M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Au quatrième alinéa de l'article L. 4221-12 du code de la santé publique après les mots :« apatrides », sont insérés les mots : « , bénéficiaires de la protection temporaire ».
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Un aménagement de la procédure de droit commun d'autorisation d'exercice est prévu pour les praticiens bénéficiant du statut de réfugié, d'apatride, de l'asile territorial, de la protection subsidiaire ainsi que pour les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises.
Afin de faciliter l'accès de ces publics au plein exercice, les épreuves de vérification des connaissances prennent la forme d'un examen, et non d'un concours. L'article 1er de la proposition de loi élargit cette disposition dérogatoire aux bénéficiaires du statut européen de la protection temporaire pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, mais pas pour les pharmaciens, qui dépendent d'un autre article du code.
L'amendement a pour objet d'y remédier en intégrant les pharmaciens dans la liste, dans un souci de cohérence des politiques publiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. La rectification proposée par le Gouvernement nous paraît très opportune : avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 et 3
(Supprimés)
Article 4
I. – Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À l'article L. 232-2, après le mot : « régulière », sont insérés les mots : « ou bénéficiant de la protection temporaire » ;
2° (Supprimé)
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 2° de l'article L. 816-1 est complété par les mots : « ou de la protection temporaire » ;
2° Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 821-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés les personnes bénéficiaires de la protection temporaire. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Au a du 2° de l'article L. 262-4, après le mot : « subsidiaire, », sont insérés les mots : « de la protection temporaire, ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement, que j'ai évoqué en discussion générale, tend à rétablir l'ouverture du RSA aux bénéficiaires de la protection temporaire qui figurait dans la version initiale du texte, mais qui a été supprimée par la commission des lois.
Comme je l'ai indiqué précédemment, les personnes concernées connaissent des difficultés financières de plus en plus importantes, qui aboutissent parfois à des demandes d'asile ou à des retours au pays.
Le rétablissement que nous proposons nous paraît à la fois justifié dans son principe et peu coûteux pour les finances publiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Ainsi que nous l'avons rappelé à plusieurs reprises, le RSA ne nous paraît pas adapté aux bénéficiaires de la protection temporaire, qui se caractérisent par leur grande mobilité au sein de l'Union européenne. De surcroît, ce régime est en principe, comme son nom l'indique, temporaire.
J'insiste sur un autre point : conformément à la volonté de Mme Sollogoub, la présente proposition de loi ne concerne pas seulement les Ukrainiens. Le régime juridique pourrait malheureusement être de nouveau activé dans les années à venir, dans des conditions dont vous conviendrez avec nous qu'elles sont, à l'heure actuelle, inconnues : nous ne pouvons préjuger des crises à venir.
La commission considère qu'il convient de laisser au Gouvernement une marge d'appréciation dans la détermination de la prestation de base. C'est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Le Gouvernement ne saurait dire mieux que la commission, dont il partage totalement l'analyse : avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement vise à lever le gage. Après une analyse un peu fine du texte, il nous est apparu que, compte tenu notamment de la suppression de certains articles, nous restions dans l'enveloppe disponible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 279 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 343 |
Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements.)
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la proposition de loi.
Mme Nadia Sollogoub, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis à la fois comblée et très émue.
Au mois de septembre 2020, lorsque je suis devenue présidente du groupe d'amitié France-Ukraine, jamais je n'aurais imaginé que nous aurions un jour à défendre la cause d'Ukrainiens accueillis en France. Jamais je n'aurais imaginé qu'un cauchemar aussi épouvantable, pire que tout ce que nous aurions pu concevoir, viendrait bousculer ce qui aurait dû être une relation paisible.
Notre amitié a grandi dans un contexte difficile, mais elle n'en est que plus forte. Et je tiens à remercier tous ceux qui ont été à nos côtés dans ces moments. Malgré tous les écueils, c'est dans un esprit lucide et dépassionné que j'ai voulu défendre devant vous ce texte, qui se veut également technique.
Je voudrais remercier tous ceux qui sont en première ligne depuis le mois de février 2022 dans ce que l'on appelle le « deuxième front », c'est-à-dire le front humanitaire.
Je le souligne devant celui qui est devenu mon ami, Serhii Esaulov, le consul d'Ukraine, présent en tribune ; lui et tous les services de l'ambassade ukrainienne en France font un travail – j'ose le dire – héroïque ! (Applaudissements.)
Je salue aussi l'expertise, l'engagement constant et la bienveillance dans les travaux que nous menons ensemble au quotidien du préfet Joseph Zimet, ici présent. (Nouveaux applaudissements.)
J'adresse un très grand merci aux nombreuses associations engagées, chaleureuses, et à tous ceux qui sont devenus mes amis.
Mes remerciements vont également à la rapporteure Isabelle Florennes, à l'oratrice du groupe Union Centriste, Olivia Richard, et aux orateurs de tous les groupes, qui m'ont témoigné leur amitié et leur soutien.
Merci aussi à tous les membres du groupe d'amitié France-Ukraine, qui est toujours très mobilisé et dont la secrétaire exécutive encadre toujours nos travaux avec amitié, constance et professionnalisme.
Monsieur le ministre, votre analyse objective et constructive nous permet aujourd'hui de faire un grand pas en avant.
J'espère évidemment que ce texte pourra à présent être rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et qu'un vote conforme nous permettra d'avancer.
Enfin, je vous indique en guise de clin d'œil que, demain, ce sera la Vyshyvanka, la fête des chemises brodées. Grâce à vous tous, nos chemises brodées ukrainiennes seront un peu plus légères sur nos épaules. (Applaudissements.)
7
Création d'un groupe de vacataires opérationnels de sécurité civile
Discussion et retrait d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile, présentée par M. Grégory Blanc et plusieurs de ses collègues (proposition n° 691 rectifiée bis, texte de la commission n° 598, rapport n° 597).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi.
M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'exprimer mes pensées les plus émues au sergent-chef Niccolo Scardi, à sa famille et à l'ensemble de ses camarades. Nous sommes tous abasourdis par ce drame en Haute-Savoie. Rien ne justifie qu'un homme engagé au service des autres soit la cible d'actes sans nom.
Monsieur le ministre, dans ce contexte tendu, nous manquons de moyens humains. La culture de la sécurité doit être davantage ancrée dans nos territoires. Face aux enjeux, qu'il s'agisse de tranquillité publique, de sécurité publique ou de sécurité civile, les dangers s'accroissent. Cela requiert du Gouvernement, du Parlement et de l'ensemble des responsables politiques qu'ils ouvrent le débat pour clarifier les horizons.
Notre modèle de sécurité civile fonctionne. En France, les personnes qui ont besoin d'assistance sont secourues. Cela résulte d'une construction patiente, au fil de l'histoire, articulant engagement citoyen et savoir-faire professionnel. Néanmoins, si cela fonctionne bien, des fragilités existent et s'aggravent.
C'est le débat que nous posons : alors que la société change et que nos modes de vie évoluent, comment devons-nous adapter notre modèle de sécurité civile aux défis qui viennent, ceux de 2030, ceux de 2040, dans dix ans, dans quinze ans ? Je ne parle pas seulement du passé ou du présent ; nous devons nous projeter dans les défis qui sont devant nous.
En un peu plus de vingt ans, 2 400 casernes ont fermé ; c'est plus d'une caserne sur cinq. Pourquoi, alors que le nombre de volontaires stagne, notre maillage territorial se réduit-il, fragilisant l'ancrage dans quelques territoires de notre culture de la sécurité civile ?
À nos yeux, l'adaptation de notre modèle ne peut être seulement, d'un côté, une évolution du pilotage des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) et, de l'autre, toujours plus d'argent et de subventions, a fortiori dans le contexte de crise des finances publiques que nous connaissons.
Si nous voulons passer les caps, il nous appartient de réfléchir à notre organisation et à un éventail d'évolutions en la matière. Disons-le clairement, il nous faudra à l'avenir à la fois plus de sapeurs-pompiers professionnels et plus de sapeurs-pompiers volontaires. Mais cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion sur les moyens d'avoir un service public plus efficient, y compris financièrement.
Monsieur le ministre, il y a quand même un sérieux problème. Je prends les chiffres, les vrais, ceux du ministère, ceux de l'inspection générale de l'administration et ceux qui figurent sur le site de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Tous convergent : il a fallu douze ans pour passer de 196 825 volontaires en 2009 à 200 000 en 2023, soit une augmentation de 3 000 personnels, et seulement deux ans, de 2021 à 2023, pour recruter 1 600 sapeurs-pompiers professionnels, afin de sécuriser la réponse opérationnelle. Pourtant, dans cet intervalle, les délais d'intervention se sont allongés.
À quels défis ces réalités d'aujourd'hui font-elles face ?
Le premier défi concerne l'évolution des modes de vie et de nos modes de production. En l'occurrence, je crois qu'il nous appartient de dresser un constat partagé. Aujourd'hui, de nombreux volontaires travaillent très souvent à vingt kilomètres, à trente kilomètres ou à quarante kilomètres de leur domicile, quand le modèle économique reposait auparavant davantage sur l'emploi agricole ou artisanal, ce qui permettait aux volontaires de travailler à côté de chez eux. Cette situation crée des problèmes de disponibilité en journée dans certains territoires, et seulement dans certains territoires.
Pour y répondre, on installe désormais dans certaines casernes de manière permanente des professionnels en journée pour n'assurer que deux ou trois sorties quotidiennes. Ce modèle, qui se développe, n'est pas viable financièrement.
Il faut surtout constater que les entreprises fonctionnent désormais en flux tendu. J'étais moi-même chef d'entreprise dans le secteur de la santé : impossible de laisser partir une infirmière si son départ n'était pas anticipé et programmé. Si la seule réponse consiste à financer ou à indemniser davantage les entreprises qui permettent le système de l'astreinte, cela ne résoudra pas tous les problèmes : le système productif ne fonctionne plus comme il le faisait cinquante ans en arrière.
Le deuxième défi, juridique celui-là, est bien évidemment l'épée de Damoclès de la directive européenne sur le temps de travail. Il est indispensable de sécuriser le système d'astreinte au cœur du modèle du volontariat.
Parallèlement, la garde postée s'est développée dans certains départements. Toutefois, lorsque des sapeurs-pompiers professionnels sous statut volontaire assument de nombreuses heures de garde postée, cela fragilise – et nous devons savoir faire preuve de clarté à cet égard – juridiquement la garde postée pour l'ensemble des volontaires. À nos yeux, nier ce risque, c'est hypothéquer l'avenir.
Le troisième défi, à savoir le changement climatique, est sans doute le plus important. Nous sommes à +1,7 degré. En 2030, nous atteindrons les +2 degrés, sachant qu'en passant de +1,5 à +1,7 nous avons assisté à une augmentation significative de la sinistralité. Le coût des sinistres liés aux dégâts climatiques est chiffré à 143 milliards d'euros sur la période 2020-2050 par l'État lui-même au travers du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3). Nos systèmes assurantiels sont mis sous tension ; nous savons qu'ils ne résisteront pas au-delà de 2,5 degrés. Concrètement, 50 % des forêts seront plus sensibles aux départs de feux d'ici à 2050. Et les précipitations vont augmenter de 15 % à 30 %, voire de 40% selon les territoires. Or nous ne sommes toujours pas en mesure de voter dès à présent un pacte capacitaire « inondations ».
Je tiens à le rappeler ici, le budget consacré par l'État à la sécurité civile est en baisse en 2025 de 5,6 % par rapport à 2024, alors que les aléas climatiques progressent. Parallèlement, je ne le dis pas pour polémiquer, mais il faut tout de même mettre les chiffres les uns en face des autres, le budget de la police de l'immigration est en hausse. Mon propos n'est pas d'ouvrir ici le débat sur l'immigration : je veux juste souligner que la faible place de la sécurité civile dans le débat public produit mécaniquement des effets politiques et budgétaires.
De ce point de vue, alors que le projet de loi de finances pour 2026 est en préparation, le report de l'inscription du Beauvau de la sécurité civile à l'automne au mieux nous paraît inquiétant.
Face à de tels défis, il nous faut tester, innover et inventer un éventail de solutions pour être prêts le moment venu. Pourquoi aurions-nous peur d'expérimenter ? Dans sa version initiale, le texte ne prévoyait rien d'autre que d'apporter une simple pierre apportée à l'édifice des solutions à construire. Il s'agissait, en l'occurrence, d'une expérimentation sur deux ans, dans cinq départements seulement, des groupes de volontaires mobilisables dans le cadre d'une activité programmée, dans un cadre sécurisé juridiquement, sans aucun autre contrat. Force est de le reconnaître ici, cette proposition d'expérimentation soulève des réactions et des blocages pour le moins étonnants.
Ce travail, je l'ai conduit comme n'importe quel parlementaire : humblement, proprement, consciencieusement, avec l'accord des principaux intéressés et dans un esprit transpartisan. Il a fait l'objet d'un colloque dans ces murs. Chacun s'est exprimé librement. Les paroles ont été enregistrées. Elles ne s'envoleront donc pas. Mais il est clair que certaines d'entre elles ont évolué. Être constructif, c'est tenir compte des blocages pour avancer, mais c'est aussi être capable de compromis pour dépasser ces mêmes blocages. Or le constat est là : tout le monde n'est pas prêt à s'engager dans le compromis pour ce faire.
Compte tenu des évolutions extérieures, j'ai souscrit à l'amendement de M. le rapporteur, qui permet d'enrichir la démarche engagée. Le texte de la commission est un texte utile et équilibré.
Je termine sur un point : parce que nous sommes au deuxième rendez-vous de cet espace transpartisan qui se crée au Sénat, l'enjeu du vote que nous allons exprimer ne se réduit pas seulement à l'objet du texte ; ce sera aussi une indication sur notre volonté collective de faire vivre cette niche transpartisane. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Gilbert Favreau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord avoir une pensée pour les trois sapeurs-pompiers agressés en Haute-Savoie. Deux d'entre eux ont été blessés dimanche lors d'une intervention à Saint-Cergues. Cette agression est survenue à une trentaine de kilomètres d'Évian-les-Bains, où un pompier a été percuté samedi dans les conditions que chacun sait, alors qu'il tentait d'interrompre un rodéo urbain. J'exprime tout mon soutien à ces héros du quotidien, qui incarnent nos valeurs républicaines, et à leurs proches.
Le texte qui nous réunit aujourd'hui est aussi l'occasion d'affirmer ou de réitérer le profond soutien du Sénat au modèle français de sécurité civile et aux pompiers de France.
La création du corps des sapeurs-pompiers professionnels et le développement progressif de la professionnalisation – nous comptons aujourd'hui un peu plus de 41 000 sapeurs-pompiers professionnels – ne se sont jamais faits au détriment de la volonté des pouvoirs publics d'impliquer les citoyens dans la protection de leur prochain.
Il s'agit là, avant tout, d'un choix de valeurs, celui d'une citoyenneté engagée au service d'une société plus solidaire et mieux protégée, mais aussi d'un choix politique réaliste et résolu en faveur d'un service public de proximité à coût maîtrisé.
Nous pouvons donc nous féliciter vivement du franchissement récent du seuil de 200 000 volontaires dans tous les villages et villes de France.
Le franchissement de ce seuil est d'autant plus significatif que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas, contrairement à ce que leur nom pourrait laisser entendre, une force subsidiaire, qui viendrait en aide aux professionnels pour effectuer des tâches subalternes ou pour les assister uniquement lors d'événements majeurs.
Au contraire, le code de la sécurité intérieure précise bien que les sapeurs-pompiers volontaires, qui constituent 80 % des forces françaises de sécurité civile, exercent les mêmes activités que les professionnels. Ils sont soumis aux mêmes exigences, aux mêmes devoirs et aux mêmes contraintes en termes d'exposition.
Ils assurent des astreintes, des gardes postées et, bien évidemment, des interventions pour lesquelles ils perçoivent non pas un salaire, mais une modique indemnité horaire.
À ce titre, leur mobilisation est essentielle au bon fonctionnement de nos services départementaux d'incendie et de secours, dont ils assurent 67 % des interventions.
Cette force complémentaire apparaît d'autant plus essentielle que la charge indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires ne représente que 20 % du budget des Sdis, lequel est majoritairement pris en charge, vous le savez, par les départements et, dans une moindre mesure, par les communes et les intercommunalités.
Autre réussite, notre modèle de volontariat apporte une certaine souplesse d'organisation aux Sdis : d'une part, les volontaires sont employés à l'échelle du département, ce qui a permis la mise en place d'équipes mobiles ; de l'autre, les Sdis peuvent recourir, pour faire face à des périodes d'accroissement temporaire des risques, à un engagement saisonnier.
En définitive, il nous a semblé excessif de considérer, comme le fait l'auteur du texte dans son exposé des motifs, que nos Sdis font face à un « défaut d'opérationnalité » qui trouverait sa source dans un dysfonctionnement du volontariat.
Bien sûr, cela ne doit pas nous conduire pour autant à ignorer les difficultés que le volontariat rencontre : mode de financement à bout de souffle, manque de disponibilité des volontaires en semaine et en journée ou encore menace que font peser les évolutions de la jurisprudence européenne.
En effet, si la jurisprudence issue de l'arrêt du 21 février 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 21 février 2018, dite Matzak, qui assimile les astreintes à du temps de travail salarié, était appliquée en France, les Sdis devraient embaucher, selon les calculs de l'inspection générale de l'administration (IGA), pas moins de 22 000 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, pour un coût supérieur à 1,1 milliard d'euros, soit 20 % de leur budget annuel. Vous voyez bien que cela est impossible.
La nécessité d'agir pour adapter notre modèle de sécurité civile aux défis de notre temps fait donc consensus. Sans surprise, la façon de l'adapter est en revanche nettement moins consensuelle.
Dans la multitude des propositions qui émergent actuellement, une boussole peut guider nos travaux : l'attachement du Sénat à « la préservation du volontariat de sapeur-pompier », exprimé le 26 juillet 2024 au travers de la résolution européenne n° 147 visant à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile.
J'y suis d'autant plus sensible et attaché que j'ai vécu de près cet engagement des sapeurs-pompiers volontaires comme président du Sdis des Hautes-Alpes pendant de nombreuses années.
Je formule donc le vœu, monsieur le ministre, que cette position soit aussi celle qui ressortira des travaux du Beauvau de la sécurité civile. Vous savez à quel point les acteurs de la sécurité civile de tous ordres, mais aussi les élus locaux et nationaux, en attendent beaucoup. Nous espérons d'ailleurs prendre connaissance de ses préconisations et recommandations dans les prochaines semaines.
J'en viens à présent à l'objet de notre rencontre de ce soir et au dispositif proposé par Grégory Blanc. J'ai bien entendu notre collègue, qui souhaitait au départ créer, pour une période expérimentale de deux ans, des « groupes de vacataires opérationnels de sécurité civile » au sein des services départementaux d'incendie et de secours, dans un premier temps à l'échelle nationale, puis de manière expérimentale, dans cinq départements « particulièrement vulnérables ».
Ces groupes de vacataires auraient été inspirés, au moins dans l'esprit, des réserves opérationnelles dont dispose l'armée. Leur objectif est toutefois apparu confus.
En effet, le texte disposait que ces groupes avaient à la fois vocation à « répondre à des situations d'urgence opérationnelle » et à être mobilisés de manière programmée pour assurer des gardes postées dont le champ de mission aurait été « laissé à la libre appréciation » du Sdis, ce qui à la fois est satisfait par la pratique du volontariat et ne correspond pas à la même temporalité que l'urgence précitée.
Les sapeurs-pompiers volontaires souhaitant, en sus de leur activité de volontaire classique, devenir vacataires opérationnels, auraient alors pu s'engager pour une période maximale de soixante jours.
Selon ma compréhension du texte, il s'agissait donc de créer un statut intermédiaire entre le sapeur-pompier professionnel et le sapeur-pompier volontaire. Le dispositif proposé ne se serait pas substitué à ces deux statuts, mais aurait théoriquement permis aux volontaires déjà sous contrat d'intensifier leur engagement.
Le régime indemnitaire de ces vacataires n'était cependant pas précisé dans le texte. Le terme de vacataire s'appliquant d'ailleurs davantage à un professionnel qu'à un volontaire, l'indemnité horaire de ce dernier aurait été sûrement plus élevée que celle d'un sapeur-pompier volontaire classique.
À cet égard, l'Association nationale des directeurs et directeurs adjoints des services d'incendie et de secours (ANDSIS) a estimé que le coût annuel de chacun de ces vacataires pour les Sdis aurait atteint 10 000 euros à 20 000 euros.
Malgré les bonnes intentions de l'auteur, sur lesquelles je n'ai aucun doute, la commission a estimé que ce texte était au mieux prématuré, au pire inopportun. Il a été en tout cas dénaturé par les discussions initiales et par l'accord qui avait été donné par un certain nombre de fédérations nationales représentatives de pompiers. Je tiens à rappeler cette vérité, qui ne doit pas être contestée.
En outre, la création, même expérimentale, de ces groupes de vacataires opérationnels ne nous est pas apparue pertinente dans la mesure où elle n'aurait apporté, par rapport aux pratiques actuelles du volontariat, aucune plus-value opérationnelle aux Sdis.
L'expérimentation envisagée ne nous a pas semblé non plus judicieuse dans la mesure où le choix des termes « vacataires opérationnels » laisse entendre un glissement vers une semi-professionnalisation du volontariat, une évolution que nous sommes nombreux, me semble-t-il, ici et ailleurs, à ne pas soutenir à ce stade.
Outre son coût très élevé pour les Sdis, et donc pour les départements et pour le bloc communal, cette expérimentation est d'autant moins souhaitable qu'elle semble manifestement contraire à la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, qui a justifié la jurisprudence Matzak.
Nous avons par ailleurs tenu compte de la ferme opposition, particulièrement exprimée lors des auditions, des principales associations ou fédérations des acteurs de la sécurité civile. Ces dernières ont souligné le risque réel de dénaturation du volontariat et l'illisibilité créée par la cohabitation de trois statuts. Nous sommes donc loin, hélas, du consensus qui vient d'être évoqué.
Par ailleurs, l'expérimentation proposée ne répondait pas à la principale difficulté du volontariat, à savoir le manque de disponibilité des volontaires en semaine. Inciter ces derniers à effectuer plus de gardes postées en devenant semi-professionnels ne résoudrait en rien ces difficultés, sauf à demander aux volontaires d'effectuer un temps partiel explicite.
Enfin, ce texte présentait un risque de déstabilisation du volontariat d'autant moins propice que sont attendues d'ici peu les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. Monsieur le ministre nous en dira peut-être davantage à ce sujet dans son intervention.
C'est pourquoi, avec l'accord de l'auteur du texte et dans l'esprit d'un espace transpartisan que, pour ma part, j'estime intéressant, nous avons tenté de trouver une voie de passage.
Nous avons ainsi proposé un amendement visant à supprimer cette expérimentation et à lui substituer un nouveau dispositif. J'avais souhaité que ce dernier soit davantage consensuel et opérationnel ; nous verrons ce qu'il en est à l'issue de ces débats.
Nous avons préféré développer l'engagement saisonnier des sapeurs-pompiers volontaires qui s'investissent sur de courtes périodes pour répondre à des besoins opérationnels ponctuels, en donnant plus de visibilité et en conférant une base législative à cet engagement, qui est actuellement régi en détail par des dispositions réglementaires. Dans nombre de nos départements, nous bénéficions de cet engagement, notamment pour la surveillance des plages.
Dans le même souci de lisibilité du droit applicable aux sapeurs-pompiers, nous avons en parallèle abrogé des dispositions transitoires du code général des collectivités territoriales devenues inutiles, trente ans après la départementalisation des services d'incendie et de secours.
Nous avons ainsi mis en œuvre, grosso modo, certains des dispositifs adoptés par le Sénat le 25 janvier 2024 dans le cadre de la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, dite Balai 3.
En tant que rapporteur, la méthode de travail que nous avons suivie ne me satisfait pas pleinement. J'accepte néanmoins cette situation, comme chacune et chacun d'entre nous.
Chacun votera en son âme et conscience sur ce texte transpartisan. C'est en tout cas l'esprit dans lequel il a été travaillé. Les modifications que nous avons apportées permettent, de mon point de vue, de faire émerger un compromis et, peut-être, le sens des responsabilités de notre assemblée.
Je salue le travail de la présidente de la commission, qui m'a soutenu dans mon travail de convergence, si bien que la commission des lois a finalement adopté le texte ainsi modifié. J'espère que le Sénat fera de même. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Grégory Blanc et Hussein Bourgi applaudissent également.)