M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi aurait pour objet de corriger les effets pervers de la loi PLM de 1982, dont l’application a parfois conduit à des résultats contraires à l’expression du suffrage universel. Ce n’est pourtant pas la règle, et cette correction n’est pas non plus l’objet réel de ce texte : rétablissons la vérité !

Même si je crois qu’une réforme est possible, nous avons clairement un problème de méthode.

Tout d’abord, le calendrier est précipité : nous sommes à moins d’un an des élections municipales.

Ensuite, on ne peut que relever un manque de concertation avec les acteurs locaux concernés, en amont du texte, même si je remercie notre rapporteure, Lauriane Josende, d’avoir su mener des travaux de qualité dans un temps pourtant très contraint.

À moins d’un an du scrutin municipal, les élus parisiens qui défendent cette réforme nous vantent une grande simplification pour l’électeur : il n’en est rien !

Premièrement, la prime majoritaire de 25 % retenue pour l’élection des conseillers municipaux entraînerait une rupture d’égalité entre les communes.

Deuxièmement, l’organisation concomitante de plusieurs élections le même jour – deux à Paris et Marseille, trois à Lyon – pourrait être source de confusion pour les électeurs.

Enfin, on ne peut passer sous silence le coût financier de la réforme, lié à l’organisation de plusieurs scrutins le même jour, comme l’a bien souligné et détaillé notre rapporteure.

J’ajoute que cette réforme mettrait à mal la démocratie de proximité, puisqu’il serait possible de siéger au conseil central sans être élu parallèlement au conseil d’arrondissement, ce qui est une aberration.

La présidente Martine Vassal et le président Renaud Muselier ont posé la question à juste titre : en quoi la mise en place de deux urnes, voire de trois à Lyon, au lieu d’une seule aujourd’hui, constituerait-elle une simplification ?

Quelle place, enfin, pour les compétences de nos mairies d’arrondissements ? À Paris et à Lyon comme à Marseille, la réalité est qu’aucun consensus technique et politique n’a été trouvé.

Le seul argument partisan de cette réforme précipitée est le suivant : « un habitant, une voix ».

Pourtant, je rappelle que, dans toutes les communes de France, les citoyens élisent directement non pas le maire de la commune, mais des conseillers municipaux qui – comme à Paris, à Lyon ou à Marseille – élisent par la suite celui-ci. Cessons de convoquer ce lieu commun qui n’a pas de sens.

Même le maire socialiste de Marseille Benoît Payan souhaite « rendre le scrutin plus lisible » selon le principe « un Marseillais, une voix », lui qui n’a pourtant pas été élu maire de Marseille aux dernières élections municipales, les Marseillais ayant préféré élire pour une fois une femme écologiste, à savoir Michèle Rubirola. Pour eux, les choses étaient claires !

La réforme que l’on nous propose aujourd’hui ne mettra pas un terme à ces tripatouillages, ces négociations de couloir faites au détriment du choix des Marseillais.

Je m’interroge : pourquoi cette réforme précipitée ?

Nous le voyons tous ici, au-delà de sa technicité, nous devinons que ce texte porte la marque de négociations politiques. Mais ne nous y trompons pas : parce qu’elle touche à notre démocratie, une telle réforme mériterait des travaux approfondis. Qui plus est, elle n’a jamais été réclamée par les Marseillais, désormais habitués par la loi PLM. Les Marseillais, comme les Français, ont aujourd’hui d’autres urgences : santé, sécurité, pouvoir d’achat.

Avec cette réforme, vous ne dynamisez pas la démocratie locale, vous la dynamitez !

Bien qu’elle soit imparfaite, la loi PLM présente un avantage, celui d’assurer la représentativité de tous les arrondissements de tous les secteurs au sein des conseils municipaux de nos trois villes.

J’ai eu l’honneur d’être élue maire des onzième et douzième arrondissements de Marseille. Permettez-moi de profiter de mon intervention pour saluer l’engagement et l’investissement de nos maires d’arrondissement, notamment à Marseille. J’ai une pensée particulière pour l’un d’entre eux, qui accomplit un remarquable travail de proximité : le maire des onzième et douzième arrondissements de Marseille.

Les défenseurs de ce texte veulent faire revivre la démocratie locale. Commençons par donner plus de compétences à nos maires de secteur, notamment à Marseille, au lieu de vouloir transformer l’élection des conseils d’arrondissement en scrutin annexe, bafouant ainsi la proximité.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter contre ce texte. Optons – pourquoi pas – dans les prochains mois pour une réforme plus large, qui, je l’espère, renforcera le rôle des mairies de secteur, tout en opérant des ajustements sur la loi PLM, et qui sera conforme aux engagements du Premier ministre ou de vous-même, monsieur le ministre, vous qui avez déclaré le 11 avril dernier : « Nous ne forcerons pas le Sénat. […] Il nous faut un consensus. »

Ce consensus n’existe pas aujourd’hui, il faudra le construire, mais plus tard. Prenons le temps de la démocratie locale et de la proximité. Ce n’est pas ce que l’on nous propose avec le texte qui nous est soumis cet après-midi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Ian Brossat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (M. François Patriat applaudit.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « ce projet, s’il était appliqué, introduirait à Paris, Marseille et Lyon le règne de la confusion, de la bureaucratie et du gaspillage des deniers publics. » Ces mots ne sont pas les miens : ils ont été prononcés ici même, à cette tribune, en 1982, par Roger Romani, membre du groupe RPR (Rassemblement pour la République) et rapporteur de la commission des lois, lorsque le deuxième gouvernement de Pierre Mauroy présentait son projet de réforme des élections à Paris, Lyon et Marseille.

La loi du 31 décembre 1982 avait pourtant pour ambition d’améliorer la démocratie locale en renforçant les pouvoirs des institutions communales. Il s’agissait, à l’époque, d’aligner l’élection des conseils municipaux de ces villes sur celle des communes de plus de 3 500 habitants.

Ce texte faisait déjà l’objet de nombreuses critiques, à tel point que le groupe RPR du Sénat avait déposé une motion tendant à opposer la question préalable, qui a été adoptée à l’époque par 180 voix pour et 108 voix contre.

Plus de quarante ans après, force est de constater que ces critiques n’ont rien perdu de leur pertinence.

En effet, même si la réforme de 1982 a permis des avancées, il n’en demeure pas moins qu’elle a engendré des anomalies démocratiques aux antipodes des aspirations de nos concitoyens.

Plusieurs raisons objectives me conduisent donc à penser qu’il est aujourd’hui nécessaire de réformer le mode d’élection dans les villes de Paris, Lyon et Marseille.

Tout d’abord, depuis 1982, la répartition de la démographie française a évolué.

Si Paris, Lyon et Marseille constituaient les trois villes les plus peuplées de France dans les années 1980, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui. Ainsi, la ville de Toulouse, jusqu’alors quatrième ville du pays, connaît une croissance démographique soutenue depuis plus de vingt ans. Selon les statistiques de l’Insee, Toulouse serait actuellement plus peuplée que Lyon. Or le mode d’élection du conseil municipal de Toulouse n’a pas changé et aucune réforme ne semble à l’ordre du jour.

Dès lors, pourquoi ne pas appliquer le droit commun à toutes les communes et maintenir un régime électoral spécifique à trois grandes villes, alors que leur classement démographique ne le justifie plus ?

Ensuite, cette proposition de loi comporte indéniablement des avancées pour la démocratie locale.

En l’état actuel des choses, un maire peut être élu sans la majorité des voix à l’échelle de la commune. Ce fut le cas lors des élections municipales de 1983 : Gaston Defferre, ministre de l’intérieur et de la décentralisation ayant défendu la réforme de 1982, a été réélu maire de Marseille, alors que, si l’on cumule les résultats des scrutins d’arrondissement, Jean-Claude Gaudin avait obtenu une majorité des suffrages.

Mes chers collègues, est-il démocratique que la voix d’un citoyen puisse peser davantage que celle d’un autre en fonction de l’arrondissement dans lequel il vote ? Je pense au contraire que c’est une aberration !

Réformer le mode d’élection pour mettre en place un suffrage direct permettra une meilleure proximité avec le maire, qui ne pourrait pas être élu avec une minorité de voix à l’échelon de la commune, en remportant les arrondissements les plus peuplés.

Avec cette proposition de loi, un électeur égale une voix. Ce n’est ni plus ni moins qu’un rééquilibrage démocratique nécessaire et légitime.

Enfin, contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’est pas trop tard pour légiférer.

D’une part, aucune disposition constitutionnelle n’interdit de modifier le mode de scrutin ou de suffrage moins d’un an avant des élections.

D’autre part, alors que l’article L. 567-1 A du code électoral énonce qu’« il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin », plusieurs spécialistes considèrent que cette disposition serait inapplicable.

Une autre loi pour y déroger pourrait donc être adoptée par le Parlement, ce texte ayant la même valeur dans la hiérarchie des normes. À ce propos, je vous invite à vous souvenir de la réforme votée au mois de mai 2013 pour les élections municipales de mars 2014.

À celles et ceux qui avanceraient l’argument selon lequel le calendrier municipal serait trop avancé pour engager une réforme, je réponds que le Parlement vient de légiférer sur l’harmonisation du mode de scrutin de liste paritaire aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants. La loi a été promulguée le 21 mai dernier – il y a tout juste treize jours !

Ce sont autant de raisons qui expliquent pourquoi le groupe RDPI soutient cette réforme et votera ce texte.

Mes chers collègues, ne pas adopter cette proposition de loi reviendrait à reporter le problème à plus tard, alors que nous pouvons le traiter dès aujourd’hui.

Même si nous regrettons le rejet probable de ce texte par le Sénat, nous partageons cependant la volonté de la commission des lois qui souhaite engager un travail de réflexion sur le statut et les compétences des villes de Paris, Lyon et Marseille. (M. François Patriat et Mme Isabelle Florennes applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’exprimerai volontiers la surprise qui fut la mienne lorsque j’ai découvert que cette proposition de loi était inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée.

Y a-t-il présentement urgence ?

Si tel est le cas, face à l’Himalaya de nos difficultés, notamment budgétaires, je reste dans l’attente d’explications qui pourraient me convaincre de sa nécessité.

Certes, je n’ignore rien des débats qui agitent le microcosme depuis des années : faire évoluer, dans ces trois villes, un scrutin qui fait l’objet d’interrogations et de polémiques.

Toutefois, ce sont les regrets qui l’emportent.

À l’exception du mois de l’élection, fixé à l’article L. 227 du code électoral, nous ne connaissons pas aujourd’hui la date exacte de ce rendez-vous.

Dans ces conditions, comment ne pas entendre les remarques formulées quant à l’opportunité de revoir les règles du jeu quelques mois seulement avant le décret de convocation des élections municipales ?

Ce texte constitue une atteinte à la stabilité du droit électoral dans l’année qui précède un scrutin. Cette exigence a pourtant été introduite avec sagesse, en 2019, à l’article L. 567-1 A du code électoral : « Il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin. »

On pouvait espérer que la notion de stabilité fût consolidée, mais ce que la loi fait, la loi peut le défaire. Vous le savez comme moi, le Conseil constitutionnel s’est toujours refusé à l’élever en principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Telle a été ma première réaction. Je ne peux m’empêcher de penser aux réserves que pourrait émettre le Conseil constitutionnel.

Cela étant, on peut comprendre la volonté de faire évoluer un mode de scrutin mis en place dans le prolongement des lois de décentralisation de 1982.

D’aucuns rappellent à qui veut l’entendre que Gaston Defferre, alors à la fois ministre de l’intérieur et de la décentralisation et maire de Marseille, avait, il y a quarante ans, favorisé la mise en place d’un scrutin dérogatoire au droit commun pour des raisons politiques. Le droit serait venu, naguère, habiller une volonté politique.

N’hésitant pas devant les formules grandiloquentes, les mêmes souhaitent en terminer avec une « anomalie démocratique », avant d’ajouter qu’il est temps de replacer ces trois villes dans le giron du droit commun.

Voilà de fortes paroles ! Je remarque tout de même que cette « anomalie », comme ils disent, n’a pas empêché les alternances : en 2001 à Paris, en 1995 et en 2020 à Marseille, en 1995, en 2001 et en 2020 à Lyon. Bref…

Faire en sorte qu’une voix dans ces villes pèse de la même manière que dans toutes les communes de France : qui ne donnerait pas crédit à cette proposition ?

Je constate, et je le dis avec sincérité, que ce n’est malheureusement pas le cas avec la réforme qui nous est soumise. J’ai la désagréable impression d’être confrontée à une série de propositions qui visent à mettre fin à un système dérogatoire pour en installer un autre…

Certes, il est prévu que les conseillers municipaux soient élus à l’échelle de la commune et non plus sur la base des secteurs ou des arrondissements ; mais, en parallèle, serait instaurée une prime majoritaire de 25 % pour l’élection des conseillers municipaux quand la prime majoritaire de 50 % pour l’élection des conseillers d’arrondissement et des conseillers communautaires serait maintenue.

Je vous l’avoue, faire exactement l’inverse de ce que l’on affirme vouloir faire est pour le moins déroutant.

À l’évidence, le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille mérite mieux que cette copie !

Interrogation subsidiaire, mais importante, à laquelle le texte n’apporte pas de réponse : les élus des conseils d’arrondissement deviendront-ils grands électeurs aux élections sénatoriales ?

Les Bouches-du-Rhône comptent 3 460 délégués municipaux, dont 1 142 pour la seule ville de Marseille… Par conséquent, la question mérite assurément d’être posée, car cela implique un changement du corps électoral.

Par ailleurs, chacun de nous connaît l’importance des comptes de campagne.

Pourquoi ce texte, qui propose deux élections, ne précise-t-il rien quant à l’obligation de mettre en place deux comptes de campagne distincts ?

J’appelle de mes vœux une réforme, claire, construite et précise. À l’évidence, ce n’est pas ce qui nous est proposé ici.

Pour conclure, je me permets de regretter que le général de Gaulle, à l’occasion de la rédaction de notre nouvelle norme suprême, n’ait pas souhaité suivre Michel Debré, lorsque ce dernier défendait la constitutionnalisation du mode de scrutin. Il nous aurait été épargné des textes si mal ficelés, alors que l’ordre du jour de nos travaux est bien rempli !

Dans ces conditions, je voterai personnellement contre ce texte. En revanche, mes collègues du groupe du RDSE exerceront leur liberté de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui aborde un sujet sensible, car elle touche à l’organisation démocratique de trois grandes villes françaises.

Trois communes sur les 34 875 que compte notre pays, cela peut sembler peu, mais Paris, Lyon et Marseille présentent d’importantes particularités statutaires et institutionnelles, qui méritent une attention particulière, lorsqu’il s’agit de réformer les règles du jeu électoral.

Je tiens ici à saluer la volonté des auteurs de ce texte, déjà adopté par l’Assemblée nationale, de clarifier et d’harmoniser certaines règles qui, aujourd’hui, créent des distorsions démocratiques notables.

On nous reproche aujourd’hui d’aller trop vite, d’ouvrir un chantier jugé sensible, de réformer ce qui serait, au fond, un équilibre politique et administratif ancien, presque intouchable.

Pourtant, ce qui nous est proposé ici, c’est de répondre, avec lucidité et responsabilité, à une réalité que plus personne ne conteste : le mode d’élection dans nos trois plus grandes villes est devenu un facteur d’opacité démocratique.

Après l’examen de cette proposition de loi par notre commission des lois, nous constatons que cette volonté de réforme n’est manifestement pas partagée par une écrasante majorité du Sénat.

Reconnaissons-le, le rapport de notre commission est un réquisitoire : il atteste de fortes réserves, que Lauriane Josende vient de rappeler à la tribune. Notre rapporteure a souligné les risques d’une réforme jugée précipitée, d’une remise en cause de l’autonomie des collectivités et, parfois, d’un déséquilibre dans la représentation territoriale.

Ces critiques méritent d’être entendues, car elles nourrissent un débat parlementaire légitime. Pour autant, elles ne doivent pas, à mon sens, occulter les vertus d’un texte qui vise avant tout à répondre à des dysfonctionnements bien réels.

De quoi parlons-nous ? De territoires dont l’organisation institutionnelle, fruit de compromis historiques, a fini par engendrer des systèmes électoraux opaques, peu lisibles pour les citoyens et, parfois, peu équitables dans leur représentation politique.

À Paris, Lyon et Marseille, le fléchage électoral, les secteurs, les arrondissements et les conseils d’arrondissement ont complexifié le lien démocratique entre l’électeur et l’exécutif municipal. Cette complexité nuit à la clarté de l’expression démocratique, parfois même à la légitimité des élus.

Cette proposition de loi tend précisément à corriger cela. Elle entend redonner une cohérence au système électoral, renforcer la lisibilité du scrutin et mieux garantir l’expression du suffrage universel à une échelle pertinente, celle de la ville.

En contribuant à une meilleure identification des candidats, à une plus grande transparence des majorités locales et à une clarification des échelons décisionnels, elle œuvre pour une démocratie locale plus saine, plus directe, plus compréhensible.

Certes, certains ajustements peuvent encore faire l’objet de débats. Le calendrier d’application, la prise en compte des spécificités locales ou encore les modalités d’organisation des arrondissements méritent réflexion. Cela ne saurait toutefois justifier un rejet pur et simple du texte.

Notre rôle de parlementaires, en particulier au Sénat, consiste à améliorer les textes, pas à s’y opposer par principe. C’est d’ailleurs la méthode qui a toujours été retenue par la majorité sénatoriale, y compris lorsque celle-ci était dans une opposition forte au Gouvernement, ce qui, je le rappelle, mes chers collègues, n’est pas censé être le cas aujourd’hui. (M. le ministre délégué sourit.)

Contrairement à ce qui a été affirmé à plusieurs reprises en commission, il ne faut absolument pas considérer qu’un rejet de ce texte par le Sénat signifierait l’abandon de la réforme. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les choses se feront sans le Sénat si nous renvoyons une copie blanche à l’issue de cette première lecture !

Nous ne devons pas nous placer dans cette situation.

Si des modifications substantielles doivent être apportées, certains aspects supprimés ou des dispositions nouvelles introduites, il est encore temps !

Ne prenons qu’un exemple : les problématiques liées aux comptes de campagne dans le cadre de ces nouvelles élections sont multiples et simultanées. La commission des lois souligne qu’elles seront importantes, mais elle ne suggère aucune amélioration.

Nous continuons de penser que cette réforme est dans l’intérêt des citoyens des trois plus grandes villes françaises.

Je le dis avec la conviction d’une élue attachée à la proximité, à l’équilibre des pouvoirs et à la clarté démocratique : cette réforme n’est ni partisane ni brutale. Elle est une tentative, peut-être imparfaite, mais nécessaire, d’améliorer la représentation locale là où elle est aujourd’hui confuse et, parfois, inefficace.

Ce texte ne supprime rien, il n’efface aucune identité locale. Il prévoit une réforme claire, ambitieuse, respectueuse, qui redonne du sens au vote et de la légitimité à l’action municipale.

C’est pourquoi, comme une grande majorité des membres du groupe Union Centriste, je voterai ce texte. J’invite notre assemblée à le considérer non pas comme une remise en cause d’un équilibre institutionnel, mais comme une occasion d’en renforcer les fondements démocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en préambule remercier Mme la rapporteure de son travail de grande qualité et de toutes les auditions qu’elle a menées dans un temps contraint.

Je tiens à rappeler que le groupe CRCE-K a toujours été attaché au principe selon lequel on ne modifie le code électoral qu’avec parcimonie et sans précipitation.

On ne peut réformer de tels statuts dans l’urgence. Il nous faut au contraire nous efforcer d’anticiper toutes les conséquences de tels changements, y compris sur des aspects très pratiques, comme cela a été rappelé.

Aussi, nous sommes profondément convaincus que des réformes de ce type n’ont pas vocation à être mises en œuvre dans un temps qui précède de si peu le scrutin. Cela vaut pour les plus grandes villes comme pour les plus petites communes de notre pays.

Sans compter que c’est la deuxième fois que l’on nous soumet des propositions de loi de ce type, qui permettent de se soustraire à l’avis du Conseil d’État, en pensant que tout se passera bien alors que tout finira mal.

L’article 4 prévoit que les dispositions du texte seront applicables « à compter du premier renouvellement général des conseils municipaux qui suit la promulgation de la présente loi ». Par conséquent, si la présente proposition de loi était adoptée, ce dont je doute encore, quelques mois seulement sépareraient son entrée en vigueur et le premier tour des élections municipales.

Ce texte contrevient donc à nos principes, et c’est pourquoi nous nous y opposerons.

Nos réserves ne s’arrêtent pas là, car les écueils sont nombreux.

Ainsi, le manque de consultations préalables par ses auteurs condamne le texte lui-même. Et pour cause ! Ni les élus locaux, ni les habitants de ces trois grandes villes, ni même le Conseil d’État n’ont été sollicités.

Le résultat est sans appel : cette proposition de loi présente trop de failles, comprend trop d’imprécisions, et fait peser trop de risques.

Je souhaite ici revenir sur une interprétation que l’on a faite de ce texte et qui s’est largement répandue ces derniers temps, alors qu’elle relève de l’affabulation : non, cette proposition de loi ne fera pas entrer Paris, Lyon et Marseille dans le régime de droit commun. Bien au contraire !

Alors que, dans toutes les communes de France, le mode de scrutin prévoit une prime majoritaire de 50 %, on nous propose de l’abaisser à 25 % dans ces trois villes. Cette rupture d’égalité est pourtant contraire au principe garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Aucune spécificité ne justifie la réduction de la prime majoritaire.

Mme Cécile Cukierman. Il n’est pas davantage question de droit commun quand il conviendra, demain, d’élire au suffrage universel direct les maires des trois communes, alors que ce n’est pas le cas ailleurs.

Monsieur le ministre, votre objectif est-il réellement d’intégrer l’ensemble des communes dans le droit commun, d’y faire élire le maire au suffrage universel direct et d’abaisser la prime majoritaire de 50 % à 25 % ?

Mes chers collègues, faisons en sorte d’avancer des arguments cohérents pour que nous puissions tous jouer au même niveau.

Enfin, cette proposition de loi s’attaque, hélas, à la démocratie de proximité en transformant les arrondissements en simples relais des mairies centrales. Si ce mode d’organisation a fait ses preuves, c’est aussi parce qu’il existe un lien organique entre le conseil municipal et les conseils d’arrondissement ou de secteur, si chers aux habitants de ces territoires. Cet ancrage local fonde la légitimité démocratique du maire, socle de notre République.

Pour toutes ces raisons, mon groupe s’opposera très majoritairement à ce texte.

Et pourtant, nous avons encore tant de chantiers à mener sur le statut de Paris, de Lyon et de Marseille.

Par exemple, est-il normal que la municipalité parisienne ne détienne pas certaines compétences dont dispose pourtant n’importe quelle autre commune ? C’est ainsi le préfet de police et non le maire de Paris qui est compétent en matière de respect de l’ordre public, de circulation routière et de stationnement, ou encore de prévention des nuisances et de la salubrité publique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est bien le sujet !

Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons mettre fin à cette anomalie démocratique, contraire à la libre administration des collectivités locales.

À Marseille, le partage complexe des compétences entre la ville et la métropole suscite une grande incompréhension chez les habitants de la cité phocéenne. Au-delà de ce texte, voilà le véritable enjeu pour Marseille au cours de ces prochaines années.

Telles sont les lacunes des précédentes lois sur lesquelles nous n’avons jamais su avancer.

Mes chers collègues, nous continuerons à œuvrer pour améliorer concrètement le quotidien des habitants de ces trois grandes villes, comme de ceux du reste de la France, par le biais de leurs mairies, de leurs arrondissements, via la démocratie.

En tout cas, ce n’est pas par des tripatouillages électoraux que nous rétablirons la confiance des Français envers la politique. Il nous faut certes agir, mais, je le redis, avec parcimonie et sans précipitation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Écologistes sont pour le changement des modes de scrutin à Paris, Lyon et Marseille.

Les Écologistes sont pour l’élection des maires de ces trois villes sur une liste claire, menée par un candidat au poste de maire, avec un corps électoral constitué de tous les électeurs de la ville.

Les Écologistes sont favorables à un texte ayant fait l’objet d’une concertation, sur lequel le Conseil d’État a rendu son avis, et qui a été préparé de longue date pour être étudié et discuté plus d’un an avant la prochaine échéance municipale.

Monsieur le ministre, voilà ce que j’aurais pu dire ! (Mme Colombe Brossel rit.)

Mais non ! Rien de cela : ici, pas de travail correctement fait, mais une proposition de loi issue de la majorité gouvernementale, présentée sans avis préalable du Conseil d’État.

Ce serait presque drôle – cela s’apparente à du comique de répétition de la part du gouvernement actuel – si le sujet et les enjeux n’étaient pas si importants.

Le texte qui nous est soumis n’est pas acceptable en l’état – non pas qu’une réforme ne soit pas attendue, demandée ou soutenue par le groupe GEST.

Vous le savez, nous sommes très attachés à tous les types d’exercice de la démocratie et de fervents défenseurs de l’échelon local. Nous sommes pour une meilleure représentativité de la pluralité des courants, pour une démocratie plus directe, que ce soit à travers l’organisation de budgets participatifs ou de référendums locaux.

L’élection directe des conseillers municipaux et, de fait, du maire sur une même liste à l’échelle de la commune ? Nous y sommes bien évidemment favorables.

C’est du reste la raison pour laquelle nous avons autant de regrets concernant cette proposition de loi, regrets largement partagés par l’ensemble des personnes que la commission des lois a auditionnées : élus, partis politiques, représentants de l’administration, personne n’a su trouver de solutions pour garantir la faisabilité d’un changement si tardif de l’organisation du scrutin, d’autant que les nouvelles modalités de tenue des comptes de campagne restent indéterminées.

Ce n’est pas faute d’avoir donné l’alerte ces dernières années, depuis que la majorité macroniste annonce vouloir cette réforme.

Dès le mois de mai dernier, le Président de la République lui-même a insisté sur l’importance d’aller vite en ce sens. Cependant, il a aussi parlé de l’importance de revoir la répartition des compétences, notamment à Marseille. Mais bon…

Finalement, dans le texte déposé à la mi-octobre, tout cela a fait « pschitt ». Il n’y a rien dans ce texte sur les compétences des mairies de secteur.

En rapprochant à juste titre l’électeur du maire, mais sans renforcer les mairies de secteur et clarifier leur rôle, les auteurs ont tout faux : ils éloignent la prise de décision du terrain. Les mairies de secteur doivent se voir reconnaître une juste place, une véritable identité juridique, un statut, de véritables compétences de terrain, et obtenir une refonte de leurs ressources.

Il en est de même des questions de voirie, d’eau et d’assainissement, sujets sur lesquels notre assemblée s’est déjà prononcée : l’échelon local le plus pertinent doit reprendre ses droits.

Cette proposition de loi ne permet toujours pas au citoyen de comprendre qui fait quoi. Elle dilue l’intérêt d’avoir un échelon en deçà de la mairie centrale.

Qu’en est-il de la clarté et de l’intelligibilité du vote pour les citoyens ?

Finalement, n’est-ce pas là la volonté du Président de la République ? Interrogé au mois de mai 2024 sur l’opportunité de supprimer les mairies d’arrondissement, celui-ci a déclaré : « Je ne vais pas, moi, trancher un débat qui commence. Ma conviction est que plus c’est simple, mieux c’est. »

Comme défense de l’échelon local, on a connu mieux !

Le présent texte a été déposé bien tard. Malgré les demandes de la présidente de l’Assemblée nationale, pourtant du même groupe politique, ses auteurs ont refusé de saisir le Conseil d’État.

Aucun chiffrage, aucune évaluation, aucune étude d’impact : la réforme avance masquée, portée par une logique technocratique, politicienne, sans que soit posée la question politique principale – cela permettra-t-il aux citoyens de mieux participer à la décision locale ?

« J’ai décidé de ne pas solliciter le Conseil d’État, parce que ce texte ne prévoit pas d’atteinte aux libertés publiques. » Ainsi s’est exprimé le premier signataire de cette proposition de loi. Par bienveillance, je ne commenterai pas sa position. Je recommanderai juste à l’intéressé la lecture de quelques manuels d’éducation civique et morale… (Sourires.)

Tout ce texte et sa préparation n’ont été que tromperie.

Revenir au droit commun ? C’est bien ce l’objectif qui était affiché. Mais pas pour la prime majoritaire ?

Ne se concentrer que sur le scrutin municipal ? Dont acte. Mais alors, que viennent faire les modifications sur les conseillers métropolitains prévues à l’article 1er bis ?

Il y a dans cette réforme une urgence fabriquée, une précipitation qui ne dit pas son nom. Elle cache une tentation, celle d’ajuster les règles aux équilibres du moment, de redessiner la carte électorale non pas au nom de l’intérêt général, mais au gré des rapports de force politiques, pour pouvoir gagner notamment à Paris avec Mme Rachida Dati.

Nous ne sommes pas dupes !

Pour ces trois villes – et pour d’autres, comme l’ont montré nos travaux en commission –, nous souhaitons réfléchir au meilleur échelon pour la prise de décision. Pour cela, n’en déplaise aux auteurs et à leurs soutiens, la seule question du mode de scrutin ne peut suffire.

Ces réflexions doivent être concomitantes de la question des compétences. Nous l’avons toujours dit : c’est une question de cohérence.

La commission a rejeté ce texte, car la manière dont il nous est soumis ne nous permet pas d’avoir un débat global et serein, pourtant nécessaire pour faire aboutir une réforme territoriale tant attendue : celle qui revoit les niveaux de compétence, les statuts, les scrutins dans une seule et même discussion d’ensemble, non précipitée.

En définitive, c’est la commission mixte paritaire qui détient peut-être la clé, au gré d’arrangements politiciens entre le bloc présidentiel et Les Républicains, et sans nous !

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires présentera plusieurs amendements pour montrer à quel point ce texte est lacunaire et votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDSE.)