M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 39 rectifié est présenté par MM. Roiron et Lozach, Mme Féret, MM. M. Weber, Redon-Sarrazy et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Tissot et Ros, Mme Artigalas, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 66 est présenté par M. Benarroche, Mme Ollivier, MM. Gontard, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Fernique, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour présenter l'amendement n° 39 rectifié.

M. Pierre-Alain Roiron. L'article 34 introduit dans le code de la sécurité intérieure une nouvelle mesure administrative. Le ministre de l'intérieur pourra prononcer une interdiction de paraître dans un périmètre où se tient un grand événement ou un grand rassemblement à l'encontre de personnes ni poursuivies ni condamnées, sur le fondement de simples soupçons, sans décision judiciaire préalable.

Nous demandons la suppression de cet article pour plusieurs raisons : il est de nature à porter atteinte aux libertés publiques et à l'efficacité du droit en vigueur, et pourra donner lieu à des dérives administratives.

Cette interdiction revient à restreindre la liberté fondamentale de circuler librement sur le territoire national sur le seul fondement d'un soupçon administratif. Or cette liberté constitutionnelle protégée ne peut être limitée que sous le strict contrôle du juge judiciaire, garant de la liberté.

L'article 34 exclut le juge judiciaire et ne prévoit qu'un recours a posteriori devant le juge administratif, dans des délais qui ne sont pas compatibles avec l'urgence ou l'effet immédiat d'une telle interdiction. Notre groupe constate ici un déséquilibre, qu'il ne peut accepter, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Par ailleurs, cette nouvelle mesure vise des personnes pour lesquelles « il existe des raisons sérieuses de penser que [leur] comportement constitue une menace ». Cette formulation floue n'est pas objective et ouvre la voie à des interdictions ciblées, sur la base de simples signalements pouvant entraîner des discriminations ou des abus.

L'extension continue des mesures administratives de police, au détriment de l'aspect judiciaire, s'inscrit dans une logique d'exceptionnalité, devenue permanente, qui banalise l'état d'urgence dans le droit commun. J'y insiste, nous ne pouvons pas l'accepter.

En voulant agir au nom de la sécurité, on affaiblit en réalité la légitimité de notre droit. Cet article oppose liberté et sécurité, alors que toutes deux doivent aller de pair.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article. (Manifestations d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l'amendement n° 66.

M. Thomas Dossus. Cet amendement a été fort bien défendu.

Nous sommes très inquiets de l'accumulation de ces mesures de sécurité administratives, notamment des interdictions de paraître qui sont conditionnées par le seul soupçon et peuvent parfois être décidées pour des motifs politiques. (Marques d'exaspération sur les travées du groupe Les Républicains)

À notre sens, le recours intensif à ces procédures administratives, jugées plus rapides que les procédures judiciaires, devrait tous nous alerter, car celles-ci impliquent moins d'intervenants et excluent l'intervention de magistrats indépendants, lesquels sont pourtant les garants du respect des libertés fondamentales et de l'État de droit. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Je souhaite m'en tenir aux faits et éviter les grands emballements. L'objectif est de sécuriser les JOP dans les meilleures conditions possibles, gardons cela à l'esprit.

M. Thomas Dossus. En respectant le droit, si possible...

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. La proposition de supprimer le dispositif d'interdiction de paraître est contraire à la position constante de notre commission, laquelle a considéré que ce nouvel outil serait indéniablement utile à l'autorité administrative pour la sécurisation des grands événements dont il est question, notamment les JOP.

Nous en sommes d'autant plus convaincus que ce dispositif est plus sénatorial que gouvernemental : je vous rappelle que le Sénat l'avait déjà adopté sur l'initiative de notre collègue Marc-Philippe Daubresse lors de l'examen, en janvier 2024, de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste. (M. Thomas Dossus ironise.)

Sur le fond, le besoin opérationnel est certain, c'est pourquoi la mesure nous est soumise.

En l'état du droit, l'administration doit parfois renoncer à prononcer une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (Micas) à l'encontre d'une personne dangereuse, afin de se réserver cette possibilité pour la sécurisation d'un futur grand événement.

Juridiquement, le dispositif est assorti de multiples garanties qui avaient convaincu le Sénat de sa proportionnalité l'an passé. Je vous invite donc à la constance, mes chers collègues, en rejetant ces amendements identiques sur lesquels l'avis de la commission est, bien sûr, défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie Barsacq, ministre. L'article 34 permet de prendre des interdictions de paraître bien plus proportionnées aux objectifs poursuivis que la procédure Micas, tout en garantissant la sécurité de nos concitoyens.

La mesure envisagée est à la fois encadrée et conforme à la Constitution. Elle est assortie de multiples garanties : elle ne concerne que les personnes ne faisant pas l'objet d'une Micas et pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité publique ; elle est bornée au seul lieu où se tient un grand événement ou un grand rassemblement ; sa durée est limitée à celle de l'événement, sans pouvoir excéder deux mois ; elle doit tenir compte de la vie privée et familiale de la personne concernée ; enfin, elle est assortie de garanties procédurales.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié et 66.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Roiron et Lozach, Mme Féret, MM. M. Weber, Redon-Sarrazy, Kanner, Tissot et Ros, Mmes Artigalas et de La Gontrie, M. Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle est formellement motivée, documentée, et justifiable par des éléments factuels précis.

La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.

M. Pierre-Alain Roiron. La nécessité d'assurer la sécurité des JOP est une exigence que nous partageons tous, et nul sur ces travées ne saurait mettre en cause nos intentions quant aux conditions de tenue de ce bel événement.

C'est dans cet esprit que nous présentons cet amendement de repli, lequel tend à encadrer strictement le pouvoir de l'exécutif et à éviter des décisions arbitraires, fondées sur de vagues soupçons.

L'interdiction de paraître, quoi que l'on en dise, porte atteinte à une liberté fondamentale. Elle ne saurait donc être prononcée sur la base de simples impressions ou de renseignements généraux.

Nous souhaitons que toute mesure de cette nature soit, en premier lieu, formellement motivée, afin que l'intéressé comprenne la nature exacte des faits qui lui sont reprochés. Elle doit, en deuxième lieu, être documentée par des éléments précis, traçables et accessibles aux juridictions compétentes. Elle doit, enfin, être justifiable par des faits concrets, et non par de simples soupçons ou des hypothèses comportementales.

Ces éléments nous paraissent indispensables pour garantir le caractère réellement effectif du recours devant le juge administratif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement de repli me semble satisfait par le droit existant.

En effet, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration instaure une obligation de motivation des décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou qui, de manière générale, constituent une mesure de police. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter sur ce point, d'autant que, comme vous l'avez vous-même rappelé, l'intéressé pourra saisir en urgence le juge des référés pour contester l'interdiction de paraître.

L'amendement étant satisfait, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5, troisième phrase

Remplacer le mot :

soixante-douze

par le mot :

quarante-huit

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie Barsacq, ministre. Le présent amendement vise à rétablir le délai de quarante-huit heures tel que prévu dans le projet de loi initial du Gouvernement, avant le début du grand événement ou du grand rassemblement, pour la notification de l'interdiction de paraître, délai que la commission des lois a porté à soixante-douze heures.

Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis, la notification de la décision au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur, sauf urgence dûment justifiée, est de nature à permettre une saisine du juge des référés afin que celui-ci statue en temps utile.

Ainsi que l'a recommandé le Conseil d'État, il est par ailleurs précisé que, dans les situations où cela sera matériellement possible, la notification de la décision pourra intervenir plus tôt afin de laisser un délai plus long que ce minimum légal de quarante-huit heures.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. L'augmentation de quarante-huit à soixante-douze heures du délai précédant l'entrée en vigueur de la mesure, voulue par la commission, permet de sécuriser juridiquement ce dispositif en garantissant en toute hypothèse l'effectivité du droit au recours.

En effet, avec un délai de quarante-huit heures, il existait un risque, pour un événement de courte durée, que le juge des référés ne puisse se prononcer qu'une fois celui-ci terminé. Cette augmentation du délai, dont chacun conviendra au demeurant qu'elle est modérée, contribue donc grandement à la sécurité juridique de la mesure et consolide l'ensemble du dispositif auquel le Gouvernement est attaché.

J'ajoute qu'une corde de rappel est prévue pour traiter le cas des profils dangereux qui auraient été détectés tardivement : l'autorité administrative pourra déroger à ce délai en cas d'urgence dûment justifiée.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030
Article 35

Après l'article 34

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par Mme Cukierman, M. Bacchi, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 34

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après la fin de l'événement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur la création d'une interdiction de paraître pour les personnes ne faisant pas l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance et dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace particulièrement grave pour la sécurité publique. 

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Mon groupe a voté contre l'article 34, lequel a tout de même été adopté par notre assemblée.

Pourtant, l'interdiction de paraître en cas de grand rassemblement prévue audit article demeure une mesure particulièrement sensible ; elle instaure, essentiellement sur la base d'une suspicion et sans décision judiciaire, une interdiction de circuler pour les personnes concernées.

S'il est légitime de garantir la sécurité de ces événements, cet article ne suscite pas moins de graves inquiétudes au regard du respect des libertés fondamentales.

Notre rôle, désormais, consiste donc à nous assurer que, dans la pratique, ces dispositions respecteront un juste équilibre entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et libertés reconnus à toute personne résidant sur le territoire de la République.

Il est ainsi de notre devoir de nous assurer, une fois la mesure appliquée, qu'elle soit juste et proportionnée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Nous connaissons la récurrence de vos positions sur ce sujet et nous les comprenons sur le fond.

Pour autant, vous le savez, il n'est pas dans les habitudes de notre assemblée de commander des rapports. Le Sénat pourra parfaitement se saisir de ce sujet, et je ne doute pas que vous prendrez vous-mêmes des initiatives, le moment venu, pour analyser la mise en pratique de ces dispositifs.

En conséquence, l'avis est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie Barsacq, ministre. L'article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure prévoit déjà que le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l'application des mesures administratives prises en application du titre II dudit code, relatif à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, dans lequel la disposition prévue à l'article 34 de ce projet de loi en discussion est insérée.

Par conséquent, il n'est pas nécessaire de prévoir un rapport spécifique pour chaque événement au titre duquel des interdictions de paraître auront été prises.

L'amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030
Article 36

Article 35

L'article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) À la première phrase, la date : « 31 mars 2025 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2027 » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Aux seules fins de signaler ces événements aux services de la police municipale, les agents mentionnés à l'article L. 132-14-1 du code de la sécurité intérieure peuvent être autorisés à accéder aux signalements du traitement, à condition d'être placés sous la supervision permanente d'au moins un agent de la police municipale. » ;

2° Le XI est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase, la date : « 31 décembre 2024 » est remplacée par la date : « 30 septembre 2027 » et les mots : « dont le contenu est fixé » sont remplacés par les mots : « établi par un comité d'évaluation présidé par une personnalité indépendante, dans des conditions précisées » ;

b) La troisième phrase est complétée par les mots : « , ainsi que le contenu du rapport susmentionné » ;

c) Après la quatrième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le décret définit les conditions dans lesquelles l'évaluation associe également des personnalités qualifiées indépendantes nommées notamment par le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et par le ministre de l'intérieur sur proposition du président du comité. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Dossus, Mme Ollivier, MM. Benarroche, Gontard, G. Blanc, Dantec et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 47 est présenté par Mme Cukierman, M. Bacchi, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Thomas Dossus. L'article 35 prévoit la possibilité de prolonger de deux ans l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique, également appelée « vidéoprotection intelligente » ou « caméra augmentée ».

Madame la ministre, je rappelle que votre prédécesseure, lorsqu'elle nous avait proposé ce dispositif au moment des JOP de Paris, justifiait cette mesure par la nécessité de sécuriser la cérémonie d'ouverture. Celle-ci devait accueillir 600 000 personnes sur les bords de Seine, et il fallait des technologies plus performantes pour prévenir les mouvements de foule et disposer d'alertes automatiques.

La cérémonie d'ouverture fut magnifique et, fort heureusement, aucun incident grave n'est survenu, pour de multiples raisons. L'expérimentation a eu lieu et a ensuite été évaluée, sans pour autant que des conclusions définitives soient tirées quant à l'utilité de cette technologie. Et voici qu'il nous est proposé de la prolonger, au motif, semble-t-il, que l'absence de certitudes justifierait la poursuite des essais.

Si une telle expérimentation est menée, c'est précisément en raison des vives inquiétudes que cette technologie soulève. Il s'agit de l'irruption d'algorithmes dans notre espace public, qui le codifient, et interprètent nos agissements pour distinguer un comportement « normal » d'un comportement « anormal ».

Notre alerte se fonde sur la crainte de l'avènement d'une société de surveillance (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), contrôlée par des algorithmes privés qui analysent nos comportements. Si nous expérimentons, c'est parce que chacun ici mesure la menace qui pèse sur nos libertés publiques.

En revanche, le lien avec les JOP d'hiver de 2030 peine à apparaître. On ne comprend pas pourquoi cet événement devrait être l'occasion de recourir à cette technologie ni pourquoi l'expérimentation serait prolongée à cette occasion, d'autant plus qu'elle ne couvrira même pas la période de son déroulement.

Ce sujet n'a donc tout simplement pas sa place dans le présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l'amendement n° 47.

M. Jérémy Bacchi. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Je rappelle que la commission des lois a créé en son temps une mission d'information consacrée à cette question, dont les rapporteures étaient Françoise Dumont et Marie-Pierre de La Gontrie. La principale préconisation de leur rapport était de reconduire l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique menée entre 2023 et 2025, notamment dans le cadre des JOP de 2024. Tel est précisément l'objet de cet article 35.

Cette démarche est confortée par les travaux du comité d'évaluation de l'expérimentation, présidé par Christian Vigouroux, lesquels portent trois enseignements.

Premièrement, le dispositif n'a pas pleinement fait la preuve de son efficacité en raison du manque de maturité et du faible nombre de solutions d'intelligence artificielle (IA) disponibles.

Deuxièmement, son intérêt opérationnel, quoique limité, s'est avéré bien réel, et il a pu constituer un outil précieux d'aide à la décision pour les opérateurs.

Troisièmement, ce dispositif « ne heurte les libertés publiques ni dans sa conception ni dans sa mise en œuvre », selon les propres mots du rapport.

Je précise également que le cadre de l'expérimentation est rigoureusement défini par son champ d'application opérationnel, par la liste limitative des services compétents et par le concept de primauté humaine.

Les traitements expérimentés demeurent en effet sous le contrôle permanent des personnes chargées de leur mise en œuvre : il s'agit d'une aide à la mobilisation humaine, et non d'une substitution. Le cadre est défini, ensuite, par un monopole de l'État sur le choix de la technologie, qui doit satisfaire plusieurs exigences posées par la loi, et, enfin, par un contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et du comité d'évaluation indépendant que je viens de citer.

C'est donc en fonction des résultats de cette nouvelle expérimentation qu'il sera possible d'utiliser ce dispositif dans les meilleures conditions pour les JOP de 2030.

Par conséquent, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie Barsacq, ministre. L'expérimentation de la vidéoprotection augmentée est prolongée précisément parce qu'il est nécessaire d'en tirer toutes les conséquences en amont des Jeux de 2030, afin de déterminer s'il sera opportun de la mettre en application à cette occasion.

Il faut poursuivre cette expérimentation, car, lors des Jeux de Paris 2024, la présence massive d'agents de sécurité n'a pas permis de tirer pleinement parti des avantages de cette opportunité technologique.

L'objectif est donc de mener cette analyse à son terme, dans le contexte des Jeux dans les Alpes en 2030, qui sera très différent, avec une moindre présence des forces de l'ordre. Le schéma d'organisation parisien – chacun le sait – était en effet très compact, avec une forte densité de compétitions dans un même espace.

Pour ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Si je vous comprends bien, monsieur le rapporteur, on remplace la présence humaine par l'IA au motif qu'il y aura moins d'agents !

Le lien avec les JOP d'hiver demeure pourtant obscur, car l'affluence du public y sera bien moindre que lors des JOP d'été, notamment ceux de Paris. Il apparaît donc clairement que l'on se sert de la fête et du sport comme prétexte pour introduire ces technologies de surveillance.

Vous persistez à affirmer que ce dispositif ne suscite aucune crainte pour les libertés publiques. Si tel est le cas, pourquoi organisons-nous une expérimentation ? C'est précisément parce que cette technologie et l'influence des algorithmes dans l'espace public sont préoccupantes qu'il est nécessaire de l'expérimenter pour en tirer des conclusions !

Or, vous l'avez dit vous-même, cette expérimentation s'est avérée non concluante lors d'un événement aussi important que les JOP de Paris. Je ne comprends donc pas pourquoi nous devrions continuer à utiliser les Jeux, le sport, la fête, pour imposer de telles technologies de surveillance dans la population.

De plus, monsieur le rapporteur, vous préemptez les résultats de cette nouvelle phase en affirmant qu'elle permettra de déployer ces outils de façon efficace pendant les JOP de 2030. Si vous savez déjà que le dispositif sera utilisé, il est légitime de s'interroger sur le sens de cette prolongation.

En définitive, je ne comprends toujours pas la logique reliant cette expérimentation, qui s'achèvera bien avant 2030, à l'organisation des Jeux cette année-là !

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. L'expérimentation de la vidéoprotection augmentée a effectivement été introduite par le véhicule législatif relatif à la sécurisation des JOP de 2024. Je rappelle toutefois qu'elle ne s'appliquait pas uniquement à cet événement, mais à l'ensemble des grands rassemblements de plus de 300 personnes, afin d'en faciliter la sécurisation.

L'intérêt de cette technologie est d'utiliser des séquences prédéterminées, sous le contrôle de la Cnil et après autorisation préfectorale, pour permettre aux algorithmes de signaler les images correspondant à des situations à risque.

Comme l'a justement dit le rapporteur, il s'agit d'une aide à la décision humaine, entièrement contrôlée, qui permettra notamment, lors des grands événements comme les JOP d'hiver, de préserver la ressource humaine, dont nous savons qu'elle constitue souvent le point faible de la sécurisation de tels événements. Cet outil permet donc, plutôt que de mobiliser des agents pour visionner des écrans en permanence, que les images pertinentes soient signalées par des algorithmes.

Avec ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie, nous avons pu observer cette expérimentation lors d'un concert de Depeche Mode ; nous avions alors constaté qu'elle présentait des possibilités intéressantes, mais qu'elle n'était pas encore totalement opérationnelle. Il fallait donc poursuivre l'expérimentation, à l'instar de ce que font déjà la SNCF et la RATP, pour que cet outil devienne pleinement utile et produise tous ses effets.

Il est donc de bonne guerre de poursuivre dans cette voie afin de donner toute sa puissance à cette vidéoprotection augmentée, qui sera très utile pour la sécurisation des grands événements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 47.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Bacchi, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le premier alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette information est assurée par la publication de l'arrêté préfectoral d'autorisation mentionné à l'article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure au moins quarante-huit heures avant le début de l'expérimentation. » ;

La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Il s'agit d'un amendement de repli visant à garantir que, lorsqu'un traitement algorithmique des images de vidéoprotection captées par des aéronefs est mis en œuvre, le public en soit informé quarante-huit heures à l'avance.

Par cette mesure, nous entendons assurer l'effectivité du droit au recours. En effet, l'expérience des JOP de Paris 2024 a, hélas, démontré que certains arrêtés préfectoraux étaient intervenus trop tardivement, voire après le début de la mise en œuvre de la vidéoprotection.

Cet amendement s'inspire du rapport d'information de la mission flash, conduite à l'Assemblée nationale par nos collègues députés Éric Martineau et Stéphane Peu, sur le bilan des jeux Olympiques et Paralympiques dans le domaine de la sécurité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. Cet amendement vise à imposer que l'arrêté préfectoral autorisant l'expérimentation prévue à l'article 35 soit publié quarante-huit heures avant sa mise en œuvre.

Un tel délai n'est, en principe, pas imposé pour les mesures de police administrative générales. Ce n'est le cas ni en matière de vidéoprotection ni pour la définition d'un périmètre de protection par le préfet. A fortiori, il n'était pas non plus imposé dans le cadre de la première expérimentation qui, je le rappelle, n'a « [heurté] les libertés publiques ni dans sa conception ni dans sa mise en œuvre ».

Vous évoquez le fait que des arrêtés préfectoraux auraient été pris tardivement. En réalité, le problème ne s'est posé qu'une seule fois, lors d'un arrêté concernant la sécurisation de la cérémonie d'ouverture. L'autorisation de la préfecture de police avait bien été prise la veille, mais n'a été publiée que cinq jours plus tard. La préfecture a reconnu cette erreur, et il faudra être vigilant pour qu'elle ne se reproduise pas.

Pour autant, cet incident isolé n'appelle pas l'évolution législative que vous suggérez. L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Marie Barsacq, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)