans l’esprit des magistrats.

Vous avez bien voulu le rappeler, nous en avons tenu compte dans le cadre de l’ordonnance de protection sur ma proposition, afin de permettre aux juges de statuer et de retirer cet objet de chantage à l’auteur des menaces. Nous aurons certainement d’autres occasions d’évoquer ce sujet. Il est donc tout à fait important que notre débat soit consigné. Moyennant quoi, je me rends à vos arguments et retire cet amendement.