M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Comme le rapporteur, j'estime que relever le montant de l'abattement revient à pinailler sur une partie très restreinte du sujet traité par le texte.

Si cette taxe venait à être votée – ce que je ne souhaite pas, vous l'aurez compris –, j'aimerais que nous gardions l'abattement de l'IFI afin de préserver la simplicité de la procédure fiscale. Cela suffira à atteindre la cible de la taxe.

L'avis est défavorable.

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu'un scrutin public a été demandé sur l'article unique. Les amendements peuvent donc être débattus sereinement.

Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Daubet et Bilhac, Mme Briante Guillemont et M. Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Remplacer les mots :

ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d'imposition

par les mots :

au jour du fait générateur de l'impôt ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent le 1er janvier de l'année d'imposition

La parole est à M. Raphaël Daubet.

M. Raphaël Daubet. Cet amendement vise à renforcer la sécurité juridique de l'impôt plancher sur la fortune (IPF), notamment pour ce qui concerne la valorisation des valeurs mobilières cotées. Il peut sembler un peu technique, mais il tend simplement à aligner les modalités de prélèvement de l'IPF sur celles de l'IFI.

Ainsi, nous proposons d'opter soit pour le dernier cours connu au jour du fait générateur de l'impôt, soit pour la moyenne des trente derniers cours qui précèdent le 1er janvier de l'année d'imposition.

Cet amendement tend donc à harmoniser les dispositifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Mon cher collègue, je crains que votre amendement ne suscite davantage de confusion. En effet, les dispositions du texte concernant la valorisation des plus-values immobilières cotées s'appuient sur l'article 973 du code général des impôts, relatif à la valorisation des actifs inclus dans l'assiette de l'IFI. Or cet article est utilisé et a fait ses preuves.

Il semble donc inutile de modifier le texte, d'autant que cela n'irait pas dans le sens de l'objectif que vous visez. En conséquence, la commission est doublement fondée à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement est satisfait, car nous disposons déjà de règles relatives à la valorisation des actions cotées qui ne font pas débat. Les sénateurs à l'origine de cette proposition de loi n'ont rien à gagner à rendre le dispositif encore plus complexe.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur le sénateur : cela ne portera préjudice à personne.

M. Raphaël Daubet. Surtout si le texte est voté ! Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.

L'amendement n° 1, présenté par M. Cozic, Mme Blatrix Contat, MM. Raynal et Kanner, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Remplacer le taux :

2 %

par le taux :

1 %

La parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Je souhaitais répondre à l'argumentation développée par le rapporteur.

Lors des travaux en commission, M. Capus a indiqué que le texte pourrait être déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel, le taux de 2 % étant confiscatoire.

Notre proposition est très simple. La seule chose qui nous importe, aujourd'hui, est de mettre en œuvre le mécanisme fiscal dont nous débattons.

Le groupe socialiste suggère, comme il le fait depuis de nombreuses années lors de l'examen de chaque projet de loi de finances, de mettre en place un taux un peu moins élevé, de 1 %. Cette mesure permet d'éviter le risque d'inconstitutionnalité, ce qui va dans le bon sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Je veux tout d'abord saluer l'auteur de cet amendement, car il a tenu compte des observations du rapporteur. (Sourires.)

M. Yannick Jadot. C'est flatteur !

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Nous avons eu un échange sur cette question et vous avez reconnu qu'un taux de 2 % exposait le texte à un risque d'inconstitutionnalité extrêmement élevé.

Il est dommage que vos collègues du groupe GEST n'aient pas tenu compte de cet argument – je le dis notamment à l'intention de M. Jadot, qui pense que nous vivons dans une ploutocratie.

De nombreux problèmes ont été relevés dans le cadre de cette proposition de loi et je me réjouis que vous ayez identifié l'un d'entre eux.

M. Guy Benarroche. Vous allez donc émettre un avis favorable ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Cependant (Ah ! sur les travées du groupe GEST.), comme je l'ai écrit dans mon rapport et rappelé à la tribune, un taux supérieur à 0,5 %, sans plafonnement, crée une incertitude absolue quant à la constitutionnalité du texte.

La raison est simple : par principe, cette taxe nécessitera, dans la plupart des cas, l'aliénation d'une partie du patrimoine du contribuable, dès lors que l'on vise les patrimoines exclusivement constitués d'actions.

Ainsi, une difficulté constitutionnelle demeure, sans compter tous les problèmes que j'avais soulevés par ailleurs, dont le risque opérationnel de valorisation et de liquidité des entreprises et le risque de fuite de celles-ci.

Vous allez sans doute me répondre qu'il n'y aura pas d'exil fiscal. Il existe bel et bien des dispositifs anti-exil,…

M. Grégory Blanc. Eh oui, l'exit tax !

M. Emmanuel Capus, rapporteur. …mais pensez-vous sincèrement que ceux qui ont un patrimoine de 90 millions d'euros vont rester sagement en France en sachant qu'ils sont assujettis à votre taxe ?

Soyons sérieux, aucun d'eux ne restera dans notre pays ! (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Mme Catherine Conconne s'exclame.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable, compte tenu du risque d'inconstitutionnalité. Une chose est sûre : sans plafonnement, seul un taux maximum de 0,5 % est autorisé par le Conseil constitutionnel. (M. Guy Benarroche proteste.)

On peut toujours se lancer dans de grandes croisades, mais, encore une fois, je vous relate les faits. Prévoir un taux de 1 % ne résoudra pas le problème !

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. Le groupe GEST s'abstiendra sur cet amendement, car nous pensons que seul un taux de 2 % permettra d'atteindre le seuil d'équité.

Toutefois, madame la ministre, je voudrais revenir sur les dispositifs que vous souhaitez porter à notre connaissance dans le cadre du projet de loi de finances, comme l'IFI. Au passage, si ce débat peut vous permettre de gagner un arbitrage, ce sera toujours ça de pris !

Je ne voudrais pas que, dans cet hémicycle, on mette en place une mesure de type Dilico (dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales). Je rappelle que, à l'origine, le gouvernement Barnier souhaitait que le dispositif touche les grandes communes disposant de larges ressources.

Aujourd'hui, force est de constater que de nombreuses petites communes sont obligées de débourser 4 000, 6 000, voire 10 000 euros ; j'imagine que vous avez des remontées du terrain sur cette question, madame la ministre.

Les dispositifs fiscaux que vous proposez procèdent exactement de la même logique ! La taxe Zucman concerne 1 700 foyers, tandis que le Gouvernement souhaite toucher 60 000 foyers. En d'autres termes, vous allez attaquer les entrepreneurs, les dirigeants de PME et les professions libérales.

Cela ne correspond pas à notre volonté aujourd'hui. Encore une fois, nous souhaitons que les 1 700 foyers qui ne paient pas d'impôts comme le reste de la population soient enfin mis à contribution.

À force de vouloir diluer le problème, vous allez nuire à la créativité et à l'innovation, ce qui n'est pas le cas du dispositif que nous proposons.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. Je serai très rapide : 2 %, c'est trop ; 1 %, c'est encore trop ! Lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, mon groupe avait proposé la mise en place d'un seuil d'imposition de 0,5 %.

Nous aurions pu tester ce dispositif, mais il n'a pas été voté. J'y vois donc une opposition de principe de votre part.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Nous avons appliqué l'impôt plancher à la fortune de Bernard Arnault ; cela vous permettra sans doute de comprendre ce que nous proposons, madame la ministre, car, visiblement, il y a eu quelques malentendus.

En 2024, M. Arnault possédait un patrimoine de près de 190 milliards d'euros – tout va bien pour lui. Si l'on appliquait l'impôt plancher, il devrait, pour atteindre le seuil de 2 %, s'acquitter de 3,8 milliards d'euros supplémentaires.

Si, au cours des cinq prochaines années, il continue de s'enrichir comme il l'a fait au cours des dix dernières années – il sera peut-être même encore plus riche, puisqu'il est ami avec Donald Trump –, sa fortune passera de 186 milliards à 297 milliards d'euros entre 2024 et 2028 !

Malgré cet enrichissement de 100 milliards d'euros, M. Arnault devrait s'acquitter de l'impôt plancher à hauteur de 6 milliards d'euros en 2028, soit le rendement du PFU.

Vous voyez bien que l'impôt que nous proposons n'est pas confiscatoire. Il s'agit seulement d'une contribution supplémentaire puisque les plus riches vont, de fait, continuer à s'enrichir.

Je vous rappelle, madame la ministre, que le Conseil d'orientation des retraites (COR), dans son rapport relatif aux prélèvements sur le capital, a clairement indiqué que le PFU et la suppression de l'ISF n'avaient conduit à aucune création d'emploi ni à aucun investissement.

Enfin, chers collègues de droite, vous parlez des exilés fiscaux en vous targuant d'aimer la France. À vous entendre, on a le sentiment que les super-riches sont juste des mercenaires et que, s'ils vivent dans notre pays et jouissent de la nationalité française, c'est uniquement en raison de leur taux d'imposition.

Quelle vision décliniste et pessimiste vous avez de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.) Pour ma part, je suis sûr que ce sont des patriotes et qu'ils paieront leur juste part.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Remplacer les mots :

valeur nette taxable du patrimoine du redevable

par les mots :

fraction de la valeur nette taxable du patrimoine du redevable comprise entre 100 millions d'euros et 1 milliard d'euros et de 5,1 % à la fraction excédant 1 milliard d'euros ;

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Les plus anciens d'entre nous se souviendront des propos que je m'apprête à rappeler. Je me permettrai, avec toute l'estime et le respect que j'ai pour lui, de prendre à témoin notre collègue Dominique de Legge, qui s'est exprimé pour le groupe Les Républicains lors de la discussion générale.

En 1981, face à Jean-Pierre Elkabbach, Georges Marchais lançait : « Au-dessus de 40 000 francs, je prends tout ! » (Rires.) Aujourd'hui, nous dirons juste : « Au-dessus de 1 milliard d'euros, nous prenons ce qu'il faut ! »

M. Emmanuel Capus, rapporteur. C'est-à-dire tout !

M. Pascal Savoldelli. Ce qu'il faut, c'est 40 milliards d'euros, madame la ministre. Justement, cet amendement devrait aider le Gouvernement à boucler son budget pour 2026.

On parle d'un effort national, mais force est de constater qu'il est à géométrie variable ou constante, selon les jours.

Ce n'est pas nous qui avons parlé de la hausse de la TVA sur les produits du quotidien ; ce n'est pas nous qui évoquons des suppressions de postes dans la fonction publique ; ce n'est pas nous qui osons proposer une année blanche pour les collectivités, c'est-à-dire deux années noires pour nos concitoyens s'agissant des services publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je n'en ai pas parlé non plus !

M. Pascal Savoldelli. Pendant ce temps, qui est épargné ? Ceux dont la richesse atteint un niveau tel qu'elle en devient presque abstraite, dissimulée dans des holdings, diluée dans des trusts et camouflée dans des montages fiscaux.

On nous dit que cette richesse est illiquide ; c'est un terme que j'ai découvert à l'occasion de ces débats. Elle est pourtant très concrète lorsqu'il s'agit d'influencer l'économie, les médias et la politique.

Notre amendement vise donc à corriger ce déséquilibre en imposant une contribution sur les très grandes fortunes à un taux inchangé de 2 %, au-delà de 100 milliards d'euros, et un taux de 5,1 % pour la fraction de patrimoine qui dépasse le milliard d'euros. Ce taux de 5,1 % est, selon nous, un taux raisonné et raisonnable.

Au cours des quarante dernières années, la rentabilité moyenne des grandes fortunes avoisinait les 7,5 % par an. Le dispositif proposé permettra de capter 68 % de cette rentabilité, et non du capital. Soyez rassurés, cela laissera aux ultrariches un gain net de 2,4 % par an, soit l'équivalent… du taux du livret A ! (Marques d'impatience à droite.)

Il n'y a donc pas de confiscation. Notre amendement reflète simplement la volonté de la majorité des Français.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Cet amendement me laisse songeur.

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Je suis admiratif, car vous partez du constat que certaines entreprises rapportent beaucoup d'argent, soit plus 800 %, comme vous et votre collègue Jadot l'avez affirmé tout à l'heure.

Si j'étais libéral, je serais tenté de confier la gestion de nos retraites à ce type d'investisseurs ! Plus 800 % en quelques années, 7,5 % de rentabilité… Imaginons que nous mettions en place un système de retraite par capitalisation fondé sur les mécanismes utilisés par les personnes que vous évoquez : les Français, qui ne sont pas certains d'avoir un jour une retraite, auraient une pension bien plus généreuse qu'aujourd'hui ! (MM. Guillaume Gontard et Daniel Salmon s'exclament.)

En adepte pur et dur de Karl Marx, vous en tirez des conséquences différentes. Soit ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, GEST et SER.)

Marx disait : « Il n'y a qu'une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d'impôts. » (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Vous nous proposez donc un impôt au taux totalement confiscatoire de 5,1 %. Si vous aviez voulu réinventer la fable de La Fontaine La Poule aux œufs d'or, vous n'auriez pas fait mieux ! (M. Yannick Jadot s'exclame.) Mais il convient de rappeler la fin de la fable : le maître de la poule miraculeuse, après l'avoir tuée, « l'ouvrit, et la trouva semblable à celles dont les œufs ne lui rapportaient rien ».

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. On compte quarante-neuf milliardaires de nationalité française, et tous ne sont pas résidents fiscaux.

Si nous leur envoyions ce signal, ces quelques dizaines de personnes quitteraient évidemment le territoire. C'est peut-être votre objectif, mais alors, autant l'écrire dans l'amendement.

Derrière la plupart de ces personnes, il y a des entreprises. Derrière les entreprises, il y a des emplois, et encore derrière, il y a des brevets et du rayonnement.

Mme Ghislaine Senée. Et les savoir-faire ?

M. Yannick Jadot. Et les services publics ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je comprends bien que cet argument peine à convaincre ceux qui considèrent qu'il existe une solution facile, dont nous nous priverions pour des raisons incompréhensibles.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Savoldelli, Barros, Dossus et Cozic, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Basquin et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, M. Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mmes Gréaume et Margaté, M. Ouzoulias, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie, est ainsi libellé :

Alinéa 46

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu'il justifie, par une réclamation motivée jointe à la déclaration mentionnée au I de l'article 885 M, de l'impossibilité totale ou partielle de s'acquitter immédiatement de l'impôt plancher sur la fortune en raison du caractère illiquide de ses actifs, le redevable peut solliciter de l'administration fiscale un échelonnement ou un report du paiement. Cet échelonnement ou ce report, accordé pour une durée maximale de cinq ans à compter de la date d'exigibilité de l'impôt, est subordonné à la constitution, au profit du Trésor public, d'une sûreté portant sur une fraction équivalente des actifs imposables, sous la forme d'un nantissement conforme à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier ou de toute garantie équivalente, notamment un gage immobilier. L'administration fiscale peut, sous réserve d'une décision motivée, refuser une sûreté d'une valeur incertaine. En l'absence de fait générateur de liquidité tel qu'une cession, une donation ou une transmission à titre gratuit du bien grevé, le délai mentionné ci-dessus peut être renouvelé une seule fois pour une durée maximale de cinq ans.

« Les modalités d'appréciation de ces garanties, les conditions de leur constitution, ainsi que les modalités de renouvellement du report ou de l'échelonnement, sont fixées par décret en Conseil d'État ; »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. J'espère, monsieur le rapporteur, que vous n'aurez pas cette fois La Fontaine pour seule réponse et que votre lecture de Karl Marx sera plus aiguisée !

À chaque tentative de mise à contribution des grandes fortunes, une phrase revient comme un réflexe de classe : « Vous comprenez, ce patrimoine n'est pas liquide. »

En effet, c'est compliqué, l'argent ciblé n'est pas disponible. Mais cette situation ne tombe pas du ciel ! Elle est le résultat d'une stratégie volontaire et planifiée, parfaite pour échapper à l'impôt.

Prenons un exemple quelque peu caricatural, mais très proche de la réalité. Imaginez un boulanger dans un village. Chaque jour, il vend ses baguettes – sauf le 1er mai ! (Rires.) –, empoche l'argent, le déclare et paye ses impôts.

Imaginez maintenant un milliardaire. Il possède dix entreprises, mais au lieu d'empocher directement les profits, il crée une holding, puis une deuxième, qui possède la première, et ainsi de suite. Résultat, les profits ne remontent jamais vraiment jusqu'à lui en tant que revenus : ils restent coincés dans les étages du château fiscal.

Qu'y a-t-il sur la feuille d'impôt de cette personne ? Rien ! Dans ses comptes ? Des milliards ! On appelle cela de l'« illiquidité volontaire ». C'est un peu comme si notre boulanger disait : « Je ne veux pas payer mes impôts, parce que j'ai enfermé tout mon argent dans le four à pain. » (Sourires.)

Soyons sérieux. Notre position est simple : l'État ne peut pas se faire balader par des gens qui organisent eux-mêmes leur insolvabilité fiscale.

Dès lors, comme le prévoyait la version initiale du texte, notre amendement vise à rendre possible un report ou un échelonnement du paiement en cas de difficulté de trésorerie liée à la structure des actifs. Ce point, me semble-t-il, peut nous rassembler. Nous posons toutefois une condition : le ou la redevable doit donner une garantie réelle sur ses actifs, ce qu'on appelle un nantissement, en d'autres termes un gage sur ses biens.

En bref, l'État est créancier, pas pigeon ! Je le répète, madame la ministre, l'absence de liquidité ne vaut pas immunité !

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Daubet, Roux, Bilhac et Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 46, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

six

La parole est à M. Raphaël Daubet.

M. Raphaël Daubet. Il s'agit d'un nouvel amendement compassionnel, rédigé dans l'espoir d'émouvoir le rapporteur, à défaut de le faire sourire…

Nous proposons d'aménager la période d'échelonnement du paiement de l'impôt, en la portant de cinq à six ans.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Grosvalet, Daubet et Bilhac, Mme Briante Guillemont et M. Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 46

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'elle est effectuée en vue d'acquitter l'impôt plancher sur la fortune, la cession, totale ou partielle, des actions détenues par un redevable dans une entité exerçant une activité relevant des secteurs mentionnés à l'article L. 151-3 du code monétaire et financier est subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie.

La parole est à M. Raphaël Daubet.

M. Raphaël Daubet. Cet amendement est plus sérieux : il a été rédigé par mon collègue Philippe Grosvalet. (Rires.)

M. Emmanuel Capus, rapporteur. C'est honnête !

M. Raphaël Daubet. Il vise à soumettre la vente d'actions détenues dans une entreprise relevant d'un des secteurs mentionnés aux articles L. 151-3 et R. 151-3 du code monétaire et financier au dispositif de contrôle des investissements étrangers en France.

Il s'agit évidemment de se prémunir contre la vente d'entreprises qualifiées de stratégiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur. L'amendement n° 2 rectifié de M. Savoldelli, assez surprenant, vise à créer un nouveau type de nantissement.

Sans entrer dans le détail, cet objet juridique pour le moins novateur semble complexe à mettre en œuvre. Je ne suis pas du tout convaincu, mes chers collègues, que, même si vous aviez la mauvaise idée de voter ce texte, il faudrait voter cet amendement. C'est donc un avis défavorable.

Monsieur Daubet, au travers de votre amendement n° 5 rectifié – quelque peu antinomique, d'ailleurs, avec celui de M. Savoldelli –, vous reconnaissez d'une certaine façon les difficultés de liquidité que je soulignais.

C'est assez dingue : dès le départ, les auteurs du texte anticipent qu'une bonne partie, peut-être une majorité, des contribuables visés seront, faute de liquidités, dans l'incapacité de s'acquitter de cet impôt.

Je ne parle même pas du cas des start-up. Par définition, la valorisation des actifs – je l'ai très rapidement abordée tout à l'heure – rend l'impôt totalement impossible à payer.

Pour y remédier, voilà qu'on invente un système d'échelonnement. Honnêtement, que le délai soit de cinq ou six ans – six ans seraient bien sûr préférables –, peu importe : c'est un avis défavorable.

Le professeur Zucman lui-même a prévu un autre dispositif, que je m'étonne d'ailleurs de ne pas trouver dans le texte. Il suggère, puisque ces contribuables ne pourront pas payer l'impôt, que leurs biens soient saisis, ou qu'ils le payent en actions.

M. Pascal Savoldelli. Cela pourrait faire l'objet d'un amendement.

M. Emmanuel Capus, rapporteur. L'État deviendrait alors actionnaire d'une multitude de sociétés. Il se muerait en un gestionnaire de portefeuille ; il faudrait toutefois déjà que les pactes familiaux autorisent les contribuables en question à vendre leurs actions. C'est ubuesque !

Mme Antoinette Guhl. Ce n'est pas dans le texte !

M. Guy Benarroche. C'est la suite !

M. Emmanuel Capus, rapporteur. En effet, c'est la suite logique et nécessaire, selon Gabriel Zucman, un économiste auquel vous semblez prêter une oreille attentive… (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Enfin, les auteurs de l'amendement n° 8 rectifié posent un problème très sérieux : l'État ne devrait-il pas être en mesure de contrôler la cession d'actions dans des entreprises à caractère stratégique, notamment dans le domaine de la défense ?

Si les contribuables actionnaires sont contraints de vendre leurs actions, nous aurons évidemment cette difficulté.

Pour ce qui est de la défense nationale, cet amendement est en réalité satisfait : il ne peut de toute façon y avoir de vente sans autorisation de l'État.

Toutefois, bien d'autres entreprises, dans d'autres secteurs, pourraient être concernées. Les familles d'actionnaires dont il est question comptent parfois des dizaines de membres. Je pense aux propriétaires de Seb ou de Pernod Ricard – des entreprises extérieures au secteur de la défense, mais extrêmement implantées sur le territoire national –, qui devront demain, si on les force à payer cet impôt, céder leurs actions.

Il s'ensuivra des difficultés capitalistiques extraordinaires qui mettront ces entreprises dans une situation très précaire, à la merci de prédateurs étrangers qui, eux, ne seront pas soumis aux mêmes règles fiscales.

M. Jadot se demandait tout à l'heure dans quel pays nous vivons. Eh bien ! nous vivons dans un pays qui n'est pas isolé. En fait, nous vivons au milieu du monde !

Or, dans le monde qui nous entoure, la taxe Zucman n'a pas été adoptée.

M. Thomas Dossus. Pas encore !

M. Emmanuel Capus, rapporteur. Le professeur Zucman proposait que sa taxe soit mondiale. Ce n'est pas le cas de cette proposition. Or être précurseur en la matière est très loin d'être une bonne idée. Vous savez, si les autres ne le font pas, peut-être y a-t-il des raisons !

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est également défavorable.

Prenons un cas pratique. J'évoquais VivaTech. L'une de ses entreprises phares, Mistral AI, a été fondée par trois jeunes entrepreneurs français, qui détiennent aujourd'hui la moitié de son capital. Elle est devenue l'un des piliers de notre souveraineté, française et européenne.

Sachant que Mistral AI est aujourd'hui valorisée à 6 milliards d'euros (M. Yannick Jadot s'exclame.), ses trois actionnaires individuels disposent ensemble d'un patrimoine théorique de 3 milliards d'euros. Si la taxe Zucman leur était appliquée, ils devraient payer chaque année, à eux trois 2 % de 3 milliards d'euros, soit 60 millions d'euros, bien au-delà du salaire que leur verse l'entreprise, seule somme qu'ils touchent réellement.

Si le but réel est que l'État devienne actionnaire de Mistral AI, cela porte un nom : une nationalisation rampante. C'est un projet ; ce n'est pas le mien.

La deuxième option est de faire en sorte que ces personnes vendent des actions d'une valeur de 60 millions d'euros chaque année.

Nous vendrions alors ce pilier de notre souveraineté – celui-là même que nous sommes en train de construire – au tout-venant. Nous offririons à qui voudrait s'enrichir la possibilité de prendre chaque année le contrôle de 2 % de la part de l'entreprise appartenant à ses investisseurs et fondateurs.

M. Thomas Dossus. C'est l'exception !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le sénateur, un grand nombre des entreprises que vous visez, celles qui sont valorisées à hauteur de plusieurs milliards d'euros et qui ne versent pas de dividendes, sont nos licornes, nos géants de l'innovation.

Nous avons mis tant d'années à mettre en place les conditions pour que ces entreprises, qui jusqu'alors étaient créées par des Français aux États-Unis, soient développées en France !

Vous pointez vous-même la difficulté qui fait que je suis défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)