Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Cet amendement vise à réécrire l'alinéa 4 de l'article 1er que j'ai fait adopter par la commission via un amendement ayant pour objet de consacrer un alinéa spécifiquement dédié aux femmes.

Comme je l'ai rappelé lors de la discussion générale – tous ceux qui sont intervenus après moi l'ont également fait –, les femmes sont trop souvent oubliées dans cette tragique histoire. Élargir le champ de ce travail de recherche et de caractérisation des pathologies à l'ensemble de la population aurait pour effet d'éluder, à tout le moins d'atténuer l'accent mis sur les femmes à la suite de l'adoption de mon amendement en commission.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

Il s'assigne également pour objectif l'indemnisation des personnes souffrant d'une maladie résultant d'une exposition au chlordécone, que celle-ci ait eu lieu dans le cadre d'une activité professionnelle ou non.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. L'alinéa 5 de la proposition de loi assigne à l'État un objectif d'« indemnisation de toutes les victimes de cette contamination ».

Il est proposé de cibler l'objectif d'indemnisation sur les seules personnes souffrant d'une maladie résultant d'une exposition au chlordécone. En effet, la rédaction actuelle laisse entendre que toutes les personnes attestant d'une présence de chlordécone dans le sang pourraient bénéficier d'une indemnisation, ce qui n'est en phase ni avec les risques réellement encourus par les populations concernées ni avec la jurisprudence de la cour administrative d'appel de Paris.

Avoir du chlordécone dans le sang ne signifie pas avoir ou risquer une maladie. Qui plus est, il est possible de faire baisser rapidement son taux de chlordéconémie en adoptant des habitudes alimentaires appropriées. Si la présence de chlordécone dans le sang traduit une exposition alimentaire récente, elle est réversible en agissant sur l'alimentation.

C'est la raison pour laquelle l'État a mis en place des contrôles renforcés sur les aliments au stade de la production, de la commercialisation et de l'importation sur tous les circuits dits « formels ». Il accompagne également les jardiniers familiaux, les pêcheurs et les agriculteurs.

Cet amendement a donc, je le redis, pour objet de recentrer l'objectif d'indemnisation sur les personnes souffrant d'une pathologie résultant d'une exposition au chlordécone. Cette nouvelle rédaction, ciblée sur les victimes de dommages sanitaires, est cohérente avec le dispositif de l'amendement n° 23 tendant à assigner également à l'État un objectif d'accompagnement des professionnels de la pêche et de l'agriculture, qui vient d'être adopté.

Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Après le mot :

contamination

insérer les mots :

dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique

2° Supprimer les mots :

, et de leurs territoires

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 24.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. L'amendement n° 19 vise à corriger une rédaction maladroite.

La formulation proposée par le Gouvernement à l'amendement n° 24 reviendrait de facto à exclure l'hypothèse d'une réparation des préjudices environnementaux et économiques évoqués à l'alinéa 1er. D'ailleurs, monsieur le ministre, l'objet de votre amendement serait incohérent par rapport au dispositif de l'amendement n° 20 que vous avez retiré.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 24.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par MM. Lurel et Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

une instance indépendante de son choix

par les mots :

l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Buval et Théophile, Mme Nadille, MM. Patriat et Buis, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

de son choix

par les mots :

dont les membres sont nommés par décret

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Cet amendement tend à préciser que les membres de l'instance chargée d'évaluer si les objectifs fixés à l'article 1er ont été atteints sont nommés par décret.

Il s'agit ici non pas de modifier la nature ou les missions de cette instance, préexistante ou non, mais d'encadrer plus clairement les modalités de sa composition.

Une telle précision répond à une double exigence : une plus grande transparence dans le processus de désignation des membres, ainsi qu'une meilleure lisibilité institutionnelle. Elle permet également de garantir que l'expertise mobilisée soit pleinement adaptée à la complexité des enjeux sanitaires, environnementaux et sociaux liés au scandale du chlordécone.

Cette rédaction ouvre également la voie à une composition équilibrée et plurielle de l'instance, à même de prendre en compte la diversité des savoirs, des disciplines et des territoires concernés. Il s'agit là d'une condition essentielle pour que ses travaux soient reconnus, compris et légitimes aux yeux des populations.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dispose d'une véritable expertise sur le chlordécone, lui qui a publié deux rapports sur le sujet, l'un en 2009, l'autre en 2023.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 12.

La précision que tend à apporter l'amendement n° 5 rectifié étant utile, la commission émet également un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 5 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6 

Remplacer les mots :

à la fin de l'année 2025

par les mots :

un an après la date de promulgation de la présente loi

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Nous proposons de fixer un délai après la date de promulgation de la loi, plutôt qu'une date fixe. En effet, la date de fin 2025 a été fixée lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale au mois de février 2024, alors même que la date de promulgation de ce texte n'était pas connue.

Il s'agit donc d'un amendement de cohérence.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone
Article 1er bis

Après l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par MM. Lurel et Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant l'opportunité et la faisabilité d'une extension du bénéfice du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides mentionné à l'article L. 491-1 du code de la sécurité sociale à l'ensemble des personnes souffrant d'une maladie, inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'État conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale et résultant d'une exposition au chlordécone.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Comme nous ne pouvons pas augmenter ses dépenses, en raison de l'article 40 de la Constitution, nous avons déposé un amendement visant à demander au Gouvernement une évaluation sur l'opportunité d'étendre le bénéfice du FIVP.

Toutefois, si j'ai bien compris, au début de l'examen de ce texte, le ministre a pris l'engagement qu'une mission serait engagée et que des propositions seraient avancées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. En l'état, seules les personnes reconnues en situation de maladie professionnelle par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), ainsi que les enfants exposés in utero, peuvent être éligibles au fonds d'indemnisation des victimes de pesticides. Une extension nécessiterait un important travail d'évaluation en amont.

C'est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Monsieur le sénateur Lurel, vous proposez via cet amendement que le Gouvernement remette un rapport au Parlement. J'ai indiqué au début de l'examen de ce texte que le Gouvernement s'engageait à lancer les travaux nécessaires pour étendre l'indemnisation des victimes du chlordécone aux victimes non professionnelles. Cet engagement se traduira à court terme par le lancement d'une mission inter-inspections chargée de déterminer l'entité qui aura vocation à indemniser les victimes non professionnelles, d'en fixer les modalités et de définir les articulations avec le dispositif en vigueur pour les victimes professionnelles.

Il n'y a pas lieu de préjuger un mode de gestion pour l'indemnisation des victimes non professionnelles. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

Après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone
Après l'article 1er bis

Article 1er bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au plus tard le 1er janvier 2026, le Gouvernement remet un rapport au Parlement établissant la présence ou l'absence de chlordécone et de ses métabolites dans les sols du territoire national, en particulier dans les zones actuellement productrices ou ayant produit des pommes de terre ou des plants de pommes de terre, ou autres produits végétaux susceptibles d'avoir été traités par cette molécule, ainsi que dans les zones agricoles de l'île de La Réunion où il aurait pu être utilisé.

Ce rapport comporte des informations précises et détaillées sur la production, la commercialisation, l'introduction ou l'importation du chlordécone et de ses dérivés, dans l'ensemble du territoire national.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à l'utilisation du chlordécone sur l'ensemble du territoire national.

Nous souhaitons que ce rapport puisse établir si le chlordécone ou ses métabolites sont présents dans les sols. Nous souhaitons également qu'il comporte des informations précises et détaillées sur la production, la commercialisation et l'importation du chlordécone. En effet, l'indemnisation des victimes doit aller de pair avec l'évaluation précise des quantités et destinations de chlordécone utilisées.

Tout cela concourt à rétablir l'article 1er bis adopté à l'Assemblée nationale, mais supprimé en commission au Sénat. Pour justifier cette suppression, on s'est fondé sur un rapport de l'Assemblée nationale de 2019 qui n'était pas si explicite : en réalité, il reste plusieurs zones d'ombre et des doutes.

L'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a indiqué dans son rapport intitulé Impacts de l'utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles, publié en 2009, qu'il existait une incertitude quant à la destination de 1 500 tonnes de chlordécone importées en Europe via une société basée en Allemagne.

Par ailleurs, il est impératif que la recherche sur le chlordécone soit complétée par des études sur l'éventuelle présence de chlordécone dans les terres agricoles. En effet, les études sont trop peu nombreuses pour établir scientifiquement et définitivement qu'il n'a été fait aucun usage du chlordécone à La Réunion. Le kelevan, produit composé partiellement de chlordécone servant à lutter contre le doryphore et le taupin de la pomme de terre, pourrait être utilisé dans les zones productrices ou ayant produit de ce tubercule.

À ce jour, il nous est impossible d'affirmer que les sols réunionnais n'ont pas été pollués. S'ils l'ont été, cela risque d'avoir des conséquences sur la santé humaine d'une partie de la population. En outre, à La Réunion, les zones rurales et urbaines sont très proches les unes des autres.

Mes chers collègues, l'indemnisation des victimes implique que la lumière complète soit faite à l'échelon national sur ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir l'article 1er bis.

J'ai interrogé à ce sujet le professeur Hervé Macarie, de l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Ce dernier confirme qu'il est peu probable que le kelevan, produit pour partie à partir de molécules de chlordécone, ait été utilisé sur le territoire hexagonal ou à La Réunion pour la culture de la pomme de terre.

Néanmoins, il a souligné que la molécule de chlordécone avait été retrouvée dans la chair d'organismes marins récifaux de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, sans pouvoir en expliquer la cause.

C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone
Article 2

Après l'article 1er bis

Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour atteindre les objectifs visés à l'article 1er, l'État élabore et met en œuvre une stratégie pluriannuelle dédiée. Elle est définie par arrêté conjoint des ministres chargés des outre-mer, de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, de la recherche, de la pêche, de l'éducation et du travail.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Cet amendement vise à inscrire dans la loi les objectifs de la stratégie chlordécone, lui donnant ainsi une base juridique et pérenne. Elle est une traduction de l'engagement de l'État d'atteindre les objectifs énumérés à l'article 1er de ce texte.

Cet ajout me paraît important, car, pour protéger la santé des populations de la Martinique et de la Guadeloupe, nous devons agir pour nous rapprocher chaque jour un peu plus de l'objectif « zéro chlordécone » – je l'ai indiqué au début de l'examen de ce texte. Cela prendra évidemment du temps et il reste du chemin à parcourir.

C'est pourquoi il est nécessaire d'inscrire cette stratégie dans la loi. Je le répète, la stratégie de lutte contre la pollution par le chlordécone, publiée en 2021, traduit cette ambition par une amplification des moyens. Elle doit répondre à trois impératifs : informer, protéger, réparer par l'action. Les solutions sont proposées à tous les habitants touchés par cette pollution, en particulier les professionnels de la pêche et de l'agriculture.

La méthode retenue est la suivante : la prise en compte des travaux scientifiques, la concertation, l'écoute, le dialogue continu, la coconstruction et la collaboration avec tous les acteurs locaux pour sortir du risque chlordécone.

Le budget mobilisé est important, sinon inédit, cher Victorin Lurel. Initialement fixé à 92 millions d'euros, il a été rehaussé à 130 millions d'euros. En quatre ans, plus de 48 millions d'euros de fonds publics ont déjà été engagés, soit 22 millions d'euros de plus que les crédits engagés pour le plan précédent 2014-2020.

Le volet consacré à la recherche représentera, à terme, 40 % du budget total, en particulier pour améliorer les connaissances sur la dépollution des sols et sur la santé des femmes. Il n'y a donc aucun tabou dans ce domaine.

Tel est l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. La commission émet un avis très favorable sur cet amendement.

J'en profite pour remercier la coordonnatrice du plan chlordécone de son travail de très grande qualité.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Oui !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Nous avons pu discuter ensemble en détail de ce travail fastidieux, mais ô combien nécessaire et important.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er bis.

Après l'article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone
Article 1er (début)

Article 2

La charge pour l'État est compensée à due concurrence par :

1° (Supprimé)

2° La création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° La création d'une taxe additionnelle de 15 % sur les bénéfices générés par l'industrie des produits phytosanitaires pour les sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros ;

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Le Parlement a l'habitude de s'appuyer sur la taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs pour financer nos politiques publiques.

S'il est juste d'encourager à réduire la consommation de tabac, qui est un poison, il faut aussi savoir faire preuve de cohérence. Lorsque le poison a un nom, qu'il soit phytopharmaceutique ou phytosanitaire, nous pouvons aussi lui faire porter la responsabilité du coût que son utilisation engendre pour la société.

La proposition de loi modifiée en commission précise que, sur le chlordécone, l'État prend sa part de responsabilité. Voilà qui signifie que d'autres acteurs pourraient également avoir leur part dans ce scandale.

Toutefois, sans attendre d'études approfondies, même si j'espère qu'elles pourront voir le jour, nous savons d'ores et déjà que les industriels qui fabriquent des produits, hier le chlordécone, aujourd'hui le glyphosate, sont aussi responsables de la contamination des sols, de l'eau et de notre santé.

Nous proposons donc d'établir une taxe additionnelle sur les bénéfices des sociétés de l'industrie des produits phytosanitaires réalisant un chiffre d'affaires de plus de 250 millions d'euros. Une telle mesure figure dans la version du texte adoptée à l'Assemblée nationale. J'ose espérer que la chambre des territoires sera sensible à la nécessité d'obtenir ces financements pour protéger les ressources des habitants et les collectivités qui ont été malmenées par ces produits toxiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Je comprends bien la logique qui prévaut, mais, comme je l'ai indiqué lors des travaux de la commission et dans mon rapport, il existe déjà une taxation ad hoc des industries phytopharmaceutiques. Il ne me paraît donc pas pertinent de superposer des taxations dont l'assiette serait identique.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Seconde délibération

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Madame la présidente, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération sur l'article 1er à la suite du rejet de l'amendement n° 21.

Mme la présidente. En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 1er.

Quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. La commission émet un avis favorable sur cette demande.

Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant des groupes Union Centriste et Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 315 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 244
Pour l'adoption 209
Contre 35

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la seconde délibération est ordonnée.

Conformément à l'article 43, alinéa 5, du règlement, « lorsqu'il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui présente un nouveau rapport ».

La commission est-elle prête à présenter son rapport ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Oui, monsieur le président.

Mme la présidente. Nous allons procéder à la seconde délibération de l'article 1er .

Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements, et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone
Article 1er (fin)

Article 1er

Mme la présidente. Le Sénat a précédemment adopté l'article 1er dans la rédaction suivante :

L'État reconnaît sa part de responsabilité dans les préjudices sanitaires, moraux d'anxiété, écologiques et économiques subis par les territoires de Guadeloupe et de Martinique et par leurs populations résultant de l'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à base de chlordécone et de leur usage prolongé comme insecticide agricole.

Il s'assigne pour objectif la dépollution des terres et des eaux contaminées par la molécule et ses produits de transformation, en érigeant comme priorité nationale la recherche scientifique sur les effets sanitaires et environnementaux de cette pollution et sur les techniques et procédés de séquestration, de remédiation et de dégradation de la molécule permettant une décontamination à grande échelle des milieux naturels, une sécurisation des ressources et une minimisation de l'exposition alimentaire.

Il s'engage à conduire des actions visant à supprimer le risque d'exposition au chlordécone, en priorité pour protéger la santé des populations et en particulier en matière de sécurité sanitaire et de l'alimentation.

Il s'assigne pour objectif d'accompagner les professionnels de la pêche et de l'agriculture affectés par cette pollution pour favoriser une production locale sans risque chlordécone.

Il s'assigne pour objectif de rechercher et caractériser l'apparition de pathologies développées par les femmes en raison d'une exposition au chlordécone.

Il s'assigne également pour objectif l'indemnisation de toutes les victimes de cette contamination dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, que celle-ci ait eu lieu dans le cadre d'une activité professionnelle ou non.

Il confie l'évaluation de l'atteinte de ces objectifs à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui rend un premier rapport au Gouvernement et au Parlement au plus tard un an suivant la promulgation de la présente loi, puis tous les trois ans, afin de renforcer, si besoin, les actions mises en œuvre.

L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

d'anxiété

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Manuel Valls, ministre d'État. Cet amendement, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à prendre en compte tous les préjudices moraux, sans qu'il soit besoin de préciser qu'il s'agit de préjudices moraux d'anxiété, pour les raisons que j'ai déjà exposées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. Par cohérence avec l'avis que j'ai précédemment émis sur un amendement analogue, j'émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Après un travail laborieux, mais bien fait, un compromis a pu être trouvé. On connaît la culture et l'éthos du Sénat : il faut trouver des compromis et faire des concessions. Cela peut être décevant pour certains, en particulier, j'imagine, pour l'auteur de la présente proposition de loi, qui est dans nos tribunes.

Là, nous sommes tout de même en train de trahir son texte ! Celui-ci reconnaissait la part de responsabilité de l'État, mais également le préjudice moral d'anxiété.

Nous avons entendu les arguments de M. le ministre sur le manque de robustesse du moyen juridique, le préjudice moral d'anxiété, lequel est pourtant reconnu par les juridictions. Sur le fondement de ces arguments, il a demandé une seconde délibération de l'article 1er. Je l'avoue, je suis marri et déçu.

Je demande aux membres de mon groupe, mais aussi à nos autres collègues, de s'abstenir sur cet amendement. Notre rapporteure, pour sa part, agira en cohérence avec le travail qu'elle a réalisé en commission.