M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 108, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 30

Après le mot :

personne

insérer le mot :

majeure

II. – Alinéa 32

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, nous vous invitons à interdire la retenue des mineurs dans le cadre des visites domiciliaires effectuées en vue de la recherche d’armes.

Il est vrai qu’un régime particulier est prévu : la retenue doit faire l’objet d’un accord exprès du juge des libertés et de la détention (JLD) et le mineur doit être assisté de son représentant légal, sauf impossibilité dûment justifiée. Pour autant, ce texte manque de clarté, en particulier pour ce qui relève de la protection des mineurs. Ainsi, les termes « sauf impossibilité dûment justifiée » manquent de précision, ce qui pourrait entraîner des dérives.

Les dispositions de cet article sont donc contraires aux exigences constitutionnelles de clarté de la loi, comme à celles en matière de justice des mineurs. La responsabilité pénale des mineurs doit en effet être atténuée en fonction de leur âge. Par ailleurs, des mesures adaptées à l’âge et à la personnalité des enfants délinquants doivent être mises en œuvre afin de participer à leur relèvement éducatif et moral.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de supprimer les dispositions relatives à la rétention des mineurs à Mayotte, afin de les aligner sur les dispositions applicables ailleurs en France.

M. le président. L’amendement n° 153, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 32, seconde phrase

Supprimer les mots :

sauf impossibilité dûment justifiée

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. L’article 11 encadre les visites domiciliaires aux fins de recherches d’armes. Il prévoit un régime de retenue administrative des personnes à leur propre domicile, la durée de cette retenue ne pouvant excéder quatre heures.

Ce régime, qui est actuellement applicable aux auteurs d’infractions terroristes ou dans le cadre de la prévention des actes de terrorisme, serait étendu d’une manière très large.

Sans remettre en cause la nécessaire lutte contre la prolifération des armes sur le territoire de Mayotte, cet amendement a pour objet de prévoir la présence obligatoire des représentants légaux des mineurs en cas de retenue administrative à domicile.

La mesure de retenue à domicile, dont les modalités sont insuffisamment détaillées dans l’étude d’impact, suppose l’usage de la coercition par les forces de l’ordre. Cette mesure est manifestement déséquilibrée. Un meilleur équilibre entre sauvegarde de l’ordre public et protection des mineurs est nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Il faut bien situer le contexte dans lequel ces dispositions seront mises en œuvre, à savoir en cas de troubles graves à l’ordre public. Les visites domiciliaires auraient lieu chez des personnes jugées dangereuses, qui pourraient le cas échéant être retenues jusqu’à quatre heures sur place.

Quant aux mineurs, le texte prévoit que leur retenue est soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention et que leur représentant légal doit être présent, sauf impossibilité dûment justifiée. Nous sommes donc dans un contexte délicat, concernant des personnes dangereuses, mais des garanties sont prises concernant la retenue des mineurs.

L’auteur de l’amendement n° 108 évoque un risque d’inconstitutionnalité de la disposition. Dans une décision du 29 mars 2018 relative à la lutte antiterroriste, le Conseil constitutionnel a validé le principe qui nous est aujourd’hui proposé pour Mayotte.

La présence d’un représentant légal du mineur, qui est l’objet de l’amendement n° 153, demeure le principe et doit être recherchée à tout prix, comme en matière antiterroriste. Néanmoins, si elle n’est pas possible, il est difficilement envisageable que cela fasse échec à la visite domiciliaire, dans le contexte dans lequel nous nous situerions.

Une garantie supplémentaire est prévue : l’impossibilité pour le représentant légal d’être présent doit être justifiée par les agents de police auprès du JLD.

Ainsi, le texte nous paraît proportionné. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Madame la sénatrice, le projet de loi encadre, par des dispositions spécifiques, la retenue d’un mineur : celle-ci requiert l’accord exprès du juge des libertés et de la détention, ainsi que la présence du représentant légal.

Par ailleurs, la retenue ne peut concerner que la personne dont le comportement a justifié la visite domiciliaire et non toutes les personnes présentes sur le lieu de la visite.

Contrairement à ce que vous indiquez, il s’agit non pas d’une mesure judiciaire, mais d’une mesure de police administrative. Par conséquent, les jurisprudences citées dans l’objet de l’amendement sont, de mon point de vue, inopérantes.

Il s’agit non pas de sanctionner le comportement d’un mineur, mais simplement de retenir au plus quatre heures une personne susceptible de fournir des renseignements sur les armes recherchées ou découvertes sur le lieu de la visite. À défaut, la visite domiciliaire serait mise en échec.

L’encadrement prévu dans le projet de loi est une reprise à l’identique de celui qui existe pour les visites domiciliaires en matière de lutte contre le terrorisme, pris sur le fondement des articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

Le Conseil constitutionnel, qui s’est prononcé sur la constitutionnalité de la retenue, y compris lorsqu’elle concerne un mineur, l’a jugée conforme à notre texte fondamental. Il a estimé que le législateur assurait une « conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller devenir le droit au respect de la vie privée », c’est-à-dire de l’inviolabilité du domicile.

Par conséquent, vous l’aurez compris, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 108.

J’en viens à l’amendement n° 153. Il est nécessaire de prévoir un cas de dispense de l’obligation d’assistance du représentant légal. À défaut, il serait aisé pour le mineur et son représentant légal de faire échec à la mesure : il suffirait pour ce dernier de se rendre injoignable. Telle est la raison pour laquelle nous avons prévu ce dispositif.

C’est pourquoi le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 153.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 153.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

Le chapitre II du titre IV du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Injonctions préfectorales

« Art. L. 342-9. – À Mayotte, si les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d’une arme, le représentant de l’État dans le département peut ordonner par arrêté, pour tout ou partie du territoire, la remise des armes, des munitions ou de leurs éléments relevant des catégories A à D ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, définis à l’article L. 311-2.

« La durée de conservation des armes remises en application du premier alinéa du présent article ne peut excéder trois mois. Elle peut être renouvelée pour une même durée dès lors que les conditions prévues au même premier alinéa continuent d’être réunies.

« L’arrêté précise les motifs de la mesure, le territoire ainsi que les armes et objets concernés par l’obligation, les conditions de la remise, le délai au terme duquel le détenteur doit avoir procédé à celle-ci, la durée de conservation des armes et objets remis, les cas dans lesquels il peut y être dérogé pour motif légitime, les peines encourues en cas de méconnaissance des prescriptions ainsi que les voies et délais de recours.

« Les armes et objets remis en application du premier alinéa donnent lieu à la délivrance d’un récépissé.

« Leur conservation est confiée aux services de la police nationale ou de la gendarmerie territorialement compétents.

« Lorsque les conditions prévues audit premier alinéa ne sont plus remplies et, au plus tard, à l’échéance du délai de conservation prévu par l’arrêté préfectoral, les armes et objets remis sont rendus à leur propriétaire en l’état où elles étaient lors de leur dépôt. S’il apparaît que les armes étaient détenues irrégulièrement, il est procédé à leur destruction.

« Les détenteurs des armes et objets remis en application du même premier alinéa peuvent décider de les remettre à l’État aux fins de destruction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le non-respect des mesures prises en application du présent article est puni des peines prévues à l’article L. 317-6. Le tribunal peut ordonner, en outre, la confiscation des armes, munitions et de leurs éléments dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition. – (Adopté.)

Chapitre II

Renforcer la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre

Article 12
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Article 14

Article 13

Après l’article 900-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 900-2 ainsi rédigé :

« Art. 900-2. – I. – À Mayotte, par dérogation à l’article 78-2-1, lorsque les lieux à usage professionnel mentionnés au premier alinéa du même article 78-2-1 sont situés dans un périmètre comportant des locaux et installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement et formant un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mamoudzou peut, sur réquisition du procureur de la République, autoriser les agents mentionnés audit article 78-2-1, pour une période maximum de quinze jours, d’une part, à entrer dans ces lieux, y compris lorsqu’ils constituent un habitat informel, aux seules fins de procéder aux opérations prévues au même article 78-2-1 et pour la seule recherche des infractions mentionnées à cet article, d’autre part, à traverser, dans un périmètre défini, les locaux qui l’enclavent, qu’il s’agisse ou non de lieux d’habitation. La même autorisation est conférée aux fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en matière de lutte contre le travail illégal.

« L’ordonnance du juge des libertés et de la détention comporte l’adresse ou l’identification par tous moyens des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées, le cas échéant, le périmètre strictement nécessaire à l’intérieur duquel des locaux peuvent être traversés aux seules fins de rejoindre les lieux à visiter, les agents autorisés à procéder aux opérations de visite, les heures auxquelles ces opérations peuvent avoir lieu, la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite.

« L’opération de contrôle se déroule en présence de l’occupant des lieux ou, en son absence, en présence de deux témoins.

« La visite s’effectue sous le contrôle du juge qui l’a autorisée. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l’intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l’arrêt de la visite.

« L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute.

« Elle est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au dernier alinéa du même article 78-2-1. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec avis de réception. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte de commissaire de justice.

« Les délais et voies de recours sont mentionnés dans l’ordonnance.

« L’ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le président de la chambre d’appel de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.

« Cet appel est formé dans un délai de quinze jours suivant les règles prévues par le code de procédure civile. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif.

« L’ordonnance du président de la chambre d’appel de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours.

« Le procès-verbal prévu au dernier alinéa du même article 78-2-1 mentionne les lieux visités et, le cas échéant, ceux traversés.

« II. – Les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du contentieux indemnitaire résultant des mesures prises en application du présent article, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. »

M. le président. L’amendement n° 109, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

quinze

par le mot :

deux

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous ne portons pas le même regard que vous sur la jeunesse. Le nôtre est beaucoup plus bienveillant. Nous sommes beaucoup plus tournés vers la prévention et l’éducation, vous êtes davantage dans la sanction, nous l’avons bien compris. On le voit dans ce texte comme dans l’ensemble des textes que nous examinons au Sénat.

Cet amendement vise à limiter la durée de l’autorisation prévue par cet article. Lorsque les locaux à usage professionnel situés au sein des bangas sont utilisés pour l’emploi de personnes en situation irrégulière, vous autorisez la traversée des habitats informels enclavant ces locaux afin de renforcer la lutte contre l’emploi de ces personnes.

Cette autorisation est prévue pour quinze jours, ce qui paraît particulièrement disproportionné. Le droit à la vie privée et familiale et le droit à la tranquillité des personnes qui vivent dans ces habitats informels, et qui sont déjà précaires, doivent tout de même être préservés.

Cet amendement a donc pour objet de réduire à deux jours la durée de l’autorisation de traverser les habitats informels donnée par le juge des libertés et de la détention afin de limiter l’atteinte aux droits de ces personnes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Les opérations de lutte contre le travail illégal permettent aux agents compétents, tels que les agents officiers de police ou ceux de l’Urssaf, sur réquisition du procureur de la République, de contrôler les locaux listés dans la réquisition. En métropole, le délai est d’un mois. Une durée de quinze jours à Mayotte nous paraît proportionnée.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Masset et Gold, Mme Pantel et M. Daubet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

jours

insérer les mots :

et lorsqu’il existe des indices sérieux à la réalisation d’une infraction visée à cet article

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Cet amendement vise à mieux encadrer les opérations de contrôle dans les habitats informels. Il tend ainsi à prévoir que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention doit reposer sur des indices sérieux, laissant présumer la présence de travailleurs en situation irrégulière.

L’objectif est de prévenir les dérives liées à des contrôles dits exploratoires, qui porteraient atteinte à la vie privée des habitants sans fondement probant. Dans un contexte déjà tendu à Mayotte, où les opérations de police administrative dans les quartiers précaires peuvent exacerber les tensions, il est essentiel de maintenir un haut niveau de justification des interventions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il nous semble que les interventions du JLD sont toujours justifiées par des raisons sérieuses, qui permettent de préserver les droits des personnes.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13.

(Larticle 13 est adopté.)

TITRE IV

FAÇONNER L’AVENIR DE MAYOTTE

Chapitre Ier

Garantir aux Mahorais l’accès aux biens et aux ressources essentiels

Article 13
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Article 15

Article 14

I. – Par dérogation aux deuxième et dernier alinéas du VI de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, à Mayotte, les enquêtes de recensement :

1° Sont exhaustives pour toutes les communes de Mayotte en 2025 et peuvent s’étendre sur l’année 2026 ;

2° Ne sont pas réalisées au titre de l’année 2026.

Un décret définit les modalités d’organisation de ces enquêtes.

II. – Par dérogation au X de l’article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée, le premier décret authentifiant, en application du VIII du même article, les chiffres de la population de Mayotte est publié en 2026.

III. – Au dernier alinéa du IV de l’article 252 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2026 ».

M. le président. L’amendement n° 77 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 121, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – Les résultats des enquêtes de recensement sont communiqués aux collectivités compétentes et intégrés par ces dernières aux diagnostics d’accès à l’eau sur leur territoire afin d’identifier les personnes en situation de précarité en eau et de déterminer les mesures à mettre en œuvre en application des articles L. 1321-1 B du code de la santé publique et R. 2224-5-5 et suivants du code général des collectivités territoriales.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. L’article 14 prévoit des mesures relatives au recensement de la population, notamment le début de la collecte des informations à la fin de l’année 2025. Nous sommes d’accord, une telle démarche est nécessaire.

Par cet amendement, nous proposons que ce recensement soit également l’occasion d’identifier les personnes en situation de précarité, notamment de précarité hydrique. Il s’agit d’articuler le recensement général avec un diagnostic territorial d’accès à l’eau.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises au cours de l’examen de ce texte, l’accès à l’eau est l’un des enjeux essentiels sur le territoire. Le diagnostic territorial d’accès à l’eau est obligatoire pour les collectivités compétentes en matière de service public local de l’eau potable. Notre objectif est la coordination et l’optimisation de ces deux dispositifs – le recensement et le diagnostic –, ce qui permettra d’identifier les situations de précarité en matière d’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Bitz, rapporteur. Le diagnostic territorial d’accès à l’eau pourra être réalisé par les collectivités territoriales compétentes immédiatement après le recensement, à partir de la cartographie des habitations et des chiffres de la population.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 14.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
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Après l’article 15

Article 15

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de rendre applicable à Mayotte, sous réserve d’adaptations tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières du territoire, la législation en vigueur en métropole dans les matières relatives :

1° Aux prestations de sécurité sociale, à l’exception de l’aide médicale d’État, à l’aide sociale et à la prise en charge des frais de santé ;

2° Aux cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale ;

3° À l’organisation et à la gestion des régimes de sécurité sociale ;

4° Aux règles applicables à l’offre de soins ;

5° Aux contrôles et à la lutte contre la fraude, aux échanges d’informations et aux contentieux relatifs à la sécurité sociale et l’aide sociale.

Ces ordonnances procèdent aux modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, améliorer la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, sur l’article.

Mme Silvana Silvani. Il y a près de quinze ans, en 2011, Mayotte est devenue le cent unième département français. Pourtant, depuis lors, les Mahorais ne bénéficient toujours pas des mêmes droits sociaux que les Français de la métropole.

La départementalisation a étendu le système de protection sociale, mais les règles applicables à Mayotte ne sont pas les mêmes qu’à La Réunion ou à Paris. Aujourd’hui, le Smic à Mayotte équivaut à 75 % de celui qui est en vigueur en métropole, le revenu de solidarité active à 50 %. Quant à l’aide médicale de l’État (AME), elle ne s’applique toujours pas. Ce système à deux vitesses est entretenu par la France depuis des décennies.

En 2022, la Cour des comptes a estimé que l’État dépensait à Mayotte 6 000 euros par habitant et par an, soit le montant le plus bas dans les départements dits d’outre-mer, alors que c’est le territoire qui en a le plus besoin.

Avant le passage du cyclone Chido, on estimait que 25 % des Mahorais vivaient dans des bidonvilles. Cette situation fait dire au journaliste Rémi Carayol que la situation coloniale perdure à Mayotte, notamment en raison de ces différences de traitement.

Le Gouvernement propose d’accélérer le processus de convergence des droits en le faisant passer de 2036 à 2031. C’est un petit pas, même si nous tenons à signaler cette avancée. Nous souhaitons que cela s’accompagne d’une généralisation de l’ensemble des droits pour que les Mahorais puissent enfin sortir de la précarité et vivre dignement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, sur l’article.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La commission des affaires sociales a exclu l’aide médicale de l’État des prestations sociales visées à l’article 15, prestations dont le Gouvernement s’est engagé à harmoniser les conditions d’accès à Mayotte avec celles qui sont en vigueur sur le territoire métropolitain.

Nous regrettons profondément cette décision, qui est contraire aux recommandations formulées en 2021 par la commission des affaires sociales dans son rapport d’information intitulé Mayotte : un système de soins en hypertension.

Les auteurs de ce rapport d’information – l’ancienne présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, notre ancienne collègue Laurence Cohen et nos collègues Jean-Hugues Fichet et Dominique Théophile – préconisaient alors de « conduire la réalisation des engagements relatifs au droit à l’assurance maladie [, d’]envisager l’extension à Mayotte de la protection universelle maladie (PUMa) et [de] réaliser rapidement l’arrivée de la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) et des exonérations de ticket modérateur selon le revenu ». Enfin, ils suggéraient d’« engager une réflexion sur le droit applicable concernant la prise en charge des frais de santé des personnes en situation irrégulière et sur la possibilité d’accorder l’aide médicale de l’État lors d’une résidence constatée de plus de trois mois ».

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à soutenir notre amendement, mais aussi à réfléchir à l’ensemble de nos travaux ce soir.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. À Mayotte, l’égalité des droits est encore lointaine. Le montant des allocations familiales n’est pas encore aligné sur celui qui est en vigueur ailleurs, sauf pour les magistrats et les fonctionnaires d’État mutés provisoirement à Mayotte.

Sur l’île, les allocations perçues par une famille mahoraise sont trois à quatre fois inférieures à celles dont bénéficie une famille réunionnaise ou métropolitaine. Cette disparité contribue à maintenir un taux de pauvreté élevé et des inégalités importantes sur l’île. Par exemple, à Mayotte, 94 % des familles monoparentales, principalement des mères isolées avec leurs enfants, sont pauvres.

Cette prise de parole sur l’article me permet d’alerter sur deux inégalités criantes.

D’abord, à Mayotte l’allocation de soutien familial n’est pas versée, alors que, dans les autres départements, son montant s’élève à 195,86 euros par enfant à charge pour le parent élevant seul un enfant et à 261,06 euros par enfant à charge si l’enfant est privé de ses deux parents.

Ensuite, la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) y est partiellement versée. La prime à la naissance et la prime à l’adoption ne sont pas versées, contrairement à ce qui prévaut dans les autres régions. De plus, les autres composantes de cette prestation sont soit non servies, soit versées pour des montants inférieurs, preuve que, dans ce territoire, le soutien apporté aux jeunes parents est insuffisant.

Cette situation est incompatible avec le principe d’égalité de notre République française. Comment justifier que, sur un seul et même territoire, subsistent de telles inégalités, particulièrement dans ces périodes de fragilité et de vulnérabilité que sont la naissance et la petite enfance ? Laisser des familles françaises dans de telles situations est inacceptable. La convergence des droits sociaux et des prestations sociales est en cours depuis 1996. Il faut à présent réellement accélérer le processus !