PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour une mise au point au sujet d'un vote.
Mme Audrey Linkenheld. Lors du scrutin public n° 303 sur l'ensemble de la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile, mon collègue Serge Mérillou souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
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Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (proposition n° 744 [2023-2024], texte de la commission n° 683, rapport n° 682).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi.
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par le présent texte, je vous propose de rectifier un oubli.
Un article de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a réformé la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), d'une part, et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), d'autre part.
Avant l'adoption de cette loi, la composition de ces conseils était fixée par un décret ministériel – le dernier datait du 4 décembre 2013. La composition de ces conseils dépend désormais du législateur et, partant, de débats parlementaires – notre séance de ce jour en est l'illustration –, ce qui constitue un progrès démocratique.
Si la volonté de mieux prendre en compte les besoins des acteurs locaux a de plus présidé à cette réforme, il faut reconnaître qu'elle ne contribue pas à simplifier de futures évolutions de la composition de ces conseils.
Or aux listes établies par le législateur, il manque le représentant du département, qui est l'un des principaux bailleurs de ces conseils. Cette omission a immédiatement été remarquée par le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Georges Siffredi – je le salue –, qui m'a fait part de son inquiétude. L'action sociale et la politique de prévention de la délinquance relevant des compétences des départements, son inquiétude était bien légitime. En 2024, le département des Hauts-de-Seine a alloué un budget de 1,1 million d'euros au CLSPD du 92, soutenant ainsi 215 actions.
Je tiens à remercier notre collègue Louis Vogel, qui, en sa qualité de rapporteur, a mené un travail très complet sur cette proposition de loi, ainsi que mes collègues de la commission des lois, qui tous ont reconnu qu'il était nécessaire d'ajouter un représentant du département à la composition des CLSPD.
Institués par décret en 2002, les CLSPD sont les héritiers tant des anciens conseils communaux de prévention de la délinquance que des contrats locaux de sécurité. Leur but est de coordonner localement les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance en réunissant l'ensemble des acteurs locaux concernés – élus, représentants de l'État, professionnels du secteur, associations.
Leur rôle me paraît essentiel, en particulier pour prévenir les actes d'incivilité et de violence qui sont hélas ! de plus en plus fréquents dans notre société.
Ces conseils mènent un travail de repérage et de détection des signaux faibles, lequel est essentiel dans la lutte contre les violences urbaines ; M. le rapporteur y reviendra plus longuement.
Si, pour lutter contre toutes les violences, l'intervention des forces de l'ordre reste toujours nécessaire, il en va de même du travail de prévention. J'ai bien sûr à l'esprit les événements liés à la victoire du PSG, mais également le drame survenu hier aux portes d'un collège de Haute-Marne.
Les CLSPD et les CISPD ont toute leur place parmi les outils de prévention. Il convient de les utiliser et de les développer davantage, en y associant tous les acteurs pertinents. Les départements jouent à ce titre un rôle essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux de la proposition de loi ayant été très bien présentés par Isabelle Florennes, je serai bref.
Je rejoins pleinement le constat de notre collègue : les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance constituent des instances précieuses pour nos territoires.
Avant d'en venir à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui, permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte.
L'institution d'un CLSPD étant obligatoire dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants, on dénombre à ce jour 1 041 CLSPD, contre seulement 301 CISPD, dont la création est facultative.
Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui président ces instances fixent respectivement la liste des membres des CLSPD et des CISPD, lesquels comportent des membres de droit et des membres facultatifs. Sont membres de droit le préfet, le procureur de la République et, s'agissant du CISPD, le président de l'EPCI.
Les CLSPD et les CISPD peuvent en outre accueillir des membres facultatifs, afin de prendre en compte des spécificités et des objectifs de politique locale. Peuvent ainsi être désignés membres de ces conseils des représentants des services de l'État, des parlementaires, ainsi que des représentants d'associations ou d'organismes pertinents.
Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ces règles de composition sont fixées non plus par décret, mais par la loi. Or, dans la loi, les présidents de conseil départemental ne sont plus membres de droit, comme ils l'étaient auparavant.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui entend revenir sur cette évolution, mes chers collègues. Au terme des travaux que j'ai menés sur ce texte au nom de la commission des lois, je considère que le rétablissement des présidents de conseil départemental en tant que membres de droit de ces conseils serait une très bonne chose, et cela pour deux raisons principales.
En premier lieu, une telle disposition est cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale. La loi prévoit en effet expressément que les actions conduites par les départements concourent à la prévention de la délinquance.
De fait, les politiques menées par les départements dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales apportent un complément précieux aux politiques de prévention de la délinquance.
Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs représentants des communes que j'ai entendus ont évoqué les enjeux liés à la lutte contre la prostitution des mineurs, celle-ci étant elle-même liée à la criminalité organisée, dont l'ampleur ne fait que croître dans de nombreux territoires.
Pour endiguer ce phénomène, le concours des compétences sociales du département, notamment au titre de l'aide sociale à l'enfance, est essentiel. La présente proposition de loi doit donc contribuer à asseoir la reconnaissance du rôle des départements, tout en invitant les départements à se saisir pleinement, s'ils ne l'ont pas déjà fait, de leurs compétences en matière de prévention de la délinquance.
En second lieu, cette disposition favorise le développement d'approches partenariales en matière de lutte contre la délinquance.
Les travaux menés par la commission ont mis en évidence l'importance des bonnes pratiques locales. Les auditions des élus de toutes strates et de toutes étiquettes politiques ont démontré un engagement et une expertise forte pour développer collectivement des stratégies locales qui ne sont pas les mêmes selon le territoire. Les contributions que j'ai reçues de la part des municipalités de Bordeaux, de Vernon, de Montpellier, ainsi que des départements du Cher et de la Seine-et-Marne, ont été très éclairantes.
Le département peut jouer un rôle fort utile d'animation territoriale de ces politiques de sécurité, notamment en orientant ses actions de soutien logistique et financier au bénéfice des communes. À titre d'exemple, certains départements consentent aujourd'hui des efforts substantiels pour financer des équipements de vidéoprotection, au bénéfice notamment de communes rurales qui ne pourraient pas les payer elles-mêmes.
L'admission des départements au tour de table permettra donc de les investir pleinement de ce rôle, tout en assurant une meilleure circulation des informations sensibles, notamment des signaux faibles, comme on dit aujourd'hui, dont les services du département sont les premiers avertis, ce qui contribuera à améliorer l'efficacité de la prévention comme de la répression.
Permettez-moi de conclure par une remarque, mes chers collègues. La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui illustre les difficultés auxquelles se heurte le législateur lorsqu'il inscrit dans la loi des dispositions qui relèvent du domaine réglementaire.
Une telle méthode conduit en effet à rigidifier les textes et explique que nous soyons réunis pour changer la composition d'une instance locale ! Il eût été bien préférable de laisser cette disposition dans le domaine réglementaire, car il serait alors bien plus simple de rectifier une erreur ou de remédier à un oubli.
En tout état de cause, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous propose de réparer cette erreur en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en 2023, près de 180 000 mineurs ont été mis en cause dans les affaires traitées par les parquets.
Si ces mises en cause sont le plus souvent liées à des vols, à des recels et à des coups et violences volontaires, on observe aussi une forte augmentation du nombre de mineurs mis en cause pour des actes plus violents – je ne reviendrai pas sur le drame qui s'est déroulé hier et que chacun connaît.
En 2023, pas moins de 51 % des mineurs mis en cause étant âgés de moins de 16 ans. Force est de constater que les mineurs sont confrontés à la justice de plus en plus tôt dans leur parcours de vie.
Bien sûr, la réponse à ce fait de société ne peut être seulement sécuritaire. Cette dimension est indispensable, certes, mais elle n'est pas suffisante. La prévention de la délinquance exige une mobilisation de tous les acteurs, chacun dans l'exercice de ses compétences. Elle résulte d'une véritable coproduction de sécurité à l'échelon local, dont la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui constitue le socle des politiques de prévention de la délinquance, a fait du maire le pivot.
C'est également un sursaut moral et politique qu'il nous faut provoquer pour retrouver nos repères et redresser les figures d'autorité, notamment l'autorité parentale.
Cette restauration de l'autorité parentale est la pierre angulaire de la prochaine stratégie nationale de prévention de la délinquance, que nous avons élaborée et qui sera prochainement rendue publique. Grâce à elle, nous souhaitons mieux soutenir les parents défaillants, mieux les préparer aux défis de la parentalité et mieux les aider à trouver leur place et à assumer leur rôle.
Cela suppose toutefois de mieux repérer ces parents. Or les départements jouent un rôle central en ce domaine : ils sont compétents pour la protection maternelle et infantile et pour l'aide sociale à l'enfance ; ils connaissent les familles par le biais de l'accompagnement social et de l'insertion et les soutiennent par des actions éducatives, notamment au collège ; ils concourent au repérage, le plus tôt possible, des jeunes qui commencent à glisser, pour éviter que ceux-ci ne sombrent.
Ce repérage précoce des situations problématiques constitue le mur porteur de notre projet. Pour être efficace, il doit être complet et associer au sein des CLSPD et des CISPD tous les acteurs qui concourent à la vie en société de notre jeunesse : le représentant de l'État et le procureur de la République, membres de droit, mais aussi des représentants des forces de l'ordre et des services de l'État compétents, les chefs d'établissement ou encore les acteurs associatifs du territoire.
Seule une action concertée et interministérielle peut permettre de déceler rapidement les signaux faibles de la délinquance, afin d'élaborer une prise en charge adaptée à chaque individu. Il faut donc impérativement, sous peine de rater l'essentiel, sortir de la logique de silo qui a longtemps été la nôtre en matière de prévention.
Les départements concourent également, au titre de l'aide aux communes, au financement de nombreux dispositifs de prévention. Ils sont présents dans nombre de compagnies de gendarmerie départementales et de commissariats de police, par l'intermédiaire d'infirmières placées au plus près des personnes accueillies dans le cadre des violences intrafamiliales – je l'ai encore constaté récemment à l'occasion de mes déplacements sur le terrain.
Cette action concertée entre l'ensemble des acteurs de terrain doit être animée par les élus locaux, qui, parce qu'ils sont en première ligne, connaissent précisément ces familles qui menacent d'imploser et ces jeunes qui risquent d'exploser. À l'avenir, leur rôle devra être conforté. Telle est l'ambition de la stratégie nationale de prévention de la délinquance.
Telle est aussi l'ambition de la proposition portée par Mme la sénatrice Isabelle Florennes, dont je salue l'initiative.
La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui a en effet pour objet de corriger une anomalie, mesdames, messieurs les sénateurs. Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, texte que je connais bien, les départements n'ont plus de représentants de droit au sein des CLSPD et des CISPD.
S'il est normal que la composition de ces conseils soit adaptée aux besoins particuliers de chaque commune, au regard des compétences des conseils départementaux en matière d'action sociale et de jeunesse, la présence d'un représentant du département au sein de ces conseils paraît nécessaire, et même essentielle. Je pense bien sûr à l'aide sociale à l'enfance, mais aussi à la prévention spécialisée ou encore à la lutte contre les violences intrafamiliales, que je citais précédemment.
En faisant de nouveau du président du conseil départemental un membre de droit des CLSPD et des CISPD, la proposition de loi de la sénatrice Isabelle Florennes apporte un soutien plus que bienvenu à l'ambition que nous portons : rassembler, au sein d'une même instance, tous ceux qui sont au contact des plus jeunes, notamment des plus vulnérables.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement est tout à fait favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite d'être claire : elle répond à une attente légitime des élus pour une meilleure efficacité de l'action publique dans les territoires.
Au sein d'un calendrier parlementaire parfois encombré d'initiatives qui ont été plus ou moins travaillées et dont les effets ont été plus ou moins étudiés, c'est presque une anomalie, mais une anomalie bienvenue ! (Sourires.)
L'objet de la proposition de loi est simple : il s'agit de corriger des modifications apportées par la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, qui a codifié la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, laquelle relevait précédemment du décret. La liste des membres de ce conseil comprenait alors le président du conseil départemental ou son représentant.
La présente proposition de loi vise donc simplement à rétablir le siège du président du conseil départemental au sein des CLSPD. Les auditions menées par notre commission ont montré que c'était une demande partagée par les élus de tous bords et de tous niveaux d'exercice local.
Les CLSPD et les CISPD, présidés respectivement par le maire de la commune ou le président de l'EPCI, sont des structures de pilotage et de coordination locale. Ces structures comptent des membres de droit et des membres facultatifs nommés en fonction des spécificités locales.
L'auteure de la proposition de loi l'a rappelé lors de son intervention, dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale, le conseil départemental joue un rôle important en matière de prévention de la délinquance, en apportant des moyens tant humains que budgétaires aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Le code de l'action sociale et des familles rappelle que le département a une mission de prévention spécialisée et qu'il participe aux actions visant à « prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ». Cette compétence n'est pas limitée à la délinquance, mais elle s'y applique également.
Les départements et les services de l'ASE qu'ils dirigent doivent retrouver leur place dans les CLSPD, qui sont des lieux d'échange et, souvent, d'expérimentation de différenciation locale.
Notre groupe s'interroge toutefois sur les capacités financières réelles des départements. Ceux-ci ont-ils les moyens d'exercer correctement ces compétences ? Du fait des contraintes budgétaires, les départements ne sont pas à la hauteur, ni pour la protection de l'enfance, ni pour la prévention des violences intrafamiliales, ni même en matière de lutte contre la prostitution des mineurs, qui fait des ravages dans nos territoires. L'ASE est en crise. Notre commission travaillera d'ailleurs prochainement sur ce sujet.
Le rapport récent de la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance de l'Assemblée nationale souligne les défaillances de la prévention.
Cette commission préconise, dans sa recommandation n° 11, la généralisation des délégués départementaux à la protection de l'enfance par le réarmement des préfectures en personnel expert en protection de l'enfance, et, dans sa recommandation n° 18, l'amélioration de la communication en direction des professionnels de l'ASE et des personnels associatifs sur les instances locales de gouvernance et leur association renforcée à ces instances.
En matière de narcotrafic, le niveau local est le maillon de réflexion essentiel et l'implication des acteurs locaux n'est plus à démontrer. Au reste, dans son rapport intitulé Un Nécessaire Sursaut : sortir du piège du narcotrafic, la commission d'enquête du Sénat sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier prescrivait, dans sa recommandation n° 17, de « dynamiser les instances locales de coordination ».
Les CLSPD constituent des instances de bon niveau pour appréhender les risques locaux et les phénomènes d'exploitation criminelle des mineurs. Notre groupe soutient donc le retour du département à la table des discussions, tout en alertant, comme nous le faisons souvent, sur les difficultés financières que les départements rencontrent pour exercer pleinement leurs compétences.
Lors de l'examen des derniers projets de loi de finances, le groupe écologiste a défendu plusieurs amendements visant à renforcer les moyens budgétaires des CLSPD, car c'est indispensable.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. Aussi, tout en restant attentif aux financements qui seront attribués aux CLSPD, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a un objectif simple, qui renvoie à de vastes enjeux de gouvernance locale et de prévention de la délinquance : réintroduire un représentant du conseil départemental parmi les membres de droit des CLSPD et CISPD.
Depuis leur création il y a vingt-trois ans, les 1 041 conseils locaux et les 301 conseils intercommunaux chargés de piloter et de coordonner la politique locale de prévention de la délinquance ont fait la preuve de leur utilité.
Présidés par les exécutifs du bloc communal, les CLSPD permettent de prendre la température de nos territoires, de voir si et où ça coince et, surtout, d'éviter que des situations ne s'embrasent, grâce au concours de l'autorité judiciaire, des forces de sécurité, des acteurs sociaux, des acteurs éducatifs et d'autres intervenants de terrain.
Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à la justice des mineurs, même si certains propos que j'ai entendus m'y invitent !
En tout état de cause, jusqu'à la loi du 21 mars 2024, la composition des CLSPD et des CISPD relevait du décret. En réponse à la demande des maires, qui souhaitaient que la présence du procureur de la République aux réunions de ces conseils devienne obligatoire, leur composition a été relevée au niveau législatif.
Tout en souscrivant aux raisons d'un tel relèvement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait d'emblée alerté sur la rigidification qu'emporterait ce rehaussement législatif. Nous y voilà, mes chers collègues ! Du fait du regrettable oubli des présidents de conseil départemental parmi la liste des membres de droit des CLSPD lors du passage du décret à la loi, un an après, nous sommes contraints de légiférer de nouveau pour corriger une simple erreur matérielle.
Comme cela a été dit, cette erreur ne reflète nullement l'intention du législateur. Chacun ici admet en effet que les départements sont des acteurs essentiels de la prévention de la délinquance.
Le code de la sécurité intérieure indique explicitement que l'action sociale des départements concourt à cette politique. Aide sociale à l'enfance, lutte contre les violences intrafamiliales, prévention spécialisée, insertion : autant de domaines dans lesquels les départements agissent directement et par le biais desquels ils contribuent à identifier de possibles signes de dérapage, voire de délinquance, et, heureusement, à empêcher des passages à l'acte.
L'exclusion formelle des départements ne peut donc que nuire à la cohérence des politiques publiques. Il est opportun que cette proposition de loi se propose de remédier à cette exclusion en réintégrant le président du conseil départemental ou son représentant parmi les membres de droit des CLSPD.
Ayant en tête les observations initiales des maires sur l'organisation des réunions et le quorum qui doit être atteint, notre groupe a déposé un amendement visant à conserver de la souplesse quant à la participation du représentant du département aux réunions du CLSPD. Selon nous, une telle disposition permettrait de concilier de manière pragmatique la reconnaissance du rôle des départements et les contraintes de fonctionnement d'une instance dont les nombreux participants ont des agendas chargés.
Malgré le rejet de notre proposition en commission, nous tenterons à nouveau de vous convaincre en séance publique, en plaidant que la présence des représentants départementaux doit s'inscrire dans une logique non pas de blocage, mais de coopération, mes chers collègues.
Au-delà des compétences légales des départements, nous estimons en effet que leur participation aux CLSPD est d'autant plus intéressante si elle contribue à conforter une approche partenariale de la politique de prévention de la délinquance, partenariat qui sert le bloc communal autant que le bloc départemental.
Plus de prévention partagée en amont, c'est en effet moins de délinquance, mais aussi moins de dépenses sociales associées et, partant, de la ressource financière disponible pour d'autres objectifs sociaux.
En tout état de cause, nous sommes d'accord sur l'essentiel : permettre aux départements de retrouver leur place dans la coordination des politiques locales de prévention de la délinquance et dans les instances qui en sont chargées. Pour cette raison, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaite attirer votre attention sur l'état sécuritaire actuel de notre pays, lequel ne cesse de se détériorer.
En 2024, dans notre pays, on recensait chaque jour 330 vols avec arme à feu, 600 cambriolages, 3 homicides volontaires et plus d'un millier d'agressions, pour ne citer qu'un échantillon de ce que subissent nos citoyens partout sur le territoire.
Cette inflation des actes de délinquance ne paraît pas près de fléchir. Dans le département dont je suis élu, le Nord, particulièrement touché par l'augmentation de la délinquance, le constat de l'échec de la politique de votre gouvernement est alarmant, monsieur le ministre : avec deux fois plus de tentatives d'homicide et un accroissement de presque huit points des violences sexuelles en seulement un an, la situation n'est plus supportable.
Dernièrement encore, la ville de Denain, dont je suis également l'élu, a fait la une de l'actualité, car l'insécurité, permanente, y est l'œuvre non pas seulement de deux petits voyous, mais de délinquants poussés à l'ultra-violence par un laxisme sécuritaire et judiciaire.
Il est donc nécessaire de redonner à nos collectivités les moyens de réellement agir. Cette proposition de loi, que nous soutiendrons, vise à réparer l'erreur de la réforme de mars 2024, qui, en retirant les présidents de conseil départemental des conseils de sécurité et de prévention de la délinquance, a affaibli une chaîne de coordination pourtant essentielle.
Les départements agissent au plus près des habitants. Ils sont des piliers des politiques sociales, donc des acteurs centraux pour lutter efficacement contre la délinquance. Leurs compétences en matière de protection de l'enfance, de prévention spécialisée, d'insertion ou encore de lutte contre les violences intrafamiliales sont directement mobilisables dans ce cadre.
Chaque année, les départements gèrent plus de 8 milliards d'euros de dépenses au titre de l'action sociale. Quelque 80 % des départements participent aujourd'hui au financement des dispositifs de vidéoprotection sur leur territoire. C'est dire l'ampleur de leur soutien logistique et financier.
Les présidents de conseil départemental doivent être non pas de simples spectateurs, mais aussi, et surtout, des acteurs à part entière de la stratégie de prévention.
Cette proposition de loi constitue un levier concret pour faire face à l'insécurité croissante, que tous les élus de terrain et tous les habitants ne connaissent que trop bien. Comme Marine Le Pen, qui le dénonce depuis plus de vingt ans, je sais à quel point nos territoires sont gangrenés par une délinquance qui ne connaît pas les frontières de nos communes.
Cette proposition de loi va dans le sens de ce que nous avons toujours défendu : une protection accrue des Français, plus cohérente et plus proche du terrain. Nous voterons donc ce texte, mais nous appelons à aller plus loin, en donnant aux collectivités locales les moyens d'agir réellement, et, surtout, en assurant une plus grande fermeté de la part de la justice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des objectifs de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux était d'aider les acteurs judiciaires et étatiques à mieux appréhender la réalité des mandats électifs locaux.
À cet effet, il avait été procédé à une modification de la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance par la réécriture des articles L. 132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure. La composition des CLSPD relevait alors d'un décret, dont le dernier, entré en vigueur le 1er janvier 2014, incluait le président du conseil départemental ou son représentant.
Dans la nouvelle version des articles susvisés, le président du conseil départemental et son représentant ne figurent plus dans la liste des membres de droit, ni des CLSPD ni des CISPD. La présente proposition de loi de notre collègue Isabelle Florennes tend à corriger ces erreurs. Au regard du rôle essentiel des conseils départementaux, chefs de file de l'action sociale, et de leur implication dans la politique de prévention de la délinquance, une telle correction est indispensable.
Dans le prolongement de cette logique d'ouverture, permettez-moi d'attirer votre attention sur l'amendement n° 2 rectifié bis, qui vise à corriger une autre restriction introduite par la loi du 21 mars dernier, laquelle limite aujourd'hui la participation des communes tierces au CLSPD, en conditionnant celle-ci à la population des communes tierces, qui doit se situer en deçà d'un seuil de 5 000 habitants, ainsi qu'à un critère de proximité géographique.
En clair, une commune de 6 000 habitants voisine de celle du CSPD, mais non limitrophe, confrontée aux mêmes questions de délinquance, se retrouve exclue des travaux communs.
Cet amendement tend à permettre aux CSPD d'associer, en tant que de besoin, les communes intéressées. Si leur participation resterait bien entendu facultative, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, elle permettrait de mieux adapter l'action locale aux réalités du terrain.
Enfin, je me réjouis que la commission ait adopté cette proposition de loi sans modification et salue la qualité des travaux du rapporteur Louis Vogel.
Vous l'aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)