Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous n'avons aucun problème à cet égard !
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, M. Chantrel, Mmes Le Houerou et S. Robert, MM. Ros, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être déduit d'un contrat préalable par lequel les parties seraient convenues de relations sexuelles.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je ne suis pas d'accord avec l'argument, que j'entends depuis des années, selon lequel toute précision apportée par nos soins au code pénal limiterait l'office du juge. En effet, ce n'est pas vrai.
M. Francis Szpiner. Si !
Mme Laurence Rossignol. Non ! Je l'ai dit déjà deux fois, mais je vais encore le répéter : si c'était vrai, la justice fonctionnerait parfaitement bien.
Si c'était vrai, il n'y aurait pas des quantités de femmes se plaignant à juste titre que leur viol n'ait pas été poursuivi et sanctionné par la justice.
Si c'était vrai, nous n'aurions pas des jurisprudences, non pas de la Cour de cassation, d'ailleurs, mais de juridictions d'ordre inférieur, reconnaissant du consentement là où nous pensons qu'il n'y en a pas.
Si c'était vrai, il n'y aurait pas de juges soulignant que les femmes n'ont pas manifesté le fait qu'elles n'étaient pas d'accord ou que les circonstances de l'espèce font que l'auteur des faits avait toutes les raisons de penser qu'elles étaient d'accord. Par parenthèse, la question ici n'est pas tant le consentement que l'intentionnalité, ce qui pose quelques problèmes d'articulation.
Cela dit, j'en viens plus précisément à mon amendement. Il existe actuellement, à cause de l'industrie pornographique et de la « glamourisation » du BDSM – bondage, domination, sadomasochisme – des contrats de soumission, c'est-à-dire des contrats par lesquels des femmes s'engagent à se livrer à toutes les activités sexuelles qui sont prévues dans ledit contrat.
Il se trouve que la cour d'appel de Nancy a jugé qu'un tel contrat entre un homme et une femme valait consentement. L'affaire a été portée devant la Cour européenne des droits de l'homme, mais elle traîne depuis des années. Or j'ai aussi en tête le souci d'une plus grande célérité de la justice et je considère que le vote de ces amendements y contribuerait, en aidant les juges.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Puisque vous répétez vos arguments, madame Rossgnol, nous répéterons également les nôtres : plus nous détaillons le code pénal, plus nous risquons de permettre des choses que nous aurions omis d'interdire expressément. Il est toujours compliqué de dresser une liste, d'où le principe interprétatif du code pénal.
Ensuite, dans cette fameuse affaire de Nancy, qui traite d'un contrat de soumission et de poursuites pour viol avec tortures et actes de barbarie, suivant les informations dont nous disposons, d'une part, l'accusé était poursuivi pour harcèlement sexuel et violences, et, d'autre part, le juge ne s'est pas déterminé au regard du seul contrat que vous évoquez. L'affaire est bien plus complexe que ce que vous en dites.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voilà rassurés…
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Non, mais cette affaire n'est pas réductible au seul consentement !
Enfin, je rappelle que nous avons déjà voté des propositions de loi de Laurence Rossignol, ce qui prouve que cela peut se faire. Déposons donc une proposition de loi transpartisane pour préciser dans le code civil que le devoir conjugal, qui est une interprétation du juge, n'existe pas.
Cependant, nous devons respecter certaines règles. Quand nous voulons modifier le code civil, nous n'utilisons pas un texte qui porte sur le code pénal. Mais pourquoi pas une proposition de loi ? Vous savez très bien que nous ne sommes pas contre le principe.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Le terme « révocable » couvre précisément le cas que vous évoquez aujourd'hui, madame Rossignol. Quand bien même il y aurait un contrat, le consentement peut être révoqué à tout moment et la personne peut refuser de consentir à n'importe quel acte.
C'est ce que le Conseil d'État a précisé, exactement dans la situation que vous décrivez : la rédaction d'un contrat préalable ne permet pas de « présumer l'existence d'un consentement propre à écarter la qualification d'agression ou de viol. »
Mme Laurence Rossignol. Alors, écrivons-le !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Ce n'est pas nécessaire. Le terme « révocable » justifie que, à tout moment on puisse révoquer son consentement, quand bien même un contrat préalable aurait été signé.
C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J'entends ce que vous dites. Révocable signifie que, à tout moment, la personne peut cesser de participer aux relations sexuelles qui étaient prévues au contrat. Mais peut-on qualifier de viols les relations sexuelles qui ont eu lieu auparavant ?
Mme Laurence Rossignol. Vous vous situez au moment de la révocation, mais ce n'est pas parce que le contrat est révocable et révoqué que les relations sexuelles qui ont eu lieu avant la révocation du contrat sont criminalisées.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je suis tout à fait intéressée par ce débat, parce qu'il est question de la pornographie.
Lorsque nous avons mené ce long travail de six mois sur l'industrie de la pornographie, nous avons été profondément marquées et choquées par les témoignages que nous avons reçus, notamment les témoignages à huis clos sur l'affaire French bukkake.
Je pense qu'il serait intéressant de réfléchir à la proposition de Laurence Rossignol. En effet, nous avons tout fait pour interdire certains contrats qui ont cours dans le milieu de la pornographie et auxquels une personne vulnérable ne sera jamais en mesure de renoncer, parce qu'elle a besoin d'argent, par exemple.
Je m'interroge véritablement sur la position à adopter sur cette proposition, qui, au regard de ce que je sais de l'industrie de la pornographie, me semble extrêmement intéressante.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, M. Chantrel, Mmes Le Houerou et S. Robert, MM. Ros, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est obtenu dans le cadre d'une relation médicale ou thérapeutique. » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Épargnons-nous déjà la première série d'arguments consistant à dire que, si nous allongions la liste dans le code pénal, nous nous priverions d'incriminer d'autres situations.
De toute façon, comme les juges se réfèrent aussi aux travaux parlementaires, rien ne nous empêche de dire à chaque instant que ce que nous ajoutons n'est pas exhaustif ou de conclure nos présentations par la formule suivante : « nonobstant toutes les autres situations qui entrent dans le cadre du consentement. » Le juge pourrait tout à fait se servir du compte rendu de nos débats.
Mon amendement vise une situation particulière : les relations sexuelles obtenues dans le cadre d'une relation thérapeutique ou médicale.
Quand il s'agit d'un médecin, le code de déontologie vient à la rescousse. Si la victime saisit l'ordre des médecins, elle peut obtenir la suspension du praticien pendant que court l'affaire pénale. Cependant, il ne vous a pas échappé que nombre de professionnels qui ne sont pas médecins ou qui appartiennent à des professions tout à fait légales et sérieuses, mais dépourvues d'un ordre, sont, elles, en mesure à la fois de continuer de travailler et de faire valoir le consentement.
J'ai rédigé cet amendement voilà déjà quelque temps, et il se trouve que, la semaine dernière, il y a eu une longue enquête dans Le Monde sur les victimes des psychothérapeutes. Dans ces affaires, les avocats des victimes relèvent que ces soi-disant thérapeutes arguent en général du consentement de la victime.
Aussi, il ne serait pas inintéressant de préciser dans ce texte que, dès lors qu'il y a une relation thérapeutique, il ne peut pas y avoir de consentement à la relation sexuelle, puisque l'on est dans une relation d'emprise présumée.
Pour les médecins, le conseil de l'ordre règle le problème ; pour tous les autres, la situation est très trouble, ce qui est dommageable pour les victimes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Elsa Schalck, rapporteure. En ce qui concerne cet amendement, j'avancerai un nouvel argument, qui sera d'ordre constitutionnel.
À l'heure actuelle, vous le savez, un acte sexuel obtenu dans le cadre d'une relation médicale ou thérapeutique constitue déjà une circonstance aggravante dans notre code pénal. Ainsi, la peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)
En ce qui concerne un viol commis sur une personne dont l'état de particulière vulnérabilité est connu de l'auteur ou par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, la jurisprudence de la Cour de cassation est très claire : ce qui constitue une circonstance aggravante dans notre droit pénal ne peut, par ailleurs, être retenu pour prouver l'absence de consentement, qui est un élément constitutif de l'infraction. Ce serait tout simplement contraire aux principes constitutionnels de légalité des délits et des peines.
Pour des raisons à la fois factuelles et juridiques, l'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure, j'ai tendance à faire confiance à votre argumentation, même si je vais tout de même m'empresser d'aller en vérifier le bien-fondé et en trouver les fondements, peut-être dès demain.
J'ouvre juste une parenthèse : j'adore quand les sénateurs de la majorité sénatoriale nous disent que l'on ne peut pas voter tel ou tel amendement parce qu'il serait inconstitutionnel ! En effet, nous n'avons eu de cesse ces derniers mois d'opposer cet argument, en vain, à des propositions de loi émanant de la majorité sénatoriale, qui nous répondait invariablement : « On verra bien, le Conseil constitutionnel décidera ». Aussi, chers collègues, je vous propose de faire comme d'habitude : laissez le Conseil constitutionnel décider !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, M. Chantrel, Mmes Le Houerou et S. Robert, MM. Ros, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « ou morale » sont remplacés par les mots : « , morale ou économique » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je pense que nous n'alourdirons pas terriblement le code pénal et que nous n'enserrerons pas la liberté du juge avec de trop grandes listes si nous ajoutons que la contrainte, qualifiée de physique ou morale dans la définition de viol par le code pénal, peut aussi être économique, et que la contrainte économique ne se déduit pas de la contrainte morale.
Non, cet amendement n'est pas déjà satisfait. Je pense que cet ajout serait utile, compte tenu des inégalités entre les femmes et les hommes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Comme dans le cas précédent, une telle évolution serait porteuse d'un risque constitutionnel, puisqu'un élément constitutif de l'infraction – la contrainte, en l'espèce – ne peut être par ailleurs une circonstance aggravante de la même infraction.
Or, aux termes de l'article 222-24 du code pénal, la peine encourue est aggravée lorsqu'un viol est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur.
Nous avons donc deux cas de figure tous deux couverts par le droit en vigueur. Soit la victime fait l'objet d'un chantage économique de la part de son violeur, et cette situation est déjà constitutive d'une contrainte, ce qui prouve l'absence de consentement. Soit la victime est dans une situation de dépendance économique, ce qui fonde l'aggravation de la peine encourue.
Créer un troisième cas hybride poserait davantage de difficultés que cela n'apporterait de solutions, puisque, ici encore, nous viendrions fragiliser le droit en créant un risque constitutionnel qui n'existe pas aujourd'hui.
De nouveau, je vous appelle à protéger les victimes, qui seraient doublement victimes si l'inconstitutionnalité de ce texte se confirmait.
Mme Laurence Rossignol. Cela ne vous dérange pas quand il s'agit du droit des immigrés…
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La contrainte prévue par le premier alinéa de l‘article 222-22 peut être caractérisée lorsqu‘un contrôle coercitif est exercé sur la personne de son conjoint, du partenaire auquel on est lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin par des propos ou des comportements, répétés ou multiples, portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime ou instaurant chez elle un état de peur ou de contrainte dû à la crainte d'actes exercés directement ou indirectement sur elle-même ou sur autrui, que ces actes soient physiques, psychologiques, économiques, judiciaires, sociaux, administratifs, numériques ou de toute autre nature. » ;
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement a pour objet d'introduire l'hypothèse du contrôle coercitif dans la caractérisation du viol et de l'agression sexuelle.
Parmi les éléments constitutifs d'une agression sexuelle, la contrainte morale, entendue comme une pression irrésistible qui s'exerce sur la volonté d'une personne, peut également être plus insidieuse. L'ascendant de l'auteur, les stratagèmes qu'il met en place et la façon dont il coupe les liens de la victime avec l'extérieur sont des éléments objectifs et visibles.
Cet ajout permet de matérialiser une situation insidieuse, au sein d'un faisceau d'indices, de nature à vicier le consentement de la victime.
La jurisprudence fait une appréciation du droit très extensive, afin d'englober le plus de notions possible. Toutefois, le contrôle coercitif et l'emprise n'étant pas prévus par la loi, il reste des espaces que cet amendement a pour objet de combler, afin de mieux protéger les victimes et de mieux condamner les auteurs de violences sexuelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Elsa Schalck, rapporteure. S'agissant de cet amendement, plusieurs remarques s'imposent.
Tout d'abord, comme on l'a souligné à l'occasion de la discussion d'autres amendements, les magistrats se verraient une nouvelle fois privés de leur liberté d'appréciation.
Ensuite, il n'est pas facile de caractériser le contrôle coercitif lui-même, ce qui pourrait faire naître des situations défavorables aux victimes.
Enfin, la rédaction même de l'alinéa pose problème en ce qu'elle soulève des difficultés juridiques. Il s'agit des mêmes réserves que celles que nous avons soulignées lors de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, qui visait à faire entrer le contrôle coercitif dans notre législation.
Par conséquent, l'adoption de l'amendement n° 13 présente un risque constitutionnel majeur. En effet, la notion de contrôle coercitif est inconnue, ce qui pourrait entraîner de graves conséquences.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. Le 3 avril dernier, à l'unanimité, le Sénat a adopté une disposition relative au contrôle coercitif dont j'étais à l'origine. Le Gouvernement s'était rangé aux différentes évolutions qui avaient été revues en commission des lois par les rapporteures. C'étaient d'ailleurs les mêmes que sur le texte que nous examinons aujourd'hui.
Il s'agit bien d'aller au bout de l'examen de ce texte, dont l'adoption permettra une caractérisation générale de la notion de contrôle coercitif et répondra à la nécessité de mieux caractériser les violences à l'encontre des femmes et de considérer toutes les violences, notamment celles que vous décrivez, quelle qu'en soit la situation, et pas uniquement dans le cadre d'une agression sexuelle ou d'un viol.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Silvani et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'état de sidération découle de la surprise prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 » ;
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement a pour objet d'inclure l'état de sidération dans la définition pénale de l'agression sexuelle et du viol.
Consacré récemment par la Cour de cassation, l'état de sidération est désormais rattaché à la surprise pour caractériser ces infractions sexuelles. Cette jurisprudence a marqué un tournant important dans la définition du viol et de l'agression sexuelle qu'il apparaît important de consacrer dans la loi à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi.
L'état de sidération peut caractériser une absence de consentement dans les cas de viol ou d'agression sexuelle, considéré comme l'un des éléments matériels constitutifs de ces infractions. Cet état résulte de la surprise, mettant en lumière une incapacité de la victime à consentir en raison de son état de choc psychologique.
Introduire cet élément dans la loi procurera une sécurité juridique supplémentaire à cette consécration jurisprudentielle, facilitant la caractérisation de l'infraction sexuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Elsa Schalck, rapporteure. La proposition de loi a aussi vocation à prendre en compte les cas de sidération, qui englobent les questions de silence et d'absence de réaction de la victime.
Par conséquent, inscrire dans la loi l'état de sidération n'apparaît pas opportun.
D'une part, comme cela a été souligné à maintes reprises dans le débat, cela réduirait la liberté d'appréciation du juge, alors même que, au regard de la variété des situations qui lui sont soumises, nous mesurons à quel point il est nécessaire de la préserver.
D'autre part, la rédaction de cet amendement pose une difficulté juridique. Prévoir que l'état de sidération découle de la surprise revient-il à dire que la surprise entraîne nécessairement un état de sidération ? Vous imaginez bien les débats que cela pourrait nourrir, car la surprise recouvre bien d'autres cas de figure.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Permettez-moi d'insister, mes chers collègues.
Certes, cette notion est probablement complexe, mais la jurisprudence a déjà statué. On parle de sidération. Il ne s'agit pas de savoir si le silence et l'absence de réaction en découlent ; comme vous l'avez compris, nous cherchons par nos amendements à compléter, nuancer et améliorer la notion de consentement, qui vous semble extrêmement précise, alors qu'elle ne l'est tant que cela.
Il est difficile de comprendre pourquoi l'état de sidération ne peut être introduit dans la loi, alors qu'il est déjà reconnu par la jurisprudence. Je devine toutefois le sort qui sera réservé à cet amendement…
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mme Rossignol, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 222-23-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. L'objet de cet amendement sera limpide pour tous ceux qui ont participé au débat sur la proposition de loi d'Annick Billon visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste. Il s'agit de supprimer la clause Roméo et Juliette, qui fait que, aujourd'hui, une relation sexuelle entre une enfant de 14 ans et un homme de presque 19 ans n'est pas considérée comme un viol.
Nous avons eu de longues discussions sur cette clause, qui nous a été fermement imposée – puis-je le dire ainsi, madame Billon ? (Mme Annick Billon acquiesce.) –, pour ne pas empêcher les relations sexuelles entre de jeunes gens. Résultat, quand une enfant de 14 ans a une relation avec un garçon de 18 ans et 10 mois, ce n'est pas un viol. Pourtant, elle est une enfant et, lui, c'est un jeune adulte.
Mme Annick Billon. Ce n'est peut-être pas un viol !
Mme Laurence Rossignol. Je précise : ce n'est pas un viol en l'absence de violence, menace, contrainte ou surprise. Ce dont on parle aujourd'hui, c'est de toutes les situations qui n'entrent pas dans les caractéristiques du viol, telles qu'elles sont définies par le code pénal.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, M. Chantrel, Mmes Le Houerou et S. Robert, MM. Ros, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa de l'article 222-23-1 est ainsi rédigé :
« Hors le cas prévu à l'article 222-23, constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital ou bucco-anal commis sur la personne d'un mineur ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque les faits sont commis en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage. » ;
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Au second alinéa de l'article 225-12-1, les mots : « est mineure ou » sont supprimés ;
...° Le dernier alinéa de l'article 225-12-2 est supprimé ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. L'objet de cet amendement est clair : il s'agit de lutter contre la prostitution des mineurs. Je suppose que cela fait consensus dans cette assemblée.
Pour lutter contre la prostitution des mineurs, nous proposons que l'achat de services sexuels auprès d'un mineur, garçon ou fille, soit considéré comme un viol. Certes, cela n'empêchera jamais l'auteur d'essayer de faire valoir qu'il n'était pas au courant, qu'il ne savait pas l'âge de la jeune fille ou du jeune homme, qu'il a été trompé, etc.
Pour lutter contre la prostitution des mineurs, il faut protéger ces derniers au moins jusqu'à 18 ans. C'est pourquoi je propose que l'on étende la qualification de viol en cas de relations sexuelles entre une personne majeure et une personne mineure jusqu'à 18 ans quand il s'agit d'un client de la prostitution.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, M. Chantrel, Mmes Le Houerou et S. Robert, MM. Ros, Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Au second alinéa de l'article 225-12-1, les mots : « est mineure ou » sont supprimés ;
...° Le dernier alinéa de l'article 225-12-2 est supprimé ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 225-12-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le fait d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur de quinze ans qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, constitue un viol ou une agression sexuelle tels que définis respectivement aux articles 222-23-1 et 222-29-2.
« Hors les cas dans lesquels ces faits constituent un viol ou une agression sexuelle, le fait de solliciter ou d'accepter, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur de quinze ans qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. » ;
...° Le dernier alinéa de l'article 225-12-2 est supprimé ;
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Il s'agit d'un amendement d'appel.
La prostitution impliquant des mineurs est une réalité ; qui plus est, elle est en constante progression. En 2024, plus de 1 500 victimes de proxénétisme ou de personnes ayant eu recours à la prostitution ont été recensées. Parmi elles, on comptait 659 mineurs. Au total, le nombre de mineurs impliqués dans des phénomènes de prostitution a bondi de 140 %.
Les données récentes sont tout aussi alarmantes. Entre les mois de janvier et d'avril 2025, le parquet des mineurs de Bobigny a enregistré presque autant de signalements que sur l'ensemble de l'année 2024. Ces enfants, souvent de très jeunes filles en situation de grande vulnérabilité, sont confrontés à des réseaux, des proxénètes et des clients, qui profitent d'une interprétation erronée du code pénal.
La loi du 21 avril 2021 que j'ai défendue a pourtant posé un principe fondamental : un enfant de 15 ans ne peut jamais consentir à un acte sexuel. Pourtant, lorsqu'un acte sexuel est tarifé, il est encore trop souvent qualifié de simple délit et non de crime. Le code pénal dispose d'une infraction spécifique de recours à la prostitution d'un mineur, introduite en 2002 par la loi relative à l'autorité parentale, dont la rédaction est claire.
Pourtant, dans la pratique, cette disposition prévaut régulièrement sur les qualifications de viol ou d'agression sexuelle, même lorsqu'il s'agit d'enfants de moins de 15 ans. Cette interprétation restrictive du droit, retenue par certaines juridictions, affaiblit le principe que nous avons posé collectivement et conduit à une réponse pénale inadaptée.
Madame la ministre, il est urgent de clarifier l'interprétation qui est faite du droit. Tout acte sexuel tarifé sur un mineur de moins de 15 ans doit être reconnu pour ce qu'il est : un viol ou une agression sexuelle.
Ma question est simple : comptez-vous l'écrire noir sur blanc dans une circulaire ?