Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. La situation est quelque peu ubuesque… Par définition, si le travail est totalement automatisé, il n'y a pas de salarié. (Mmes Raymonde Poncet Monge et Silvana Silvani protestent.)

La fête du 1er mai est régie par le code du travail. L'amendement est donc hors champ, d'où notre avis défavorable.

Si votre préoccupation est d'exclure les supermarchés et hypermarchés du dispositif, soyez rassuré, mon cher collègue : la proposition de loi, telle qu'elle est écrite, permet à coup sûr d'interdire leur ouverture. L'on peut ainsi considérer que l'amendement est satisfait, donc inutile. (Mme Annick Billon renchérit.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, il y a toujours des salariés !

Mme Raymonde Poncet Monge. Sauf peut-être pour les casiers de livraison ! Mais même là, il y a bien quelqu'un qui les approvisionne. Il y a donc forcément des salariés.

Nous sommes en droit de nous demander pourquoi vous ne regrettez pas que les inspecteurs du travail, qui, eux, ne peuvent bénéficier du 1er mai chômé, étant justement chargés de veiller à sa bonne application, ne puissent empêcher que ce phénomène persiste.

Il existe un moyen de contournement assez simple : il suffit que le vigile soit autoentrepreneur. Vous avez tellement permis et favorisé ce statut, en marge du code du travail, que cela est possible.

Hier, certains parlaient d'usines sans hommes : cela n'existe pas, pas plus qu'un monde sans usine, d'ailleurs. Aujourd'hui, n'entretenons pas l'illusion selon laquelle on peut ouvrir un magasin entièrement automatisé sans la présence d'un humain. Ce n'est pas possible, à l'exception peut-être, je le redis, des casiers qui existent dans certains endroits.

Il y a donc bien des personnes. Sont-elles salariées ? En ce cas, il convient de diligenter un contrôle des inspecteurs du travail pour y regarder de plus près. Autrement, peut-être s'agit-il d'autoentrepreneurs : après tout, vous avez suffisamment développé ce statut pour cela.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Dans le prolongement de la réponse de M. le rapporteur, j'aimerais obtenir une explication de la part de Mme la ministre.

En effet, s'agissant du travail automatisé dans ce type de commerce, comme le pratiquent Casino ou Monoprix, le rapporteur nous affirme que nous sommes protégés, qu'il n'y a pas de danger sur ce point.

Je vais vous faire part de mon expérience : pour celui ou celle qui est vigile, qui ouvre ou ferme le magasin, il s'agit de volontariat. Or, dans le même temps, ces entreprises se dotent d'un système totalement automatisé où, c'est certain, il n'y a aucun problème de subordination ou de volontariat.

Dès lors, si Mme la ministre nous garantit que les entreprises de commerce qui ouvrent le 1er mai avec un système de travail totalement automatisé enfreignent la loi, nous sommes prêts à retirer l'amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je ne puis que confirmer les propos de M. le rapporteur. Il n'y a donc pas de crainte à avoir : vous pouvez retirer l'amendement.

Mme la présidente. Monsieur Savoldelli, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, j'estime, très sincèrement, ne pas avoir eu de réponse. Comme il n'y a pas eu d'argumentation, je maintiens l'amendement et le vote tranchera, légitimement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2311-1 du code du travail, est présenté chaque année un bilan du volontariat des salariés ayant travaillé lors de la journée du 1er mai. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les entreprises de plus de cinquante salariés disposent obligatoirement d'un comité social et économique (CSE), lequel doit être consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale.

Sur ce dernier point, notamment s'agissant des conditions de travail et d'emploi, l'employeur présente au CSE les rapports et programmes relatifs à la santé et à la sécurité au travail.

Dans ce cadre, il nous semble utile de fournir aux représentants du personnel des informations chiffrées sur le recours au volontariat des salariés lors de la journée du 1er mai. Les syndicats doivent pouvoir disposer d'un bilan exhaustif du nombre de salariés, des postes occupés, de la répartition par genre et du montant des indemnités accordées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Notre objectif n'est pas de permettre aux supermarchés et hypermarchés, qui sont souvent des entreprises de plus de cinquante salariés, d'ouvrir le 1er mai. Nous voulons même l'empêcher.

Par ailleurs, accroître les charges administratives des petits commerces ou des très petites entreprises (TPE) n'a pas de sens, il y a déjà bien assez de lourdeurs de ce type qui pèsent sur les petites entreprises de notre pays.

L'avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement, comme le précédent, est quelque peu ubuesque. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

En effet, les entreprises disposant d'un CSE ne sont pas concernées par le champ de cette proposition de loi : aucun boulanger, aucun fleuriste ne s'en est doté.

Comme l'a dit M. le rapporteur, l'adoption de cet amendement n'aboutirait qu'à alourdir inutilement les charges administratives.

Par conséquent, l'avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je sais l'occasion qui m'est donnée pour revenir sur la notion de volontariat. Selon vous, chers collègues qui soutenez cette proposition de loi, il faudrait faire évoluer le droit, car de nombreux volontaires seraient prêts à travailler le 1er mai afin d'être mieux rémunérés.

Permettez-moi de m'interroger : le volontariat tel que vous l'évoquez, le volontariat réel, n'existe pas. Vous savez très bien que le lien de subordination matérialisé par le contrat de travail fait que l'on est volontaire, non pas réellement, mais par obligation. Par définition, le volontariat n'existe donc pas.

Les employeurs obligent souvent les salariés à travailler le dimanche et le 1er mai, sous peine de licenciement pour ceux qui ne seraient pas volontaires. Voilà la vraie vie dans les entreprises. Et si, lors d'un entretien d'embauche, on demande à un candidat s'il sera volontaire pour travailler le 1er mai et qu'il répond par la négative, curieusement, il ne sera pas recruté…

Vous dites que des salariés – je précise qu'il s'agit souvent de femmes dans ces secteurs – voient le travail du dimanche ou le 1er mai comme un moyen d'augmenter leur rémunération. Alors, plutôt que de parler de volontariat, ne devrions-nous pas prendre le problème autrement ? Ne devrions-nous pas faire en sorte d'augmenter les salaires, en particulier les plus faibles, afin que les gens puissent vivre dignement ? Alors, ce faux volontariat disparaîtrait et nous n'aurions pas à nous interroger sur les statistiques liées à une telle notion.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote sur l'article.

Mme Corinne Féret. Cette proposition de loi étant, à mon sens, totalement contraire à l'idée même que je me fais de l'organisation et des conditions de travail, je souhaite ajouter quelques mots.

Après avoir réduit de deux années la durée de vie à la retraite, le Gouvernement, en soutenant cette proposition de loi, remet en question la spécificité du 1er mai, qui n'est pas un jour comme les autres. Il est un jour férié, obligatoirement chômé et symbolique. Il n'est pas un jour exceptionnel pour rien : il marque la journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs depuis plus de cent ans.

Remettre en cause le principe de cette journée, c'est remettre en cause cent ans d'histoire, cent ans de luttes sociales. C'est notre histoire à tous et, pour nous projeter dans l'avenir, nous devons tenir compte de ces combats et de cette histoire.

Le Gouvernement a engagé, pour cette proposition de loi, la procédure accélérée – permettez-moi de m'en étonner, comme d'autres collègues avant moi – et il l'a inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire… (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.)

Enfin, je reviens rapidement sur la notion de volontariat, qui sous-tend la plupart de vos arguments en faveur de ce texte : ce n'est qu'un artifice !

En tout état de cause, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre l'article unique de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote sur l'article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous avons déjà exposé les raisons de notre opposition à ce texte.

Cela étant, je m'adresse, s'ils existent, à ceux qui, à droite et au centre, sont de bonne foi et estiment que l'on peut ne remettre en cause que partiellement le 1er mai en accolant à sa définition générale une dérogation pour quatre secteurs particuliers. Eh bien, cela n'est pas possible !

Certes, la rédaction actuelle est bien meilleure, monsieur le rapporteur, que celle qui consistait à appliquer au 1er mai la même dérogation que pour le repos dominical – là, le 1er mai explosait totalement !

Aujourd'hui, ceux qui travaillent le 1er mai ne sont pas volontaires : leur travail est obligatoire, que ce soit pour un service productif – on ne peut pas arrêter une raffinerie de pétrole, par exemple – ou un service public comme les hôpitaux. Ils ne sont donc pas volontaires et l'on ne peut accoler au 1er mai la notion de volontariat : ce serait un contresens.

De ce fait, il existe une majoration de salaire, mais cela n'a rien à voir avec, par exemple, des heures supplémentaires. Cette majoration est une compensation du fait que ces employés devraient chômer.

Ainsi, il n'y a pas de petite remise en cause ; il y a de toute façon une remise en cause, dès que l'on met le pied dans la porte. Vous introduisez des notions de volontariat, de double salaire, etc., qui sont absolument impropres et qui constituent un contresens total par rapport à la raison d'être du 1er mai.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 342 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 225
Contre 107

Le Sénat a adopté.

Article unique (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

salariés

par le mot :

employeurs

et le mot :

travailler

par les mots :

faire travailler leurs employés

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous souhaitons modifier l'intitulé de la proposition de loi pour qu'il soit plus adéquat, plus juste, et que, tout simplement, il ne soit pas inversé.

En effet, le texte vise en fait à permettre aux employeurs – eh oui ! – de certains établissements et services de faire travailler leurs employés le 1er mai.

Voilà pourquoi nous ne pouvons cautionner l'implicite de l'intitulé actuel, lequel mentionne une proposition de loi visant à permettre aux salariés de travailler le 1er mai. Cela laisse à penser que ceux-ci seraient massivement demandeurs pour travailler lors de ce seul jour obligatoirement chômé, ou bien que ce serait le cas de leurs représentants, y compris de branche.

Ils le seraient alors que, autour d'eux, tout le monde chôme, à commencer par leur famille, et que la majeure partie des services et administrations sont fermés, ce qui porterait atteinte – je m'adresse là aux gens de droite – à l'articulation entre leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Il est plus exact, voire plus honnête, de retenir une formulation qui rende compte du fait que la demande émane des employeurs et de leurs syndicats.

Au regard de tous ces constats, l'intitulé doit traduire le fait que le demandeur est le patronat, et non la partie représentative des salariés, unanime contre cette dérégulation – on nous dit pourtant qu'il faut respecter les partenaires sociaux…

Le patronat demande qu'il soit enfin permis aux employeurs de faire travailler leurs employés le 1er mai. La raison en serait, non plus l'impossibilité d'interrompre le travail, mais tout simplement la volonté d'augmenter le chiffre d'affaires pendant que les autres commerces sont fermés.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement irait totalement à l'encontre de l'intention des auteurs de la proposition de loi, Annick Billon et Hervé Marseille. En effet, nous avons expliqué, tout au long de ce débat, qu'il s'agissait de circonscrire le dispositif aux trois ou quatre cas évoqués : fleuristes, jardineries, boulangeries et activités culturelles, par exemple les cinémas. Nous ne souhaitons pas qu'il soit étendu aux moyennes et grandes surfaces.

C'est un peu le nœud de notre désaccord : le dispositif s'appuie sur un volontariat encadré. Il n'y a pas, selon nous, d'incompatibilité entre volontariat, qu'il faut contrôler et encadrer, et lien de subordination.

L'intitulé retenu par les auteurs de la proposition de loi est donc parfaitement juste. Par conséquent, l'avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Tout cela est un peu triste…

Mme Monique Lubin. Eh oui.

Sous prétexte d'aider deux secteurs qui ont un impérieux besoin d'ouvrir le 1er mai, ce que nous ne contestons pas, mais surtout de faire travailler leurs salariés ce jour-là, vous ouvrez la porte à d'autres professions, essentiellement dans le commerce. Ce qui régit notre vie de citoyen, ce sont donc, aujourd'hui, les commerces !

Voilà pourquoi je trouve tout cela un peu triste.

Vous allez continuer à créer différentes catégories de salariés.

Ainsi, il y aura ceux qui pourront continuer à ne pas travailler le 1er mai, à profiter de loisirs, à poser des jours de congés autour de cette date pour partir en vacances, à bénéficier de tout ce que le droit du travail leur aura donné, de tout ce que les luttes des ouvriers, souvent sanglantes, du début du XXe siècle leur auront donné.

Et puis il y aura les autres, qui sont souvent, d'ailleurs, les héritiers de ceux qui ont lutté : eux continueront à être captifs de leur triste sort, qui est de toujours travailler pour que les autres puissent profiter de la vie.

Mme Monique Lubin. J'ai même entendu l'un d'entre vous, mes chers collègues, affirmer en substance – je caricature un peu – que, la France allant mal, il fallait travailler pour que les caisses de l'État se remplissent. En d'autres termes, c'est toujours aux mêmes de faire les efforts pour combler les déficits. Et je pense que nous entendrons encore de tels propos au cours des mois à venir.

C'est un jour triste et le groupe SER votera, bien évidemment, contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Cette proposition de loi permet de clarifier les conditions du travail des employeurs et des salariés le 1er mai. En effet, les employeurs, depuis des années, bénéficiaient d'une tolérance bienveillante pour ouvrir leur commerce avec des salariés volontaires. A priori, cela ne posait pas de problème avant les contrôles et sanctions.

Le 1er mai, jour férié et chômé, est la fête du travail et du mouvement social. Ce dernier, pendant le XXe siècle, a permis d'arriver progressivement à un équilibre des droits entre les employés et les employeurs.

Il fallait clarifier le fait que travaillent, le 1er mai, des employés volontaires dans des entreprises bien définies, avec un périmètre précis des activités autorisées, ce qu'ont permis de faire les amendements de M. le rapporteur.

En ce qui concerne le volontariat pour les salariés, il est garanti et il a été précisé par l'amendement n° 17 rectifié bis de l'auteure du texte, Mme Annick Billon.

Il s'agit donc pour moi d'une clarification responsable, et non d'une loi contre le monde du travail. Loin de l'ouverture d'une boîte de Pandore, il s'agit d'un texte nécessaire, qui permet de pérenniser ce qui existe pour les fleuristes et les boulangers, notamment pour les petites entreprises, les supermarchés étant exclus du dispositif.

En outre, les artisans et les commerçants travaillent aussi avec leurs salariés, qui veulent souvent que leur entreprise n'interrompe pas son activité. Ainsi, dans beaucoup de petites entreprises, il y a une solidarité entre les employés et les employeurs, plutôt que des conflits perpétuels. En cela, je ne me suis pas retrouvé dans certains propos.

Le groupe Les Indépendants votera pour cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Je voulais attirer l'attention sur certains glissements sémantiques, qui ne sont pas anodins.

A été évoquée « l'insécurité juridique » d'un certain nombre d'artisans ou de commerces. Pardon, mais quand on transgresse une loi, on est non pas en insécurité juridique, mais hors la loi, tout simplement ! Il convient donc de dénoncer ce glissement sémantique, auquel nous ne souscrivons pas.

Un autre glissement a consisté en l'introduction, tout d'un coup et à l'envi, de la notion de volontariat là où il existe déjà une relation professionnelle, un encadrement par le code du travail et, je l'espère, un contrat de travail. Ce n'est pas en répétant à qui mieux mieux le terme de volontariat que l'on va finir par y croire.

Malgré ces glissements sémantiques, personne ici n'est réellement dupe de la manœuvre.

Finalement, vous vous cachez derrière quelques artisans, qui ont tout notre respect. Certains d'entre eux sont venus nous voir tout à l'heure : leur propos est beaucoup plus nuancé que celui que vous leur prêtez.

En vous attaquant au 1er mai, vous vous attaquez à tous les salariés.

Cela étant dit, je note tout de même un point « positif » : le parfait accord entre la droite sénatoriale et le Gouvernement, qui aujourd'hui – c'est arrivé à d'autres moments – parlent d'une seule voix et défendent un même texte.

Bien évidemment, le groupe CRCE-K votera contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je souhaite ajouter quelques mots. Peut-être cela vous surprendra-t-il, mais ne peut-on vraiment pas acheter son pain la veille du 1er mai ? (Mme Monique Lubin rit.)

Pendant mon enfance, mes yeux étaient écarquillés lorsque ma grand-mère faisait du pain perdu. Or le pain perdu ne se prépare pas avec du pain frais ! (Sourires.) De même, dans notre patrimoine culinaire, bien des recettes ne comportent pas de pain frais. Voilà pour une petite note d'insolence et d'humour…

Arrêtez de nous vendre l'idée selon laquelle il faudrait absolument acheter son pain le 1er mai ! Épargnez-nous vos références patrimoniales ou morales : cela ne fonctionne pas.

En outre, j'observe que, au cours du débat, aucun amendement déposé par la gauche n'a été retenu. Ainsi, l'auteure du texte, le rapporteur et la ministre ont décidé de leurs propres exceptions, en rejetant toute autre proposition.

De toute évidence, je conteste les valeurs défendues par mes collègues de droite, qui se réclament de la liberté de travailler. Disons-le clairement : ajouter des exceptions en cascade revient à définir une nouvelle réglementation du travail. (Mme Monique Lubin acquiesce.) Nous devrions donc vraiment inventer un code du capital, à côté du code du travail.

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. On l'a rappelé, cela fait quarante ans que des fleuristes et des boulangers ouvrent leur commerce le 1er mai sans leurs salariés, qui ont le droit de chômer. Or vous prétendez tout à coup que ce n'est plus possible : les salariés devraient maintenant travailler pendant cette journée, au prétexte que des commerces de proximité rencontrent des difficultés économiques et souhaitent se maintenir à flot.

L'enjeu n'est pas de savoir si les salariés doivent ou non travailler le 1er mai, il est d'apporter des réponses aux artisans et aux commerces de proximité en difficulté. Ce n'est pas en piétinant le seul jour chômé qui existe en France que nous allons résoudre les problèmes !

Ce que je trouve terrible – et ceux qui nous écoutent en sont probablement tout autant choqués –, c'est que la proposition de loi vise à « permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai », comme si de très nombreux travailleurs manifestaient cette envie.

Nous nous apprêtons à voter la pire régression sociale de ces dernières années,…

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Pire que la réforme des retraites ?

Mme Ghislaine Senée. … sous couvert de garantir aux salariés la liberté de travailler, alors qu'il s'agit, au contraire, d'un droit qu'on leur retire !

Le 1er mai est le seul jour chômé où des millions de personnes – voire des milliards, en incluant les autres pays qui fêtent aussi les travailleurs – ont le droit de ne pas travailler.

Ainsi, cette proposition de loi est désespérante, cela décrédibilise encore la parole politique. J'y insiste, vouloir « permettre » aux salariés de travailler le seul jour chômé qui existe est d'un cynisme qui me heurte profondément.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J'ai quitté l'hémicycle tout à l'heure, mais on m'a rapporté qu'Annick Billon se serait émue de l'emploi du mot « réactionnaire ».

M. Patrick Kanner. Je suis donc allé chercher une définition dans le dictionnaire : est réactionnaire une politique qui prône et met en œuvre un retour à une situation passée, réelle ou fantasmée, en révoquant une série de changements sociaux ou sociétaux.

Nous y sommes, chers collègues ! (Eh oui ! sur les travées du groupe CRCE-K.) Ce n'est pas une insulte que de le dire.

Vous prenez bien une décision réactionnaire au travers de ce qu'il conviendra d'appeler, dans l'histoire sociale de notre pays, la loi Billon-Marseille.

Dans cette logique, vos arguments ont porté essentiellement sur le volontariat qui, de toute évidence, permet au renard d'entrer dans le poulailler. Vous entendez appliquer la loi du plus fort contre les salariés, tout cela pour assurer des avantages économiques ridicules.

On a parlé du pain perdu. Notez qu'il existe, depuis maintenant quelques années, des congélateurs et qu'ils peuvent se révéler particulièrement utiles... Le pain congelé est sans doute moins bon que le pain frais, je vous le concède. Mais, si pour avoir du pain frais, il faut en venir à une politique réactionnaire, cela me désole !

Du reste, cette proposition de loi a été inscrite, par le Gouvernement, à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Celle-ci se terminera d'ailleurs en feu d'artifice, jeudi et vendredi prochains, avec l'examen de la proposition de loi défendue par Mme Dati, qui menace de liquidation l'audiovisuel public via la mise en place d'une holding. N'en doutez pas, c'est un texte que nous combattrons aussi avec force et vigueur.

Je constate que vous êtes allés vite pour nous soumettre la présente proposition de loi, mes chers collègues, le Gouvernement ayant même engagé la procédure accélérée. Vous feriez bien de continuer à avancer vite à la rentrée, car, au rythme où vous prenez des décisions extrêmement négatives pour le pays, la censure vous attend.

Mme Pascale Gruny. Ici, il n'y en a pas !

Mme Monique Lubin. Et pas que la censure !

M. Patrick Kanner. Continuez comme cela et vous verrez que la censure sera au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. De toute évidence, nous n'allions pas voter les amendements tendant à supprimer l'article unique, car nous sommes fiers de défendre cette proposition de loi et nous souhaitons qu'elle puisse être votée.

En effet, monsieur Kanner, je ne me reconnaissais pas dans le terme de « réactionnaire », car cela fait quarante ans que des artisans boulangers et fleuristes ouvrent le 1er mai. Si je me suis émue de votre interprétation, c'est parce que notre texte ne vise nullement à opérer un retour en arrière.

Mme Annick Billon. D'ailleurs, je tiens à remercier le rapporteur et la commission des affaires sociales pour le travail mené sur ce texte qui, conformément à son objectif initial, permet de sécuriser et de limiter l'ouverture de certains établissements le 1er mai.

Je l'ai répété, nous sommes attachés au 1er mai, qui est de toute évidence un jour férié et chômé. Néanmoins, les fleuristes et les boulangers doivent pouvoir ouvrir leur commerce sans risquer des contrôles et des verbalisations.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons tenu à savoir combien d'artisans boulangers ouvraient leur commerce le 1er mai. Nous avons ainsi constaté qu'ils étaient 35 000, sur l'ensemble du territoire, à travailler pendant cette journée.

Bref, il y a bel et bien des artisans qui travaillent le 1er mai et leurs salariés sont payés le double. Force est de constater que, jusqu'à ce jour, ce statu quo n'a jamais ému personne, sauf depuis 2022, où des boulangers ont été soudainement verbalisés dans quelques départements. L'ensemble de la profession s'est alors sentie en danger.

Ainsi, après avoir été sollicités par les professionnels de toutes les filières concernées, Hervé Marseille et moi-même avons tenu à apporter des solutions, une sécurisation, un éclaircissement. (Mme Silvana Silvani s'exclame.)

Tel était l'objectif visé par ce texte, lorsque nous l'avons rédigé. Désormais, grâce au travail du rapporteur, il est beaucoup plus précis. Il évite ainsi les dérives qui ont été évoquées. Encore une fois, je suis très fière et satisfaite de défendre ce texte et j'espère qu'il entrera en vigueur très rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le 1er mai, c'est non pas la fête du travail, mais la fête des travailleurs ; la fête des hommes et des femmes qui se lèvent tous les matins pour aller bosser. Il s'agit bien, chers collègues, d'un acquis social.

En définitive, ce débat est très éclairant. Deux visions complètement différentes de la société s'affrontent, celle de la droite et celle de la gauche. On l'a dit tout à l'heure, ce débat de fond est idéologique et ce n'est pas, en soi, un problème.

Une chose est sûre, nos collègues de droite s'inscrivent dans une logique libérale.