M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Fernique, le Gouvernement a pris ses responsabilités et fait son job !

Ce sont ce gouvernement et ses prédécesseurs qui ont mis en place un plan sur les PFAS, voilà plus de deux ans, avant même que la loi ne soit évoquée. Ce plan a permis de mesurer les rejets dans le milieu aqueux dans 2 900 sites industriels et de fixer aux 200 sites industriels les plus émissifs des régulations et des obligations de réduction des pollutions aux PFAS, qui, c'est vrai, affectent durablement les milieux, donc potentiellement notre eau potable.

Vous l'avez souligné, à Saint-Louis et dans son agglomération, les habitants ne peuvent plus boire d'eau potable en raison de l'emploi de mousses anti-incendie lors d'exercices dans un aéroport. Il s'agit d'un usage classique de ces produits dans le cadre de la politique de maîtrise des risques.

Cette situation montre qu'il faut accroître notre connaissance des usages des PFAS pour remplacer ceux qui peuvent être évités. Je vous confirme que nous travaillons actuellement sur les décrets permettant d'interdire ces produits dans les produits cosmétiques et les vêtements, hors vêtements de sécurité, de façon à écarter ces usages, qui sont à faible enjeu. Nous le faisons naturellement en lien avec les entreprises industrielles, afin de les accompagner dans l'organisation de la phase intermédiaire et la gestion de leurs stocks.

Je vous confirme également que j'ai demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) des études sur 34 PFAS que nous recherchons dans l'eau potable, élargissant ainsi le champ de cette recherche.

Je vous confirme enfin que nous prélèverons une redevance supplémentaire à la redevance pour pollution sur le sujet spécifique des PFAS, à partir du 1er janvier 2026.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour qu'il s'implique dans la résolution de cette question et porte une voix forte à l'échelon européen, afin de prévenir plutôt que de guérir ces pollutions coûteuses. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Je vous remercie, madame la ministre, de votre implication, notamment au sujet des décrets.

Toutefois, qui paiera le traitement à Saint-Louis ? Nos collectivités, en première ligne, ont besoin d'une action gouvernementale cohérente et rapide. Les PFAS sont persistants et tenaces : soyons-le aussi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

agression de sapeurs-pompiers en haute-savoie

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Samedi dernier, alors qu'il tentait de mettre fin à un rodéo urbain, un sapeur-pompier d'Évian a été volontairement fauché par un multirécidiviste âgé de 19 ans, avec une violence inouïe. Quelques minutes plus tard, ce même délinquant, bien connu des services, est revenu cracher sur la victime qui gisait au sol. Ce pompier volontaire de 38 ans, père de famille, est encore aujourd'hui dans un état très grave. J'ai une pensée pour lui et pour sa famille.

Le lendemain, toujours en Haute-Savoie, deux sapeurs-pompiers ont de nouveau été pris à partie, par un individu qui les a frappés alors qu'ils soignaient sa femme enceinte…

Monsieur le ministre, nous faisons face non pas à des faits divers, mais à des faits de société abominables, qui en disent long sur le niveau de décivilisation où nous sommes arrivés. Le pays a atteint un point de bascule en matière de sentiment d'impunité. Quand on est capable de faucher volontairement un pompier donnant de son temps pour secourir et sauver son prochain, c'est qu'il n'y a plus de limites en France !

C'est une réalité : ces délinquants, ces barbares n'ont plus peur de la justice ni de la loi. Ils savent que, aussitôt arrêtés, ils ressortiront libres, sans avoir rien compris ni rien appris.

Aussi, ma question est simple : quand le Gouvernement prendra-t-il enfin les mesures de fermeté qui s'imposent pour mettre un terme à cette escalade de l'horreur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je répondrai en lieu et place de mon collègue garde des sceaux, qui se trouve actuellement avec le Président de la République. Ils commémorent le crime commis à l'endroit de deux agents pénitentiaires lors de l'évasion de M. Amra.

Vous avez raison, et j'ai d'ailleurs employé les mêmes termes à vos côtés, il y a deux semaines : cette tentative d'homicide, comme l'a très bien qualifiée le procureur de la République, est non pas un fait divers, mais un fait de société. Plus choquant encore, le voyou, après avoir percuté le sapeur-pompier à toute vitesse, a fait demi-tour, baissé la vitre de sa voiture et craché sur la victime et sur le camarade qui était en train de porter secours à celle-ci. C'est absolument inadmissible.

Je pense – une fois encore, vous avez parfaitement raison – qu'il faut des réponses à la hauteur de la gravité des événements.

Pour commencer, je vous donnerai trois chiffres : ce voyou a 19 ans, quinze antécédents judiciaires et il a passé moins de six jours en prison – et encore, il s'agissait de préventive !

La question de l'hyperviolence, notamment celle des mineurs, ne sera pas réglée sans une réforme pénale, je dirais même sans une révolution pénale. En effet, on a choisi d'enfermer tous ces jeunes dans de longs parcours de violence, car la sanction qui suit les crimes de sang tombe souvent trop tardivement. Pour la victime comme pour eux-mêmes, il est alors trop tard pour rattraper les choses. J'appelle depuis longtemps cette réforme de tous mes vœux.

La doctrine face aux rodéos dépend toutefois du ministère de l'intérieur. Elle est double : d'un côté, la police et la préfecture de Paris donnent le droit de poursuivre les véhicules ; de l'autre, dans le reste de la France, la gendarmerie et la police nationale n'autorisent pas les poursuites. La circulaire que je signerai dans quelques jours visera à autoriser en cas de rodéo sur l'ensemble du territoire les poursuites, qui devront bien sûr se faire dans des conditions garantissant la sécurité.

J'ajoute que le Gouvernement a accompli d'importants efforts : le nombre de véhicules confisqués est en hausse de 55 % depuis six mois. Depuis un an, le nombre de personnes interpellées a augmenté de pas moins de 52 %. Comptez sur ma détermination ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Loïc Hervé et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, la France figure actuellement à la première place du triste palmarès des pays les plus violents d'Europe.

La majorité présidentielle doit maintenant ouvrir les yeux sur cette France Orange mécanique (M. Rachid Temal s'exclame.), qui gangrène notre société et l'enfonce chaque jour un peu plus dans l'abject ! Que faisait cet individu en liberté après quinze condamnations ?

Les Français attendent de nous un véritable choc d'autorité : réforme réelle et profonde de la justice des mineurs pour mettre fin à ces parcours délinquants, rétablissement des peines planchers, fin des remises de peine, application ferme et rigoureuse de la loi par les magistrats, construction rapide des 15 000 places de prison promises par Emmanuel Macron, réarmement de nos tribunaux pour une justice rapide et efficace. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

insécurité et lutte contre la criminalité organisée à fort-de-france

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. Frédéric Buval. Le groupe RDPI s'associe à l'hommage national rendu aux agents pénitentiaires tués à Incarville.

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, je vous interroge aujourd'hui avant de l'être à mon tour par les mères de famille martiniquaises, qui se demandent pourquoi il faut toujours attendre qu'il advienne un drame pour que les demandes de moyens supplémentaires en outre-mer deviennent légitimes et acceptables. Comment leur expliquer que, en plein cœur de Fort-de-France, on peut impunément tuer trois personnes lors d'une fusillade impliquant des armes de guerre ?

La sidération est générale en Martinique, car la situation sécuritaire devient de plus en plus préoccupante aux Antilles. Force est de constater que, en dépit de la mobilisation de l'État et des élus, rien ne semble arrêter l'escalade de la violence qui embrase désormais tout l'arc caribéen.

En effet, cette tragédie du dimanche 11 mai s'inscrit dans un contexte de recrudescence significative des tentatives d'homicide. Depuis le début de l'année, on déplore déjà en Martinique douze homicides, soit un par semaine, principalement liés à des règlements de comptes et au trafic d'armes ou de drogue.

La Martinique, en raison de sa position géographique, est devenue la principale porte d'entrée de la drogue en Europe, devant la Guadeloupe et la Guyane.

Que dire aux familles endeuillées ? Comment ne pas partager la colère et, surtout, l'inquiétude de la population face à l'indicible sentiment d'insécurité, qui gangrène peu à peu la confiance de nos compatriotes de Martinique dans l'État de droit ?

Bien sûr, il faut plus de moyens matériels et humains pour la police, la gendarmerie et la justice. C'est indispensable pour restaurer à court terme l'autorité et l'ordre public. Néanmoins, face à une jeunesse désœuvrée et en perte de repères, il est tout aussi urgent, sur le long terme, de proposer des modèles positifs d'émancipation, c'est-à-dire des modèles autres que l'exil ou la débrouille, notamment par la prévention, l'emploi, la formation, le sport ou la culture.

Un renforcement des contrôles et des patrouilles est prévu, mais ces redéploiements se font à moyens constants. Aussi, ma question est simple : quelles sont les mesures supplémentaires que le Gouvernement envisage de prendre rapidement pour lutter contre l'enracinement en Martinique de réseaux criminels bien organisés et alimentés par des trafics internationaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Catherine Conconne et M. Jérôme Durain applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je partage entièrement votre constat. La fusillade du week-end dernier, qui a causé trois morts, est inacceptable.

Dès mon arrivée à Beauvau, j'ai tenu à déployer plus de 3 700 gendarmes et policiers. Ces agents ont permis de répondre immédiatement – cela a été une question de jours – au crime que vous mentionnez : déploiement de deux pelotons de gendarmerie, renforcement des patrouilles et opérations de confiscation des armes sous l'autorité judiciaire, grâce à des fouilles systématiques.

Le Gouvernement pense que le réseau de vidéosurveillance n'est pas assez dense. Le préfet se tient à la disposition du maire pour apporter son aide en la matière.

Vous avez également raison de dire que ces fusillades ont quelque chose à voir avec les narcotrafiquants. Les Antilles, particulièrement la Martinique, sont une zone de transit toute proche des pays producteurs, permettant de livrer de la drogue en Europe ou en Amérique du Nord.

Il y a quinze jours, j'ai envoyé le directeur général de la police nationale sur place pour une mission dont il me rendra compte en me formulant des propositions. Je peux d'ores et déjà vous faire trois annonces très importantes en matière de surveillance des accès à la Martinique, afin d'améliorer cette dernière.

Premièrement, à des fins de surveillance maritime et côtière, le Gouvernement déploiera trois bateaux supplémentaires et 140 gendarmes, puis, à l'automne prochain, un drone de longue portée et deux radars de surveillance, technologiquement très efficaces.

Deuxièmement, il sera procédé dès ce week-end à des contrôles au sein de l'aéroport sur 100 % des passagers. En effet, les trafiquants saturent désormais de mules les avions.

Troisièmement, et enfin, d'ici à quinze jours ou trois semaines, le Gouvernement équipera d'un scanner mobile le grand port maritime, ce qui permettra de mieux contrôler les containers.

Ces dispositifs sont, à mon avis, de première nécessité. Mais le Gouvernement ne s'arrêtera pas là. J'attends les propositions du directeur général de la police nationale dans le cadre de sa mission spécifique antidrogue à la Martinique et dans les Antilles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

préparation du projet de loi de finances pour 2026

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

Lundi, Matignon indique que le Gouvernement envisage de proposer au Président de la République l'organisation d'un référendum sur le budget pour 2026.

Mardi, l'Élysée laisse entendre que ce n'est pas à l'ordre du jour.

M. Laurent Somon. Mercredi, le Président de la République exclut toute procédure référendaire en matière budgétaire et fiscale, ne souhaitant pas dessaisir le Parlement, mais déclare dans le même temps qu'un référendum sur la politique économique pourrait être proposé…

Jeudi, Bercy appelle les sénateurs pour leur proposer la constitution de groupes de travail thématiques sur le projet de loi de finances (PLF) 2026, afin de prendre en compte les attentes du Parlement.

Vendredi, Bercy continue de détricoter méticuleusement nos propositions, comme le dispositif de lutte contre la fraude aux dividendes adopté à l'unanimité par le Sénat lors du dernier examen budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Laurent Somon. Aussi, monsieur le Premier ministre, y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Laurent Somon, le copilote va vous répondre, sous l'autorité du pilote, qui est le Premier ministre. (Sourires.)

La méthode du Gouvernement n'a pas changé : dès son arrivée à Matignon, le Premier ministre a demandé à mon ministère qu'un dialogue ait lieu. Celui-ci se poursuit dans toutes ses dimensions.

Tout d'abord, en matière de sécurité sociale – retraites, santé… –, il prend la forme du conclave, pour reprendre le terme adopté, qui se déroule en ce moment. Il avance en toute autonomie. Nous en verrons les résultats dans quelques semaines.

Ensuite, le Premier ministre et l'ensemble des membres du Gouvernement ont engagé une revue des politiques publiques de l'État, de façon à maîtriser la dépense dans le projet de loi de finances qui sera proposé au Parlement à la rentrée.

Enfin, en matière d'organisation territoriale, sous l'autorité du Premier ministre et du ministre François Rebsamen, mon ministère a engagé le 6 mai dernier une concertation avec les associations représentant les élus de toutes les strates de collectivités locales, afin de déterminer comment ces dernières peuvent contribuer à l'effort commun.

Je rendrai compte de ces concertations au Premier ministre, qui rendra ses arbitrages avant l'été prochain.

Dans le même temps, mon ministère dialoguera, comme il l'a fait pour l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 malgré des délais réduits, avec l'ensemble des parties qui le souhaitent, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, de façon à préparer le texte qui, de façon normale, sera présenté aux députés à la rentrée.

Les choses se déroulent comme prévu, de façon organisée et méthodique. Mon ministère rendra compte régulièrement au Sénat des avancées de ce processus. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. D'après Alphonse Karr, « l'incertitude est le pire de tous les maux, jusqu'au moment où la réalité vient nous faire regretter l'incertitude ». Nous y sommes !

L'incertitude se retrouve, d'une part, dans la définition d'un cap et d'objectifs nationaux qui ne soient pas que des discours et qui mènent à des réformes, et, d'autre part, dans la conduite de nos politiques. Organisées, ces dernières gagneraient en cohérence, donc en efficacité.

Ne revivons pas cette période au cours de laquelle le Président de la République regardait le Premier ministre comme – je cite le verbatim d'un conseiller de l'Élysée d'alors, que chacun reconnaîtra – « un athlète pliant sous la charge de 200 kg, marchant sur une planche étroite au-dessus d'un ravin. » Je me dis que si l'athlète s'en sort indemne, la prochaine fois, le Président fera passer la charge à 400 kg. Quant à la planche, elle sera remplacée par un fil !

D'aucuns estiment que « sans l'incertitude, l'aventure n'existerait pas ». Lorsqu'elle est d'essence poétique ou amoureuse, l'incertitude est passionnante, mais, dans les circonstances « confli-actuelles », elle est anxiogène, pour reprendre un terme employé par le Président du Sénat.

Il est temps non plus de partir à l'aventure, mais d'affronter les réalités. Parler, c'est bien ; agir, c'est préférable ! Aussi, monsieur le Premier ministre, employez votre ardeur à vous mettre en action ! Proposer un dialogue dans toutes ses dimensions, c'est bien, mais avoir une direction, c'est mieux !

Redonnez un cap, relevez la ligne d'horizon de notre pays, mettez-vous en harmonie avec les autres membres du Gouvernement et donnez à tous des espérances, de sorte que l'avenir soit résolument plus rassurant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

situation de la nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Mes pensées vont, pour commencer, aux Néo-Calédoniens. Depuis maintenant une année, jour pour jour, ces derniers vivent une grave crise politique : quatorze personnes sont mortes, dont des gendarmes, les dégâts se chiffrent à 2 milliards d'euros, les émeutes ont duré des semaines, l'économie est au bord du chaos, la jeunesse est désœuvrée, la population s'inquiète, des ingérences étrangères se font jour, l'image de la France dans l'Indopacifique est dégradée. Telle est la situation que vivent nos concitoyens.

Monsieur le ministre des outre-mer, le 30 avril dernier, vous indiquiez que c'était « l'accord ou le chaos ». D'accord, il n'y a pas eu…

Aussi, j'ai deux questions.

Tout d'abord, quels étaient vos objectifs au travers de votre proposition d'État associé ? Il est important de les spécifier devant la représentation nationale.

Ensuite, l'exécutif – Président de la République, Premier ministre et Gouvernement – avait-il des propositions concrètes pour sortir de la crise ? J'y insiste, nos concitoyens ne peuvent pas rester plusieurs semaines ou plusieurs mois sans solution.

Je le répète, cette crise met à mal la population de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Rachid Temal, vous avez très justement décrit la situation de la Nouvelle-Calédonie.

Depuis un an – en ce qui me concerne, depuis plusieurs mois –, le Gouvernement travaille au redressement du territoire, grâce à un soutien qui se chiffre à 3 milliards d'euros pour la seule année 2024. Il continuera en ce sens, en se penchant sur les indispensables réformes économiques et fiscales.

Par ailleurs, il assure, sous l'autorité du haut-commissaire de la République et avec les moyens du ministère de l'intérieur, la sécurité de tous les Calédoniens. Ils la méritent, car chacun sur place a droit à la protection de l'État. Cet effort sera poursuivi.

À la demande du Premier ministre, que je remercie de la confiance qu'il m'accorde, j'ai voulu recréer les conditions d'un dialogue entre les différents partenaires politiques, indispensable à la reconstruction d'un projet commun. La méthode du Gouvernement a permis que tous – je dis bien tous – se retrouvent autour de la même table, non pas seulement pour discuter, mais pour négocier, ce qui était encore impensable il y a quelques mois.

En effet, les fractures sont profondes après le traumatisme du 13 mai 2024 et les inacceptables violences qui ont fait de nouveau couler le sang. La rupture de confiance trouve toutefois son origine dans une histoire ancienne, qu'il faut regarder en face. Tant que nous n'aurons pas réglé la question de la fin du processus de décolonisation, donc de l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple kanak, les conditions ne seront pas réunies pour rétablir le dialogue et de la paix civile.

Sans mettre sur la table une formule particulière, j'ai proposé une voie, afin de concilier l'aspiration au maintien d'un lien fort avec la France et l'achèvement du processus de décolonisation. Essentiel, ce dialogue se poursuivra entre l'État et les partenaires politiques, avec le soutien – je n'en doute pas – du Sénat.

Je serai dans quelques jours devant le groupe de contact sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, présidé par Gérard Larcher, pour fournir une nouvelle fois un maximum d'informations et d'explications. Je pense que le dialogue peut être fructueux dans les jours et semaines qui viennent.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. J'ai beaucoup pensé à Jean-Marie Tjibaou, à Jacques Lafleur, à Michel Rocard et à Lionel Jospin ces derniers temps. Non que j'éprouve la moindre nostalgie, mais parce que, au nom d'une certaine idée de la responsabilité, ils ont montré la voie à suivre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.

M. Rachid Temal. Que dire ?... Vous n'avez pas développé votre projet, aussi, j'espère que nous aurons l'occasion d'échanger de nouveau dans le cadre du groupe de contact.

Il faut se dire les choses. Vous avez cité Michel Rocard et Lionel Jospin, mais à cette époque, l'État était impartial : il apportait de la sérénité. Aujourd'hui, à lire les gazettes – j'espère que ce sera démenti rapidement –, on comprend que des options différentes s'opposent au sein de l'exécutif et même du Gouvernement, ce qui est une mauvaise chose.

Certes, vous êtes invité à venir rapidement dans le groupe de contact, monsieur le ministre. Toutefois, il est important qu'un débat sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie ait lieu en séance publique, monsieur le Premier ministre. (M. le Premier ministre acquiesce.) En effet, plusieurs sujets sont devant nous, notamment la question du corps électoral pour les élections provinciales.

Quand j'entends les propos de la présidente de la province du Sud, permettez-moi de m'inquiéter très profondément pour la suite des discussions qui ont été annoncées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

relations franco-algériennes

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, le 31 mars dernier, le Président de la République et son homologue algérien s'accordaient sur une reprise du dialogue et de la coopération. Pourquoi une telle bienveillance de la part de notre pays, alors que l'incarcération inique de Boualem Sansal dure depuis maintenant six mois ?

Le bilan de cette tentative de rapprochement sous couvert de repentance perpétuelle et unilatérale est calamiteux. Aucun dossier n'a avancé, Boualem Sansal est toujours un otage politique et diplomatique du président Tebboune et les affronts se succèdent, puisque l'Algérie vient d'expulser quinze agents des services diplomatiques et consulaires français.

Obligations de quitter le territoire français (OQTF) refusées, Kabyles et réfugiés politiques menacés sur le sol français, élus de notre pays actuellement utilisés par l'Algérie pour déployer ses stratégies d'influence : la liste est longue. Vous qualifiez vous-même ces faits de « brutaux » et d'« incompréhensibles ». Ils révèlent les véritables intentions d'Alger à notre égard.

Pour y répliquer, vous avez annoncé le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeport diplomatique ne disposant pas de visa. Combien sont-ils ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la « riposte graduée » ?

Vous n'avez pas répondu à mon collègue Pascal Allizard, il y a quelques jours. Aussi, je vous le demande de nouveau : pourquoi poursuivre les relations entre nos pays sur la base des accords dérogatoires de 1968 ? Le coût de ces accords reste inconnu, malgré les interrogations du Sénat.

M. Michel Savin. C'est vrai !

Mme Valérie Boyer. Par ailleurs, monsieur le ministre, comment justifiez-vous le silence du Président de la République, qui, hier, après trois heures d'interview, n'a pas prononcé une seule fois le nom de notre compatriote Boualem Sansal ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Valérie Boyer, la relation entre les gouvernements algérien et français est totalement gelée depuis le 14 avril dernier, date à laquelle les autorités algériennes ont pris la décision injustifiée et injustifiable d'expulser douze agents français en poste sur leur territoire.

Cette décision s'oppose à l'esprit qui avait présidé à l'échange entre les deux présidents et à ma visite du 6 avril. Cette dernière avait vocation à ouvrir le champ des coopérations, y compris en posant la question de la révision éventuelle des accords qui régissent notre relation, mais aussi à plaider en faveur d'un geste d'humanité à l'égard de notre compatriote Boualem Sansal, dont le Gouvernement se préoccupe de l'état de santé et des conditions de détention.

Le gouvernement français a répondu à ces décisions brutales de manière immédiate et ferme, en expulsant à son tour douze agents algériens en poste en France et en rappelant notre ambassadeur – je lui rends hommage – pour des consultations, qui sont en cours.

Dimanche 11 mai, les autorités algériennes ont pris, une nouvelle fois, une décision incompréhensible et brutale consistant à demander le départ immédiat de leur territoire des agents français en poste pour de courtes missions, à savoir moins de quatre-vingt-dix jours, lesquelles ne nécessitent pas de visa.

Le gouvernement français y a répondu une fois encore de manière immédiate et ferme : j'ai convoqué le chargé d'affaires algérien à Paris pour lui signifier que nous prenions exactement la même décision – renvoyer tous les agents titulaires d'un passeport diplomatique qui ne disposent pas de visa – et que, en fonction de l'évolution de la situation, nous ne nous interdisions rien.

La France s'est montrée ouverte au dialogue. Les autorités algériennes ayant préféré prendre un autre chemin, il leur appartient désormais de choisir : veulent-elles mettre un terme aux tensions qui perturbent la relation entre nos deux pays ? (Mme Valérie Boyer lève les yeux au ciel.)

De son côté, la France ne s'interdit pas – j'y insiste –, si besoin, de prendre de nouvelles mesures, comme elle l'a déjà fait sous l'autorité du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Olivier Cadic applaudit également. – Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)