M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous entamons l’examen des articles relatifs aux affaires sociales, qui représentent seulement quatre articles sur les trente-quatre du texte initial, alors qu’ils auraient dû en constituer l’essentiel. La refondation de Mayotte aurait en effet dû permettre l’adoption de mesures sociales fortes.
Nous nous trouvons plutôt face à un projet de loi dont le contenu est principalement composé de propositions antimigratoires. D’un côté, on l’a vu, ce texte durcit les conditions d’accès au séjour des parents d’enfants français et prévoit de retirer leur titre de séjour aux parents dont les enfants mineurs présentent un trouble à l’ordre public ; de l’autre, il ne prévoit pas d’aligner rapidement les montants des prestations familiales sur ceux de l’Hexagone et des autres départements d’outre-mer. La priorité du Gouvernement n’est pas l’égalité des droits.
Selon l’Insee, le système redistributif public ne réduit que très marginalement la pauvreté à Mayotte, où les prestations sociales ne font baisser que de deux points le taux de pauvreté. Monsieur le ministre, elles le font baisser de sept points dans l’Hexagone et de dix points en moyenne dans les autres départements d’outre-mer.
Refonder, c’était faire des annonces claires afin de faire baisser de plus de deux points le taux de pauvreté à Mayotte. Au lieu de cela, la convergence de certaines prestations de solidarité est renvoyée aux calendes grecques. Quel manque d’ambition !
En commission des affaires sociales, un amendement a été déposé visant à ne pas octroyer l’AME à Mayotte au prétexte que son versement pourrait créer un appel d’air. La recherche a pourtant démontré à maintes reprises qu’il s’agit là d’un mythe, tout comme l’ont fait plusieurs rapports de l’Assemblée nationale, de même que ceux du Défenseur des droits en 2020 et de la mission d’information du Sénat sur l’accès aux soins à Mayotte.
Dans quel but alimentez-vous cette contre-vérité, au lieu de la déconstruire ? Au nom de quelle idéologie ?
Refonder signifie établir rapidement l’égalité avec les autres territoires. Il s’agit d’être à la hauteur. La France a une responsabilité et le régime d’exception à Mayotte doit cesser.
Nous proposerons plusieurs amendements à cette fin.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, sur l’article.
Mme Audrey Bélim. Je me dois d’insister, comme mes collègues Saïd Omar Oili et Corinne Narassiguin, sur la nécessité de poursuivre l’engagement de l’État en faveur de Mayotte. Nous pensons tous que Mayotte a aujourd’hui besoin d’un regard bienveillant et constant de l’État.
Monsieur le ministre, vous vous souvenez certainement de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, que vous avez défendue conjointement avec Ericka Bareigts.
Cette loi comprenait un titre entier sur le département de Mayotte. L’accélération du rythme de convergence des allocations familiales avec le montant en vigueur dans les départements et régions d’outre-mer, la mise en place du complément familial, du complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, d’un minimum contributif pour revaloriser les petites retraites et de véritables plans de convergence élaborés en concertation avec les filières socioprofessionnelles étaient nécessaires à Mayotte, comme dans tous les autres territoires ultramarins.
Malheureusement, cette loi, adoptée à l’unanimité en 2017, a été mal ou peu appliquée par les gouvernements qui se sont succédé. Les plans de convergence se résument par exemple à de simples contrats de plan État-région, élaborés sans concertation. Ils ne constituent donc pas de véritables stratégies pour le territoire.
C’est pourquoi il me semble essentiel que nous convenions tous, parlementaires comme Gouvernement, que les propositions qui suivront sont essentielles pour le territoire, par solidarité avec nos concitoyens mahorais, pour qui Chido a été un véritable traumatisme. Cette crise dure par de nombreux aspects. Mayotte a donc ce soir besoin d’un véritable soutien de la nation française.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Corbière Naminzo, Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 43 rectifié est présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset, Gold et Guiol, Mme Pantel et M. Daubet.
L’amendement n° 85 est présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mmes Narassiguin et Artigalas, MM. Lurel et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 141 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
à l’exception de l’aide médicale de l’État,
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Silvana Silvani. Mayotte est le seul département français où l’AME ne s’applique pas, alors même qu’il s’agit du territoire qui compte la plus forte proportion de personnes vulnérables.
Selon les chiffres de l’Insee, en 2021, un habitant de l’archipel sur neuf s’estimait en mauvaise ou très mauvaise santé. La mortalité infantile y atteint 9,6 %, contre 3,8 % dans l’Hexagone. La malnutrition touche encore 10 % des enfants de 4 ans à 10 ans et les populations âgées montrent également un état de santé dégradé, avec une espérance de vie inférieure de huit ans par rapport à la France métropolitaine.
Face à ce constat, il y a urgence à lutter contre les renoncements aux soins en généralisant la protection universelle maladie et les exonérations de ticket modérateur. Pour les personnes immigrées, l’aspect financier est souvent évoqué comme motif de renoncement aux soins, alors que l’aide médicale de l’État demeure non applicable à Mayotte. En dehors des situations d’urgence, les personnes qui vont consulter au centre hospitalier de Mayotte peuvent se voir demander une participation forfaitaire de 10 ou 25 euros. Cela représente une réelle barrière pour l’accès aux soins des personnes en situation régulière.
C’est la raison pour laquelle, par cet amendement, nous demandons de maintenir la possibilité de généraliser l’AME au territoire de Mayotte.
Les droits sociaux sont constitutifs des droits de la citoyenneté dans notre République universelle et indivisible. Les citoyens sont égaux en droits. Ce n’est pas un menu à la carte ! L’argument de la maîtrise de l’immigration ne saurait justifier le maintien de droits différenciés selon que nos concitoyens sont en métropole ou sur le territoire mahorais.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
Mme Sophie Briante Guillemont. Il est défendu, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 85.
Mme Annie Le Houerou. L’article 15 prévoit la convergence des droits à Mayotte d’ici à 2031 au plus tard. Cependant, du fait d’un amendement de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, il n’inclut pas l’aide médicale de l’État.
Mayotte est aujourd’hui le seul département français exclu de ce dispositif, alors qu’il concentre la plus forte proportion d’étrangers en situation irrégulière. Une telle exclusion crée des problèmes majeurs de santé publique, touchant aussi bien les personnes concernées que l’ensemble de la population.
Depuis la mise en place de la sécurité sociale, au 1er janvier 2005, l’accès aux soins, qui était jusqu’alors gratuit pour tous, quelle que soit la nationalité ou la régularité du séjour, ne l’a plus été que pour les affiliés. Les non-affiliés, eux, sont contraints de payer un forfait. Ce système explique le taux de renoncement important sur l’île.
En général, les non-affiliés sont les personnes résidant de manière irrégulière sur l’île, appartenant souvent à la part la plus précaire de la population. Comment peut-on imaginer qu’ils puissent s’acquitter d’un forfait pour bénéficier d’une consultation ?
Avec 89 médecins pour 100 000 habitants au 1er janvier 2022, contre 338 en moyenne dans l’Hexagone, Mayotte est le plus grand désert médical de France. Privés d’accès à la médecine de ville, les patients se tournent massivement vers les urgences du centre hospitalier de Mayotte. Cela entraîne des prises en charge tardives, des soins coûteux et un engorgement du seul hôpital de l’île. Déjà en situation critique, l’établissement assure 72 % de l’offre de soins et supporte seul toute la charge financière, ce qui aggrave fortement son déficit.
Nous ne souhaitons pas que Mayotte soit le laboratoire de ce qui est prôné par une certaine partie de la classe politique et pourrait advenir sur le reste du territoire. Toute personne dont la santé est en danger doit pouvoir être soignée.
Ainsi, nous souhaitons que l’AME ne soit pas exclue a priori de la convergence des droits prévus par le projet de loi, afin de garantir aux Mahorais un accès équitable aux soins et de consolider la cohésion sanitaire nationale. La République est une et indivisible. De ce fait, tous ses habitants doivent pouvoir bénéficier des mêmes aides, afin de leur permettre de vivre dignement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 141.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, nous souhaitons, nous aussi, supprimer l’exclusion de l’aide médicale de l’État à Mayotte du champ de l’habilitation conférée au Gouvernement.
Rappelons-le, l’AME est une prestation sociale qui relève d’une politique de santé publique. C’est une mesure essentielle et universelle. Elle garantit l’accès aux soins vitaux des personnes en situation irrégulière, préservant indirectement la santé de tous les habitants du territoire.
En refusant l’AME à Mayotte, on rompt le principe constitutionnel d’égalité, on porte atteinte à la solidarité nationale et on prend le risque – nous le savons – de multiplier les urgences et, à terme, les coûts sanitaires.
En effet, les conditions de vie des personnes concernées sont déjà tellement dégradées que celles-ci sont plus vulnérables aux maladies infectieuses et transmissibles ou à des pathologies telles les infections aiguës du système respiratoire. Les femmes enceintes ont un manque de suivi qui les met en danger, elles et leurs enfants.
Tout refus de cet accès aux soins de premiers recours ou tout retard se révélera plus coûteux, indépendamment même du coût humain. En effet, cela entraînera un report aux urgences du système hospitalier, sans parler des conséquences en termes de santé publique auxquelles j’ai déjà fait référence.
Cette exclusion est une aberration financière et médicale, en plus de témoigner d’un manque d’humanité.
L’adoption de cet amendement permettra de garantir l’universalité réelle de la protection sociale dans l’ensemble du territoire de la République, de prévenir les risques épidémiques, d’assurer un accès effectif aux soins de premier recours et de mettre fin à une différence de traitement discriminatoire à l’égard des résidents de Mayotte.
Il convient donc de supprimer la mention de l’exclusion de l’AME, afin de rendre pleinement cohérent l’objectif de convergence sociale qui figure dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques visent à réintroduire la possibilité pour le Gouvernement d’étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte, que nous avons supprimée en commission.
En effet, le Gouvernement a toujours été très clair sur le fait que la convergence devait s’appliquer en tenant compte des spécificités mahoraises. À ce jour, le fort afflux de migrants déstabilise l’ordre public et la reconstruction qui est à l’œuvre ; il cause aussi une pression sans précédent sur les services publics. Nous ne pouvons pas créer d’effet incitatif supplémentaire.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, ce texte est, d’une manière générale, équilibré, fort et dynamique dans ses objectifs ; en tout cas, c’est ce que nous avons recherché. Encore une fois, le réduire aux seuls enjeux migratoires et de sécurité, même s’il s’agit évidemment de sujets importants, c’est ne pas l’avoir lu et passer à côté de l’essentiel.
Nous avons consacré du temps aujourd’hui à l’examen de l’article 1er et du rapport annexé. Je pense ainsi à l’engagement de 4 milliards d’euros d’investissements, sur la base d’une programmation qu’il faudra évidemment préciser, avec une série d’objectifs.
Un engagement était attendu depuis dix ans. Si cela ne vous paraît pas très important, c’est que vous ne vous intéressez pas à ce qui constitue le cœur même du texte, à savoir la reconstruction et la refondation de Mayotte.
Je me permets d’insister sur ce point, car de tels moyens n’ont jamais été mobilisés, pas même dans le cadre de la démarche que Mme la sénatrice Bélim a à juste titre évoquée. Nous avons en effet lancé et défendu un texte avec Victorin Lurel, puis avec Ericka Bareigts, mais, comme cela a d’ailleurs été souligné, ce sont ensuite son application et la définition des objectifs à atteindre qui ont posé problème.
Le hasard veut qu’il me revienne, sept ans ou huit ans plus tard, d’essayer d’en mettre en œuvre les principes pour Mayotte. Le hasard a-t-il bien fait les choses ou non ? Je n’en sais rien… (Sourires.)
Vous avez été nombreux à voter l’article 1er. J’entends les impatiences, voire certaines marques de scepticisme. Il faut que les mesures adoptées entrent en vigueur.
Au demeurant, le texte que je présente est le fruit d’un travail interministériel. Il découle également des concertations avec les élus mahorais et une partie de la société civile, de la proposition de loi qu’Estelle Youssouffa, députée de Mayotte, a rédigée et de ce que mes prédécesseurs Vigier et Guévenoux ont engagé. Nous arrivons au bout du chemin.
Le projet de loi qui vous est proposé institue la programmation financière et crée – cela a été rappelé – des outils de lutte contre l’habitat illégal et l’immigration irrégulière. Il met en place la convergence sociale, un élément fondamental qui va beaucoup s’appuyer sur la négociation avec les partenaires sociaux. D’ailleurs, c’est en cours. J’ai sollicité le préfet Bieuville et le général Facon ; sur la base du rapport qu’ils me soumettront, nous pourrons engager cette convergence sociale à partir du 1er janvier 2026.
Je tenais à rappeler tous ces éléments.
J’en viens à la question de l’AME.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à exclure l’aide médicale de l’État du champ des prestations sociales pouvant être étendues à Mayotte par ordonnance. D’ailleurs, comme je l’ai indiqué, le Gouvernement examinera évidemment l’ensemble de ces prestations dans le cadre de l’ordonnance.
Les auteurs des quatre amendements identiques souhaitent que l’AME soit réintégrée dans le champ de l’habilitation du Gouvernement. Aujourd’hui, cela a été souligné et c’est juste, cette prestation ne s’applique pas à Mayotte.
La prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière sur le territoire s’effectue principalement au centre hospitalier de Mayotte. Je salue à ce propos le travail incroyable et le très grand dévouement des médecins.
Si l’instauration de l’AME a pour objectif de permettre la prise en charge de ces personnes en ville, il est peu probable que cela puisse se traduire immédiatement dans les faits à Mayotte. Comme vous le savez, aujourd’hui, l’offre de ville reste embryonnaire ou est saturée.
Avant d’envisager la mise en œuvre de l’AME à Mayotte, le Gouvernement souhaite continuer les efforts – c’est un sujet que j’ai évoqué aujourd’hui – pour développer l’offre de soins de ville. Je pense notamment à ce que la médecine libérale peut faire dans les permanences et les dispensaires.
L’extension de l’AME sera appréciée par le législateur en amont de 2031 en tenant compte à la fois de la situation de la médecine de ville à cette date et, le cas échéant, d’éventuelles évolutions du dispositif national de cette prestation d’ici là.
Pour l’instant, l’organisation des soins n’est pas adaptée à l’instauration de l’AME à Mayotte. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Que l’application de l’AME à Mayotte soulève des problèmes de temporalité ou de conditionnalité est une chose – cela étant, rien ne vous obligeait à accélérer ; vous auriez pu prendre le temps d’envisager le cadre dans lequel le dispositif pourrait être mis en œuvre –, mais qu’il faille délibérément l’exclure, dans une démarche active, en est une autre !
En plus, vous avez décidé de reporter un ensemble de prestations sociales à après la convergence avec le Smic, en 2031 – autant dire aux calendes grecques ! Nous avons eu l’occasion d’en parler.
Sur l’AME, votre démarche porte un nom. Là, il ne s’agit plus d’un report aux calendes grecques, par exemple le temps de réfléchir à des conditions et à des solutions opérationnelles, c’est une exclusion délibérée !
Pourtant, il y a bien eu des rapports sur l’AME, d’autant que le problème peut se poser aussi ailleurs en France. Tous ont conclu à la nécessité de maintenir cette prestation, quand bien même le panier de soins serait à revoir.
Comme vous l’avez rappelé vous-même, les malades concernés vont à l’hôpital. D’ailleurs, par votre décision, vous aggravez le déficit de l’établissement.
Mme Corinne Narassiguin. Absolument !
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, comme l’AME ne s’applique pas à Mayotte, les soins ne sont pas financés. Et ce n’est pas parce que les malades vont à l’hôpital faute de pouvoir aller en ville qu’ils disparaissent ! Vous mettez donc les hôpitaux en difficulté.
Je m’étonne que le ministre de la santé ou des collègues médecins ne se lèvent pas pour dénoncer cette mesure. Exclure délibérément et activement l’AME est un fil rouge idéologique ; cela n’a rien de rationnel !
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, je vous rassure, nous avons bien lu le texte et nous avons même reconnu qu’il contenait un certain nombre d’avancées. Pour autant, le parallèle que vous dressez entre l’AME et les soins de ville est absolument incompréhensible.
À vos yeux, les Mahorais sont-ils français ou non ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15, 43 rectifié, 85 et 141.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Aux conditions de durée de séjour pour l’obtention des prestations sociales.
II. – Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elles permettent d’harmoniser les conditions de durée de séjour pour l’obtention des prestations.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement a pour objet d’harmoniser les conditions de durée de séjour pour l’obtention des prestations entre Mayotte et l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer.
En effet, certaines prestations ne sont pas octroyées selon les mêmes conditions de durée de séjour à Mayotte qu’ailleurs.
Ainsi, une personne étrangère qui réside dans l’Hexagone ou dans d’autres départements d’outre-mer de manière stable peut obtenir l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) en ayant un titre de séjour depuis au moins dix ans – tout de même, dix ans ! En revanche, à Mayotte, la prestation est octroyée sous condition de résidence aux personnes en situation régulière depuis quinze ans. Comme il s’agit d’une allocation destinée aux personnes âgées, j’imagine que l’objectif doit être de laisser aux futurs demandeurs le temps de vieillir, voire de mourir avant de pouvoir y prétendre…
De la même manière, le RSA n’est pas accessible à la population étrangère régularisée depuis moins de quinze ans. C’est une spécificité de Mayotte.
Par ailleurs, comme l’indique le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, la condition de régularité de séjour est plus excluante à Mayotte que partout ailleurs. De plus, l’attribution de prestations familiales à des familles étrangères semble exceptionnelle. Avec des conditions d’accès plus difficiles et une durée de résidence plus longue qu’ailleurs, je me demande bien qui peut en bénéficier…
La moitié des personnes étrangères ne disposent pas de titre de séjour, même quand elles résident depuis très longtemps dans l’archipel. Contrairement à ce qui se pratique dans les autres départements, à Mayotte, la caisse de sécurité sociale exige la production de pièces attestant d’un lien juridique entre l’allocataire et l’enfant à charge et exclut tous les autres enfants à charge. Là encore, c’est une spécificité de ce territoire.
Ainsi que je l’ai indiqué, selon l’Insee, le système redistributif public ne réduit que très marginalement la pauvreté à Mayotte, à hauteur de deux points, contre dix points dans les autres départements d’outre-mer, la majeure partie de la population pauvre n’étant pas éligible aux prestations sociales.
Nous souhaitons lever ces restrictions différentielles – l’accès aux prestations sociales nous paraît déjà assez dur –, d’autant qu’elles aggravent les conditions de pauvreté et de précarité liées à l’absence de titre de séjour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à imposer au Gouvernement d’harmoniser les conditions de durée de séjour pour l’obtention des prestations entre Mayotte et l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer.
À Mayotte, certaines prestations sont soumises à des conditions de durée de séjour plus strictes. Cela s’explique par le fait que, selon l’Insee, la moitié de la population de l’archipel est étrangère. Cette démographie constitue l’une des spécificités mahoraises qu’il convient de prendre en compte.
Aussi, il n’est pas souhaitable de procéder à un tel alignement. C’est pourquoi la commission des affaires sociales émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84, présenté par Mme Le Houerou, M. Omar Oili, Mmes Narassiguin et Artigalas, MM. Lurel et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont publiées au plus tard le 1er janvier 2027
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. La situation socioéconomique à Mayotte demeure extrêmement préoccupante, avec des écarts majeurs en matière de précarité et de pauvreté par rapport à l’Hexagone.
Alors que l’échéance initialement prévue pour la convergence totale est fixée à 2036, il est impératif d’accélérer ce calendrier. En effet, le taux de pauvreté atteint 77 % à Mayotte, contre 14 % en France métropolitaine. Le PIB par habitant est le plus faible de tous les territoires français – il représente seulement un quart du PIB national par habitant – et le taux de chômage atteint 37 % de la population.
Au regard d’une telle situation, il est nécessaire d’accélérer la convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte. Dans le rapport annexé, il est précisé que la convergence des droits, notamment pour le RSA et l’allocation aux adultes handicapés, est prévue à l’horizon 2031 sous réserve des adaptations nécessaires et de quelques exceptions. Une telle date paraît lointaine ; qui plus est, elle ne figure pas dans l’article 15.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’inscrire une date butoir à la convergence des droits et de la fixer au 1er janvier 2027.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mmes Corbière Naminzo, Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont publiées au plus tard le 1er janvier 2028
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. La délégation sénatoriale aux outre-mer a publié le 3 avril dernier un rapport d’information relatif à la lutte contre la vie chère outre-mer.
Le rapport d’information pointe l’acuité de la vie chère dans les territoires dits ultramarins, à laquelle nos compatriotes mahorais n’échappent pas. Cela a été rappelé à l’instant, selon la dernière étude de l’Insee, en 2022, le taux de pauvreté est de 77 % à Mayotte, contre 36 % à La Réunion et 14,5 % dans l’Hexagone. Les enfants sont exposés à la malbouffe, entraînant chaque année 1 600 évacuations sanitaires vers La Réunion.
Face à l’urgence sanitaire et sociale, il faut agir. Force est pourtant de constater que, en matière de droits, les gouvernements ont toujours été extrêmement lents et frileux à accorder les mêmes droits à Mayotte que, par exemple, en Vendée ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
À Mayotte, le mouvement de rapprochement de la protection sociale de la population vers ce qui s’applique en France hexagonale et dans les départements et régions d’outre-mer est un processus continu depuis 1996 qui devait aboutir en 2036. Le Gouvernement prévoit d’accélérer la convergence à 2031, ce qui est en soi déjà positif.
Cependant, face à l’urgence sociale et sanitaire, nous proposons d’avancer la publication des dernières ordonnances de convergence des droits au 1er janvier 2028.