M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie attaquait l'Ukraine, entraînant le déplacement de dizaines de milliers d'Ukrainiens.
En mars 2022, l'Union européenne a activé le dispositif de protection temporaire décliné par les pays membres pour garantir un accueil digne aux populations ayant fui le conflit.
Depuis le début de la guerre, la France a fait preuve de solidarité en accueillant 85 000 ressortissants ukrainiens sur son territoire.
Trois ans après sa mise en place, ce dispositif requiert des ajustements. C'est l'objet de la présente proposition de loi, présentée par notre collègue Nadia Sollogoub, présidente du groupe d'amitié France-Ukraine, à qui je redis mon soutien et mes félicitations pour cette initiative. Je félicite également Isabelle Florennes, notre rapporteure, pour son excellent travail.
Ce texte nous invite à tirer des enseignements de l'application du dispositif de protection temporaire tel qu'il a été mis en place pour les Ukrainiens. Le but est que son utilisation soit plus pérenne, dans un contexte géopolitique nous faisant craindre que d'autres populations ne soient chassées de leur pays par la guerre.
Ce texte vise deux finalités complémentaires : d'une part, il s'agit de garantir des conditions d'accueil respectueuses de la dignité des personnes protégées ; de l'autre, il convient de prévenir le contournement du caractère temporaire du dispositif, certains bénéficiaires finissant par solliciter le statut de réfugié.
La protection temporaire n'a pas vocation à se substituer à l'asile, dont les conditions d'octroi dépendent d'un autre régime. Le dispositif n'a pas davantage vocation à se pérenniser. Il est, par définition, une réponse d'urgence, activée pour faire face à des déplacements massifs de population résultant d'une crise grave.
La présente proposition de loi apporte des améliorations substantielles à la protection temporaire. Son article 1er permet à ses bénéficiaires d'exercer des professions de santé, sous certaines conditions. Il s'agit de permettre aux ressortissants qualifiés de travailler en France et d'y vivre dignement. Dans le même temps, cela permet à notre pays de bénéficier de leur expertise dans des secteurs connaissant des difficultés de recrutement.
Les ajustements effectués par la commission, sous l'impulsion de Mme la rapporteure, ont fait évoluer le texte dans la bonne direction.
Pour ce qui est de l'ouverture aux droits sociaux, la commission a fait le choix de retirer l'accès au RSA. Cette mesure ne nous paraissait pas adaptée à la logique de protection temporaire. Le maintien du bénéfice des autres allocations garantira le soutien nécessaire aux personnes concernées.
Un dispositif de protection temporaire qui n'offre pas des conditions de vie stables ni un accompagnement suffisant devient inefficace. Il pousse mécaniquement ses bénéficiaires vers des procédures plus protectrices, mais moins adaptées. Ainsi, en 2024, plus de 11 800 premières demandes d'asile ont été déposées par des ressortissants ukrainiens. Ce chiffre a été multiplié par quatre par rapport à 2023.
C'est précisément ce que ce texte entend corriger. Il apporte une sécurité juridique et matérielle aux bénéficiaires de la protection temporaire. Par la même occasion, il permet de mieux organiser leur retour dans leur pays d'origine, dès lors que la situation le permettra.
Il s'agit ici de maintenir un certain équilibre : assurer une intégration et une stabilité suffisantes tout en évitant une installation définitive des personnes protégées.
Pour résumer, ce texte n'élargit pas indéfiniment le champ de la protection temporaire ; il en réaffirme la vocation transitoire en clarifiant ses contours et en améliorant son contenu. Ce faisant, il évitera d'accentuer la pression sur le système français de demande d'asile.
Pour conclure, je souhaite rappeler que l'accueil de nos amis ukrainiens est un enjeu d'humanité et de dignité. Améliorer le dispositif de protection temporaire, ce n'est pas seulement une question politique ; c'est aussi un impératif moral pour garantir un accueil digne et respectueux à ces personnes qui fuient la guerre.
Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de notre collègue Nadia Sollogoub, que je félicite pour sa pugnacité. Ce texte corrige une série de décalages juridiques et administratifs concernant les bénéficiaires de la protection temporaire.
Depuis l'activation exceptionnelle, le 4 mars 2022, du mécanisme prévu par la directive de 2001, près de 4,2 millions de déplacés ont bénéficié de ce régime dans l'Union européenne. En France, environ 120 000 autorisations provisoires de séjour ont été délivrées depuis 2022 et 56 000 personnes en bénéficient encore.
Il s'agit, pour l'essentiel, de femmes et d'enfants ukrainiens ayant fui une guerre toujours en cours, qui a provoqué plus de 10 millions de déplacés. Le statut de ces personnes est bien défini : elles bénéficient d'une protection immédiate, collective et temporaire, décidée par le Conseil de l'Union européenne.
En pratique, ces personnes sont pourtant encore traitées comme des demandeurs d'asile, en particulier sur le plan social. Ils perçoivent une aide transitoire prévue pour des personnes sans droit au séjour établi.
Cette incongruité juridique conduit certaines personnes à déposer une demande d'asile, uniquement pour bénéficier de prestations plus adaptées. Ce phénomène détourne la logique du régime temporaire et alourdit la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatride. En 2024, 11 800 Ukrainiens ont déposé une demande d'asile en France, alors même que la grande majorité d'entre eux relèvent déjà du régime temporaire.
La présente proposition de loi vise à corriger cette situation en alignant les droits sociaux des bénéficiaires de la protection temporaire sur ceux des personnes protégées au titre de l'asile. Ce n'est pas une mesure de faveur, c'est une mise à jour conforme aux engagements de la France, à la logique du droit européen et à la dignité des personnes concernées.
La commission a cependant supprimé l'ouverture du RSA aux bénéficiaires de la protection temporaire, pour ne pas imposer un coût supplémentaire aux départements. Cette préoccupation est compréhensible, même si le nombre de personnes concernées est limité et que seule une part d'entre elles auraient effectivement rempli les conditions pour percevoir le RSA. En réalité, le surcoût pour les finances départementales aurait été modéré… Dont acte. Cette mesure aurait pourtant permis de stabiliser des parcours d'insertion déjà engagés, tout en évitant le recours détourné à l'asile pour accéder à un revenu de base.
Pour autant, le texte comporte toujours des avancées très concrètes. Il ouvre l'accès à l'allocation aux adultes handicapés, à l'allocation personnalisée d'autonomie, à l'Aspa et facilite l'intégration professionnelle des professionnels de santé étrangers, notamment par la clarification de l'éligibilité au statut de praticien associé. Ces ajustements répondent à des besoins réels, exprimés depuis des mois par les collectivités territoriales et les agences régionales de santé.
Enfin, permettez-moi, en tant que membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, d'insister sur le caractère géopolitique de ce texte. Il n'est pas uniquement question d'un ajustement technique. Il s'agit aussi d'un geste de solidarité et de cohérence diplomatique : en renforçant l'accueil des déplacés ukrainiens, nous contribuons à la résilience de ce peuple, à la préservation de ses forces vives et au soutien moral qu'il est en droit d'attendre de ses partenaires européens.
Ce texte est donc nécessaire, équilibré, et conforme à nos engagements multilatéraux, bien mis à mal ces derniers temps.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen le votera donc avec détermination. (Mmes Nadia Sollogoub et Isabelle Florennes applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Olivia Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, notre délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sous l'impulsion de sa présidente Dominique Vérien, a publié un rapport intitulé Femmes sans abri, la face cachée de la rue.
Pour préparer ce texte, nous avons participé à un exercice en immersion auprès du Samu social de Paris. Casque sur les oreilles, une jeune salariée m'expliquait le processus de réponse téléphonique. Face au nombre vertigineux d'appels, seules deux places pouvaient être proposées pour des femmes seules pour la nuit suivante.
Nous avons pris le premier appel. C'était une Ukrainienne. Elle parlait vite, dans un français approximatif. Elle suppliait qu'on l'aide à trouver un abri, pour elle et son fils. À côté d'elle, on entendait l'enfant tousser.
Mes chers collègues, nos travaux ont révélé qu'en France, chaque nuit, au moins 3 000 femmes dorment à la rue, souvent accompagnées de leurs enfants. Environ 40 % d'entre elles sont étrangères, et notamment originaires d'Ukraine.
Les dispositifs d'hébergement sont totalement saturés dans les grandes villes. À Paris, des critères de priorité ont été instaurés. Une femme enceinte ne peut espérer un hébergement que si sa grossesse a dépassé les sept mois. Une fois l'enfant né, l'hébergement est garanti, en théorie, jusqu'à ses trois mois. Mais lorsque plusieurs enfants sont présents, il n'y a parfois pas de place pour tous et les plus grands doivent rester dehors.
Le garçon qui accompagnait cette mère avait 7 ans ; c'est jeune pour dormir dans la rue, surtout quand on est malade. Mais, paradoxalement, c'est trop grand pour donner droit à une priorité d'hébergement, même malade.
On a conseillé à cette mère de se rapprocher d'une association d'aide aux Ukrainiens, censée être mieux dotée, mais elle en venait. Aucune solution n'a pu lui être apportée. Ces associations, comme les autres, travaillent sans aucune visibilité budgétaire.
Près de 60 000 Ukrainiens ont été accueillis en France, selon un dispositif dépendant de l'Union européenne, qui active la protection temporaire.
Je veux ici saluer l'initiative de notre collègue Nadia Sollogoub. Son travail met en lumière une réalité difficile à regarder.
Lors du débat budgétaire, grâce à sa détermination et au soutien précieux de la ministre du logement, 10 000 places d'hébergement ont été obtenues pour les Ukrainiens. Il en aurait fallu 30 000. Les associations, elles, continuent d'accueillir avec peu de moyens, leur financement étant soumis aux aléas budgétaires. Le pire est à craindre pour le prochain exercice.
Mes chers collègues, l'engagement de notre collègue Nadia Sollogoub, que ce soit envers les plus vulnérables comme envers la population ukrainienne, en tant que présidente du groupe interparlementaire d'amitié, trouve aujourd'hui une nouvelle matérialisation.
Nous avons accueilli massivement, mais selon des modalités qui poussent désormais les Ukrainiens à demander l'asile, statut plus protecteur, mais aussi plus coûteux et moins adapté à leur situation, puisqu'il leur interdit de retourner dans leur pays, auprès de leur famille, ou de ce qu'il en reste… Notre rapporteure Isabelle Florennes a bien présenté les différents dispositifs, je n'y reviens pas.
Nadia Sollogoub tire la sonnette d'alarme pour parfaire un dispositif qui, hélas ! bénéficiera à d'autres à l'avenir – nul ne peut en douter. Diverses dispositions, comme celle qui concernait le permis de conduire, étaient certes d'ordre réglementaire, mais néanmoins essentielles.
J'en veux pour preuve le témoignage d'Orane, qui fait actuellement un stage dans mon équipe. Sa famille, qui vit dans un village où même la boulangerie n'est accessible qu'en voiture, a accueilli trois Ukrainiennes. Elles étaient âgées, il fallait les conduire partout, elles ne parlaient pas français et la communication était trop difficile. Elles ont fini par demander à être relogées ailleurs.
La reconnaissance du permis de conduire est indispensable : les Français installés hors de France en savent toute l'importance. Je compte donc aussi sur la direction chargée des conventions internationales du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour qu'elle favorise la conclusion rapide d'un accord.
Nous avons accueilli les Ukrainiens. Nous leur avons dit qu'ils pouvaient venir chez nous et y trouver protection le temps nécessaire à la négociation de la paix. Trois ans plus tard, ce provisoire qui dure montre ses limites.
Les questions soulevées sont des plus pertinentes s'agissant d'améliorer l'intégration de personnes présentes sur notre territoire en raison de circonstances dramatiques. Nadia Sollogoub propose des pistes qui relèvent du bon sens : pouvoir travailler, notamment lorsque les qualifications possédées font cruellement défaut à notre pays, comme dans le domaine de la santé ; pouvoir apprendre notre langue ; bénéficier d'une protection sociale adaptée au grand âge…
M. Jean-Michel Arnaud. Bravo !
Mme Olivia Richard. Ce sont des propositions de bon sens, j'y insiste, et je ne doute pas que l'examen de cette proposition de loi permette d'améliorer d'autres aspects de notre droit, qui peuvent conduire à des situations incompréhensibles. À cet égard, je tiens à saluer le travail de notre rapporteure Isabelle Florennes.
L'auteure de la proposition loi souligne que, si c'est bien le vécu de la population ukrainienne accueillie en France qui a conduit à la rédaction de ce texte, celui-ci a vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes qui seraient amenées à rechercher la protection de la France. L'ambition est donc importante, comme le serait le nombre de personnes concernées.
J'ai entendu les préoccupations financières qui ont été exprimées. En tout état de cause, la recherche d'économies peut parfois coûter cher. Favoriser une protection temporaire à la hauteur des annonces est en réalité un bon investissement. Je suis convaincue qu'un ressortissant étranger bien intégré coûte moins cher à notre société, notamment lorsque sa présence est limitée dans le temps, comme l'a rappelé Nadia Sollogoub.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre de la directive relative à la protection temporaire, celle-là même que nous pourrions surnommer la belle endormie du système d'asile européen, inutilisée face aux crises liées à l'accueil des réfugiés syriens et afghans, entre autres.
Ce refus de solidarité et d'humanité a conduit des dizaines de milliers de personnes à la mort en Méditerranée centrale, faisant de cet itinéraire la route migratoire la plus mortelle au monde. Rappelons que les femmes et les hommes qui atteignent nos frontières charrient avec eux la misère qui ploie sous les accords miniers, les concessions pétrolières et les contrats d'armement, dont notre économie n'est jamais tout à fait absente.
Ce n'est que lors de l'invasion de l'Ukraine que cette directive, vingt ans après la création du mécanisme, a été appliquée et a permis de constituer une véritable bouée de sauvetage juridique pour les quelque 4,3 millions d'Ukrainiens ayant fui leur pays en raison de la guerre qui y fait rage.
La proposition de loi examinée ce soir vise à améliorer ce dispositif de protection temporaire en permettant une intégration effective et digne des personnes protégées, notamment en leur accordant un soutien social de droit commun.
Nous y sommes naturellement favorables et notre groupe votera ce texte. La guerre en Ukraine, qui suscite une mobilisation officielle sans faille dans l'accueil des déplacés, révèle que l'exceptionnel et le temporaire peuvent devenir une ressource pour reconnaître, accompagner et inclure, au lieu de militariser, refouler, marginaliser.
Tandis que, le 28 mars 2022, le ministre de l'intérieur a fait débloquer 100 000 places d'hébergement pour les réfugiés ukrainiens – et ce fut la première fois que les collectivités territoriales furent sollicitées dans le cadre de l'accueil de réfugiés –, pour les autres nationalités, les gares et les trains restent ce qu'ils ont toujours été : des lieux de traque et de contrôle.
Pendant que l'État noue un partenariat inédit avec la SNCF pour permettre aux familles ukrainiennes de se déplacer gratuitement vers les régions où on leur propose un hébergement, dans le même temps, en plein cœur de la vallée de la Roya, un escadron de gendarmerie mobile contrôle toujours les environs de la commune de Sospel et sa gare TER, tandis que la direction de la SNCF demande aux cheminots, selon un communiqué de la CGT du 14 mars, de « vérifier la provenance des réfugiés dans le train [...]et d'agir avec bienveillance s'ils sont Ukrainiens. »
Monsieur le ministre, pourquoi une différence de traitement aussi manifeste ? Un Syrien, un Palestinien, un Soudanais, un Afghan, un Birman ne trouvent-ils pas autant grâce aux yeux de vos services qu'un ressortissant ukrainien ? Ne fuient-ils pas, eux aussi, une guerre ou une menace irrépressible pesant sur leur vie et celles de leurs proches ? Quand la France impulsera-t-elle, au sein du Conseil européen, l'application de la protection temporaire à l'égard du peuple palestinien ?
Il est à noter que les prises de commandes d'armement français se maintiennent à 19 milliards d'euros en 2024. Frontex dépense chaque année près de 1 milliard d'euros, dont plus des deux tiers pour des radars, drones et algorithmes. Le marché mondial de la sécurité frontalière devrait atteindre 95 milliards de dollars en 2032. Plus le projectile déracine, plus la caméra thermique se vend : expulsion à l'amont, capture à l'aval – double facturation sur le même mouvement humain.
La solidarité n'est qu'un mot à la mode si elle ne façonne pas véritablement notre système. La stratégie actuelle de l'Union européenne repose sur des violations avérées des droits de l'homme, tout en faisant engranger des bénéfices substantiels aux industries d'armement. Personne n'est illégal. Les causes de la fuite sont diverses, mais presque toujours liées à la guerre, à l'inégalité mondiale entre les riches et les pauvres. Le droit au refuge doit être effectif pour toute personne qui en relève. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe UC.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout exprimer l'espoir constant de notre groupe d'un retour à la paix sur notre continent.
Nous nous retrouvons dans cet espace transpartisan afin d'étudier une proposition de loi qui est chère à mon groupe à bien des égards, car elle touche à la fois à l'accueil des migrants et au processus d'évaluation des lois.
Oui, ce texte souhaite améliorer une situation après en avoir évalué les écueils, que l'on n'avait pas forcément perçus au premier abord. Il traite du sujet de la protection temporaire, que notre pays a su si justement et rapidement mettre en place pour les Ukrainiens dès le début de l'agression russe.
Ce dispositif représente à la fois un modèle de coopération européenne et la preuve que nous savons organiser un accueil digne pour les personnes en détresse, forcées de s'éloigner de leur pays. Il faudrait simplement en étendre le bénéfice à d'autres personnes et à d'autres situations…
Notre pays s'est honoré d'accueillir près de 55 000 Ukrainiens sous ce statut. Tout comme les auteurs de ce texte, nous pensons que cette protection temporaire et ses modalités ont vocation à être mises en œuvre pour d'autres personnes qui fuient les conflits partout dans le monde.
Au vu de la situation en Ukraine, qui semble enlisée, ce dispositif temporaire perdure, hélas. Le texte européen qui lui sert de base a déjà été prorogé à deux reprises et devrait expirer, à ce stade, au début du mois de mars 2026.
Cette pérennisation du conflit n'est pas sans conséquence pour les bénéficiaires de la protection temporaire, qui sont de moins en moins nombreux à exprimer une intention de retour dans leur pays.
Le nombre de demandes d'asile, ce statut individuel plus protecteur sur le temps plus long, est en forte hausse. En 2024, 11 800 dossiers ont été déposés ; c'est quatre fois plus qu'en 2023. Les Ukrainiens sont aujourd'hui la deuxième nationalité pour le nombre de demandes d'asile en France, derrière les Afghans.
L'autorisation provisoire de séjour de ceux qui sont placés sous protection temporaire n'est que de six mois. Notre groupe avait proposé de porter cette durée à un an, et certains orateurs viennent de défendre cette idée. En effet, la fréquence des démarches administratives attachées au régime de la protection temporaire est l'un des facteurs explicatifs de la hausse du nombre de demandes d'asile. Si les concernés bénéficient, contrairement aux demandeurs d'asile, et malgré nos demandes répétées en faveur de ces derniers, d'une autorisation temporaire de travail, la précarité de leur situation demeure problématique.
Nous avons regretté l'interprétation de l'article 40 de la Constitution, qui a conduit à une déclaration d'irrecevabilité. La démarche que nous proposions aurait au contraire permis des économies. Nous joignons nos voix à celle de Mme la rapporteure pour demander au Gouvernement de se saisir rapidement du sujet.
C'est aussi à une problématique financière que sont confrontées les personnes ayant fui la guerre en Ukraine. L'accompagnement social est essentiel pour leur vie sur notre territoire.
L'amélioration du dispositif de protection temporaire via une meilleure protection sociale des bénéficiaires est salutaire : les Ukrainiennes et les Ukrainiens présents en France sont de plus en plus soumis à des difficultés économiques, dans un contexte de hausse du coût de la vie. Cette précarisation a des conséquences dramatiques : plus de la moitié des personnes qui retournent en Ukraine le font en raison de pressions économiques – loyers impayés, dettes, frais de santé, etc. –, et 27 % de ces retours s'effectuent même dans des zones proches de lignes de front, en dépit des risques pour la vie des rapatriés.
C'est pourquoi notre groupe regrette la suppression par la commission de l'ouverture du revenu de solidarité active pour les Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire ; cette décision nous semble aller à rebours de l'objectif du texte. Nous proposerons un amendement tendant à rétablir cette possibilité.
Autre problématique majeure sur laquelle nous n'avons de cesse d'alerter : le logement. Ainsi que le rappellent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs, les aléas budgétaires empêchent d'avoir de la stabilité et de la visibilité à long terme en la matière.
Comme souvent, notre groupe alerte sur le besoin de sécuriser et de pérenniser de tels financements dans le domaine de l'accueil, comme dans tant d'autres.
Vous l'aurez compris, nous saluons la démarche de notre collègue Nadia Sollogoub, dont le texte s'appuie sur un retour d'expérience de terrain pour améliorer la situation de ceux qui ont dû fuir leur pays.
L'inconditionnalité de la dignité de l'accueil pour le plus grand nombre est un objectif permanent du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires : droit au travail, droit au logement, droit à la santé et droit à l'école. Nous voterons donc en faveur de la présente proposition de loi, qui va dans ce sens. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi de Mme Nadia Sollogoub, que je salue, visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France dont bénéficient les ressortissants ukrainiens.
Cette initiative, inscrite dans un cadre transpartisan, mérite une attention particulière.
Depuis le début du conflit en Ukraine, la France a su répondre avec solidarité et efficacité à l'afflux des déplacés ukrainiens.
Le 4 mars 2022, le mécanisme de protection temporaire a été déclenché par l'Union européenne, accordant ce statut aux 4 millions d'Ukrainiens fuyant leur pays en guerre. En France, ce sont 111 299 ressortissants qui ont été accueillis. Les modalités d'accueil ont été précisées par une instruction ministérielle du 10 mars 2022 : séjour, accès au marché du travail et logement, assistance médicale et sociale et accès des enfants à l'éducation. Les efforts déployés sont indéniables et témoignent de notre engagement humanitaire.
Cependant, malgré ces avancées, des difficultés subsistent. Dans les démarches à suivre, il faut obtenir l'autorisation provisoire de séjour portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire », d'une durée de six mois, renouvelable dans la limite de trois ans maximum. L'échéance actuelle de la protection temporaire a été établie au 4 mars 2026. Et c'est là que réside tout le problème…
En effet, deux options s'offrent à eux : faire une demande d'asile pour continuer de bénéficier de toutes les prestations ou rentrer dans leur pays.
Si l'Union européenne n'apporte pas une solution coordonnée et collective, les systèmes d'asile peuvent se retrouver submergés après le moins de mars 2026, en France comme dans les autres pays.
Cela peut conduire à une approche fragmentée, avec des personnes qui tomberont dans l'irrégularité faute d'avoir demandé le droit d'asile, parce que souhaitant pouvoir retourner un jour dans leur pays.
Les mesures proposées visent à maintenir le soutien aux bénéficiaires de la protection temporaire et à limiter ainsi le recours à la demande d'asile, et ce en leur conférant les mêmes droits que ceux qui sont accordés aux bénéficiaires de l'asile.
Les auteurs de la proposition de loi cherchent également à améliorer, dans le cadre d'une future crise, le régime de la protection temporaire. Il s'agit de répondre aux enjeux en étendant l'accès à certaines prestations sociales telles que les allocations personnalisées d'autonomie, l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de solidarité aux personnes âgées et l'allocation supplémentaire d'invalidité.
Il est toutefois essentiel de rappeler que la protection temporaire est, par définition, un statut provisoire. Accorder un accès élargi aux prestations sociales pourrait remettre en cause le principe de temporalité inhérent à ce statut.
Le revenu de solidarité active a quant à lui été exclu de cette extension. C'est une décision prudente, mais qui soulève la question de la cohérence d'ensemble du dispositif.
De plus, la proposition de loi ne prend pas suffisamment en compte les enjeux budgétaires et les conséquences sur notre modèle social. Alors que la France fait face à une situation économique complexe, il est crucial de veiller à ce que l'élargissement des droits sociaux ne mette pas en péril la solidarité nationale.
En tant que sénateurs, notre responsabilité est de veiller à l'équilibre entre solidarité et responsabilité. Nous devons nous assurer que les mesures prises soient adaptées, proportionnées et compatibles avec les principes fondamentaux de notre République.
Tout en reconnaissant la volonté d'accompagnement des auteurs de cette proposition de loi, nous pensons qu'il est impératif de procéder avec prudence et discernement. Nous devons nous assurer que les mesures envisagées soient véritablement adaptées aux besoins des bénéficiaires, de la protection temporaire et qu'elles ne compromettent pas l'équilibre de notre budget. Mais, comme vous le savez, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en france
Article 1er
Au troisième alinéa du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, après le mot : « apatrides », sont insérés les mots : « , bénéficiaires de la protection temporaire ».