Je m'éloignerai d'ailleurs du discours que j'avais préparé pour réagir à ce que M. le rapporteur a dit au début de son propos. Je trouve navrant que, dans un débat d'une telle importance, on nous oppose des sentiments, des opinions, des sondages. Les sources dans lesquelles nous puisons, ce ne sont pas des sondages Ifop montrant que les Français sont d'accord avec la police !
Du reste, nous sommes nous aussi très globalement d'accord avec celle-ci : nous faisons partie des 75% à 80 % de gens qui trouvent qu'elle fait bien son travail. Mais ce n'est pas le sujet ! On nous reproche d'être d'affreux militants parce que nous considérerions que la police ne fait pas bien son travail. Ce n'est pas le cas !
On connaît la marotte de François Bonhomme contre la Défenseure des droits, qui serait obsessionnelle, et ses 600 délégués.
M. François Bonhomme, rapporteur. J'en conviens ! (Sourires.)
M. Jérôme Durain. Nous connaissons ce discours. Mais, dans cette affaire, les militants, ce n'est pas nous ! Le fait que nous proposions ce texte suffit à attester de notre fidélité profonde à l'idéal républicain : nous voulons éviter qu'une partie de la population n'ait l'impression d'avoir des droits amoindris.
Parmi nos sources, il y a le Conseil d'État, lequel dit que les contrôles discriminatoires ne sont pas des cas isolés et qui rappelle à l'État et à son ministre l'obligation d'identification des policiers. Il y a la Cour des comptes, qui s'étonne de ne pas être capable de pouvoir dénombrer ces contrôles d'identité. Il y a l'IGPN, à savoir une émanation de l'institution policière elle-même, qui, missionnée par les ministres sur le sujet, reconnaît qu'il y a un problème entre la police et la population.
Les propositions que nous faisons sont simples : tracer, enregistrer – au moyen des caméras-piétons –, permettre les recours.
De fait, le dernier argument que nous devons réfuter est celui qui consiste à dire qu'il n'y a pas de problème puisque les gens ne se plaignent pas. Or comment déposer plainte contre un contrôle discriminatoire dont on est victime si l'on n'a pas les moyens de prouver que l'on a été contrôlé ?
Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est un texte éminemment républicain, qui vise à conforter les missions de la police, à réaffirmer que les policiers soient des citoyens parmi les citoyens, à mieux assurer la sécurité et les droits de tous dans la République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population. Le sujet est particulièrement sensible.
Les mesures de ce texte posent d'importants problèmes. En cela, nous rejoignons la position du rapporteur, François Bonhomme, que je remercie, ainsi que de ses collègues de la commission des lois. En effet, à l'heure où nos forces de l'ordre ont plus que jamais besoin de soutien, ce texte paraît, d'une certaine manière, particulièrement malvenu.
Selon un rapport de la direction générale de la police nationale paru en octobre dernier, ce sont en moyenne 23 membres des forces de l'ordre qui sont agressés chaque jour en France. Ce chiffre nous interpelle. Ces faits révoltants, inacceptables, font écho aux nombreuses violences dont sont victimes ces personnes dévouées et engagées que sont nos policiers, nos gendarmes et l'ensemble de nos forces de sécurité, sans oublier les sapeurs-pompiers.
Or, en s'en prenant aux forces de l'ordre, c'est à notre contrat social que l'on s'attaque.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne constitue pas forcément une réponse adaptée au regard de la situation. Par sa philosophie même, elle tend à poser une présomption de discrimination à l'encontre de nos forces de l'ordre.
Les chiffres du rapport de la commission parlent d'eux-mêmes : sur les 4 856 signalements reçus par l'inspection générale de la police nationale en 2024, seuls 29 concernaient des propos discriminatoires tenus lors de contrôles d'identité, ce qui représente moins de 1 % des signalements.
En 2023, le Conseil d'État a d'ailleurs explicitement écarté l'idée que les contrôles d'identité discriminatoires auraient un caractère généralisé ou systémique.
Les actes d'une minorité d'agents ne devraient jamais conduire à jeter l'opprobre sur l'ensemble de nos forces de l'ordre, qui, au quotidien, travaillent dans des conditions très difficiles pour assurer notre protection à tous.
Au-delà du symbole, les mesures prévues dans le texte ne sont adaptées ni aux réalités du terrain ni aux véritables enjeux des contrôles d'identité.
Il est notamment prévu d'inscrire dans la loi l'obligation de motiver chaque contrôle d'identité, afin d'exclure les discriminations. Ce dispositif est plus incantatoire que réellement utile, pour ne pas dire qu'il est redondant avec le droit existant.
La proposition de loi vise par ailleurs à mettre en place un récépissé de contrôle d'identité, dont un double serait remis à l'intéressé. Ce document mentionnerait, entre autres, le fondement juridique et les motifs qui justifient le contrôle. Une telle mesure alourdirait inutilement les procédures, car rien ne prouve qu'elle permettrait de mieux lutter contre les discriminations.
De plus, sa mise en œuvre concrète interroge. Elle créerait une charge administrative supplémentaire pour les agents, au détriment de l'exercice efficace de leurs missions. Au regard de ces contraintes matérielles, le Gouvernement s'était déjà opposé à une telle mesure en 2016.
Les auteurs de ce texte proposent également que les contrôles d'identité soient systématiquement enregistrés par des caméras mobiles. Là encore, d'importantes difficultés techniques se posent, notamment en matière de stockage des données.
Pour autant, il est indéniable que les contrôles d'identité soulèvent plusieurs questions, que ce soit du point de vue de leur efficacité ou de leurs modalités de mise en œuvre. Si la proposition de loi n'apporte pas de réponses adaptées, elle nous interroge sur un sujet d'importance, sur lequel nous devrons, à terme, nous pencher, en particulier pour améliorer les conditions de travail de nos forces de l'ordre.
En définitive, le groupe Les Indépendants ne soutiendra pas cette proposition de loi, bien que nous reconnaissions l'importance de ce sujet et que nous respections l'initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Nous veillerons toujours à éviter que quiconque ne subisse de discriminations, cela va de soi. Mais nous ne pouvons pas voter en faveur d'un texte dont l'adoption alourdirait inutilement le travail déjà bien complexe que doivent mener nos policiers et nos gendarmes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Olivier Henno applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des mots qui claquent comme des serments républicains.
Confiance, police, population : ce sont trois piliers du pacte social qui, depuis la Révolution, lie l'ordre républicain à la liberté des citoyens. Et ce sont ces trois mots qu'entendent réconcilier les auteurs de cette proposition de loi.
Toutefois, derrière cette intention se cachent une défiance insidieuse envers nos forces de l'ordre, un soupçon généralisé, une mécanique de suspicion qui ne dit pas son nom.
M. Jérôme Durain. C'est faux !
M. Stéphane Le Rudulier. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues : ce texte, sous couvert de rétablir la confiance, l'érode totalement.
Mme Audrey Linkenheld. Mais non !
M. Stéphane Le Rudulier. Il sème le doute, il fracture et bureaucratise jusqu'à la mission même de nos forces de l'ordre : protéger nos concitoyens.
C'est vrai, il existe une tension dans certains quartiers ; c'est vrai, des injustices ont parfois été commises, et nous devons les reconnaître. Mais la réponse adéquate n'est certainement pas de placer nos forces de l'ordre sous la contrainte permanente d'un formulaire ou d'un récépissé, ou encore sous le regard d'une caméra brandie comme un contre-pouvoir systématique.
Est-ce cela, la République ? Une société où l'on soupçonne ses serviteurs avant même de leur faire confiance ? Une démocratie où l'on contrôle le contrôleur, sans jamais interroger les causes profondes de la défiance ?
En réalité, cette proposition de loi vise à créer une rupture de confiance, non pas entre la police et la population, mais entre l'État et ses propres agents.
Le récépissé de contrôle d'identité n'est pas une avancée : c'est une stigmatisation. Il transforme chaque acte de sécurité en geste suspect. Il envoie un message implicite, mais limpide : « Nous ne vous faisons pas confiance. »
On évoque la dignité des personnes contrôlées, et c'est légitime. Mais qu'en est-il de la dignité des policiers et des gendarmes ? Qu'en est-il de ces hommes et de ces femmes qui, chaque jour, chaque nuit, assurent notre sécurité, parfois au péril de leur vie, et qui seraient désormais invités à justifier chaque intervention comme s'ils étaient les accusés permanents d'un procès sans fin ? (M. Jérôme Durain s'exclame.)
Que dirons-nous aux policiers de Marseille, qui affrontent des zones de non-droit ? Leur dirons-nous que, désormais, avant de contrôler un suspect, ils devront sortir un formulaire et leur identifiant et cocher des cases, comme s'il leur fallait demander pardon d'exister ? Ce n'est pas cela, l'autorité républicaine. Ce n'est pas cela, l'honneur du maintien de l'ordre ! (M. Guy Benarroche proteste.)
Et que penser de ce fameux article 4, qui impose l'enregistrement systématique des contrôles ? Allons-nous faire de chaque patrouille une opération de surveillance inversée ? Qui contrôle qui ? Où est la frontière entre la transparence légitime et la défiance institutionnalisée ?
Mes chers collègues, ce texte se trompe de cible.
La vraie fracture, ce n'est pas celle qui oppose la police et la population ; c'est l'effondrement de l'autorité dans une société où la violence progresse, les trafics se banalisent et les uniformes sont pris pour cible.
C'est là que le lien est rompu : quand les serviteurs de l'État sont agressés, blessés, parfois tués, pour avoir simplement voulu faire respecter la loi !
Vous évoquez la discrimination : parlons-en. La discrimination doit être combattue, sans relâche. Mais la réponse à des cas isolés ne peut pas être la généralisation de la suspicion. La République avance non pas à coups de généralités culpabilisantes, mais grâce au discernement et à l'équilibre entre sécurité et liberté. En vérité, cette proposition de loi reflète une forme de renoncement – à l'autorité, à l'universalité républicaine, au soutien envers ceux qui incarnent la loi.
Or, je vous le dis, sans respect envers la police, il n'y a pas de respect envers la loi ; dès lors, il n'y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Seuls demeurent le désordre, la violence et le ressentiment.
Nous croyons tous, ici, au respect dû à la population, quelle que soit son origine. Mais respectons aussi ceux qui nous protègent. La police est un pilier, pas un problème. Elle est un rempart, pas un risque. Elle est une autorité républicaine, pas une menace.
Alors, mes chers collègues, ne créons pas une nouvelle ligne de fracture. Ne cédons pas à la facilité des bons sentiments, qui affaiblissent in fine la République dans ce qu'elle a de plus sacré : son autorité légitime.
Le lien de confiance ne se décrète pas à coups de lois de soupçon. Il se construit sur la reconnaissance, la formation, la proximité et le respect mutuel. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce texte. Cette position ne reflète aucun dogmatisme de notre part, mais seulement notre attachement profond à une République d'équilibre, de responsabilité et de courage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Henno et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec grande attention les interventions des différents orateurs.
Comme le ministre François-Noël Buffet l'a indiqué, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi. Cependant, cette position n'est la traduction d'aucun dogmatisme, ni davantage d'un rejet des motivations qui sous-tendent ce texte.
Nous ne faisons pas de procès d'intention aux uns ou aux autres. Au contraire, cet hémicycle, dans son ensemble, fait bien souvent la preuve de son soutien à la police, comme les Français démontrent le leur dans la société.
Néanmoins, les mesures prévues par les trois premiers articles du texte figurent déjà dans le droit commun. Concernant les dispositions des articles 2 et 3, en particulier, les services de police et le ministère de l'intérieur ont engagé un processus continu d'amélioration des pratiques de la police à l'égard de l'ensemble des Français, dans leur diversité.
Ensuite, des sanctions pénales et administratives sont prévues par notre droit actuel. Utilisons les outils qui sont d'ores et déjà à notre disposition.
Enfin, la proposition d'instituer un récépissé a tout de la fausse bonne idée.
Une telle mesure rallongerait le déroulement du contrôle d'identité. Monsieur le sénateur Durain, j'ai bien compris que vous souhaitiez diminuer le nombre de contrôles. (M. Jérôme Durain opine.) Mais, en attendant, les contrôles seraient d'autant plus longs à réaliser.
En outre, recueillir des informations concernant l'origine ou la couleur de peau de la personne qui fait l'objet d'un contrôle risquerait de provoquer des tensions qu'il faut certainement éviter.
Mme Corinne Narassiguin. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Par ailleurs, pour prouver le caractère discriminatoire de certains contrôles, nous devrions renseigner le fichier des récépissés. Cela reviendrait à enregistrer des informations telles que la couleur de peau des personnes contrôlées, ce qui est totalement contraire à l'esprit et au texte de notre droit. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Ne protestez pas : j'ai le droit d'exprimer la position du Gouvernement !
Ainsi, si nous sommes opposés à l'ensemble de cette proposition de loi, nous faisons preuve d'un esprit d'ouverture quant aux motivations de ses auteurs.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population
Article 1er
Le second alinéa de l'article 78-1 du code de procédure pénale est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Ce contrôle d'identité doit être motivé et exclut toutes discriminations, telles que définies aux articles 225-1 à 225-4 du code pénal. Il doit être mis en œuvre dans le respect de la dignité des personnes. Il est susceptible de recours. ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, sur l'article.
M. Jérôme Durain. Je veux revenir sur la motivation qui sous-tend cette proposition de loi.
Le dernier orateur de la discussion générale, M. Le Rudulier, a cru voir dans ce texte l'expression d'une défiance à l'égard des forces de l'ordre, une loi de soupçon. Ce n'est pas du tout le cas !
Je le répète : le groupe socialiste et Corinne Narassiguin, la première signataire de ce texte, ne cherchent qu'à assurer l'efficacité de l'action de la police. Quelque 47 millions de contrôles sont effectués chaque année, dont 15 millions sur la voie routière. Mais qu'en est-il des 32 millions restants, d'après une estimation au jugé de la Cour des comptes ?
On ne sait même pas ce que fait la police ! Quelle usine, dans ce pays, ne connaît pas le nombre de pièces qu'elle produit ? Quel artisan ignore le nombre d'objets qu'il fabrique dans la journée ? Aucun ! Et nous accepterions que la police ignore le nombre de contrôles qu'elle réalise ?
Il est aberrant que des agents publics ne puissent pas être évalués au regard de leurs actions. Cela n'est en rien une forme de défiance à leur égard. Seulement, quelles sont leurs missions prioritaires ? Que font-ils ?
Autre sujet : la motivation des contrôles. Tout le monde la demande !
Rappelons le cadre : le rapport Vigouroux préconise de « préciser, par voie de circulaire publique […] élaborée après concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, les conditions de réalisation des contrôles d'identité de façon à veiller à ce qu'ils respectent les principes généraux définis dans le code de déontologie de la police et de la gendarmerie. » Ce n'est pas nous qui le disons !
En outre, dans la proposition n° 51 du rapport, il est suggéré de « veiller à mieux circonscrire les contrôles, en les ciblant et en les limitant dans le temps et dans l'espace ».
Enfin, dans la proposition n° 52, il est préconisé d'« exiger que soient communiqués verbalement les motifs des contrôles d'identité aux personnes contrôlées ».
Je le rappelle, le rapport Vigouroux a été commandé par Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti !
Par ailleurs, le CEDPN recommande d'« imposer, a minima dans une instruction dédiée, que les motifs qui ont conduit au contrôle d'identité soient systématiquement et obligatoirement annoncés à la personne contrôlée » et de « rendre obligatoire, dans l'instruction du directeur général de la police nationale […], l'activation […] de la caméra-piéton ».
Cette demande émane des policiers, de ceux qui les encadrent et des personnes chargées de réfléchir à la déontologie de la police, et non d'affreux apparatchiks ou d'horribles gauchistes ! Leur seule volonté est que la police travaille bien, dans l'intérêt de tous et dans le respect des droits, pour assurer la protection des populations.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, sur l'article.
M. Adel Ziane. Certains disent que le débat sur la proposition de loi de ma collègue Corinne Narassiguin traduit une forme de déni. Au contraire : avoir ce débat, c'est refuser de céder à la facilité.
Le rapporteur a rappelé, en s'appuyant sur des sondages, que les Français soutiennent leur police nationale, laquelle est chargée d'une mission difficile. Au Sénat, nous réaffirmons régulièrement notre soutien.
On entend qu'il n'y aurait nul besoin de rétablir le lien de confiance entre la population et la police car celui-ci ne serait pas rompu. Mais on ne peut pas déplorer un sentiment de défiance envers l'autorité de l'État, comme le font certains ici, tout en niant cette rupture de confiance !
Réparer cette relation de confiance est aussi nécessaire pour assurer l'autorité de l'État. Ce lien est abîmé. En 2005, Corinne Narassiguin l'a rappelé, Zyed et Bouna avaient fui un contrôle de police parce que leurs parents leur avaient pris leurs pièces d'identité de peur qu'ils ne les perdent.
Le rapport d'information de François-Noël Buffet, sur les émeutes de 2023 a confirmé que ces tensions s'étaient aggravées et que les contrôles d'identité étaient toujours au cœur du malaise.
L'engagement d'une réflexion sur les contrôles d'identité grandirait la police nationale et renforcerait la transparence et la légitimité de son action. Jérôme Durain l'a dit : 32 millions de contrôles d'identité sont réalisés chaque année. Par ce texte, nous souhaitons aussi redonner du sens au travail des policiers, car les premiers concernés sont en effet interrogatifs. Près de 40 % d'entre eux jugent peu ou pas efficaces ces contrôles d'identité, d'après une étude du Défenseur des droits.
Enfin, la proposition de loi est le reflet du travail d'évaluation que nous devons mener en tant que parlementaires. Et cette évaluation est une demande de l'institution policière elle-même.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (« Ah ! », sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ils sont minoritaires !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 282 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 115 |
Contre | 225 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2
L'article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le septième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « Sur demande motivée du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, ou, de sa propre initiative, le procureur de la République peut, sur réquisitions écrites, instituer un périmètre au sein duquel, pour une période de temps déterminée, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, aux fins de recherche et de poursuites d'infractions qu'il précise. »
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Un rapport annuel établi par le ministère de la justice sur la base des données transmises par les procureurs de la République, indique, pour chaque ressort, le nombre de réquisitions prononcées et refusées, les périmètres retenus, les périodes de temps déterminées, les infractions poursuivies, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité sur ce fondement et les motifs ayant justifié ce contrôle. Ce rapport est rendu public et ses données sont rendues accessibles dans un format ouvert et librement utilisable. »
2° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« L'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour assurer la sécurité d'un événement, d'une manifestation ou d'un rassemblement exposé à un risque d'atteinte grave à l'ordre public à raison de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation. Le contrôle peut s'opérer dans le périmètre du lieu exposé à ce risque et à ses abords. L'étendue et la durée des contrôles sont adaptées et proportionnées aux nécessités que font apparaître les circonstances. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l'article.
Mme Corinne Narassiguin. Cet article tend à modifier l'article 78-2 du code de procédure pénale, qui fait l'objet de nombreux débats parmi ceux qui s'interrogent sur l'efficacité des contrôles d'identité et sur la manière de les réaliser.
L'ancienne directrice de l'IGPN a mis en cause cet article. Il est tellement mal écrit et d'une portée si large qu'il laisse une très grande place à l'arbitraire, ce qui met finalement en danger les policiers.
Mon intention est donc de clarifier l'article 78-2 du code de procédure pénale et de restreindre la possibilité d'effectuer des contrôles d'identité. L'objectif est d'instaurer un cercle vertueux. Actuellement, le contrôle d'identité est l'instrument principal d'interaction entre la police et la population. Pour inciter un groupe de jeunes un peu bruyants qui dérangent le voisinage à rentrer chez eux, à aller ailleurs ou à se calmer, il est tout à fait possible de concevoir un rapport moins agressif et conflictuel que celui qu'instaure le contrôle d'identité. Formons la police à opter pour d'autres moyens d'interaction, tout en obtenant les mêmes résultats.
L'article 2 vise à rendre transparente l'utilisation des contrôles d'identité et à réduire la capacité des policiers à effectuer ces contrôles. Nous devons interroger l'utilité de cette pratique et trouver d'autres moyens pour permettre aux policiers d'être plus efficaces dans leurs actions quotidiennes.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié est présenté par M. Haye, Mme Guidez, MM. Bonneau et Canévet, Mmes Billon, Gacquerre et Patru, M. Levi, Mmes Romagny, Perrot, Herzog et de La Provôté et M. Cambier.
L'amendement n° 6 rectifié bis est présenté par Mme Belrhiti, MM. Paccaud, Piednoir, Reichardt, Bouchet, Sido et Meignen, Mmes P. Martin et Gosselin, MM. Rojouan, Lefèvre, Milon et Brisson et Mme Aeschlimann.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ludovic Haye, pour présenter l'amendement n° 4 rectifié.
M. Ludovic Haye. Le recours aux réquisitions écrites par le procureur de la République fait l'objet d'une procédure claire et cohérente, conforme aux exigences de l'État de droit.
L'introduction, à l'article 2, d'une exigence supplémentaire de demande motivée du préfet de police ou du procureur de la République complexifie inutilement une procédure qui nécessite réactivité et efficacité.
Cette complexification va à rebours de l'objectif affiché de simplification de l'action publique. Elle introduit une contrainte supplémentaire, quand nous devrions chercher à alléger les procédures pour gagner en efficacité et en agilité.
Par ailleurs, chacun ici mesure la responsabilité considérable qui pèse déjà sur les épaules des préfets de police et des procureurs de la République, dont l'objectif est le même que le nôtre : assurer la sécurité de nos concitoyens et maintenir l'ordre public.
Cet amendement vise donc à supprimer l'article 2, de façon à réaffirmer notre confiance dans notre procédure et nos agents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l'amendement n° 6 rectifié bis.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Bonhomme, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l'article 2, qui constitue une restriction considérable de la capacité des policiers et des gendarmes – même si ces derniers ne sont pas mentionnés dans le titre de la proposition de loi – à réaliser des contrôles d'identité dans le cadre de la prévention des troubles à l'ordre public.
En effet, les contrôles seraient limités à certaines circonstances : événements, manifestations ou rassemblements.
Outre le fait qu'elles sont définies de façon floue, ces circonstances ne permettent pas d'épuiser les risques de troubles à l'ordre public dans leur intégralité. Je pense notamment aux zones d'affluence touristiques, aux transports, aux abords des institutions ou à d'autres sites sensibles.
Par ailleurs, cet article, en prévoyant que les réquisitions du procureur tendant à la réalisation des contrôles d'identité puissent être faites à la demande des préfets, risquerait de complexifier la procédure et, surtout, de brouiller les pistes entre le cadre judiciaire et le cadre administratif.
Enfin, l'article prévoit la publication annuelle de données sur les réquisitions des procureurs, comportant notamment leur périmètre et leur durée. Outre la charge administrative considérable supplémentaire que cela représenterait pour les parquets, cette mesure pose un autre problème : la divulgation de telles données pourrait apporter des informations très précieuses aux délinquants sur les méthodes des enquêteurs.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?